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École des chartes » thèses » 2001

Aspects militaires de la guerre pour la succession de Bourgogne, de Nancy au traité d’Arras (5 janvier 1477-23 décembre 1482)


Introduction

Alors que les conséquences politiques du conflit suscité par la succession de Charles le Téméraire ont été, à juste titre, largement développées par les historiens, on en a négligé les aspects militaires. Ils présentent pourtant un grand intérêt. Au-delà des aléas de cette guerre de près de six années, on y voit à l’œuvre les grandes réformes militaires de Louis XI, ainsi que le devenir des institutions héritées de Charles le Téméraire. Disparu dans la tourmente suivant le désastre de Nancy, condamné par les députés des Etats généraux de 1477, le modèle bourguignon fut partiellement ressuscité par Maximilien. Cela ne se fit pas sans difficultés, ni sans limites. Le principe d’armée permanente ne fut jamais accepté qu’avec beaucoup de réticences, tant les libertés communales et provinciales étaient liées à la capacité qu’avaient les habitants de se défendre par eux-mêmes. Pourtant, sous l’emprise de la nécessité, il fallut bien s’accommoder de l’existence de soldats professionnels, entraînés, disponibles en permanence, souvent étrangers, parfois violents, toujours très chers.

Maximilien tenta désespérément de forger un outil militaire capable de vaincre un formidable adversaire, malgré les tensions auxquelles le soumettaient ses ressources limitées et la méfiance de sujets allergiques à l’autoritarisme. Les diverses expérimentations auxquelles il se livra, mariant dans des proportions à chaque fois différentes arrière-ban, armée permanente et mercenaires étrangers, illustrent avec éclat toutes les difficultés que pouvaient poser aux souverains médiévaux un tel exercice. Louis XI éprouva dans une moindre mesure des difficultés similaires. Sa supériorité lui permettait certes de prendre l’avantage sur ses ennemis, mais pas de s’emparer de villes bien défendues et insensibles à l’argent et aux promesses royales. Le roi crut trouver une solution en entretenant en permanence une nombreuse infanterie, dont un important contingent suisse. La charge exorbitante qu’elle représentait pour les finances royales la condamna d’emblée. En fin de compte, les deux adversaires s’étaient montrés incapables de surmonter les contraintes politiques, financières et techniques et de mettre sur pied, pour Maximilien une armée capable d’assurer seule la défense de ses Etats, pour Louis XI un instrument de conquête qui lui aurait permis de s’affranchir de la diplomatie et du consentement des habitants des provinces qu’il convoitait.


Sources

Les sources sont nombreuses, mais le plus souvent indirectes. En effet, il ne reste que des épaves des archives de la Chambre des comptes des rois de France, et les registres des trésoriers des guerres et des receveurs de l’artillerie des ducs de Bourgogne, si riches pour la période précédente, ont tous disparu. Malgré cela, la recette générale des finances bourguignonnes constitue toujours une source très riche, aussi bien au travers de la petite messagerie, qui enregistre la plupart des courriers envoyés par le duc à ses capitaines que par les nombreuses dépenses militaires qui y figurent, même indirectement. De même, le dépouillement des lettres de rémission accordées aux gens de guerre, enregistrées dans les archives de la chancellerie française, permet de reconstituer une grande partie de l’organisation militaire française. Il autorise une approche de la vie quotidienne des hommes de l’ordonnance royale, très utilement complétée par le “ Kalendrier des guerres de Tournay ”, chronique rédigée au jour le jour par un clerc de Tournai, Jean Nicolay, entre 1477 et 1478.


Première partie
La guerre de succession de Bourgogne (1477-1482): déroulement, aspects politiques et diplomatiques


Chapitre premier
Le bateau ivre (5 janvier 1477-avril 1477)

Après la mort de Charles le Téméraire, Louis s’emploie à conquérir l’héritage de sa filleule, Marie de Bourgogne. Il dispose alors d’une liberté de manœuvre presque complète, car la jeune duchesse doit faire face à de violentes révoltes urbaines, tandis que les Anglais assistent sans réagir au reflux de leurs anciens alliés. La conquête prend l’allure d’une promenade militaire, jalonnée par les défections des principaux chefs bourguignons et les redditions sans coup férir des principales villes de Bourgogne et de Picardie.

Chapitre II
Conquête de l’Artois et invasion du Hainaut par Louis XI (avril 1477-septembre 1477)

Après les succès des premiers mois, Louis XI se heurte à la résistance des Bourguignons qui, à défaut d’être organisée, se fait de plus en plus farouche. La révolte d’Arras, de la Bourgogne et de la Franche-Comté scelle la fin des triomphes faciles.

L’arrivée de Maximilien donne enfin un chef aux habitants des pays de par-deçà. La guerre prend ainsi un tour nouveau, et à la fin de 1477, les Français, malgré leur supériorité numérique, marquent le pas. Ils repoussent toutefois les velléités offensives ennemies et infligent des défaites sanglantes aux armées rassemblées par les Flamands. L’occupation de Tournai met en outre à portée de leurs chevauchées une grande partie de la Flandre et du Hainaut.

