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École des chartes » thèses » 2000

Édition critique des lettres d’Antoine Singlin (1607-1664), supérieur de Port-Royal


Introduction

La fascination exercée par Port-Royal a franchi les siècles sans perdre de sa force, continuant de nourrir la réflexion, l’admiration ou l’animosité de ceux qui s’en approchent. Parce qu’il a enfanté le jansénisme, Port-Royal interroge, exaspère, mais ne laisse jamais indifférent. Après la Seconde guerre mondiale, l’étude du jansénisme cessa d’être l’apanage des littéraires et des théologiens pour entrer dans les préoccupations des historiens. Parallèlement, la publication de textes inédits ou la réédition critique d’œuvres parues aux XVII e et xviiie  siècles contribuent à enrichir et à renouveler la réflexion en faveur d’une vue plus juste des événements. Le domaine des correspondances n’échappe pas au regard critique des éditeurs et des historiens. Si certains protagonistes du mouvement janséniste avaient bénéficié d’une édition précoce de leurs lettres dès le xviie ou le XVIII e  siècle, tels la mère Angélique, Arnauld, Sacy ou Quesnel, d’autres correspondances ne furent mises au jour qu’au xixe ou au xxe  siècle, comme celles de la mère Agnès ou de Martin de Barcos. C’est ainsi que les lettres d’Antoine Singlin (1607-1664) étaient demeurées à ce jour inédites.

D’Antoine Singlin, on ne conserve aucune œuvre personnelle, manuscrite ou imprimée. Le témoignage de ses lettres n’en est que plus digne d’intérêt. En effet, la figure d’Antoine Singlin a prêté le flanc à toutes les interprétations : sa proximité de l’abbé de Saint-Cyran et la longueur de son ministère à Port-Royal en font un personnage aussi méconnu qu’incontournable parmi les acteurs du premier Port- Royal, celui d’avant la persécution de 1664.

La correspondance du prêtre était un prolongement de sa direction spirituelle. Le genre épistolaire n’était pas cultivé à Port-Royal : on n’écrivait pas pour bien raconter, encore moins pour se raconter. Si les lettres de Singlin ne sont pas centrées sur leur auteur, elles sont en revanche tissées de la vie du monastère, des préoccupations quotidiennes du directeur comme des inquiétudes du supérieur de Port-Royal persécuté. Surtout les avis de Singlin sont un témoignage de la spiritualité de Port-Royal, telle que la vivaient les religieuses et les dirigés, et non telle qu’on se la représentait à l’extérieur du monastère. Sur un sujet aussi controversé que le jansénisme, l’édition des lettres de Singlin, comme de tout autre texte contemporain, permet de porter un regard plus juste sur la réalité de la vie à Port-Royal.

La biographie de Singlin placée en introduction à ces lettres, ainsi que la présentation de la spiritualité du directeur de Port-Royal, ont été élaborées à partir d’éléments fournis par les lettres, qui ont été confrontés, chaque fois que cela était possible, aux informations fourmes par les historiens de Port-Royal. Il convenait également de faire dialoguer ces éléments de biographie avec les sources contemporaines que sont principalement les correspondances d’autres acteurs de Port-Royal, comme la mère Angélique, la mère Agnès ou Antoine Arnauld. Il est difficile de faire une biographie de Singlin sans récrire l’histoire de Port-Royal, tant l’existence du prêtre se nourrissait et se consumait tout à la fois au service du monastère. A travers la vie de Singlin, c’est moins une nouvelle version qu’une autre vision de l’histoire du monastère qu’il faut rechercher.


Sources

Les sources manuscrites et imprimées des lettres d’Antoine Singlin sont présentées en détail en introduction à l’édition critique, au début de la seconde partie.

Les principales sources imprimées de la biographie d’Antoine Singlin, outre ses lettres, sont les Mémoires de plusieurs amis de Port-Royal et contemporains d’Antoine Singlin : Nicolas Fontaine (1625-1709), Claude Lancelot (1615-1695), Pierre Thomas du Fossé (1634-1698). Deux recueils de relations et de témoignages port-royalistes édités au xviiie  siècle contiennent des informations sur Singlin : les Mémoires pour servir à l’histoire de Port-Royal, Utrecht, 1740, et le Recueil de plusieurs pièces pour servir à l’histoire de Port-Royal, Utrecht, 1740. Enfin, les correspondances de la mère Angélique, de la mère Agnès, d’Antoine Arnauld et de Martin de Barcos font une grande place à Antoine Singlin.

