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École des chartes » thèses » 2001

Le Comité des travaux historiques et scientifiques (1834-1914) : entre animation et contrôle du mouvement scientifique en France


Introduction

Le Comité des travaux historiques et scientifiques est créé en 1834 par François Guizot, sous le nom de Comité pour la recherche et la publication des documents inédits relatifs à l’histoire de France. Initialement à forte connotation historique, le champ des recherches qu’il mène grâce à ses membres et à un réseau étendu de deux cents correspondants, tous membres de sociétés savantes, s’élargit rapidement: l’archéologie, les sciences, l’économie et la sociologie entrent dans ses attributions au cours du siècle. Sous le Second Empire, puis sous la Troisième République, il coordonne des expéditions et des recherches au Mexique, en Tunisie et en Indochine. En outre, il a la responsabilité de nombreuses publications, fruit de ce travail obstiné. En tant que Comité des société savantes, il est surtout le principal organisme d’incitation à la recherche en France durant quatre-vingt années de progrès scientifiques impressionnants.

Son importance et sa pérennité, il les doit aux divers gouvernements qui se sont succédés en France. Chacun, d’une manière différente, a utilisé le Comité. Tous les régimes, à des degrés différents, ont tenté de contrôler le dynamisme des sociétés savantes, qui sont autant d’électrons libres échappant à l’administration centrale. En outre, ces nouveaux régimes, monarchie de Juillet, Seconde République, Second Empire, Troisième République, se sont d’autant plus intéressés au Comité et à son discours historique qu’ils étaient établis depuis peu et qu’ils étaient vivement contestés. Au cours du xixe siècle, l’intervention de l’État dans le domaine scientifique oscille constamment entre contrôle et incitation. Il ne peut se résoudre à renoncer à surveiller les sociétés savantes alors qu’il intervient de plus en plus dans tous les domaines, mais il n’a pas intérêt non plus à rendre stérile le zèle des chercheurs «amateurs», principaux animateurs de la science, en les accablant sous un poids trop lourd. À la fois organe administratif et porte-parole des «érudits», cénacle parisien et héraut des chercheurs de province, le Comité est l’observatoire idéal pour saisir l’intervention de l’État dans le domaine scientifique au xixe siècle.


Sources

Le fonds du Comité des travaux historiques et scientifiques est conservé dans la sous-série F17 (ministère de l’Instruction publique) des Archives nationales. Constituées surtout de dessins, d’estampages, de communications de correspondants, de procès-verbaux des séances du Comité, les archives ont été versées une première fois en 1937 par la bibliothèque Mazarine, où elles se trouvaient depuis 1879, avant que la direction des bibliothèques de France n’effectue un second versement de 1969 à 1972. Le dépouillement de cet ensemble très important de deux cents cartons a été utilement complété par la consultation de sources imprimées, notamment des textes réglementaires et surtout des publications du Comité (ses bulletins et, dans une moindre mesure, les ouvrages scientifiques dont il a suscité l’édition). De manière ponctuelle, certains lacunes ont pu être compensées par le recours aux archives du Laboratoire des reptiles et amphibiens du Muséum national d’histoire naturelle et aux collections iconographiques des bibliothèques de l’Institut et de l’École française d’Extrême-Orient.


Première partie
La création du comité pour la publication des documents inédits de l’histoire de France: l’Etat à la tête de l’érudition historique


Chapitre premier
La rencontre d’un contexte favorable et d’une volonté politique (1810-1834)

L’intervention timide de l’État — La création du Comité en juillet 1834 concrétise la volonté affirmée par le gouvernement depuis vingt ans de recenser et de protéger les monuments intéressant l’histoire nationale. Sous la Restauration, les initiatives du pouvoir dans ce domaine sont certes intéressantes, mais se révèlent inefficaces faute d’organisation. Dans le même temps, les sociétés savantes retrouvent le dynamisme qui avait été le leur avant l’interdiction révolutionnaire: elles sont animées en particulier par un fort intérêt pour l’histoire et l’archéologie et font preuve d’une indépendance et d’une activité dont l’État ne peut que se méfier. Du reste, la législation sur les associations est toujours celle, restrictive, de l’Empire.

