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École des chartes » thèses » 2003

La manufacture des Gobelins du Premier Empire à la monarchie de Juillet


Introduction

La manufacture des Gobelins, créée sous le règne de Louis XIV, avait pour but initial de meubler le roi ; spécialisée ensuite rapidement dans la production de tapisseries, elle connut un grand succès à la fin du xviie  siècle et tout au long du XVIII e  siècle, voyant sa production évoluer vers une plus grande imitation de la peinture, sous la direction du peintre Oudry notamment, tout en conservant un caractère décoratif prononcé. Elle était en outre considérée par le roi comme un instrument servant à magnifier sa propre image. Ce lien avec la royauté lui fut néfaste durant la Révolution, qu’elle traversa avec beaucoup de difficultés. Si la manufacture des Gobelins est étudiée au cours du xixe  siècle, c’est donc à travers le prisme de la Révolution : comment la manufacture subsista-t-elle, quels furent les changements de fonctionnement établis pour sa survie ? Garda-t-elle par ailleurs la même raison d’être que sous l’Ancien Régime, quel fut son emploi par les souverains du xixe  siècle ?

Les changements politiques de cette période ont certes eu une incidence importante sur le fonctionnement de la manufacture ; cela est très perceptible au moment du passage de l’Empire à la Restauration. Toutefois, d’autres événements eurent également un rôle dans l’évolution de la manufacture, comme la réunion de la manufacture de la Savonnerie aux Gobelins en 1826. Cela explique le choix d’étudier la manufacture des Gobelins selon trois grandes phases, articulées autour des dates de rupture que furent 1815 et 1826 ; au sein de ces périodes, il convenait de montrer les changements d’ordre institutionnel, économique ou artistique.


Sources

La majeure partie des sources utilisées appartient à la série O des Archives nationales, et plus particulièrement aux sous-séries O 2 et O3 , qui correspondent respectivement à la Maison de l’empereur et à la Maison du roi sous la Restauration. Les documents qu’elles contiennent peuvent être classés en plusieurs types : la correspondance donne d’utiles informations sur les relations entre les différentes administrations ; elle est parfois complétée par des rapports précis sur le fonctionnement des Gobelins ; des « états » renseignent, sous la forme de tableaux, sur des sujets aussi divers que le personnel, les tapisseries fabriquées, ou encore sur les dépenses et les produits de la manufacture.

La sous-série O4 , rassemblant les documents relatifs à la Maison du roi de 1830 à 1848, est lacunaire ; il a alors fallu recourir à un autre fonds pour étudier cette période. Les Archives du Mobilier national concernant la manufacture des Gobelins ont apporté le complément nécessaire, constitué également de correspondance, de budgets, de listes de tapisseries et d’états de personnel, présentés sous forme de registres.


Chapitre préliminaire
Bilan de la révolution et du consulat


Deux événements primordiaux pour l’évolution ultérieure de la manufacture se déroulèrent sous la Révolution. L’ancien système de l’entreprise, selon lequel les responsabilités de l’Etat étaient déléguées à des entrepreneurs qui agissaient alors à titre privé pour un établissement public, disparut à cause des difficultés financières grandissantes de ces derniers, qui devinrent alors de simples chefs d’atelier recevant un salaire fixe. La disparition du système d’entreprise s’accompagna d’une réforme corollaire et non moins importante : le passage du salaire à la tâche au salaire à la journée pour les ouvriers, institué par le règlement du 23 décembre 1790 à l’instigation de l’administrateur Charles-Axel Guillaumot.

L’autre élément majeur de cette période est la nomination, par un arrêté du Comité de salut public datant du 17 juillet 1794, d’un jury chargé d’une double mission de réforme administrative et artistique, consistant non seulement à classer les ouvriers selon leurs aptitudes et leur mérite, mais aussi à choisir les modèles convenables pour une reproduction en tapisserie. Cette partie de l’action du jury aboutit au rejet de nombreux modèles possédés par la manufacture des Gobelins, qui étaient censés être remplacés par de nouveaux, grâce à un concours lancé le 6 octobre 1794, mais qui n’eut pas de réelle suite. Par ailleurs, un certain nombre des modèles qui avaient été rejetés furent repris peu de temps après.

Très affaiblie par la Révolution, la manufacture retrouva une situation moins dramatique sous le Consulat, avec l’apaisement du contexte politique et économique.


