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École des chartes » thèses » 2000

Le chartrier du chapitre cathédral de Soissons (1089-1243)

Étude et édition.


Introduction

Au contraire de nombre de ses pareils de la France d’Ancien Régime, fût-ce même de la seule province ecclésiastique de Reims, le chapitre cathédral de Soissons n’a jamais fait l’objet d’une étude particulière, en dépit de son importance tant à l’échelle du diocèse, où son patrimoine et son implantation lui assuraient une prééminence indéniable, qu’à celle de la province ecclésiastique. Une telle entreprise nécessite d’une part le recensement préalable des pièces d’archives composant le chartrier du chapitre, aujourd’hui disséminées, et d’autre part, pour la période la plus ancienne de son histoire, la constitution d’un corpus de chartes, ici menée des origines (1089) à 1243, ultime année possible du long épiscopat de Jacques de Bazoches.


Première partie
Etude


Chapitre premier
Etat des sources

L’édition et l’étude des actes connus (originaux, copies ou mentions) ayant composé le chartrier du chapitre cathédral de Soissons pour la période 1089-1243 ne peuvent prétendre livrer une reconstitution fidèle ni même un état idéal de celui- ni à une quelconque époque. Le caractère toujours incomplet des quatre ensembles de sources (originaux, cartulaire, copies de dom Muley, inventaire de 1782) l’interdit. Le corpus des chartes montre de plus la prédominance des deperdita ou unica, croissant plus qu’en proportion avec une inflation documentaire particulièrement importante après la décennie 1210-1219.

Le croisement de ces divers éléments permet cependant d’espérer que peu des chartes qui subsistaient à la fin du XVIII e  siècle pour la période choisie ont échappé à la recherche.

Les originaux  — Le chartrier ayant perdu toute unité à la Révolution, les 88 originaux subsistant sont pour une grande part conservés au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, collection de Picardie, vol. 281-282, et pour une autre aux Archives nationales, L 742-743, les bulles étant versées au bullaire. Quelques autres originaux sont aléatoirement isolés dans des fonds voisins. Tous sont en latin, sauf un en français ; ils sont pourvus de cotes expliquées ci-après et qui ont relevées ici jusqu’au xviiie  siècle.

Les archives départementales de l’Aisne ne conservent, à trois chartes près, que des pièces de gestion foncière plus récentes, dont le tome subsistant du cartulaire du xve  siècle, et trois de l’inventaire des archives commencé après 1782 concernent seuls la présente édition.

La pratique archivistique du chapitre avant le xviiie  siècle  — Les mentions dorsales ou cotes des chartes conservées montrent le souci ancien du chapitre de la tenue de ses archives, préoccupation que corrobore l’existence de deux recueils d’actes des xiie -XIIIe  siècles, connus par leur analyse dans le Sommier des archives du chapitre, rédigé de 1782 à 1789.

Une première série de mentions, d’une main du xiiie  siècle qui semble écrire vers le milieu du siècle, parfois simple titre au nominatif ou à l’ablatif précédé de « de », donne en général une analyse en latin du contenu de l’acte, rarement accompagnée d’un semblant de cote archivistique (numéro d’ordre en chiffres romains) ou, plus fréquemment, d’un renvoi au chapitre (capitulum) d’un ensemble d’au moins cinq volumes (libri), perdus à l’époque du Sommier, qui ne le mentionne pas parmi les cartulaires.

Une deuxième, d’une écriture de la fin du xive ou du xve  siècle, donne une analyse latine plus étoffée et témoigne d’un classement organisé par nom de localité indiqué en français, suivi d’un numéro d’ordre en romain.

Une troisième, du xve  siècle, se présente comme un simple aménagement occasionnel consécutif au reclassement en layettes par localités concernées des chartes du chapitre. Evoqué dans la page liminaire du cartulaire, ce reclassement, entrepris simultanément, indique en marge les cotes données précédemment aux chartes, en en respectant les graphies hétérogènes, mais parfois en en modifiant le classement. Tous deux perdus, un tome concernant Soissons et les communautés religieuses, ainsi qu’un autre consacré, de M à la fin de l’alphabet, au reste des localités et dont le Sommier reproduit la table, le complétaient à l’origine. Le tome subsistant, coté G 253 aux archives départementales de l’Aisne, écrit d’une seule main en grosse notariale dans la première moitié du XV e  siècle, comme le montrent les filigranes, recèle 501 actes de 1089 à 1454 et quelques mentions simples de chartes jugées redondantes ou renvois, dont 110 directement utiles, très généralement fidèles aux originaux. Il est constitué de 326 feuillets de papier, le dernier étant de parchemin (411 x 295 mm) ; il compte deux pages de garde, une table du volume et une autre particulière au village d’Ambleny (ces deux dernières foliotées ensemble par le cartulariste de I à XXX), enfin les copies proprement dites (foliotées de 1 à 295), classées dans l’ordre alphabétique des localités, d’Ambleny au Mont-de-Soissons.

