Le quartier de l’hôtel Saint-Paul à Paris (1360-1550)
Étude topographique, économique et sociale.
Introduction
Le quartier de l’hôtel Saint-Paul correspond à une partie de l’actuel ive arrondissement de Paris. Il était limité au sud par la Seine, à l’ouest par l’enceinte de PhilippeAuguste, à l’est par celle de CharlesV et au nord par la rue Saint-Antoine. Les bornes chronologiques de l’étude sont fournies par l’histoire de l’hôtel Saint-Paul, créé par CharlesV dans les années 1360 et définitivement démembré vers 1540-1550.
L’hôtel Saint-Paul, qui fut la résidence parisienne de CharlesV et de CharlesVI, a fait l’objet de plusieurs recherches. En revanche les historiens n’ont jamais fait grand cas de l’espace qui l’environnait. Pourtant son étude soulève des questions originales et parfois même très importantes. En effet, au-delà de la connaissance topographique et sociale du quartier pour lui-même, il convient de mettre ces données en relation avec les particularités que présente ce quartier, c’est-à-dire sa situation géographique, qui fait de lui un espace d’extension de la ville entre les deux enceintes, et la présence en son sein d’une résidence royale. Il convient donc, d’une part, de saisir le développement de la ville et, d’autre part, de mesurer l’influence que la présence de l’hôtel Saint-Paul et du roi a exercée sur l’organisation du quartier, l’implantation des habitants et leurs activités. L’étude de l’exploitation immobilière pose enfin la question de l’impact de la crise économique du xve siècle sur ce quartier de Paris.
Sources
Les sources manuscrites utilisées pour cette étude sont conservées presque exclusivement aux Archives nationales. Les registres sont peu nombreux: il subsiste seulement un cartulaire et un censier-cartulaire de la paroisse Saint-Paul copiés au xvie siècle. Le reste de la documentation appartient pour l’essentiel aux séries S (biens des établissements religieux supprimés) et Q (domaines). Il s’agit d’actes notariés concernant des titres de propriétés: baux à cens, à rente, à loyer, à ferme, contrats de vente, d’échange, procès au Châtelet, exécutions testamentaires ou simples reconnaissances d’obligation. On trouve aussi des documents plus particuliers et plus rares comme les procès-verbaux de criées qui se révèlent très utiles pour l’étude de la conjoncture économique, dans la mesure où ils témoignent des effets de la crise de la première moitié du xve siècle. Enfin quelques procès-verbaux de visite de maçons et charpentiers jurés fournissent des indications précieuses pour l’étude de la construction et de l’aménagement de l’habitat.
La documentation iconographique se révèle, quant à elle, relativement pauvre. On ne conserve aucune représentation de l’hôtel Saint-Paul, ni de plans de Paris pour le Moyen Age, mais seulement des vues cavalières de la ville au xvie siècle, parmi lesquelles le plan de la Tapisserie et celui de Bâle. Quoique ces plans ne se veuillent pas exacts, il est intéressant de les comparer avec les informations fournies par les actes.
Il faut enfin prendre en compte les sources archéologiques. Si le quartier Saint-Paul n’a jamais fait l’objet d’une campagne de fouilles extensives, de nombreux sondages ou fouilles ponctuelles ont été effectués depuis les années 1898-1899. Les résultats obtenus permettent de poser des jalons solides, surtout en ce qui concerne les enceintes de PhilippeAuguste et de CharlesV.
Première partiePrésentation du quartier de Saint Paul
Chapitre premierLimites et composition du quartier
Un espace compris entre deux murailles — Situé entre les deux enceintes de Paris, le quartier Saint-Paul se trouvait séparé physiquement à la fois du noyau ancien de la ville et de la campagne. Ces enceintes étaient massives et percées d’un nombre limité de portes et poternes. Celle de PhilippeAuguste communiquait avec le quartier par deux portes, dont la porte Baudoyer qui coupait la rue Saint-Antoine, et par deux poternes. Celle de CharlesV comportait seulement deux portes, la porte Saint-Antoine à l’est, et la porte des Barrés ou des Célestins au sud en bordure de Seine. Elles étaient également rythmées par des tours dont les plus importantes étaient la tour Barbeau au sud-ouest et la tour de Billy au sud-est. On constate que les deux portions d’enceintes ont été peu à peu occupées par les habitants du quartier: dès la fin du xive et le début du xve siècle, CharlesVI céda une partie de celle de PhilippeAuguste aux propriétaires de l’hôtel du Porc-Epic, situé rue de Joui; à la même époque, le logis de la tour de Billy devenait la propriété du duc d’Orléans et, à partir des années 1470, les guérites de l’enceinte de CharlesV étaient louées.
