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École des chartes » thèses » 2002

Recherches sur l’antiquaire lyonnais Guillaume du Choul (ca. 1496-1560)


Introduction

Si l’on pressent l’importance de Guillaume du Choul dans l’histoire des antiquaires de la Renaissance, on ne sait en revanche presque rien de sa vie et de ses collections. La découverte de nouveaux documents et l’étude détaillée de ses livres permettront de mieux connaître le milieu dans lequel il vivait et de comprendre en quoi consistait l’œuvre d’un antiquaire lyonnais dans la première moitié du XVI e siècle.


Sources

Les sources de la biographie de Du Choul sont peu nombreuses. Le principal fonds exploité concerne ses cousins (Vienne, Archives communales, fonds de l’hôpital, H 130 à 234). Le cabinet des titres de la Bibliothèque nationale de France contient plusieurs dossiers généalogiques d’autant plus précieux qu’ils ont conservé trace, sous la forme d’analyses, de documents perdus : généalogies dans ms. fr. 32465 et Chérin 55, analyses dans Carrés d’Hozier 187 et Nouveau d’Hozier 98. Une seule lettre de Guillaume du Choul est connue. Pour l’étude de ses livres, on se fonde sur divers traités du xvie siècle en épigraphie, en numismatique, en sciences naturelles, ainsi que sur des recueils d’estampes et de dessins, pour identifier ses intérêts littéraires et graphiques.


Première partie
Un antiquaire lyonnais


Chapitre premier
L’Antiquité à Lyon sous François Ier et Henri II

Les recherches. ­ L’importance de Lyon dans les études antiquaires à la Renaissance n’est plus à démontrer. On distingue plusieurs genres de travaux écrits ou publiés à Lyon : des recueils de matériaux sur l’histoire ancienne de la ville, composés par des lettrés comme Symphorien Champier, Claude Bellièvre ou Pierre Sala ; des études sur les antiquités de Rome, dues à Bartolomeo Marliani et à Gabriel Symeoni ; des publications numismatiques illustrées, dont les imprimeurs lyonnais s’étaient fait une spécialité au milieu du XVI e siècle.
Les vestiges. ­ Les monuments antiques de Lyon, de rares morceaux de sculpture, nombre d’inscriptions latines ont fait l’objet d’études particulières, notamment par Gabriel Symeoni dans L’origine et le antichità di Lione. Les trouvailles monétaires sont en revanche rarement signalées.
Les collections. ­ Les collections lyonnaises comptent parmi les premières formées en France, qu’il s’agisse du médaillier de Guillaume du Choul, attesté dès 1537, ou du jardin archéologique de Bellièvre. Les médailliers en particulier sont bien connus grâce au corpus numismatique de Jacopo Strada.

Chapitre II
Biographie de Guillaume du Choul

Le milieu familial. ­ La famille de Guillaume du Choul, originaire de Longes et de Saint-Andéol-le-Château, en Lyonnais, s’est fixée à Lyon en 1476. Elle comptait plusieurs hommes de loi. Parmi les alliances de la branche aînée, on relève celle d’un cousin de Guillaume, Jean, avec la sœur de Maurice Scève. Guillaume du Choul a épousé avant 1522 Claire Faure, de Valence en Dauphiné, qui lui donna un fils, Jean, lequel accompagna Claude d’Urfé dans son ambassade à Rome (1549-1551). En secondes noces, Guillaume épousa le 22 avril 1532 la parisienne Madeleine Allegrin. Leur fille Madeleine fut la femme de Jean de Tholomey, neveu et héritier de l’humaniste siennois Claudio Tolomei ; Maurice Scève, que V.-L. Saulnier croyait mort en 1560, fut témoin de ce mariage, le 22 juin 1563. Guillaume du Choul mourut le 4 novembre 1560.
La carrière. ­ Après avoir étudié le droit à l’université de Valence, Du Choul fut pourvu de l’office de bailli des Montagnes du Dauphiné, par lettres du 11 avril 1522. Il fut encore nommé maître des requêtes ordinaires du dauphin le 25 octobre 1523.
L’antiquaire dans sa ville. ­ La maison de Du Choul à Lyon, située actuellement au 27 de la montée du Gourguillon, a fait l’admiration des antiquaires Jacopo Strada et Gabriel Symeoni : d’après ce dernier, elle aurait été ornée de fresques. Guillaume du Choul participait à l’assemblée savante que l’historiographie lyonnaise a appelée “ Académie de Fourvière ” et qui, en 1537, réunissait entre autres Girolamo Fondulo, Michel Servet, Benoît Lecourt, Guillaume et Maurice Scève.