Un nouveau contexte politique — Sous l’influence du mouvement romantique, le goût pour le passé, en particulier pour l’époque médiévale, est particulièrement vif dans le monde du spectacle et de la littérature, milieu à la mode que fréquentent les jeunes Parisiens qui feront partie du Comité à sa création. L’un de ces Parisiens, François Guizot, historien, entre en politique et devient ministre de l’Instruction publique de Louis-Philippe, qui vient d’accéder au pouvoir en 1830. Bien que son projet vise à satisfaire des objectifs scientifiques, Guizot considère que le nouveau Comité doit prendre aussi la tête du mouvement d’érudition des sociétés savantes. Or le gouvernement vient justement de libéraliser en avril 1834 le régime des associations, malgré le danger politique que représentent les sociétés secrètes de Républicains. Dans ces conditions, le Comité ne serait-il pas l’œil du pouvoir, son instrument pour contrôler le mouvement érudit

Des apports scientifiques nouveaux — Les années qui précèdent la création du Comité sont marquées par le développement de l’archéologie, introduite chez les érudits français par les Anglais. Principaux objets d’études des sociétés savantes, l’histoire et l’archéologie sont au cœur des missions de la nouvelle instance scientifique.

Chapitre II
Entre animation et contrôle de l’érudition locale (1834-1852)

L’offensive de l’administration centrale (1834-1840) — Le Comité fait figure de nouveau venu par rapport à l’Institut de France. Son réseau étendu de correspondants le met très vite à la tête de nombreuses recherches historiques. En le réformant en 1837, l’administration entend bien lui donner encore plus d’importance et surtout le placer, lui et les sociétés savantes qu’il anime, sous l’autorité scientifique de l’Institut de France. Cette perte d’indépendance est très mal acceptée par les érudits locaux, soucieux de leur liberté. Marche arrière est faite dès 1840. D’essence libérale, la monarchie de Juillet ne peut imposer son joug aux sociétés savantes.

L’impulsion renouvelée (1840-1852) — Le Comité met en place un remarquable système de recherche où toutes les branches de l’histoire sont représentées. Grâce aux correspondants, les archives sont visitées, les bibliothèques explorées. Faute d’avoir réussi à les contrôler plus étroitement, le pouvoir multiplie, sous la houlette de Salvandy, nouveau ministre de l’Instruction publique, les demandes de renseignement sur les sociétés, leurs membres, leurs statuts et leur financement. La Révolution de février 1848 et les journées de Juin montrent une fois de plus le danger des réunions publiques et des associations dans un climat de forte instabilité politique. Lorsqu’il accède au pouvoir, Louis-Napoléon Bonaparte, lui-même ancien carbonaro, en a parfaitement conscience.

Chapitre III
Un agent efficace de la centralisation: le Comité des arts et monuments (1835-1852)

La particularité du Comité des arts et monuments — Pensés dès l’origine comme objets d’étude du Comité, les monuments impliquent l’instauration d’une instance spécifique, le Comité des arts et monuments, qui se pose en juge des méthodes scientifiques dans le domaine de l’archéologie et de la restauration monumentale. Son influence parmi les érudits locaux est sans équivalent avant le développement de la Commission des monuments historiques, créée en 1837.

L’activité du Comité des arts et monuments — Le Comité des arts et monuments incarne l’intervention de l’État et la centralisation parisienne, car les monuments sont un domaine de confrontation entre l’administration centrale et les municipalités, jalouses de leurs pouvoirs qui s’étendent progressivement. Mais le Comité des arts et monuments prend son rôle tellement au sérieux qu’il en vient à critiquer l’administration elle-même, ainsi que la Commission des monuments historiques, et à se faire le relais des voix qui s’élèvent en province contre l’intrusion de l’État.

Les relais provinciaux d’une administration parisienne — Les nombreux relais du Comité des arts et monuments en province amplifient encore cette opposition latente que l’administration centrale ne saurait tolérer. Les religieux, les société savantes, les commissions départementales des antiquités sont autant d’alliés du Comité des arts et monuments dont ils partagent le discours. Les opposants les plus vindicatifs sont écartés du Comité à partir de 1848, avant que Louis-Napoléon Bonaparte ne lui impose d’abandonner définitivement les polémiques pour se consacrer aux seuls enjeux scientifiques.


Deuxième partie
Le comité au service de l’idée impériale (1852-1870)


Chapitre premier
L’empreinte de l’Empereur: la réorganisation administrative et scientifique du Comité (1852)

La réforme de 1852: le Comité de la langue, de l’histoire et des arts de la France — La réforme du Comité en 1852 s’accompagne d’une réorganisation générale, préparée pendant les années 1849-1851. La structure du Comité est transformée: il y a désormais un seul comité, composé d’autant de sections que nécessaire. Ensuite sa mission est profondément redéfinie: il s’agit de recueillir les poésies populaires des provinces et d’élever ainsi un monument à la gloire du génie littéraire du peuple français. Le lien particulier du bonapartisme avec le peuple des provinces de France trouve à s’exprimer en utilisant et en transformant la structure du Comité.