Les rues et les lieux-dits: évolution des noms et des espaces — Le quartier possédait un réseau de rues au maillage relativement lâche qui a subi des changements significatifs. On distingue dix rues anciennes, c’est-à-dire antérieures au XVI e siècle, et cinq rues nouvelles, au tracé particulièrement rectiligne. En dehors de la rue Saint-Antoine qui bordait le quartier au nord, aucune grande artère ne traversait cet espace. Néanmoins la rue Saint-Paul qui était relativement longue et abritait l’église paroissiale, faisait figure de principale rue du quartier. Toutes les rues anciennes se répartissaient autour du quadrilatère de l’hôtel Saint-Paul. Les rues nouvelles furent percées au xvie siècle lors du lotissement des grands hôtels. Les rues Neuve Saint-Paul, des Lions-Saint-Paul, des Trois Pistolets et du Beautreillis traversèrent les terrains de l’hôtel royal démembré et offrirent des points de passage supplémentaires, d’une part, entre les rues Saint-Paul et du Petit-Musc et, d’autre part, entre la rue Saint-Antoine et le quai des Célestins. Enfin la rue de la Cerisaie permit d’accéder aux places de l’ancien hôtel d’Etampes. Le quartier comprenait également plusieurs lieux-dits aux origines anciennes, dont les noms provenaient d’une activité ou d’une particularité topographique. On se repérait ainsi par rapport à la grange Saint-Eloi, au Pont-Perrin, au Champ au Plâtre ou au Chantier du Roi. Quant aux lieux-dits le Carrefour des Barrés et le Trou Pugnais, ils correspondaient sensiblement au même espace, situé à l’extrémité sud de la rue Saint-Paul.
Chapitre IICadres religieux, seigneuriaux et municipaux
Les limites de paroisses — Lorsque la paroisse Saint-Paul s’est formée au xie siècle sur la terre de Saint-Eloi, elle possédait la même extension que la censive du prieuré. Ces limites furent rapidement modifiées par la construction de la première enceinte septentrionale de la ville, puis à nouveau, à la fin du xiie siècle, par la construction de l’enceinte de PhilippeAuguste, qui redessinèrent la frontière entre la paroisse Saint-Paul et la paroisse Saint-Gervais. Malgré ces variations, le quartier étudié demeurait tout entier sur le territoire de la paroisse Saint-Paul.
Les cadres seigneuriaux: censives et justices. Le quartier Saint-Paul dépendait à peu de chose près d’une seule censive et d’une seule justice, celles du prieuré Saint-Eloi. Une partie du côté nord de la rue Saint-Antoine relevait de la censive du prieuré Sainte-Catherine-du-Val-des-Ecoliers et de rares enclaves dépendaient de la justice royale ou de celle de l’abbaye Sainte-Geneviève.
Les cadres municipaux: les quartiers — La formation de la municipalité parisienne au xiie siècle entraîna la création de nouvelles divisions administratives appelées quartiers. A la tête de chacune se trouvait un quartenier, chargé d’organiser la défense de la ville, d’assurer l’ordre et de percevoir les taxes. D’après les recoupements des rôles de la taille du XV e siècle, l’espace étudié dépendait sans doute de deux quartiers différents, appelés Henry Aufroy et Jaquet de Roye en 1421, Jehan Gandete et Arnoul Turgis en 1438.