Des actes notariés du Minutier central des notaires de Paris aux Archives nationales ont permis de vérifier ou de préciser certaines affirmations des mémorialistes, en particulier sur la famille d’Antoine Singlin.


Première partie
La vie et la spiritualité d’Antoine Singlin (1607-1664)


Chapitre premier
De Saint-Eustache à Port-Royal (1607-1643)

Jeunesse (1607-1633)  — La jeunesse d’Antoine Singlin demeure mystérieuse. L’examen des actes notariés permet toutefois de mettre en valeur les liens qui unissaient plusieurs membres de la famille de Singlin à Port-Royal : outre son frèreMathieu, envoyé par Saint-Cyran dans son abbaye poitevine, la mère de Singlin, Marguerite Gosselin, était en relation étroite avec les religieuses, ainsi que Pierre Singlin, frère d’Antoine, dont la fille Marie-Angélique était pensionnaire à Port-Royal. Pierre Singlin constitua une rente en faveur de Victor Pallu, médecin des Solitaires de Port-Royal, et bénéficia lui-même d’une rente constituée par Guillaume Du Gué de Bagnols, grand ami du monastère.

De 1620 à 1629, Antoine Singlin fut mis en apprentissage chez Jean de Faverolles, marchand drapier. La famille de ce commerçant était très engagée dans l’action charitable et les exercices de dévotion voulus par la Contre-Réforme. Cette période influença le jeune homme qui songeait à quitter le commerce pour se donner à Dieu.

De 1629 à 1633, Singlin subit l’influence de Vincent de Paul qui l’engagea sur la voie du sacerdoce et du service des pauvres de l’hôpital de la Pitié. Singlin fut ordonné prêtre le 26 mars 1633. Il participa aux conférences du mardi, assemblées de prêtres réunis par Vincent de Paul pour réfléchir à la mise en œuvre des principes de la Contre-Réforme.

Le maître et le disciple (1633-1638)  — En 1634, par l’intermédiaire d’un prêtre participant aux conférences du mardi, Singlin rencontra Jean Duvergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, dont il devint le disciple dévoué. L’augustinisme de Saint-Cyran correspondait aux attentes de Singlin, à sa vision terrible de la condition humaine et du salut de l’homme. Quant à Saint-Cyran, il fut séduit par le dévouement et la docilité du jeune prêtre. Dès 1636, Saint-Cyran envoya Singlin le remplacer à l’Institut du Saint-Sacrement puis à Port-Royal, où il fut bien accueilli par la mère Angélique et la mère Agnès, alors abbesse du monastère. En 1637, Singlin rompit ses liens avec M. Vincent et quitta l’hôpital de la Pitié où il résidait encore, pour se placer entièrement sous la direction de l’abbé de Saint-Cyran, qui lui confia l’éducation de trois enfants. En octobre 1637, Singlin s’installa avec ses élèves dans les dehors du monastère de Port-Royal de Paris. Il fut rejoint par les premiers Solitaires, ces laïcs qui quittaient le monde pour vivre dans la pénitence et la retraite sous la direction de l’abbé de Saint-Cyran.

Durant cette période, Singlin s’initia à la direction spirituelle. Il fut en effet le seul prêtre au service des Solitaires à partir du 14 mai 1638, date de l’arrestation de Saint-Cyran, qui fut emprisonné à Vincennes jusqu’au 6 février 1643.

Le vicaire du prisonnier de Vincennes (1638-1643)  — Durant la captivité de Saint-Cyran, Singlin se partagea entre le service des religieuses de Port-Royal, les visites rendues à Saint-Cyran à Vincennes, et la direction des Solitaires et des laïcs auparavant conduits par l’abbé de Saint-Cyran. Libéré le 6 février 1643, Saint-Cyran mourut le 11 octobre 1643, laissant à Antoine Singlin la charge du monastère de Port-Royal, des Solitaires et des dirigés laïcs. Sans le savoir, Singlin s’était donc préparé, durant la captivité de Saint-Cyran, à assumer un rôle qui lui faisait peur et dont il se sentit toujours indigne, celui de directeur spirituel.