L’influence politique sur les publications du Comité — L’empreinte impériale est aussi sensible quand on considère les choix éditoriaux du Comité: beaucoup de ses ouvrages célèbrent la nation, mais sans agressivité. Le lien du Comité avec les sociétés savantes est renforcé par la création d’une nouvelle revue, qui rassemble les recherches des érudits.

La mise au pas des sociétés savantes — Le contrôle scientifique se double d’un surveillance politique par l’intermédiaire de l’Université dès 1856. La teneur des débats, les opinions politiques des membres font l’objet de comptes rendus de la part des recteurs. C’est dans ce contexte que prend place une lutte ouverte entre Arcisse de Caumont, farouche défenseur de l’indépendance des sociétés savantes, et l’État qui met en place en 1861 un Congrès national des société savantes à Paris, afin de contrer l’initiative «girondine» de Caumont. La nature autoritaire du régime permet donc un contrôle rigoureux que la monarchie de Juillet, libérale, ne pouvait s’assurer. En effet, si l’Empereur a conservé le Comité hérité d’une monarchie, c’est parce qu’il était bien plus intéressant de l’instrumentaliser que de le supprimer.

Chapitre II
Un organisme d’incitation à la recherche moderne: l’introduction des sciences (1858)

La vision originale de Rouland (1858) — Le ministre de l’Instruction publique, Rouland, prend en compte l’engouement pour les sciences qui tend à supplanter, dans les sociétés savantes, l’histoire et l’archéologie. Les sciences étaient jusqu’alors envisagées par le Comité seulement d’un point de vue historique: on recherchait par exemple des manuscrits inédits de savants conservés dans les bibliothèques. Or c’est vers les débats contemporains que Rouland oriente résolument les travaux du Comité: il transforme ainsi radicalement le champ d’intervention du Comité, qui devient un organisme pilotant des recherches de toute nature.

Les résultats de la réforme de 1858: les sciences au Comité — Les projets sont à la hauteur de l’ambition nationale de l’Empereur. Une vaste enquête scientifique est lancée en 1860 à laquelle tous les chercheurs sont conviés à participer. Dès les premières années de la réforme, les séances du Comité traitent des problèmes scientifiques les plus récents ou des sujets les plus polémiques. Ces faits témoignent de la réussite de Rouland: la science moderne a sa place au Comité.

Innovation contre continuité — Les transformations du Comité sous l’Empire confirment que l’appareil scientifique et la volonté politique de l’Empereur sont très étroitement liés. Cependant, l’édifice monarchique précédent n’a pas été entièrement démantelé. Les recherches en histoire, en archéologie ou en philologie continuent; vingt-et-une publications lancées sous la monarchie de Juillet se prolongent sous l’Empire. L’identification du Comité à la monarchie de Juillet n’est pas assez forte pour que l’Empire l’ait supprimé ou entièrement bouleversé.

Chapitre III
À la gloire de l’Empire: la Commission scientifique du Mexique (1864-1867)

Les raisons de la création de la Commission scientifique du Mexique — Derrière l’instauration de la Commission scientifique du Mexique en 1864, il y a le souvenir de l’oncle, Bonaparte, et de son expédition d’Égypte en 1798 qui lui a valu éloges et popularité. Napoléon III se doit de porter la science là où il a porté les armes. Les intérêts stratégiques et économiques, le projet saint-simonien de construire un canal reliant l’océan Atlantique et l’océan Pacifique sous-tendent sa décision de créer cette instance. C’est au Comité qu’on rattache la Commission, preuve de son importance et de son efficacité. Le but est, en tous cas, de servir les intérêts de la nation.

L’activité de la Commission scientifique du Mexique — Les membres de la Commission reçoivent à Paris les communications et les envois des voyageurs qui sont sur place. Les monuments mexicains, la minéralogie, les sciences naturelles en particulier, sont l’objet de tous les soins. C’est surtout dans ce domaine que la collecte d’information est la plus importante, notamment afin d’étudier la répartition des espèces installées sur les côtes atlantique et pacifique et de comparer leurs caractéristiques.