Une quatrième série de cotes, d’une main bien identifiable du xvie  siècle, respecte ou bien complète ou subdivise dans un esprit identique les trois précédentes et semble correspondre à un récolement entrepris vers le milieu du siècle par les chanoines Oblet et Lespaullart.

Les vicissitudes du chartrier avant le xviiie  siècle  — Si un faux privilège du pape Jean III, conservé à Saint-Médard de Soissons et rédigé sans doute au xiie  siècle, est le premier document à mentionner les archives de la cathédrale, ce n’est qu’à de graves déprédations résultant de l’agitation du pays et authentifiées par des constats solennels mais très généraux (1370, 1414, 1472, 1520, 1568), analysés dans le Sommier, que nous devons de connaître quelque peu l’existence de ce fonds à leur époque. Le Sommier et les factures de transport des archives à Laon à l’époque révolutionnaire montrent cependant qu’un grand nombre d’originaux subsistaient alors, cependant qu’un des auteurs du Sommier relativisait grandement, dans l’analyse du cartulaire, les pertes de 1568.

Le xviiie  siècle  — Le xviiie  siècle marque une moins grande incertitude dans notre connaissance du chartrier. On apprend ainsi, malheureusement sans plus de détails, que les actes sont conservés dans une chapelle haute de la cathédrale, disposés dans une « armoire » et des layettes, sous la garde de deux chanoines archivistes.

Les archives du chapitre connurent aussi à cette époque deux ultimes entreprises de classement : une première, sans doute au début du siècle, caractérisée par une nouvelle cotation et un classement en layettes numérotées, et une dernière après 1782, caractérisée par une autre cotation à base alphabétique, correspondant à un classement nouveau, mais qui respectait en partie le précédent.

Si la première cotation ne peut être que constatée, la deuxième est mieux connue par les trois volumes subsistants, cotés G 254 à 256 aux archives départementales de l’Aisne, des quatre originels de l’inventaire « entrepris d’après les conclusions du chapitre général du 24 décembre 1782 », encore en œuvre en 1789 et resté peut-être inachevé. Intitulé Sommier et rédigé de deux mains différentes, ses analyses très soignées restituent quantité de documents aujourd’hui disparus et en font une source incomparable pour l’histoire du chapitre.

La correspondance et les excellentes copies adressées par dom Muley à dom Grenier dans le cadre de la campagne de copies organisée par le Cabinet des chartes, aujourd’hui conservées à la Bibliothèque nationale de France, collections Moreau et de Picardie, contribuent pour une part essentielle à la connaissance du chartrier, du chapitre et de son organisation à l’époque (1767-1772).

Le chapitre et la communication de ses archives  — Il résulte de la communication très contrôlée des archives du chapitre que les historiens du cru, bien introduits auprès des chanoines, y eurent d’avantage accès que de grands érudits parisiens, tels Baluze, Du Cange, le P. Machault ou Clairambault, qui n’en eurent généralement qu’une connaissance ponctuelle et indirecte.

Les savants locaux s’inscrivent dans le cadre d’une historiographie locale dynamique aux xviie -XVII e  siècles, qu’expliquent plusieurs facteurs conjoints : émulation née d’une Académie soissonnaise , « fille aînée de l’Académie française », encourageant concours et travaux littéraires ; concentration de robins et d’ecclésiastiques curieux d’histoire régionale ; présence de communautés religieuses, à Saint-Médard ou Saint-Crépin-le-Grand, où les Mauristes introduirent avec la réforme spirituelle leurs principes de recherche scientifique ; circulation importante de copies et travaux manuscrits, relevant de quelques foyers principaux (Saint-Jean-des-Vignes, Saint-Médard, etc.), auxquels il faut ajouter quelques « cabinets » de particuliers.

Cependant, la caractéristique de cette production manuscrite ou imprimée contemporaine de grandes entreprises scientifiques (Gallia christiana. Recueil des historiens des Gaules et de la France, etc.) est, comme souvent en pareil cas, d’être cumulative, voire compilative, chacun reprenant l’acquis pour le compléter de ses propres lumières, empruntées à d’autres sources.