Chapitre II
Le directeur de Port-Royal (octobre 1643-1648)

Singlin et les premières controverses jansénistes (1643-1645)  — Antoine Singlin ne lut jamais l’Augustinus, la somme de Cornélius Jansénius sur saint Augustin, qui réveilla la querelle de la liberté et de la grâce. Lorsque le livre De la  fréquente communion d’Antoine Arnauld fut attaqué, ainsi que l’écrit de Martin de Barcos sur l’autorité du pape, Singlin ne prit pas position dans la polémique, adoptant lui-même l’attitude qu’il recommandait aux religieuses : le silence et la prière. Il fut cependant toujours soucieux du sort des jansénistes persécutés tel Antoine Arnauld, pour lequel il se préoccupait de trouver des cachettes sûres.

« Il lui vient  tous  les jours  de  nouvelles  occupations »  — Désormais directeur de Port-Royal, Singlin en assuma toutes les responsabilités : confesseur, il était aussi consulté par l’abbesse Angélique Arnauld pour toutes les questions matérielles et spirituelles. Pourtant, Singlin ne cessait de déplorer son peu de capacité et désirait se retirer dans la pénitence et la prière.

Le visiteur des Solitaires  — A Port-Royal des Champs, Singlin était chargé de la conduite des Solitaires, dont le nombre s’accrut rapidement après la mort de Saint-Cyran. Des quelques personnes qui entouraient Saint-Cyran avant son arrestation, le groupe était passé à une vingtaine de pénitents rassemblés aux Champs, à qui Singlin s’efforça d’imposer des règles de vie commune, bien que l’originalité des Solitaires fût de vivre dans la retraite sans avoir prononcé les vœux religieux. La lourde tâche du directeur le poussa à nommer un suppléant aux Champs, en la personne de M. Manguelen. Celui-ci mourut après à peine un an de service, le 22 mai 1646.

Les belles amies de Port-Royal  — Singlin dirigea des femmes désireuses de mener une vie pénitente, sans cesser de vivre dans le monde : Anne de Rohan, princesse de Guéméné ; Louise-Marie de Gonzague, princesse de Mantoue ; Madeleine de Souvré, marquise de Sablé ; Anne Hurault de Cheverny, marquise d’Aumont. Cette partie de son ministère fut éprouvante, car Singlin constata l’impossibilité pour ces femmes de se partager entre le monde et le cloître, et sa vision radicale et exigeante de la conversion en ressortit renforcée.

Chapitre III
Les années troublées (1648-16S5)

La Fronde parlementaire et le blocus de Paris (mai 1648-mars 1649)  — Singlin fut le lien entre Port-Royal des Champs, où une partie des religieuses s’étaient réinstallées en mai 1648, et Port-Royal de Paris. Malgré les troubles de la Fronde, il fit parvenir informations et vivres aux religieuses enfermées dans Paris assiégé.

L’interdiction de Singlin (août 1649-janvier 1650)  — Après un sermon prononcé le 28 août 1649, fête de saint Augustin, Singlin se vit signifier l’interdiction de prêcher par l’archevêque de Paris. Rétabli le 1er janvier 1650, Singlin avait cependant été la victime des premières persécutions portées contre le monastère, dont le sort resta désormais lié à celui du « parti janséniste » d’Antoine Arnauld.

Répit (janvier 1650-septembre 1651)  — Entre la première et la seconde guerre de Paris, Singlin poursuivit sa tâche de directeur spirituel en accueillant plusieurs laïcs désireux de vivre la pénitence à Port-Royal des Champs : Sébastien-Joseph du Cambout de Pontchâteau, Léon Bouthillier de Chavigny, Guillaume du Gué de Bagnols, et Louis-Charles d’Albert, duc de Luynes

La seconde guerre de Paris (septembre 1651-octobre 1652)  — Durant les troubles, Singlin participa à l’entreprise de charité de Charles Maignart de Bernières, pour venir au secours des pauvres de Picardie, de Champagne et de Lorraine particulièrement touchés par la guerre et la famine.

Soucis et préoccupations  — L’affaire Chavigny en octobre 1652 entacha la mémoire de Singlin, et visait à travers lui Port-Royal. Le directeur se vit en effet remettre une forte somme d’argent par le comte de Chavigny mourant et fut accusé, à tort, après la mort de celui-ci d’extorsion de fonds au profit du monastère. Cette affaire et le nombre grandissant des pénitents et des religieuses étrangères à Port-Royal qui venaient à lui affaiblirent considérablement la santé de Singlin, qui fut gravement malade de l’été 1653 à l’été 1655.

