L’administration municipale de Sélestat au xviiie siècle
Introduction
Les institutions urbaines de Sélestat avaient été mises en place sur la base d’une charte octroyée par les instances impériales en 1292.
Cet acte érigea une bourgade de pêcheurs et de laboureurs en une cité dont le seul suzerain était l’empereur. Forte de sa supériorité
territoriale et de sa relative indépendance, la ville s’engagea en 1354, avec neuf autres cités alsaciennes, dans une alliance urbaine
baptisée Décapole et placée sous la protection impériale. Ce fut au sein de cette ligue que s’inscrivit l’histoire de Sélestat jusqu’à la
fin du xviie siècle.
L’influence française se manifesta dès 1634 lorsqu’une garnison royale vint remplacer les
troupes suédoises arrivées deux ans plus tôt. Ce rôle protecteur fut réaffirmé en 1648 par le traité de Munster, mais les ambiguïtés
volontaires de cet accord permirent aux dix villes de s’opposer à la souveraineté royale et de rechercher le soutien de l’empire. Les
évènements de l’année 1673 qui virent Louis XIV venir assister en personne au démantèlement des fortifications de plusieurs cités rebelles,
mirent un terme aux espérances illusoires de la Décapole. La soumission de Sélestat et de ses édiles au roi de France s’accompagna de
plusieurs modifications institutionnelles dont les effets furent patents tout au long du siècle étudié.
A l’époque moderne, Sélestat
occupait le rang de troisième ville d’Alsace derrière Strasbourg et Colmar. Sa population oscilla autour de 6 000 habitants tout au long du
xviiie siècle, nombre auquel il convient d’ajouter 1 000 à 1 500 soldats et officiers formant la garnison ordinaire.
Sélestat jouissait d’une très bonne situation à l’échelle de la province. Elle était en premier lieu placée au carrefour de la principale
chaussée d’Alsace reliant Strasbourg à Belfort et Bâle et de deux routes permettant de traverser les Vosges et de rejoindre la Lorraine par
deux cols de basse altitude. Son implantation à la limite entre la plaine inondable rhénane et les collines sous-vosgiennes constituait son
second atout et conférait au marché de la ville un rôle important de contact entre ces deux espaces de production agricole et viticole.
Sources
S’agissant d’une monographie urbaine, les archives municipales de Sélestat constituent l’essentiel des sources mises à profit. Elles
permettent à elles seules de saisir au mieux le fonctionnement des institutions communales et d’analyser l’étendue de leurs prérogatives.
Plusieurs séries ont été systématiquement dépouillées pour le xviiie siècle (AA, BB, GG), et d’autres largement
exploitées (CC, DD). Les registres de correspondance et de délibération fournissent de très nombreux renseignements sur l’ensemble de la vie
publique de la cité.
Des fonds complémentaires éclairant plus particulièrement l’attitude et les décisions de la monarchie furent
également consultés. Il s’agit de la série C aux archives départementales du Bas-Rhin, des séries A1 et 1M au Service Historique de l’Armée
de Terre et de la série E aux Archives Nationales pour les arrêts du Conseil concernant Sélestat.
Première partieLes institutions municipales de Sélestat et leur évolution au xviiie siècle
Chapitre premierComposition et fonctionnement
Contrairement à une évolution observée dans beaucoup d’autres provinces du royaume au cours du xviiie siècle, le
statut de bourgeois conservait en Alsace un rôle fondamental. Le socle social de la ville de Sélestat était constitué de dix tribus de
métiers (corporations) regroupant l’ensemble des bourgeois et dont les fonctions étaient tout à la fois professionnelles, politiques et
administratives. Les institutions municipales étaient organisées selon un modèle tripartite commun à la totalité des cités du royaume. La
direction des affaires communes était confiée à un corps de ville dénommé Magistrat composé de cinq bourgmestres et d’un syndic-greffier.
Le chef effectif de la ville était le bourgmestre régent, fonction alternative et trimestrielle. Le Magistrat était assisté par le Conseil
de ville qui comprenait dix-neuf conseillers, soit deux par tribu de métiers (à l’exception des tanneurs). L’assemblée des habitants
rassemblant les cent bourgeois les plus influents constituait la troisième instance municipale. A la différence des deux premières, elle
n’était pas permanente et ne fut réunie qu’à une seule occasion au cours du siècle, en 1763, pour débattre de l’établissement d’un nouvel
impôt.