Deuxième partie
Les œuvres de Guillaume du Choul


Chapitre premier
Le manuscrit des Antiquités romaines(Turin, Biblioteca Reale, ms. varia 212)

O. Hirschfeld dans le Corpus inscriptionum latinarum, en 1899, et R. Cooper, en 1988, ont daté de 1538 le plus ancien livre de Guillaume du Choul qui ait été conservé, le manuscrit des Antiquités romaines. L’étude critique du texte conduit à proposer une datation dans les dernières années du règne de François Ier , en raison des allusions aux “ antiquités ” de Fontainebleau et à l’architecture du Louvre, et de la mention de l’inscription fausse de Sarlat, prétendument trouvée “ depuis six ans ”, alors qu’une autre source précise que cette découverte eut lieu en 1541. D’autre part, le témoignage de Jean-Aimé de Chavigny, un ami du fils de Guillaume du Choul, date implicitement la mise au net du manuscrit de Turin de l’époque de la mort du roi (31 mars 1547), à qui l’auteur comptait présenter ce luxueux volume sur vélin.
L’objet du livre est de rendre compte de la civilisation du Haut-Empire, de César à Maximien Hercule, en se fondant sur les sources littéraires et, ce qui était alors nouveau, sur une documentation matérielle comprenant inscriptions, monnaies et représentation de monuments, d’où l’importance des figures, peintes parfois à pleine page. Pour ordonner ces antiquités romaines, l’auteur a pris pour modèle les Illustrium imagines d’Andrea Fulvio (Rome, 1517), prototype du recueil de biographies d’empereurs illustrées de médailles. Le manuscrit de Turin se compose de sept chapitres, de César à Claude : Du Choul n’a donc suivi le plan de Suétone qu’en partie seulement, introduisant à la manière du rédacteur de l’ Histoire Auguste des vies secondaires, celles de Germanicus père de Caligula et de Drusus père de Claude. Le titre du manuscrit, Des antiquités romaines premier livre, invite à réfléchir sur sa composition, d’autant plus que des textes de 1555 nous apprennent que l’œuvre comprenait douze livres. L’examen codicologique révèle que le volume conservé est constitué de trois livres, qui sont à la fois des unités matérielles et intellectuelles : le titre, l’épître et la vie de César (I), les vies d’Auguste et de Tibère (II), celles de Germanicus, Caligula, Drusus et Claude (III). L’ajout d’une postface “ au roy ”, où l’on reconnaît des emprunts au Vitruve de Jean Martin, paru en 1547 et dédié à Henri II, montre que Du Choul, à la mort de François Ier , envisagea de présenter son livre au nouveau roi.
En raison de l’absence de marque de possession antérieure à 1832, il est malaisé d’écrire l’histoire du volume. Le témoignage de Chavigny, celui d’André Thevet établissent que l’auteur conservait encore le manuscrit dans les années 1550. Il est possible que Jacopo Strada s’en soit inspiré pour son Epitome thesauri antiquitatum(Lyon, 1553). Jean du Choul, fils aîné de Guillaume, auteur de quelques opuscules, pourrait en avoir hérité. Par la suite, il semblerait qu’Antoine du Verdier l’ait démarqué dans sa Prosopographie(1584). Selon Chavigny, le manuscrit se trouvait vers 1600 dans la bibliothèque des Nemours, à l’époque du duc Henri de Savoie, mais il n’est pas possible de préciser quel duc l’avait acquis. Il passa ensuite dans la bibliothèque ducale de Turin, où il figure dans un récolement de mars 1659. Vers 1700, il fut à nouveau relié, sans collationnement, et l’ordre des feuillets fut dérangé. Enfin, saisi à l’époque révolutionnaire par le commissaire Legrand, il fut vendu vers 1800 à un certain Antonio Tiola, puis redevint propriété du roi de Sardaigne.
D’après La bibliotheque d’Antoine du Verdier (Lyon, 1585), l’imprimeur-libraire Guillaume Rouillé possédait un manuscrit de Du Choul intitulé Epitome des antiquitez romaines. Il pourrait s’agir de l’abrégé pour lequel Symeoni avait reçu cent écus de Rouillé et dont il a fait mention dans son autobiographie de 1561.
L’examen codicologique du manuscrit a notamment permis de rétablir l’ordre initial des feuillets.