La constatation vaut tout particulièrement pour le chapitre cathédral, qui, s’il semble avoir facilement laissé consulter les divers exemplaires de l’obituaire de la cathédrale, interdisait ou contrôlait très rigoureusement l’accès à ses archives faisant ainsi des rares copies ou mentions de documents connues de son chartrier des lieux communs reproduits à l’infini, d’où le gonflement factice du tableau de la tradition de certains actes. Le phénomène se poursuivra en Soissonnais au moins jusqu’au milieu du xixe  siècle, approximativement après 1848, date de la fondation de la Société archéologique et historique de Soissons, à partir de laquelle, d’exercice littéraire et rhétorique, la production historique retourne aux sources et perd alors sa forme de cascade.

Ces auteurs peuvent ici, pour résumer, se classer commodément par leur communauté d’origine, qui souvent détermine leur approche et leur apport : Saint-Jean-des-Vignes (Berthin puis Claude Thévenin continuant Berlette, Pierre Le Gris, Charles-Antoine de Louen), Saint-Crépin-le-Grand (dom Jean Elie), Saint-Médard (dom Gillesson, dom Muley), administrations civiles (Melchior Regnault, François Rousseau-Desfontaines). Les rares chanoines de la cathédrale ayant pris la plume sont décevants : il ne reste d’une histoire anonyme intitulée Des antiquités de Soissons que quelques chapitres consacrés à l’époque moderne, et Jean Du Tour, auteur d’un Traité sommaire du clergé, est pauvre en références.

De tous ces auteurs, il faut en excepter deux, particulièrement importants dans notre connaissance du chartrier du chapitre et d’autres de la région soissonnaise : Claude Dormay, chanoine de Saint-Jean-des-Vignes, auteur d’une Histoire de Soissons publiée en 1633, et Antoine-Pierre Cabaret (1712-1785), chanoine et archiviste du chapitre cathédral mais aussi, notamment, administrateur de l’Hôtel-Dieu, conseiller au bailliage et présidial, échevin et gouverneur de Soissons, auteur de Mémoires pour servir à l’histoire de Soissons et du Soissonnais dont le manuscrit est conservé à la Bibliothèque municipale de Soissons, fondés sur des connaissances très complètes acquises tout au long de ses fonctions.

Après la suppression du chapitre  — Conformément aux décrets de l’Assemblée nationale relatifs aux biens des institutions religieuses supprimées et à leurs archives, celles du chapitre furent dans un premier temps mises sous scellés le 1 er octobre 1790, puis, les 22, 30 et 31 du même mois, déposées dans celles du district. Elles ne reparaissent distinctement qu’à l’occasion de la suppression du district et du déménagement de ses archives au chef-lieu du département, prévu par la loi du 5 brumaire an V. Deux « lettres de voiture » facturent alors le transfert à Laon des archives du chapitre, pesées en livres pour chaque type de documents sommairement désignés : « registres de compte » (425, 420, 348, 446), « obiterie et partie des chapelains » (271, 225), « comptes du chapitre » (125, 244, 146, 209, 298), « titres du chapitre » (146). Cette masse considérable (3949 livres au total), sans rapport aucun avec les documents aujourd’hui conservés, montre que, malgré des soustractions à Soissons même, l’essentiel des destructions se fit plus tard, au moment du tri de ces papiers.

Encore non triées, comme le reste de l’immense dépôt d’archives de la préfecture, à la date de septembre 1815, où le préfet sollicita l’autorisation de demander à Daunou l’envoi d’un archiviste, les chartes étaient toujours en grand désordre en 1820, où elles n’étaient que grossièrement classées par établissement d’origine. Elles furent ensuite vraisemblablement acheminées à la bibliothèque Mazarine, puis, en 1834, aux actuelles Archives nationales ainsi qu’à la Bibliothèque nationale de France.

Chapitre II
Histoire du chapitre cathédral de Soissons

Les origines du chapitre cathédral (IXe  siècle-1089)  — Etablir l’histoire du chapitre cathédral est difficile avant la fin du xie  siècle, date à laquelle commencent généralement les séries documentaires conservées.

Fondé vraisemblablement peu après le concile d’Aix-la-Chapelle (816) organisant la réforme des églises cathédrales de l’Empire et contemporain de la reconstruction de la cathédrale (815), très certainement établi lors du passage de Rothade Ier , évêque, et de Rothfride, comte de Soissons, les deux missi dominici chargés en 822 d’inspecter les églises de la province ecclésiastique, le chapitre cathédral ou plutôt ses chanoines apparaissent pour la première fois en 831, dans le testament d’Anségise de Wandrille ; ils ne sont ensuite mentionnés que de manière plus laconique en quatre circonstances : déposition et restauration de l’évêque Rothade II par l’archevêque de Reims Hincmar et le pape Nicolas Ier (863-866) (dans la correspondance échangée par les protagonistes) ; passage à Brescia du même évêque, allant à Rome avec une suite de clercs et de chanoines soissonnais en appeler au pape (864) (dans le nécrologe de S. Salvatore et Giulia de Brescia) ; statuts diocésains de l’évêque Riculfe (889) ; incendie du « cloître des chanoines » avec le reste du quartier de la cathédrale, lors du siège de la ville par les troupes d’Hugues le Grand en 948 (dans l’Historia Remensis ecclesie de Flodoard).