Le renouvellement du Magistrat et du Conseil se déroulait chaque année le jour de la Saint Michel. Les bourgmestres étaient
élus à vie par l’ensemble des bourgeois tandis que les conseillers de ville étaient en théorie renouvelés chaque année par un collège de
neuf personnes réunissant les membres du Magistrat et trois anciens conseillers. Dans les faits, les conseillers conservaient leur charge
à vie. Le syndic-greffier, chargé de la direction de la chancellerie municipale, était quant à lui nommé par les bourgmestres. Il est
possible d’observer dès le xviie siècle une nette tendance à la constitution d’une oligarchie urbaine, mais un tel
phénomène n’est pas exempt de nuances. Certaines familles patriciennes, à l’instar des Bittel, perdirent ainsi très nettement leur
influence au sein du Magistrat dès la fin du xviie siècle. D’autres au contraire profitèrent des changements apportés
par la souveraineté française pour s’intégrer dans les institutions dirigeantes de la ville et y prendre des responsabilités croissantes.
Ce fut le cas de la famille Cetty dont le premier représentant était un maçon italien venu travailler au chantier des fortifications de
Sélestat vers 1675. Il fut élu conseiller et nommé architecte de la ville. Son fils devint bourgmestre, de même que son petit-fils qui
occupa pendant trois ans la charge de vice-préteur royal.
De nombreux conflits opposèrent tout au long du siècle le Magistrat au
Conseil. Ce dernier réclamait avec insistance le droit de participer plus activement aux prises de décision dans le domaine financier. Le
Magistrat réussit à toujours conserver une nette suprématie, en dépit de l’attention portée par les intendants aux griefs des conseillers.
Chapitre IIModifications institutionnelles
Les troubles qui accompagnèrent l’élection d’un nouveau bourgmestre à l’automne 1746 poussèrent les autorités royales à réformer
profondément les institutions de la ville. L’intendant Barthélemy de Vanolles proposa en mars 1747 au comte d’Argenson, secrétaire d’Etat
de la guerre, la mise en œuvre de deux mesures principales. La première réforme touchait au mode d’élection des bourgmestres qui devaient
désormais être élus par un collège de cent bourgeois choisis à vie par le Magistrat et le Conseil parmi les dix tribus de métiers. La
seconde réforme consista en l’établissement à Sélestat d’un préteur royal, officier chargé de la surveillance des organes exécutifs
municipaux et disposant du droit de promulguer seul des règlements de police. Sélestat fut l’une des dernières cités de la Décapole à
recevoir à sa tête un préteur royal, cette fonction étant apparue dès 1680 à Haguenau. Le premier titulaire en fut Albert Kuhn de 1747 à
sa mort en 1766. Un conflit quasi permanent l’opposa au Magistrat et dès 1755 il cessa de prendre part aux activités des institutions de
la ville. De 1766 à 1780, les deux préteurs royaux titulaires ne résidèrent pas à Sélestat et furent successivement remplacés par trois
vice-préteurs. Ces trois commissaires étaient tous originaires de Sélestat et anciens bourgmestres, ce qui fut préjudiciable à l’exercice
indépendant de leur charge. La fonction originelle du préteur royal fut réhabilitée avec la venue, en 1780, de Charles Mathieu de Dartein
qui resta à ce poste jusqu’en 1789.
Les réformes de 1747 furent suivies de quatre mesures prises de 1756 à 1762 par l’intendant
Jacques Pineau de Lucé afin de mettre un terme aux abus qui s’étaient introduits dans la pratique administrative. Les deux règlements
généraux de 1756 et 1762 contenaient plusieurs articles relatifs à la tenue des finances et à la manière dont devaient être contrôlés les
travaux publics. La suppression d’une place de bourgmestre en 1756 et celle de neuf postes de conseillers en 1760 furent décidées dans une
optique de maîtrise des dépenses, mais profitèrent également au Magistrat qui accrut son ascendant sur le Conseil de ville.
Les abus
et l’impéritie de certains édiles poussèrent une grande partie de la population à la révolte en 1764 et 1765. Les bourgeois étaient menés
par trois conseillers qui furent sanctionnés par l’intendant de Blair venu à Sélestat pour diriger l’enquête. L’exaspération des habitants
éclata à nouveau au printemps 1789 lors de la rédaction du cahier de doléances de la ville où il fut instamment réclamé la séparation des
fonctions judiciaires et administratives, les premières devant être dévolues au Magistrat traditionnel tandis que les secondes devaient
être assurées par une municipalité conforme au modèle de 1787.