Chapitre II
Le livre des Bains(Bibl. nat. de Fr., ms. fr. 1314)

Du Choul annonçait à la fin du manuscrit de Turin une étude sur les “ thermes et lavacres au livre second [des] Antiquitez romaines ”, alors qu’il en était déjà au livre III, entendu comme unité codicologique dans le système de 1555. En 1547, l’auteur donnait donc au mot “ livre ” le sens de “ volume ”. Puisque son fils, dans une lettre datable de la Toussaint 1546, signalait deux livres des Antiquités romaines, on en déduit que le projet initial prévoyait deux volumes, qui devaient correspondre aux Douze Césars de Suétone. L’introduction dans le manuscrit de Turin de vies secondaires, auxquelles les illustrations donnaient quelque consistance, permettait de rejeter la vie de Néron dans le second volume, qui eût été trop mince avec les seules vies des six derniers césars, lesquelles formaient chez Suétone les livres VII et VIII. La répartition prévue pour chaque volume était vraisemblablement de sept chapitres en trois livres, soit, pour le second volume, Néron (IV), Galba, Othon et Vitellius (V), Vespasien, Titus et Domitien (VI). Les livres VII à XII mentionnés en 1555 se fondaient vraisemblablement sur l’ Histoire Auguste.
Les historiens de l’art se sont intéressés au livre des Bains, pour le passage sur Fontainebleau, et l’ont daté de 1538 ou de 1555. Il était en fait annoncé par Jean du Choul en 1546, dans un recueil de lettres non répertorié par Baudrier. On peut d’ailleurs le dater de l’année 1547 en raison de sa similitude avec le manuscrit de Turin. Cet opuscule est dédié à un roi qui n’est pas nommé et il semble que l’auteur, après avoir renoncé à présenter à Henri II le premier volume des Antiquités, lui ait offert cette étude conçue à l’époque de François Ier . L’histoire du livre des Bains n’est pas aussi mouvementée que celle du manuscrit de Turin, et nous le retrouvons dans les anciens inventaires de la bibliothèque royale depuis 1622.
Le livre, qui fut imprimé en 1555, se composait de deux parties : la première était consacrée aux bains et la seconde aux gymnases. Cette articulation désigne sa source, à savoir deux chapitres consécutifs du De architectura de Vitruve (V, 10 et 11), et l’analyse détaillée révèle des emprunts à la traduction de Cesariano (Côme, 1521). Le texte de Du Choul pourrait être un commentaire à la manière des lectures de Vitruve organisées par son parent Claudio Tolomei dans le cadre de l’Académie vitruvienne à Rome, au début des années 1540. Pour la partie sur la palestre, Du Choul a repris une illustration et un passage des Antiquités sur le “ combat des cestes ”. Le remploi de matériaux des Antiquités, qui n’avait pu être offert au roi, deviendra courant pour les livres postérieurs.
L’épître des Bains est une évocation du château de Fontainebleau, où Du Choul avait visité l’appartement des bains, une galerie qui doit être la galerie François Ier et les espaces situés autour de l’étang. Le style métaphorique de l’auteur invite à penser qu’il faisait allusion aux fontes du Primatice lorsqu’il présentait la saulaie au bord de l’étang comme une “ demeurance divine ”. De même le paragraphe des Antiquités sur François Ier restaurateur de l’architecture pourrait être un commentaire de la fresque que nous appelons depuis Panofsky L’ignorance chassée. La visite à Fontainebleau est datable entre 1544 et 1546.
Il est difficile de savoir à quel point l’antiquaire lyonnais connaissait le roi. On sait en revanche qu’il était en relation avec un artiste de Fontainebleau, Antonio Fantuzzi, qui travaillait sous la direction du Primatice. Dans les années 1542 à 1545, Fantuzzi était actif comme graveur, reproduisant entre autres des inventions de Jules Romain, avant de fournir des modèles de grottesques pour la galerie d’Ulysse, dont la décoration ne commença pas avant 1546. Guillaume du Choul, de son propre aveu, lui devait la “ paincture ” d’une Diane d’Ephèse trouvée depuis peu à Rome et dont la description laisse entendre qu’il pourrait s’agir d’une copie d’après les Loges de Raphaël au Vatican : peut-être conviendra-t-il de revenir sur le jugement de H. Zerner, qui avait exclu l’hypothèse d’un voyage à Rome de Fantuzzi.