Chapitre IIILes éléments structurants du quartier Saint-Paul
L’église Saint-Paul et son cimetière — A l’origine, le bourg Saint-Paul ne comprenait qu’une chapelle. Mais l’augmentation incessante des hôtes venant s’installer sur cette terre du prieuré Saint-Eloi entraîna la création d’une véritable paroisse, sans doute dès la fin du xie siècle. L’église et son cimetière prirent d’autant plus d’importance que la paroisse fut celle des rois de France pendant la période où ils résidèrent à l’hôtel Saint-Paul, puis aux Tournelles.
Les couvents — L’ordre des Célestins s’implanta à Paris vers le milieu du xive siècle, avec l’accord du dauphin Charles alors régent du royaume. Les religieux s’installèrent en dehors des murs de PhilippeAuguste, à l’est de la rue du Petit-Musc, où se trouvaient déjà une petite église et quelques bâtiments jadis élevés par les Carmes ou Barrés. Ce domaine leur avait été légué par la famille Marcel, mais le véritable fondateur du monastère fut CharlesV qui lui fit plusieurs dons importants. En bordure du quartier Saint-Paul se trouvait un autre couvent qui jouxtait le rempart de PhilippeAuguste à l’intérieur. Du milieu du XIII e à la fin du xve siècle, il fut occupé par une communauté de Béguines, que LouisXI remplaça par les religieuses de l’Ave-Maria de l’ordre de saint François. Ces deux couvents étaient souvent cités dans les actes comme repère topographiques, au même titre que les lieux-dits.
Au cœur du quartier: l’hôtel Saint-Paul — Le dauphin Charles, qui avait logé pendant quelque temps dans l’hôtel de l’archevêque de Sens, choisit de s’installer dans le quartier Saint-Paul. Le cœur de cet espace étant déjà bâti, il n’eut d’autre solution que de racheter les hôtels existants. De 1361 à 1365, il acheta quatre propriétés: l’hôtel du comte d’Etampes, celui des abbés de Saint-Maur, un immeuble bourgeois et enfin l’hôtel des archevêques de Sens. Le jeune roi les réunit en une seule propriété qui occupait la plus grande partie du quadrilatère central du quartier, entre le quai des Célestins, les rues Saint-Paul, Saint-Antoine et du Petit-Musc. Mais l’hôtel Saint-Paul ne fut pas occupé très longtemps par la famille royale: après la mort de CharlesVI en 1422, il fut abandonné pour le palais des Tournelles. CharlesVII et LouisXI donnèrent des parties de l’hôtel en récompense à certains de leurs fidèles, mais c’est sous les règnes de FrançoisIer et HenriII qu’eurent lieu le démembrement systématique et le lotissement de la propriété royale. La formation de cet hôtel eut assurément des conséquences sur la topographie et la répartition de l’habitat: d’une part, certains propriétaires furent contraints de déménager, d’autre part, la présence de l’hôtel laissa peu de place dans le quadrilatère où il se trouvait à l’habitat populaire, jusqu’au moment où les terrains furent lotis.
Deuxième partieReconstitution topographique
Chapitre premierLa rue Saint-Antoine
Bien que la longueur de la rue Saint-Antoine ne permette pas toujours de situer exactement les maisons dont il est question dans les sources, il a été possible de reconstituer une bonne partie du rang méridional qui entre dans l’étude du quartier Saint-Paul. En revanche on ne peut suivre l’évolution des parcelles d’un bout à l’autre de la période. Entre les rues Saint-Paul et du Petit-Musc, c’est-à-dire en bordure du quadrilatère de l’hôtel Saint-Paul, on dénombre au moins une vingtaine de parcelles appartenant à des particuliers. C’est sans conteste le côté où l’hôtel royal laissait le plus de place aux maisons individuelles. A l’est de la rue du Petit-Musc, les terrains étaient au contraire occupés par de vastes propriétés qui prirent au xve siècle les noms d’hôtels d’Etampes, du Petit-Musc et du Petit-Bourbon.