Chapitre IIILe personnel de la ville
Deux tribunaux exerçaient leur pouvoir dans l’étendue du ban de la ville : le tribunal du Magistrat et Conseil pour les causes civiles,
criminelles et gracieuses ; celui du Magistrat pour les affaires de police. Les prérogatives judiciaires de la ville avaient été bien
conservées puisque aucun tribunal royal n’était établi dans la cité. Seule était sensible la tutelle du conseil souverain d’Alsace où
étaient portés les appels pour des causes supérieures à cent livres.
La ville de Sélestat comptait cinq employés exerçant
d’importantes responsabilités, à savoir le procureur fiscal, représentant le ministère public dans les deux tribunaux, le médecin,
l’architecte, le commis-greffier et le receveur des deniers patrimoniaux. A côté de ces fonctionnaires de premier rang, de très nombreux
employés participaient à l’application des mesures édictées par le Magistrat dans des domaines aussi variés que la médecine, le domaine
rural, le commerce ou la culture.
Deuxième partieRelations avec le pouvoir royal
Chapitre premierL’intendant et ses services
L’intendant d’Alsace fut à l’origine de toutes les modifications institutionnelles qui touchèrent la ville de Sélestat. En plus de ces
interventions ponctuelles, le commissaire départi disposait d’un droit de regard permanent sur l’ensemble de l’administration urbaine. Il
a été jugé utile de retenir trois domaines représentatifs afin de souligner la constance de cette action. L’intendant avait en premier
lieu une influence notable sur le déroulement des élections au Magistrat par le biais des recommandations et de l’octroi des dispenses
éventuelles. Il exerçait en deuxième lieu un contrôle scrupuleux sur les finances urbaines, tant à propos des emprunts contractés que des
comptes annuels ou de l’adjudication des revenus. Enfin, le commissaire départi intervenait régulièrement dans les projets de travaux
publics décidés par le Magistrat.
Le subdélégué de Sélestat joua un rôle mineur dans ces interventions car de 1709 à 1762 ce poste
fut occupé par un membre du corps de ville, et parce que l’intendant préférait souvent s’entretenir directement avec les édiles.
Il
convient enfin de signaler que le service des ponts et chaussées de la province, dirigé par le commissaire départi, pouvait intervenir
concurremment avec l’architecte municipal pour tout ce qui concernait les ponts et les canaux entourant la cité.
Chapitre IIL’administration militaire
L’enceinte fortifiée de Sélestat fut reconstruite dès 1675 sur les plans de Jacques Tarade et de Vauban. L’intérêt stratégique de cette
place forte diminua toutefois sensiblement une fois la ville de Strasbourg soumise à l’autorité royale en 1681.Sélestat joua dès lors le
rôle de garnison et d’entrepôt pour les troupes stationnées en Alsace. Elle était dotée d’un état-major dirigé par le lieutenant de roi,
en l’absence du gouverneur qui n’y résida plus à partir de 1715. Sept autres officiers complétaient cette administration militaire
permanente, et tous étaient logés dans des demeures mises à leur disposition par la ville.
Le logement des militaires était
entièrement assuré par la ville. De nouvelles casernes furent édifiées pour les soldats au cours des années 1720 et l’on procéda à un
agrandissement au début des années 1780. Le logement des officiers des troupes en garnison se fit chez l’habitant jusqu’en 1764, date à
laquelle les autorités royales poussèrent la ville à lui préférer une imposition en argent. Face à l’opposition farouche d’une partie de
la population, le Magistrat décida de transformer en pavillons pour officiers les bâtiments du collège jésuite abandonnés peu de semaines
auparavant. Enfin, la ville payait le loyer des appartements occupés par les officiers généraux.
Les relations entre les autorités
civiles et militaires furent souvent conflictuelles et la forte présence militaire déboucha notamment sur des problèmes de mœurs et sur le
développement de la prostitution. Il n’en reste pas moins que les militaires apportèrent une aide appréciée lors de certains sinistres et
qu’ils participèrent à la diffusion, certes lente, de la langue française dans toutes les couches de la population.
Chapitre IIIAutres institutions royales et provinciales
Le roi — Comme toutes les autres communautés du royaume, la ville de Sélestat participait à la célébration des évènements ponctuant la vie de la famille royale. Le lien de la cité avec le roi connut une manifestation particulière lors de la visite du monarque en octobre 1744. Le décès de Louis XV fut d’autant plus durement ressenti trente ans plus tard.