Chapitre III
Du De re nautica au Discours de la religion

Le De re nautica, manuscrit qui serait actuellement conservé à la bibliothèque de l’Université du Minnesota, est connu par les descriptions de deux catalogues de vente et par une note de R. Cooper. Cet album de dessins sur papier bleu représentant des navires antiques fut offert à Henri II - dont l’intérêt pour la marine est bien connu - et paraît dater des années 1548-1550, d’après la description de la reliure où les fers de Claude Picques ont été reconnus. Il est possible que Guillaume du Choul, qui jusque-là avait fait couvrir de velours ses manuscrits de dédicace, ait fait faire pour celui-ci une reliure de maroquin noir par l’atelier de Claude Picques, rue Saint-Jacques à Paris. L’antiquaire lyonnais fréquentait en effet le quartier des relieurs, où sa femme, Madeleine Allegrin, possédait une maison rue de la Harpe, entre la rue du Foin et la rue des Mathurins, soit la section actuelle du boulevard Saint-Michel contre les thermes de Cluny. Le De re nautica ne fut pas déposé dans la bibliothèque royale.
R. Cooper a mis en relation le De re nautica et le célèbre livret de l’entrée de Henri II à Lyon en 1548, en raison de la naumachie qui fut donnée sur la Saône et de la documentation archéologique mise en œuvre pour la fête. On peut abonder dans ce sens et trouver dans le livret de nombreux emprunts aux travaux de Du Choul, dont on sait par une lettre de son fils que la plupart des livres étaient en projet depuis 1546. Cependant, la participation de Guillaume du Choul au programme des fêtes paraît se limiter à la mise à disposition de sa documentation graphique et Maurice Scève, à qui V.-L. Saulnier a rendu la paternité du livret de 1548, était suffisamment antiquaire et numismate pour ne pas devoir recourir aux explications de son cousin.
La libéralité de Guillaume du Choul était bien connue des lettrés. Guillaume Rondelet l’a remercié en 1554 de lui avoir communiqué son livre sur les coquillages, De conchis et turbinatis, qui n’a pas été retrouvé à ce jour. Le manuscrit d’un livre d’emblèmes de Symeoni nous apprend que le graveur de Rouillé, en l’occurrence le Maître à la capeline, devait se rendre chez Du Choul pour y copier des représentations d’animaux. Les vignettes de ce livre imprimé en 1559 donnent une idée d’un autre ouvrage perdu à ce jour, Des animaux feroces et estranges, qui semble avoir été conservé par la famille au xviiie siècle. La documentation de Du Choul pourrait encore avoir été utilisée pour le plus célèbre des livres de médailles, le Promptuaire des medalles paru anonymement chez Rouillé en 1553. Ainsi, dans les années 1550, Symeoni a pu expliquer la devise de l’antiquaire lyonnais par sa renommée en tant que savant, d’autant plus justifiée qu’il ne s’était jamais rendu à Rome : Honor sine honore beatus.
Après avoir vainement sollicité la faveur royale ( sine honore), Du Choul entreprit de diffuser ses œuvres. Le privilège des trois livres imprimés chez Rouillé date du 31 octobre 1553. Avec les Bains et antiques exercitations grecques et rommaines, parut en 1555 le Discours sur la castrametation et discipline militaire des Romains, ce dernier conçu dès 1546 et annoncé dans les Antiquités comme ouvrage indépendant. Cette étude procédait d’une digression particulièrement longue dans le manuscrit de Turin, dont le point de départ était le commentaire d’une inscription mal lue sur un tribun de la prétendue legio VII Lugudunensis. Guillaume du Choul, qui écrivait en courtisan, faisait peut-être allusion à la réforme de l’infanterie française engagée par François Ier en 1534, par laquelle sept légions de 6000 hommes avaient été créées, qui portaient le nom des provinces où elles étaient levées. A cette occasion, le roi avait composé un ouvrage sur la Discipline militaire, ce qui a pu influencer Du Choul et expliquerait les comparaisons d’actualité qu’il faisait avec les soldats suisses et turcs. On sait d’autre part que l’architecte bolonais Sebastiano Serlio avait entrepris vers 1545-1546 une recherche sur la castramétation d’après Polybe, alors qu’il vivait encore à Fontainebleau. Du Choul, qui s’y trouvait dans les mêmes années, pouvait en être informé par un autre Bolonais, Antonio Fantuzzi. La Castramétation est essentiellement un commentaire de planches sur l’armée romaine, où V. Farinella a reconnu l’iconographie de la colonne Trajane d’après les relevés de Jacopo Ripanda. Il n’est pas impensable que Du Choul ait dû à Fantuzzi de tels relevés, dans la mesure où son maître le Primatice s’était intéressé à ce monument à plusieurs reprises.
De 1556 date le Discours de la religion des anciens Romains, célèbre pour l’abondance de son illustration, principalement numismatique (428 revers et 106 droits). Il était dédié à Claude d’Urfé en remerciement des services rendus à Rome à l’auteur et aux siens, allusion au séjour de Jean du Choul dans la suite de l’ambassadeur du roi de France. Au dire de Strada, Guillaume du Choul s’est qualifié comme l’un des premiers numismates par son habileté à interpréter les revers monétaires, jusqu’alors mal compris. La Religion, que l’on trouve dans bien des catalogues de bibliothèques anciennes, servit de répertoire iconographique à plusieurs peintres, comme Nicolas Poussin.