Chapitre IILes rues Saint-Paul, de la Fausse Poterne Saint-Paul, des Jardins et des Barrés
La zone des rues Saint-Paul, de la Fausse Poterne Saint-Paul, des Jardins et des Barrés est assez bien connue grâce aux sources foncières. Celles-ci ont livré les noms d’enseignes de nombreuses maisons et ont permis d’identifier leurs propriétaires durant parfois plusieurs générations, comme c’est le cas pour l’Image Notre-Dame et la Souche, le Pilier de Bois ou encore l’Image Saint-Michel. On relève un déséquilibre dans l’information entre la partie nord-ouest, où presque toutes les parcelles ont pu être identifiées, et la partie sud-est, pour laquelle les documents donnent peu d’informations sur la partie méridionale de la rue Saint-Paul et sur les maisons situées au carrefour des Barrés.
Chapitre IIILe quai des Célestins
Le quai des Célestins comportait apparemment peu de maisons individuelles, surtout du côté de la Seine où trois maisons tout au plus ont été repérées. Il faut dire que le quai ne devait pas être très large, de sorte que la construction de maisons au bord de la Seine aurait sans doute gêné le passage. Par ailleurs, il est intéressant de remarquer que le quai est devenu à partir du milieu du XV e siècle le domaine des Célestins, qui y ont fait l’acquisition de plusieurs hôtels parmi lesquels l’hôtel Hubert et l’hôtel Godeffroy. Leur aire d’influence s’étendait donc au-delà de leur simple clos, ce qui confirme le rôle important que jouait ce couvent dans le quartier.
Chapitre IVLa rue du Petit-Musc, la rue de la Cerisaie et les abords de l’enceinte
La rue du Petit-Musc comportait elle aussi peu de maisons appartenant à des particuliers. En dehors de l’hôtel de Préaux, celles qui apparaissent dans les documents sont isolées et difficiles à placer avec exactitude. Les informations recueillies sur la partie méridionale de la rue de la Cerisaie pour l’extrême fin de la période sont particulièrement intéressantes puisqu’elles permettent de reconstituer tout le rang de parcelles avec leurs dimensions, ce qui n’a été possible pour aucune rue aux xive et XV e siècles. Enfin, les places bordant l’enceinte de CharlesV sont particulièrement bien documentées. Louées le plus souvent à des cordiers pour y filer leurs cordes, elles se situaient à la frontière entre l’espace intra muros appartenant aux Célestins et l’espace situé entre l’enceinte et la Seine, qui dépendait de la municipalité parisienne.
Troisième partieL’habitat du quartier Saint-Paul
Chapitre premierLes parcelles
Forme et aménagement des parcelles — Les parcelles étaient de forme simple, le plus souvent rectangulaire, et peu imbriquées les unes dans les autres. D’une manière générale, les sources donnent l’impression d’un espace bâti aéré par de nombreuses cours et des jardins, où l’on retrouve, pour la plupart des parcelles, une disposition classique: en bord de rue, la maison; derrière, la cour; au fond de la parcelle, le jardin.
Les éléments de confort dans les propriétés — Pour s’approvisionner en eau, les habitants du quartier avaient recours à des puits privés mais certains devaient aussi puiser directement dans la Seine. Les sources ne font en effet aucune allusion à des fontaines publiques, ni à des porteurs d’eau. En revanche les fontaines qui approvisionnaient l’hôtel Saint-Paul et l’hôtel des Tournelles desservaient aussi quelques maisons de la rue Saint-Antoine et le couvent des Célestins. Pour évacuer l’eau de pluie et les eaux usées, certaines maisons étaient équipées de gouttières, et certaines parcelles de rigoles ou de tuyaux qui conduisaient l’eau jusqu’à la rue. Il existait un égout, d’abord découvert puis couvert, appelé le Pont-Perrin, qui passait dans la rue Saint-Antoine puis fut détourné à travers la couture Sainte-Catherine afin d’assainir l’environnement des Tournelles. Enfin, la présence de lieux et de fosses d’aisance atteste d’une réelle recherche de confort et d’hygiène.