Chapitre IV
Le Supérieur de Port-Royal (1656-1661)

Singlin supérieur  — Alors qu’Antoine Arnauld était exclu de la Sorbonne en janvier 1656, et que Port-Royal était menacé, le miracle de la Sainte-Epine survenu le 24 mars 1656 ferma la bouche aux détracteurs du monastère. Singlin fut nommé supérieur de Port-Royal de Paris et des Champs le 28 juin 1656.

Singlin et la controverse  — Dans la polémique janséniste, Singlin se rangea aux vues de Martin de Barcos, partisan du respect de la tradition et de l’autorité, contre Antoine Arnauld, Pierre Nicole et Blaise Pascal, modernes promoteurs des droits de la conscience individuelle. Bien qu’ils défendissent tous deux l’autorité contre la raison, une différence séparait cependant Barcos et Singlin : le premier s’appuyait sur son érudition, l’autre sur l’empirisme de sa charge de directeur.

Les départs et les arrivées (1658-1661)  — La première génération de Port-Royal, à laquelle appartenait Singlin, vieillissait : en 1658 moururent Antoine, Le Maistre, la mère Marie des Anges et la marquise d’Aumont. Deux dernières brebis se présentèrent pourtant encore à Singlin : Renaud de Sévigné et Anne-Geneviève de Bourbon, duchesse de Longueville.

Chapitre V
Le temps de la désolation (1661-1664)

Le Formulaire, l’exil, les deuils (1661)  — Singlin fut une des premières victimes de la volonté de Louis XIV de réduire à néant l’opposition de Port-Royal. Le 5 mai 1661, l’exil de Singlin fut ordonné par Louis XIV. Le dimanche 8 mai, Singlin, informé de la lettre de cachet qui l’exilait en Bretagne quitta secrètement Port-Royal. Jusqu’à sa mort, il vécut caché à Paris, dans une maison du faubourg Saint-Marceau, et sur les terres de la duchesse de Longueville.

Conflits internes (1662)  — Quoique caché, Singlin participait à la vie du monastère et aux discussions sur la conduite à tenir à l’égard de la signature du Formulaire condamnant l’ouvrage de Jansénius. Singlin, comme Barcos, était favorable à une signature des religieuses, estimant qu’elles n’avaient pas à se mêler de théologie et devaient renouer au plus vite avec leur vie de prière et de silence.

Tentatives d’accommodement (1663)  — Lors des conférences entre Jésuites et Jansénistes, on ne parvint pas à un accord, Antoine Arnauld ayant quitté les débats. Peu engagé dans des discussions qui le dépassaient, Singlin contribua toutefois à cimenter le groupe des amis de Port-Royal. Il s’efforça d’être un intermédiaire accommodant entre Barcos et Arnauld. Plaçant la concorde des personnes au-dessus du triomphe des idées, il jouit toujours du respect des docteurs jansénistes, qui voyaient en lui l’héritier de Saint-Cyran. Sa mort survenue le 17 avril 1664 jeta son entourage dans un profond désarroi.

Chapitre VI
La spiritualité de Singlin

Le tragique de la condition humaine  — La conception qu’a Singlin de ’homme épouse l’anthropologie augustinienne. Les hommes se divisent en deux roupes :sur les uns. Dieu exerce sa justice, sur les autres sa miséricorde. Chez Singlin, la radicalité de la conception augustinienne se conjugue à une véritable angoisse de son salut, qui lui fait redouter en permanence la rigueur du jugement divin. Le doute quant à ses propres capacités renforce chez lui la vision d’un homme misérable, jamais assuré de son salut, face à un Dieu tout-puissant et redoutable.

Une conversion totale  — La radicalité de la conversion implique l’anéantissement de soi, le renoncement à soi et au monde pour accueillir la grâce en plénitude. La vocation religieuse est à ce titre privilégiée aux yeux de Singlin, mais aussi plus exigeante que la vie dans le monde.

Le Christ, référence et modèle  — Si le Fils de Dieu est le modèle à imiter pour tous les spirituels de la Contre-Réforme, Singlin insiste sur les souffrances du Christ qui sont la meilleure imitation du Sauveur. La maladie est, par excellence, une « visite de Dieu ».

Une piété individuelle  — En tant que directeur spirituel, Singlin permet à ses dirigés un accès direct à la Bible, mais très encadré. Pour la prière, Singlin défend la tradition pneumatiste contre les tendances intellectualistes d’un Arnauld et d’un Nicole. Toutefois, il n’abandonne pas ses dirigés à eux-mêmes et leur donne, sinon une méthode, du moins des conseils pour prier. De même dans la fréquentation des sacrements, Singlin sait discerner l’orgueil des pénitents derrière leur désir de se priver de la communion ou de la confession.