Troisième partie
La documentation et sa mise en œuvre


Chapitre premier
Les sources littéraires

La bibliothèque de Guillaume du Choul. ­ On connaît actuellement trois livres portant les armes peintes de Du Choul, un Pline imprimé à Bâle en 1525 et deux manuscrits du xve siècle conservés à la Bibliothèque nationale de France, la Teseida de Boccace (ms. ital. 580), ainsi qu’un Roman de la rose(ms. fr. 1570). Ce dernier provient de la bibliothèque de Philippe de Béthune, frère puîné de Sully, qui fut donnée à Louis XIV en 1662. Cela dit, la dispersion de la bibliothèque de Guillaume du Choul aurait été limitée : d’après Chavigny, elle serait passée pour l’essentiel chez le duc de Nemours. L’inventaire après décès de Henri de Savoie, duc de Nemours (19 février 1633) n’est pas assez détaillé pour que l’on puisse vérifier cette information, mais il est probable qu’une bonne partie des livres possédés par Du Choul ait rejoint cette bibliothèque parisienne versée dans les antiquités et les dessins d’architecture. Ainsi, un grand livre in-folio “ où sont representez plusieurs antiquitez de Rome ”, prisé très cher, appelle un rapprochement avec le manuscrit des Antiquitez romaines.
Les références bibliographiques. ­ S’il n’est pas encore possible de se faire une idée précise de la bibliothèque de Guillaume du Choul, la lecture de ses œuvres nous renseigne sur ses sources littéraires. On constate qu’il a eu accès aux textes grecs par l’intermédiaire de traductions latines ­ et parfois même a utilisé des traductions françaises de textes latins ­ et qu’il a exploité beaucoup plus qu’il ne le dit les travaux des antiquaires italiens de la Renaissance.
Liste des citations explicites. ­ La liste de toutes les références bibliographiques avouées dans les livres de Du Choul met en évidence la prédominance des auteurs grecs et latins de l’Antiquité.