A ces quelques références près, complétées de plusieurs obits non datés, transcrits d’après le nécrologe de la cathédrale aujourd’hui disparu, les éléments d’une histoire du chapitre à cette période sont donc extrêmement minces. Son histoire repose alors en grande partie sur les spéculations d’historiens postérieurs de neuf à dix siècles, dont certains, tels les Mauristes, ayant dépouillé des archives aujourd’hui perdues ou lacunaires, méritent toute créance. On explique ainsi généralement de manière très plausible la cessation de la vie commune des chanoines par l’incendie de 948, et la séparation des menses épiscopale et capitulaire par la progressive autonomie du chapitre dans le siècle qui suivit.

Organisation et recrutement du chapitre  — La charte de fondation de Saint-Jean-des-Vignes de Soissons (1076), de peu antérieure aux premières chartes connues du chartrier du chapitre cathédral (1089), marque le début d’une connaissance continue du chapitre jusqu’à sa suppression à l’époque révolutionnaire.

On s’accorde à croire que le chapitre avait atteint dès cette époque l’effectif qu’un compte de décimes fait précisément connaître en 1356-1363 : cinquante-neuf prébendes et trois demi-prébendes. Il comptait neuf dignitaires, disposant chacun d’une prébende : prévôt, doyen, chantre et écolâtre, nommés à la date d’un pouillé de 1573 par le chapitre, et quatre archidiacres et un trésorier nommés par l’évêque. Quarante-cinq chanoines et l’abbé de Saint-Jean-des-Vignes, qui n’avait pas voix au chapitre, se partageaient les prébendes entières. Deux chapelains, dits « des martyrs » (c’est-à-dire des saints Gervais et Prothais), et un argentier de création postérieure bénéficiaient chacun d’une demi-prébende.

Le recrutement du chapitre, essentiellement régional et aristocratique quand il est connu, est marqué par la prédominance des familles de Bazoches et Pierrefonds parmi les officiers supérieurs, phénomène qu’explique la grande liberté des chanoines dans le choix de l’évêque, le pape n’étant jamais intervenu avant 1296, non plus que le roi : l’évêque ainsi élu, issu de ces puissants lignages locaux, désignait en effet ces titulaires parmi les siens, qui plus tard participeraient à leur tour à l’élection du prélat suivant.

Une dizaine d’actes conservés font connaître des dispositions réglant quelques aspects de la vie du chapitre : statuts internes (ordre de préséance à la cathédrale ; obligation de résidence), expression des droits supérieurs du chapitre sur sa mense (dettes contractées envers lui, par un chanoine ou non ; jouissance de biens capitulaires, maisons canoniales ou vignes), répartitions de frais ou revenus découlant du culte dans la cathédrale (troncs, offrandes, luminaires). Elaborés principalement entre 1179 et 1215, ils correspondent à une importante arrivée de reliques (1205) et à l’achèvement approximatif du chœur de la cathédrale (1212).

Institutions dépendant du chapitre  — Plusieurs œuvres charitables dépendaient du chapitre, qui considérait leurs bienfaiteurs comme siens et les inscrivait à son obituaire. Outre l’école capitulaire et la fabrique, insuffisamment évoquées ici par les chartes de l’époque, on en compte trois principales, pour lesquelles le chapitre conservait tout ou partie des archives antérieures ou contemporaines à leur individualisation au xiiie  siècle.

L’Hôtel-Dieu mériterait une étude spécifique de ses archives, bien conservées à la Bibliothèque municipale de Soissons : succédant à un xenodochium ou « maison de l’aumône » correspondant à l’obligation canoniale d’accueillir pèlerins, pauvres et infirmes, il acquiert une existence et une dénomination stables et différenciées dans les premières années du xiiie  siècle, sanctionnées par un premier règlement en 1226 et par la constitution progressive après 1210 d’un chartrier propre. L’histoire de ce service assumé par le chapitre n’est, avant cette époque, connue que par d’insignifiantes allusions postérieures à 1164 dans son chartrier, mais Cabaret et Dormay ont transmis le témoignage, d’après l’obituaire de la cathédrale principalement, de la constante et ancienne générosité envers cette institution.