L’appartenance à l’Eglise  — Respectueux de l’autorité du pape, pénétré de la valeur du sacerdoce comme tous les tenants de la Contre-Réforme, Singlin porte cependant un jugement sévère sur l’Eglise de son temps.


Seconde partie
Edition des lettres d’Antoine Singlin


On conserve cent soixante-seize lettres d’Antoine Singlin : quarante-sept sont autographes, douze ne sont connues que sous forme imprimée, les autres sont des copies effectuées pour la plupart au xviiie  siècle.

Les sources manuscrites sont réparties entre cinq dépôts : la majorité des copies de lettres sont conservées à la bibliothèque de la Société de Port-Royal (mss. PR 15, 16, 18, 47 et 149). Les archives d’Utrecht recèlent dix lettres autographes (inv. 262, 431), la bibliothèque de l’Arsenal en compte dix-sept (ms. 6549). Le chartrier de Bosmelet, microfilmé aux archives de la Seine-Maritime, possède dix lettres autographes (1 Mi 189). La bibliothèque municipale de Troyes conserve un important fonds janséniste où l’on trouve une lettre autographe de Singlin (ms. 2204, pièce 83).

Les sources imprimées qui contiennent des lettres de Singlin sont les mémoires et recueils de pièces cités dans les sources de la biographie de Singlin.

Plus de la moitié des lettres de Singlin sont adressées aux mères abbesses Agnès et Angélique Arnauld. Pour le reste, ce sont les hasards de la conservation qui ont sélectionné les lettres parvenues jusqu’à nous. A l’exclusion de M. de Pontchâteau pour lequel on possède seize lettres de Singlin, tous les autres correspondants du prêtre sont représentés par moins de dix lettres. En outre, des personnes comme Antoine Arnauld ou Martin de Barcos ne sont pas représentées dans le corpus, alors qu’ils furent du nombre des correspondants de Singlin.

Les lettres s’échelonnent sur l’ensemble du ministère de Singlin à Port-Royal, de 1637 à 1661. De 1661, année à partir de laquelle Singlin vécut caché, à 1664, on ne compte que vingt lettres, adressées non plus aux abbesses mais à ses dirigés. Une vingtaine de lettres, traitant exclusivement de matière spirituelle, sont difficiles à dater et ont été rassemblées en fin de corpus.

Les diverses formes sous lesquelles certaines lettres de Singlin nous sont parvenues, à la fois autographes et copies, permettaient de s’interroger sur une éventuelle tendance éditoriale qui aurait pu pousser les Jansénistes à modifier les lettres dans le sens d’une justification et d’une défense de la cause de Port-Royal. L’examen révèle que le message délivré par les lettres de Singlin n’a été ni faussé ni interprété, en passant de l’autographe à la copie. Les suppressions et amendements sont d’ordre stylistique ou concernent des personnes dont on voulait respecter l’anonymat, l’essentiel étant le contenu spirituel de la lettre copiée.

La présence de nombreux autographes invitait, jusqu’à un certain point, à respecter le plus possible la graphie de Singlin, malgré son orthographe et sa grammaire souvent approximatives. La ponctuation a été largement introduite, ainsi que les alinéas. Le lieu de rédaction de chaque lettre a été précisé, dans la mesure du possible, en particulier lorsque le monastère est partagé entre les deux sites des Champs et de Paris, à partir du mois de mai 1648.


Conclusion

L’intransigeance des principes de Singlin se heurta à la complexité des âmes, à leur velléité de conversion, à leurs illusions. C’est dans ce tiraillement entre le respect des traditions les plus exigeantes et l’adaptation aux demandes de son temps que réside l’intérêt du rôle de Singlin. Le regard du directeur de Port-Royal mêla ainsi sévérité et pragmatisme. A son corps défendant, Singlin participa à l’évolution de la spiritualité de son temps, en particulier dans son ouverture aux laïcs.


Pièces justificatives

Actes notariés concernant Antoine Singlin et sa famille. ­ Lettres adressées à Antoine Singlin.


Illustrations

Portraits d’Antoine Singlin, de Jean Duvergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, de la mère Angélique Arnauld et de la mère Agnès Arnauld.