La Décapole — Cette institution fut en léthargie pendant la plus grande partie du xviiie siècle. Des signes de son activité restaient toutefois visibles : liens étroits avec les autres cités membres, présence du lieutenant bailli aux élections, institution des nouveaux grands baillis. L’action de l’assemblée provinciale établie en 1787 et de sa commission intermédiaire qui s’opposait aux privilèges des villes ci-devant impériales provoqua une réaction des édiles qui obtinrent le droit de s’assembler à Obernai en octobre 1788. La Décapole put également envoyer directement deux députés aux états généraux. Les évènements qui accompagnèrent les élections et la rédaction des cahiers de doléances bouscula les Magistrats traditionnels qui allèrent jusqu’à mettre en cause la validité du scrutin. L’établissement de municipalités nouvelles dans l’ensemble des villes provoqua la dissolution de la ligue en septembre 1789.
Les assemblées d’états — Le corps de ville de Sélestat s’opposa à de nombreuses reprises aux projets de l’assemblée provinciale mise en place en 1787. Le conflit culmina en mars 1789 lorsque le Magistrat fit part de ses plaintes au ministre Necker. L’assemblée provinciale représentait un réel danger pour les instances traditionnelles en ce qu’elle alimentait l’opposition des bourgeois les plus déterminés. Ces derniers bénéficièrent de la tribune des élections aux états généraux pour exprimer ouvertement leurs griefs et leurs espoirs.
Le conseil souverain d’Alsace — La cour souveraine de Colmar était à la fois le supérieur judiciaire et administratif de la ville, mais elle pouvait aussi protéger les démarches entreprises par les édiles. S’y trouvaient également les avocats de la ville, régulièrement sollicités pour la rédaction de consultations juridiques.
Troisième partieL’administration de la ville au quotidien
Chapitre premierTravaux publics et domaine de la ville
Plusieurs bâtiments publics de première importance furent construits ou rénovés par la ville au cours du xviiie
siècle. Outre les casernes et les pavillons déjà mentionnés, il convient de citer le bâtiment des classes en 1742, l’hôpital bourgeois en
1764 et l’hôtel de ville en 1788. En application du règlement de 1756 la direction des bâtiments fut confiée conjointement à l’architecte
et à un bourgmestre. L’aménagement intérieur de la cité connut une activité moins intense, même s’il convient de signaler l’établissement
d’une promenade et le perfectionnement de la prévention des incendies.
Les vastes forêts appartenant à la ville permettaient le
paiement des émoluments des employés et la fourniture de bois de chauffage aux troupes. Toutefois, le recours systématique aux coupes pour
le remboursement des emprunts ou en cas de fortes dépenses nuisit grandement à l’équilibre de cet espace naturel. Le Magistrat était
également chargé des travaux à effectuer aux nombreux cours d’eau des alentours. Le cas de l’Ill est intéressant car cette rivière était
gérée par un syndicat fluvial regroupant toutes les communautés riveraines et procédant à des visites annuelles.
Chapitre IIActions du Magistrat en faveur des bourgeois
La religion — Le Magistrat était très impliqué dans la vie religieuse de la cité et gagna en 1720 un procès contre le
grand vicaire de la cathédrale de Strasbourg qui lui contestait le droit de présentation à la cure. Les édiles présentaient également à
l’évêché les candidats aux trois vicariats fondés en la seule église paroissiale de Sélestat. Un conflit latent opposa pendant tout le
siècle le curé et le Magistrat d’une part, aux trois vicaires d’autre part, ces derniers étant rémunérés par la ville et ayant décidé de
ne plus remplir aucune fonction pastorale.
Le corps de ville était à la tête de la fabrique paroissiale par le biais du marguillier
d’honneur qui était toujours un bourgmestre. Les relations avec l’évêque du diocèse de Strasbourg ou son vicaire général étaient assez
délicates, de même que celles entretenues avec les pères jésuites qui jouissaient de l’exemption de plusieurs taxes municipales. Les liens
avec les quatre autres communautés religieuses établies dans la ville étaient assez lâches.
Sélestat était une des rares villes
alsaciennes à ne compter aucun protestant parmi sa population. Une présence luthérienne ou réformée s’affirma toutefois épisodiquement
lors du séjour de troupes allemandes ou suisses en garnison, ce qui provoqua l’agacement du Magistrat. Une solution fut trouvée en 1761
avec l’achat par la ville d’une salle destinée à l’exercice du culte protestant et située au premier étage d’une auberge hors de la cité.
Néanmoins, des incidents sérieux se produisirent encore en 1767 et 1768 et virent l’intervention du duc de Choiseul.