Chapitre IILes maisons
Les matériaux employés dans la construction des maisons — Les matériaux et les techniques de construction mentionnés dans les sources sont classiques et ne distinguent pas le quartier Saint-Paul des autres quartiers de Paris. Dans la construction courante, les murs étaient essentiellement constitués de bois et de plâtre, la pierre, beaucoup plus coûteuse, étant réservée aux fondations et aux murs gouttereaux. Les cloisons intérieures étaient faites en bois ou en brique. Les maisons étaient le plus souvent couvertes de tuiles; les sources fournissent un exemple de toit de chaume et un autre de toit couvert de bardeaux. Pour les fenêtres, l’emploi de châssis vitrés était encore très rare et constituait un ornement de luxe. Le bois était également utilisé dans la construction des planchers et des escaliers. Dans le cas de maisons ou de propriétés mitoyennes, il était fréquent que des conflits éclatent entre voisins à propos de la hauteur du mur de séparation ou de celle des fenêtres qui avaient vue sur la maison voisine; la prise en charge des travaux de réparations posait aussi des difficultés.
Les pièces d’habitation et leur disposition — D’après les quelques exemples rencontrés, l’agencement des pièces à l’intérieur des maisons semble assez variable suivant leur taille, mais on retrouve souvent le même schéma: au rez-de-chaussée, une grande salle ou une boutique à l’avant, une «sallette» ou une arrière-boutique, et parfois une cuisine donnant sur la cour; aux étages, les chambres et les garde-robes.
Chapitre IIIL’exploitation immobilière
Les modes d’exploitation mis en œuvre dans le quartier Saint-Paul à la fin du Moyen Age — Comme dans le reste de la capitale, la vente et le bail à rente étaient les modes d’exploitation les plus utilisés par les particuliers, mais les «collectivités» préféraient la location et les baux à rente viagers. Ainsi les Célestins louaient par parcelles la zone non bâtie située entre leur clos et l’enceinte de CharlesV; les terres bordant immédiatement l’enceinte étaient surtout louées à des cordiers qui les utilisaient pour filer leurs cordes. Outre quelques terres situées entre l’enceinte et la Seine qu’elle louait également à des cordiers, la municipalité louait à toutes sortes de particuliers les tourelles ou guérites de l’enceinte de CharlesV.
Le quartier Saint-Paul face à la crise immobilière de la première moitié du xve siècle — Les divers éléments recueillis dans les documents sont loin d’indiquer une dégradation généralisée de l’habitat et du marché immobilier. En comparaison du nombre total d’habitations, peu de maisons sont décrites comme étant délabrées ou même en ruine. Les charges qui pesaient sur les immeubles n’étaient jamais excessives, ni par leur montant, ni par leur nombre (le plus souvent une ou deux rentes, quatre ou cinq au maximum). D’ailleurs dans les vingt-quatre procès de criées relevés, les sommes réclamées par les créanciers sont toujours assez faibles et la procédure souvent engagée par le censier pour obtenir le paiement des arrérages du cens.
Présence anglaise et confiscations pendant la période anglo-bourguignonne — Durant la période où alternèrent à Paris dominations bourguignonne et armagnaque, il y eut plusieurs vagues de confiscation de propriétés. A partir du début de la double monarchie et de la régence du duc de Bedford, on trouve également des dons faits à des Anglais. Mais le nombre des maisons confisquées dans le quartier Saint-Paul semble limité par rapport à d’autres quartiers comme ceux des Halles et de l’Université. Les sources manuscrites en fournissent peu d’exemples; quant aux comptes de confiscations de la ville copiés par Henri Sauval, ils sont souvent trop laconiques. Au total, sept maisons confisquées à des Armagnacs et quatre maisons données à des Anglais ont pu être identifiées et localisées précisément.
Quatrième partieLes habitants du quartier Saint-Paul
Chapitre premierTopographie de la propriété et de la résidence
Les gens d’office — Différentes catégories d’officiers apparaissent parmi les propriétaires d’immeubles du quartier. On trouve des officiers de l’Hôtel, d’autres serviteurs du roi, ainsi que des conseillers de CharlesVI, parmi lesquels la plupart sont des proches du roi. Après le règne de CharlesVI, c’est-à-dire à l’époque où l’hôtel Saint-Paul n’était plus la résidence royale, des officiers étaient encore présents dans le quartier en raison de la proximité de l’hôtel des Tournelles, mais, d’une part, leurs possessions étaient davantage centrées autour de la rue Saint-Antoine, d’autre part, il s’agissait d’officiers de moindre importance qu’à la période précédente. Les sources font aussi état, à l’occasion de transactions immobilières, de la présence d’officiers de l’administration et de la justice dont la plupart dépendaient du Châtelet ou de la municipalité parisienne.