La fin de l’expédition: l’exposition universelle de 1867 et les publications scientifiques — Si le travail de la Commission se solde par un succès dans les sciences naturelles, l’échec politique de Napoléon III est cuisant. La publication d’énormes et coûteux ouvrages de sciences naturelles ajoute encore au déficit que l’Empire, honni, lègue à la Troisième République naissante. Cette fois-ci, l’instrumentalisation du Comité par le pouvoir impérial avait atteint un tel niveau que le rejet de l’Empire aurait dû emporter le Comité. Mais, de façon surprenante, la continuité entre les deux régimes sur ce point est totale.


Troisième partie
La république libérale et la direction des esprits (1870-1914)


Chapitre premier
Le Comité impérial: un héritage assumé par la République

L’héritage impérial assumé — En contradiction absolue avec le discours critique tenu par les Républicains sur l’inanité des réformes impériales, l’organisation en sections décidée par l’Empire et l’impulsion donnée à l’étude des sciences sont non seulement conservées, mais encore développées. Les seules modifications adoptées visent en effet à assurer le suivi et la continuité des publications et de l’esprit du Comité.

L’héritage impérial amplifié — De nouvelles sections sont créées afin de suivre les derniers développements de la science: l’économie et la sociologie font ainsi leur apparition. Dans un Comité réputé «positiviste», la nouvelle section d’histoire moderne et contemporaine préconise dès 1915 de conserver tous les placards éphémères et de recueillir les témoignages des Français pour faire l’histoire de la guerre, y compris les critiques, aussi brutales soient-elles. Même en histoire, branche traditionnelle du Comité, et malgré le lien privilégié avec l’administration centrale, le Comité sait renouveler ses méthodes scientifiques et proposer à ses correspondants des études d’une grande objectivité.

L’héritage impérial refusé — L’importance accordée aux sociétés savantes sous l’Empire a été bénéfique, mais le contrôle exercé excessif. Plusieurs décisions républicaines tendent à nier aux sociétés savantes l’indépendance dont elles disposaient encore trente ans avant. La bibliothèque des sociétés savantes, créée sous l’Empire, est ainsi démembrée en 1890. Le rôle traditionnel que jouaient les correspondants de province dans l’inventaire des monuments français s’amenuise au profit de la Commission des monuments historiques, qui s’appuie désormais sur la loi de 1887: l’État centralisateur s’est entièrement saisi du domaine des monuments historiques et ne tolère pas l’intervention d’«amateurs». Dans ces conditions, le rapport entre les sociétés savantes et l’État ne s’est-il pas assoupli avec la République

Chapitre II
Un nouveau rapport entre l’État et les sociétés savantes

Le Comité des sociétés savantes — Le lien affirmé dès la création du Comité en 1834 et renforcé sous l’Empire entre l’administration et les sociétés savantes est toujours d’actualité. Le Congrès national des sociétés savantes est l’occasion de réaffirmer, à partir de 1861, les liens entre Paris et les chercheurs de province. Progressivement, le Comité est devenu l’institution dispensatrice des subventions qui permettent aux sociétés savantes de poursuivre leurs publications. En même temps que les Républicains donnent l’orientation la plus libérale qui ait été connue avec la loi sur les associations de 1901, la surveillance exercée sur les sociétés savantes se traduit par un fichage des opinions politiques des correspondants, comme sous l’Empire.

L’intervention de l’État en archéologie — Comme on l’a vu, la centralisation et la professionnalisation scientifiques se sont faites dans le domaine du patrimoine architectural, au détriment des érudits et du Comité, qui ont dû laisser la place à la Commission des monuments historiques. Les fouilles archéologiques, qui sont libres, sont en grande partie aux mains des «amateurs» qui ont constamment été à la pointe de la discipline. Celle-ci fait l’objet de la même volonté interventionniste de la part de l’administration centrale. Un projet de loi de 1910 visant à réglementer l’archéologie, la pratique scientifique et le sort des objets découverts déclenche une vague de protestations des sociétés savantes. Leur représentant, le Comité, est encore une fois en porte-à-faux entre l’État et les «amateurs» qu’il soutient. En fin de compte, grâce au Comité, la République a maintenu l’emprise de l’État sur les sociétés savantes et sur leur activité scientifique, conformément à ses racines jacobines.