Chapitre III
Dernières tentatives de sortir de l’impasse, échec de Louis XI en Hainaut (1473) et de Maximilien en Artois (1479)

L’impasse militaire devient complète lorsque Louis XI, puis Maximilien échouent dans leurs dernières tentatives d’arracher la victoire en 1478 et 1479. Le roi, après avoir évacué le comté de Hainaut et diminué les effectifs de ses garnisons, se cantonne alors à une stricte défensive dans le Nord. Les Français réussissent toutefois à conquérir définitivement la Franche-Comté en 1479. L’échec de Maximilien en Artois, malgré une victoire de prestige chèrement arrachée à Guinegatte, suscite une profonde déception parmi ses sujets, qui va peu à peu se muer en hostilité.

Chapitre IV
La forteresse assiégée (1430-1482)

A partir de 1480, la situation devient de plus en plus intenable pour les Bourguignons. En butte aux rebellions de la Gueldre, des villes de Hollande, des seigneurs du Luxembourg, Maximilien ne peut faire autre chose que courir d’un incendie à l’autre. La mort de Marie de Bourgogne, la révolte des Gantois et la prise d’Aire par Philippe de Crèvecoeur le contraignent finalement à signer le traité d’Arras, qui marque le démantèlement de l’Etat bourguignon.


Deuxième partie
L’armée bourguignonne de 1477 à 1482


Chapitre premier
Les ressources financières de Maximilien: armée du duc ou armée du pays

Depuis les Etats généraux de 1477, ce sont les provinces qui déterminent le montant des impôts accordés à Marie et à Maximilien. S’ils consentent des sacrifices financiers très importants jusqu’en 1479, l’échec des campagnes militaires de 1479 en Artois sonne le glas d’une coopération active entre le prince et ses sujets. Ces derniers n’accorderont dès lors qu’avec parcimonie des aides fiscales très insuffisantes. Se chargeant de la levée des impôts, les Etats disputent également au duc le paiement et le contrôle des troupes. L’administration ducale réussit à recouvrer ses prérogatives, mais tout est à nouveau remis en cause par la mort de Marie de Bourgogne, les Etats de Flandre prétendant lever et payer eux-mêmes leurs contingents.

Chapitre II
L’armée permanente

Sur le modèle de l’armée de Charles le Téméraire, des compagnies d’ordonnance sont à nouveau instituées en novembre 1477. Leurs effectifs varient entre 300 et 1200 lances de 1477 à 1480, puis s’effondrent à 600 lances à partir de janvier 1481. Même avec le renfort de l’hôtel ducal, les Bourguignons ne peuvent aligner sur les frontières que des effectifs trois à quatre fois inférieurs à ceux des Français. Initialement concentrées entre Saint-Omer et Valenciennes, la révolte de Luxembourg et la remilitarisation de Cambrai contraignent en outre les Bourguignons à affaiblir les garnisons opposées aux Français. Lorsque Marie de Bourgogne meurt, l’armée ducale est presque aussi inexistante qu’en 1477.

Chapitre III
Le crépuscule de l’infanterie communale

La mort de Charles le Téméraire déboucha sur un renouveau de l’emploi des contingents de piquiers des villes de Flandre et de Brabant. Seuls à assurer la défense des Etats bourguignons durant les six premiers mois de 1477, ils contribuent dans une large mesure à endiguer l’invasion française. Réorganisées et mieux encadrées par les officiers ducaux, les milices communales tiennent au sein de l’armée ducale une place prépondérante en 1473 et 1479. Leur manque de cohésion et de discipline fit quelles se montreront toutefois de plus en plus inadaptées aux nouvelles formes de la guerre, qui exige un professionnalisme croissant. Aussi l’arrière-ban roturier n’est-il plus utilisé après 1480 que pour la garde des villes et des passages, ou en cas d’extrême urgence.

Chapitre IV
L’armée bourguignonne à l’œuvre

Maximilien doit en permanence faire face à une famine financière qui l’empêche de payer régulièrement ses armées. Une indiscipline chronique en résulte, qui limite beaucoup la portée de ses entreprises. Les soldats, payés avec parfois plus de six mois de retard, plongés dans un dénuement extrême, refusent de se mettre en route ou se répandent dans les campagnes qu’ils mettent au pillage. Les capitaines, contraints de verser des avances à leurs hommes, se révèlent le plus souvent incapables d’obéir aux ordres de Maximilien. Par trois fois, en Artois en août et en octobre 1479, puis à Luxembourg en 1480, son armée se disperse d’elle-même une dizaine de jours seulement après le début de la campagne. Le jeune duc, épris de prouesse chevaleresque, est ainsi confronté à une réalité qui ne correspond que rarement à ses ambitions.


Pièces justificatives

Capitaines français soldés par Guillaume de la Croix et Denis Le Breton, trésoriers des guerres, en 1476, 1478 et 1479. ­ L’aide apportée par le duc aux combattants de Guinegatte, à travers les dons figurant dans la recette générale des finances des Etats bourguignons. - Extraits des comptes du receveur de l’artillerie des ducs de Bourgogne.


Annexes

Etat des paiements des gens de guerre, réalisé à partir des archives de la recette générale des finances des Etats bourguignons. - Courriers adressés par Maximilien à ses capitaines, conservés dans les archives de la recette générale des finances des Etats bourguignons. - Prosopographie des capitaines bourguignons. ­ L’armée française, une écrasante supériorité de moyens : l’organisation militaire française de 1477 à 1482, l’activité des gens de guerre du roi de France en garnison sur les frontières et leurs rapports avec les civils, la guerre d’escarmouche. - Les étrangers dans l’armée de Maximilien. - La tactique militaire au xve siècle à travers l’exemple de la bataille de Guinegatte.