L’assistance — L’assistance publique revêtait trois formes principales. La première consistait en la rémunération d’un ou de deux médecins employés par la ville pour soigner gratuitement les indigents. Le deuxième moyen était le versement d’aumônes régulières par le bourgmestre régent et l’aide apportée à plusieurs pauvres pour le paiement de leurs loyers. En 1770 une réforme permit l’union des aides versées par la ville, les religieux et les habitants. L’hôpital bourgeois formait le dernier moyen utilisé par les édiles dans la lutte contre la pauvreté. Il était dirigé par deux bourgmestres et connut d’importants problèmes de gestion vers la fin du siècle. Le quotidien des pensionnaires s’améliora toutefois sensiblement dans les années 1770 avec l’arrivée de quatre sœurs de la charité.
L’enseignement — L’infrastructure scolaire de Sélestat comptait trois écoles élémentaires (latine, allemande et française), une école de jeunes filles et, jusqu’en 1764, un collège jésuite. La disparition de cet enseignement secondaire provoqua la consternation des édiles qui entreprirent de nombreuses démarches afin d’obtenir son rétablissement. Devant le refus du pouvoir royal, ils durent se contenter de l’octroi de dix bourses au collège de Molsheim destinées aux pauvres de la ville. Une étude des titulaires de ces bourses laisse clairement apparaître que seuls les fils de notables y eurent accès. Suite à de nouvelles réclamations, le Magistrat obtint en 1769 le rétablissement des basses classes dont la tenue fut confiée aux pères récollets.
Chapitre IIIFinances et économie
L’essentiel des recettes de la ville était, depuis 1685, mis à ferme pour des périodes de trois à neuf années. Des conflits opposèrent à
plusieurs reprises le Magistrat au fermier et débouchèrent parfois sur le versement d’indemnités à ce dernier. Les comptes annuels étaient
vérifiés par le Magistrat puis envoyés à l’intendance. L’étude détaillée des postes de dépense laisse apparaître une grande stabilité des
dépenses ordinaires tandis que les dépenses pour paiement des intérêts connurent une nette augmentation. Cette évolution était parallèle à
l’accroissement des frais de construction et conduisit à un fort endettement de la cité.
Sont étudiés plus précisément deux impôts
nouveaux parmi ceux qui furent établis au cours du siècle. Le premier était d’origine municipale et fut institué en 1762 afin de mettre la
ville en état de payer les impositions royales. Cet impôt consistait en un octroi supplémentaire sur le vin et la bière, ce qui provoqua
l’hostilité des cabaretiers et du fermier craignant une baisse de la consommation. Le second impôt retenu, d’un montant de huit sols pour
livre, fut établi par les autorités royales en 1771. Le Magistrat envoya le vice-préteur royal à Versailles afin de négocier l’abonnement
de la ville, et après plusieurs mois d’incertitude Herman obtint une diminution substantielle.
Le Magistrat joua un rôle crucial dans
la gestion de la crise de subsistance de 1770 en maintenant un approvisionnement régulier du marché. Cet épisode permet également de
mettre en lumière le rôle double de l’intendant, tout à la fois surveillant et conseiller du corps de ville. La suppression, de l’été 1775
à l’été 1776, de la perception des divers droits municipaux touchant les grains fit perdre plus de 13 000 livres aux caisses de Sélestat
malgré les protestations des édiles auprès du contrôleur général Turgot.
Conclusion
Tout au long du xviiie siècle, le pouvoir que croyaient avoir conservé les membres des institutions dirigeantes de
Sélestat fut nettement affaibli pour deux raisons principales. La première était l’intervention constante des autorités royales dans les
affaires internes de la ville. Ces interventions, qui connurent deux périodes de forte intensité (1683-1717 et 1740-1765), furent grandement
facilitées par le second facteur qui était le manque de maturité politique de la plupart des dirigeants de la ville. Plusieurs réformes
menées par l’intendance furent en outre sollicitées par des membres du Conseil de ville.
Les différences entre les villes d’Alsace,
province tardivement rattachée à la France, et les autres cités du royaume se situaient davantage, en 1789, sur les plans historiques et
institutionnels que dans le domaine des pouvoirs conservés et des relations entretenues avec les autorités de tutelle. En un sens,
l’intégration de la ville de Sélestat au royaume de France se fit au prix de ses droits et de ses pouvoirs hérités de l’empire.
Pièces justificatives
Quinze documents : mémoire sur la ville (1730) ; textes normatifs concernant l’organisation institutionnelle et administrative de la ville de Sélestat ; actes et correspondance relatifs à des conflits internes au Magistrat ; documents concernant la construction des pavillons destinés aux officiers des troupes en garnison.
Annexes
Deux listes des membres du Magistrat et du Conseil. Cinq graphiques se rapportant aux finances de la ville. Huit plans de Sélestat. Dix-huit vues et photographies des principaux bâtiments construits au xviiie siècle.