Chapitre III
L’exaltation de la nation

L’histoire de la République — Sans conteste, l’avènement de la République a de nombreuses conséquences sur les liens unissant l’administration au Comité et aux sociétés savantes. Paradoxalement, la défaite de 1870 exacerbe l’exaltation de la nation déjà présente dans le bonapartisme. La nation, dans l’esprit des Républicains qui sont au pouvoir en 1880, se confond avec la République, qui est inscrite en linéaments dans l’histoire séculaire de la France. Le Comité est chargé dès 1876 de retrouver cet esprit républicain dans les siècles passés. D’essence révolutionnaire, le régime lance aussi en 1886 des recherches novatrices sur la Révolution française. C’est là encore le Comité et ses correspondants qui se penchent sur des événements cette fois récents et de nature polémique.

Un outil scientifique privilégié de l’expansion coloniale — Développant les thèmes nationalistes de la doctrine colonialiste, le gouvernement républicain entend favoriser les recherches géographiques du Comité, en créant une nouvelle section en 1885. Il rattache deux commissions au Comité, l’une pour le protectorat tunisien en 1884, l’autre pour la colonie indochinoise en 1908. Chargée de veiller sur les monuments et surtout sur les fouilles archéologiques, la Commission de Tunisie retrouve le rôle ambigu que tenait le Comité des arts et monuments sous la monarchie de Juillet: elle est l’organe de l’administration et en même temps se fait l’écho des revendications et des critiques des particuliers, érudits locaux et sociétés savantes. Elle s’appuie principalement sur l’armée dont les officiers, très actifs en matière d’archéologie, se considèrent comme les héritiers des Romains. La commission archéologique d’Indochine surveille les travaux et les restaurations effectuées à Angkor. Elle représente la voix des scientifiques, en particulier de l’Institut, face aux architectes. Dans un cas comme dans l’autre, le rattachement au Comité des travaux historiques et scientifiques illustre la place importante que ce dernier occupe: il incarne pour l’État un compromis intéressant, en permettant une centralisation de la science qui évite une opposition frontale avec les sociétés savantes fières de leur indépendance.


Conclusion

L’indépendance du mouvement scientifique au xixe siècle apparaît comme un leurre. Au sein du Comité des travaux scientifiques, trois sortes d’intervention du pouvoir central sont sensibles. D’un point de vue administratif d’abord, le siècle est marqué par le poids croissant de la centralisation, alors que les pouvoirs locaux défendent farouchement leurs droits. En outre, la nature des régimes qui se succèdent à la tête de la France influence largement le choix des membres du Comité, dont les opinions politiques sont surveillées, sous le Second Empire comme sous la Troisième République. Enfin, certains sujets de recherche sont privilégiés en fonction du régime en place et de la mythologie qui le sous-tend: la répétition de l’expédition d’Égypte en 1864 et la célébration de la Révolution française sous la Troisième République en sont deux exemples frappants.

Les archives du Comité sont précieuses pour suivre les débats scientifiques des disciplines les plus diverses: histoire, archéologie, sciences naturelles, préhistoire ou ethnographie. Elles montrent aussi comment la composition de certains fonds de bibliothèques et d’institutions est la conséquence directe d’événements politiques particuliers: l’histoire de la Commission scientifique du Mexique permet, par exemple, d’éclairer sous un jour nouveau les collections du Muséum d’histoire naturelle de Paris et mêle histoire politique, histoire des sciences et histoire de l’art. Ces multiples aspects témoignent de la richesse des archives du Comité.


Pièces justificatives

Textes administratifs (circulaires, arrêtés). ­ Instructions du Comité des arts et monuments sur le vitrail et sur la restauration des orgues (1840). ­ Rapport et devis sur les travaux à effectuer dans le cloître de Cadouin (1840). ­ Rapport du secrétaire du Comité sur les manuscrits de la bibliothèque Mazarine (1842). ­ Liste de 266 bibliothèques françaises, avec indication du nombre de leurs volumes (1842). ­ Discours officiels et listes des publications scientifiques de la Commission scientifique du Mexique. ­ Description scientifique de trois spécimens de reptiles rapportés du Mexique. ­ Rapport de l’architecte Henri Parmentier sur les travaux faits à Angkor (1910).


Illustrations

Décors de théâtre et d’opéras du début du xixe siècle. ­ Dessin d’un tombeau découvert à Nîmes en 1839. ­ Planches d’une étude d’anthropologie morbide transmise par un correspondant de la Seine-Inférieure. ­ Gravures des trois spécimens de reptiles rapportés du Mexique. ­ Envoi de correspondants sur des monuments de Tunisie et d’Indochine.