Le clergé, les fabriques et les confréries — Parmi les clercs, les prêtres sont les mieux représentés; plusieurs d’entre eux dépendaient de l’église Saint-Paul. Le couvent des Célestins possédait quant à lui, outre son clos dont il louait certaines parties, plusieurs maisons situées sur le quai des Célestins, ainsi que le Champ au Plâtre et le terrain bordant au sud la rue de la Cerisaie. Mais c’est la fabrique de l’église Saint-Paul qui possédait le plus grand nombre d’immeubles et de rentes assises sur des immeubles. Celles-ci provenaient de dons ou de fondations et étaient surtout localisées dans la partie nord-ouest du quartier. Enfin, plusieurs confréries possédaient quelques maisons.
Chapitre IILes gens de métier
Les métiers qui caractérisaient les propriétaires du quartier Saint-Paul ne sont pas ceux auxquels on aurait pu s’attendre a priori. En effet, les métiers qui se distinguent sont ceux de laboureur, loin en tête, et ceux de la construction. Il apparaît que les laboureurs ne sont représentés dans les sources qu’à partir de la seconde moitié du xve siècle et que la plupart d’entre eux habitait le quartier même (surtout les rues des Jardins et Saint-Paul) et possédait des terres dans les faubourgs de Paris ou sa proche banlieue à l’est. Il est donc probable qu’il s’agisse d’un phénomène comparable à celui que Simone Roux a constaté dans le quartier de l’Université: au moment de la crise, les laboureurs de la campagne parisienne ont massivement investi dans l’immobilier parisien, contribuant ainsi de façon importante à la reconstruction.
Le grand nombre de maçons, tailleurs de pierre, charpentiers et menuisiers s’explique sans doute par la présence dans le quartier du port des Barrés où arrivaient les marchandises lourdes et notamment les matériaux de construction. On les trouvait essentiellement dans la rue des Jardins.
En comparaison, les métiers de l’alimentation, de service, de l’artisanat du textile et du cuir étaient présents en nombre tout à fait modeste. Quant aux métiers de luxe, ils étaient très peu représentés dans ce quartier où se trouvaient pourtant le roi et la cour.
Conclusion
Si par sa position entre les deux enceintes le quartier Saint-Paul apparaît comme un espace d’extension de Paris, l’évolution de l’espace bâti et donc la progression du peuplement sont difficiles à percevoir. Néanmoins l’impression générale donnée par les sources est celle d’un espace bâti qui aurait déjà été assez dense dès la fin du xive siècle et ne se serait guère développé avant les lotissements du xvie siècle.
L’étude de l’habitat et du marché immobilier a conduit à une conclusion inattendue:les sources utilisées ne témoignent pas d’une situation catastrophique pour le quartier durant la période de crise de la première moitié du xve siècle. Le quartier Saint-Paul aurait-il été plus épargné que les autres ou s’agit-il simplement d’un faux-semblant dû aux hasards de conservation de la documentation
Enfin l’étude sociale tend à prouver que l’influence de la présence royale sur les activités du quartier fut contrastée. Si l’installation du roi à l’hôtel Saint-Paul a entraîné le rapprochement des principaux officiers et conseillers du roi, les princes n’étaient guère présents, à l’exception de Louis d’Orléans. En outre, les métiers de luxe susceptibles de fournir le roi et la cour avaient une place réduite dans la population. De ce point de vue, l’installation royale ne semble donc pas avoir eu de véritable impact économique sur le quartier Saint-Paul.
Pièces justificatives
Sélection de documents représentatifs du corpus dépouillé. Reproduction partielle de six plans de Paris au xvie siècle.
Annexes
Liste des propriétaires successifs de certaines maisons. Tableaux récapitulatifs des conditions et professions apparaissant dans les sources.