Chapitre II
Le dossier épigraphique

Les recueils d’inscriptions de Du Choul. ­ Contrairement à ce que rapporte la tradition historiographique lyonnaise, Du Choul ne possédait pas d’inscriptions, ni de statues antiques. Sa bibliothèque en revanche devait être particulièrement riche en livres sur les antiquités : pour l’épigraphie, on relève des emprunts aux Epigrammata antiquae Urbis(1521) - où Du Choul aurait trouvé avant 1537 la forme antiquisante de son nom ( Caulius) -, aux livres d’Albertini (1510), de Fulvio (1527), d’Apianus (1534) et de Marliani (1534). Il recevait d’autre part des informations de correspondants provençaux et eut accès à des copies de recueils italiens manuscrits. Ses correspondants lui ont vraisemblablement fourni la matière Des epigrammes de toute la Gaule, œuvre à ce jour perdue qui constitua vers 1548 notre premier recueil épigraphique national et qui s’étendait à la Cisalpine.
Catalogue des inscriptions. ­ Est donnée la liste des 113 inscriptions latines citées dans les livres de Guillaume et de Jean du Choul, en partie identifiées grâce au Corpus inscriptionum latinarum.

Chapitre III
La documentation graphique

Monnaies antiques. ­ Le médaillier de Guillaume du Choul, l’un des premiers documentés en France, était déjà considérable en 1537 au dire de Jean de Boyssoné. On peut s’en faire une idée grâce aux illustrations des Antiquités(1547) et de la Religion(1556), en tenant compte du fait que ce livre imprimé utilise le premier recueil reproduisant des revers monétaires (par Enea Vico en 1548). La source la plus utile est le corpus de Jacopo Strada conservé à l’université de Vienne, qui décrit 161 monnaies de la collection de Guillaume du Choul. Elle permet entre autres d’établir que la grande illustration des Antiquités représentant l’arc de triomphe servant d’entrée au Forum de Trajan dépendait moins des dessins de Jacques Androuet du Cerceau que d’une monnaie d’or de Trajan. Pour les trois quarts, les pièces reproduites ou possédées par Du Choul datent du Haut-Empire, mais on reconnaît aussi quelques monnaies grecques et médiévales et des faux de la Renaissance italienne, dans la Religion notamment.
Petites antiquités et naturalia. ­ Le cabinet de curiosités de l’antiquaire lyonnais rassemblait encore quelques plaquettes italiennes, dont Apollon et Marsyas ; une perle trouvée à Valence en 1516 alors qu’il y faisait ses études ; des gemmes, dont l’une servit de modèle pour la marque de l’imprimeur-libraire lyonnais Gabriel Cottier et des coquillages, qui ont été reproduits dans le livre de Rondelet.
Estampes et dessins. ­ La documentation graphique réunie par Du Choul avait fait dire en 1537-1538 qu’il redonnait vie à une Rome à demi morte et enterrée. A travers l’illustration de ses œuvres, il est possible d’identifier ses sources, principalement italiennes : des gravures de livres, des feuilles romaines sans doute communiquées par l’éditeur d’estampes Antoine Lafréry, un correspondant romain de Du Choul, et des dessins d’après Jules Romain qui pourraient avoir été donnés par Fantuzzi. Une bonne partie de la documentation antiquisante de Du Choul proviendrait donc de Rome et de Fontainebleau. Cette dernière hypothèse attesterait une filiation entre l’école de Raphaël et Du Choul, par l’intermédiaire successivement de Jules Romain, du Primatice et de Fantuzzi.
Sources identifiées. ­ Les livres illustrés exploités par Du Choul sont dans l’ordre chronologique, le Vitruve de fra Giocondo (1511), les Illustrium imagines de Fulvio (1517), les Epigrammata de 1521, le Vitruve de Cesariano (1521), le Simulachrum de Fabio Calvo (1532), les Inscriptiones d’Apianus (1534), l’abrégé du De re navali de Baïf (1537). Les estampes appartiennent à l’école de Marc Antoine Raimondi (Agostino Veneziano et principalement Marco Dente) ; on retrouve des feuilles plus récentes, de Giulio Bonasone et Nicolas Beatrizet, peut-être aussi des gravures de l’école de Fontainebleau (Antonio Fantuzzi et le maître L. D.). Par exception, une feuille d’origine germanique est reproduite, de Hans Burgkmair. Quant aux copies de dessins, outre les relevés des scènes de la colonne Trajane par Jacopo Ripanda, il s’agit d’une étude pour la Salle de Constantin (Vatican), peut-être la partie manquante de celle du Louvre attribuée à Giovan Francesco Penni, ainsi que de plusieurs modelli de Jules Romain pour le Palais du Té (Mantoue) et d’un dessin du Primatice d’après la colonne Trajane.