La fondation, en décembre 1214, par le chanoine Jean de Faremoutiers, en accord avec le chapitre, d’un collège destiné à accueillir soixante « pauvres écoliers clercs », répondait à une tradition scolaire ancienne à Soissons, que traduisaient jusque-là l’établissement d’un enseignement du chant liturgique romain par la volonté de Charlemagne (787), diverses stipulations de l’ordonnance de l’évêque Riculfe sur le devoir des prêtres (889), l’existence de studio monastiques proches et celle d’un écolâtre de la cathédrale, attesté depuis 1085. Aucun des collèges fondés ensuite dans la ville, tous d’ailleurs à l’initiative de chanoines de la cathédrale, ne fut aussi brillant et ne bénéficia autant de la protection et de la générosité du chapitre et de ses membres : les quelques chartes et les notices connues de l’obituaire relatives au collège montrent le succès et le développement immédiats de celui-ci, bientôt doté d’une chapelle et d’un cimetière particuliers (avant 1221).

Les chapelains ou « pauvres clercs de chœur », très peu nombreux, selon Dormay, avant l’arrivée de reliques envoyées de Constantinople par l’évêque Nivelon (1205) et l’achèvement du chœur (1212), ne participaient pas, selon lui, aux distributions anniversaires de pain et d’argent fondées au profit des chanoines : c’est Jean de Faremoutiers qui, dans le temps même de la création et de l’organisation des chapelles, aurait acquis un bien destiné à de pareilles distributions à leur intention, exemple encouragé par le chapitre qui promit aux bienfaiteurs de « cette association des chapelains » un anniversaire commun et, au-delà de 40 sous, monnaie forte, un obit porté sur le nécrologe de la cathédrale. Le Sommier des archives du chapitre inventorie les actes postérieurs concernant cette communauté, dissoute en 1742.

Le chapitre cathédral et les comtes de Soissons  — Les relations entre le comte de Soissons et le chapitre, sans lien fort de subordination tel que celui du comte à l’évêque, ne furent pas aussi paisibles que celles-ci.

Si le chartrier conserve un certain nombre d’actes assez courants (émancipation, don ou échange d’hommes et de femmes de corps, sentences, amortissements, etc.), un nombre équivalent traduit de puissants conflits d’intérêts, tout particulièrement autour des garennes de Bucy-le-Long, sujet récurrent de discorde. Bien que Raoul II ait fini par renoncer à ces droits à plusieurs reprises (1200, février 1215 et 1231), Jean, son fils aîné puis successeur, entreprit de les rétablir du vivant même de son père mais dut capituler en juin 1233, sous la contrainte de lourdes peines religieuses et séculières. Devenu comte à la mort de son père en janvier 1235 [n.st.], il fut encore plusieurs fois excommunié pour des raisons similaires.

Le chapitre cathédral et la commune de Soissons  — L’histoire des relations du chapitre cathédral et de la commune de Soissons telle qu’elle ressort des archives du premier, celles de la seconde ayant disparu dans l’incendie de l’Hôtel-de-Ville en 1814, n’est en réalité qu’une longue litanie de querelles juridictionnelles toujours renaissantes.

Née dans le premier tiers du xiiie  siècle, la commune, instituant un droit nouveau et organisant un groupement d’hommes aux intérêts rivaux, vint perturber l’équilibre d’une ville où comte, évoque et chapitre cathédral, mais aussi de grands établissements ecclésiastiques (principalement Saint-Crépin, Notre-Dame et Saint-Médard), avaient insensiblement constitué autant de seigneuries pourvues de petits centres économiques et de droits juridictionnels.

Le chapitre eut tout particulièrement des conflits violents et répétés avec la commune, portant principalement sur la revendication de droits sur des personnes ou des biens. Plusieurs arbitrages solennels, rendus par le roi (1136, 1183, 1211, 1225), par son chancelier (décembre 1224), son chambrier (novembre 1210) ou par l’archevêque de Reims (1182, janvier 1231 [n.st.]), et un accord particulier (1204) furent impuissants à prévenir de nouveaux conflits, qui, joints à ceux qui suivirent et l’opposèrent au chapitre comme à d’autres établissements, participèrent à la ruine puis à la suppression de la commune, remplacée en 1326 par un prévôt royal.


Deuxième partie
Édition


Edition critique des 410 actes ou mentions connus pour la période 1089-1243.


Annexes

Documents anciens de nature archivistique conservés dans le chartrier du chapitre. ­ Carte du domaine du chapitre. ­ Index.