Chapitre IV
La composition

La citation. ­ L’analyse d’un passage du manuscrit de Turin sur l’histoire de Lyon dans l’Antiquité montre que le mode de composition favori était le collage et parfois l’enchevêtrement de citations. Les images étaient conçues de la même manière.
Le remaniement­ Du Choul remaniait ses textes, on le sait par les emprunts aux Antiquités et parce qu’on dispose pour les Bains du manuscrit (1547) et de l’imprimé (1555). Des corrections de forme, peut-être imputables à l’équipe de Rouillé, visent à supprimer l’effet d’accumulation que produisent les propositions coordonnées par de nombreux “ et ” et les cascades de relatives. D’autre part les insertions témoignent de la mise à jour de la documentation de l’auteur : ainsi les thermes de Caracalla, fouillés en 1545-1547, n’étaient pas mentionnés dans le manuscrit des Bains.


Conclusion

La vie détaillée de Guillaume du Choul nous échappe par manque de sources. En revanche, l’étude de ses œuvres permet de se faire une idée relativement précise de sa pratique d’antiquaire. Il avait réuni depuis 1537 au moins une documentation abondante, comprenant des gravures et des copies de dessins italiens qui lui venaient non seulement de Rome mais aussi de Fontainebleau. Ces ressources documentaires étaient largement ouvertes aux lettrés. Depuis 1546, Du Choul composait des manuscrits destinés à être présentés au roi : les Antiquités romaines(1547) pour François Ier qui mourut avant l’achèvement du livre, les Bains(1547) et le De re nautica(v. 1548-1550) offerts à Henri II. N’ayant pas obtenu de gratification, il fit imprimer trois livres, consacrés à l’armée, aux bains et à la religion des Romains, qui connurent un grand succès jusqu’au XVIII e siècle.


Pièces justificatives

Lettres de Claudio Tolomei à Sybille Sève (16 janvier 1545), à Jean Sapte (16 janvier 1545), à Luca Contile (9 mai 1545), à Gabriel Cesano (25 avril 1547). ­ Echange entre Jean et Claude de Tholomey (31 juillet 1563) [extrait]. ­ Appointement entre Jean de Tholomey et Madeleine du Choul d’une part, et Claude du Choul de l’autre (18 mars 1567). ­ Inventaire de la bibliothèque de Jean Choul (17 octobre 1556). ­ Preuves de noblesse de Floris du Chol (25 janvier 1668).


Annexes

Généalogie de la famille Du Choul. ­ Recension des éditions des Discours sur l’armée, les bains et la religion.


Planches

Montage de photographies mettant en parallèle les illustrations des livres de Du Choul et leur source. ­ Fac-similé du manuscrit des Antiquités romaines.