Première partie
L’Empire (1804-1815)


Chapitre premier
organisation administrative

Le statut de la manufacture.  — L’Empire restaura la situation du début de la période révolutionnaire : en 1804 en effet, les manufactures entrèrent sous la compétence du service de la Liste civile, reconstitué sur les bases de 1791 et administré par l’Intendant général de la Maison de l’empereur. La manufacture entretenait par ailleurs des relations avec le Mobilier impérial, qui recevait des ordres du Grand maréchal du palais pour l’ameublement des palais impériaux, et avec l’administration des musées, pour se procurer des modèles de tapisseries. La position à l’égard des manufactures de Dominique-Vivant Denon, directeur général du Musée central des arts, et véritable conseiller artistique de Napoléon, est délicate à saisir : si les manufactures ne figurent dans aucun titre officiel de Denon, sa compétence dans le domaine artistique, ainsi que l’administration complexe de la manufacture des Gobelins, firent qu’il fut très souvent consulté pour le choix des modèles de tapisseries.

Le budget.  — Les sommes allouées à la manufacture ont bénéficié d’une augmentation importante durant les deux premières années de l’Empire, puis d’une augmentation progressive et limitée. L’aide apportée aux Gobelins s’inscrit dans le contexte de promotion des manufactures impériales entreprise par Napoléon. Les dépenses étaient de deux natures : les dépenses de fonctionnement d’une part, les plus considérables, et les dépenses d’équipement d’autre part. L’évolution des produits est plus irrégulière que celle des dépenses et dépend surtout de la fabrication des tapisseries, qui varia en fonction des commandes de l’Etat ; la vente de tapisseries est en effet logiquement le revenu essentiel de la manufacture, coexistant avec d’autres recettes plus ou moins négligeables, comme la teinture des laines pour Beauvais et la Savonnerie. Par ailleurs, même si le montant des produits est souvent proche de celui des dépenses, il se situe pourtant toujours en-deçà : la manufacture fut en effet déficitaire la plupart du temps.

A la tête de la manufacture : l’administrateur.  — Trois administrateurs se succédèrent au cours de l’Empire : l’architecte Charles-Axel Guillaumot, qui avait déjà assumé cette charge durant une partie de la Révolution et sous le Consulat, Prosper-Hector Chanal, administrateur intérimaire à la mort de Guillaumot en 1807, et enfin le peintre Charles-Anicet-Gabriel Lemonnier, du 6 avril 1810 à 1816. Leur profil était encore celui de l’administrateur d’Ancien Régime, avec une formation artistique soutenue, ce qui influa sur leur mode de gestion de la manufacture. Toutefois, l’action de Guillaumot se tourna surtout vers les questions financières et techniques, tandis que Lemonnier eut des prétentions supérieures dans le domaine artistique, avec plus ou moins de succès.

Chapitre II
Fonctionnement de la manufacture

L’administrateur était secondé par l’inspecteur des travaux d’art, qui était en même temps professeur de dessin ; cette fonction fut assurée par Clément-Louis Belle, puis par son fils Augustin Belle, tous deux peintres. Le rôle des chefs d’ateliers était également considérable pour ce qui concernait la direction et le contrôle de la production. Les ouvriers étaient divisés entre les ateliers de haute lice et de basse lice ; leur nombre était nettement inférieur à celui de l’Ancien Régime, en raison des départs qui eurent lieu sous la Révolution. Logés à la manufacture, ils travaillaient dans un cadre hiérarchisé, et leur production était stimulée par le classement et les gratifications. L’enseignement dispensé aux Gobelins, avant tout aux enfants des ouvriers, était très complet : il comprenait l’enseignement primaire et un enseignement technique approfondi.

Le chimiste Jean-Louis Roard fut nommé comme directeur de l’atelier de teinture de la manufacture des Gobelins en l’an XII. Il dut rétablir cette fonction qui avait été supprimée sous la Révolution : il réorganisa entièrement l’atelier et fit par ailleurs des recherches sur la qualité des laines et les mordants. Une école de teinture fut en outre créée en 1809 aux Gobelins. Enfin, les relations entre Roard et les directeurs de Beauvais et de la Savonnerie furent parfois difficiles, en raison de leur dépendance envers l’atelier de teinture des Gobelins.

Chapitre III
Production de la manufacture

Bonaparte porta un grand intérêt aux manufactures nationales dès le Consulat ; le désir de prestige de l’empereur, après 1804, trouva en elles un instrument idéal mais le contraste entre les projets et les résultats est assez important, pour ce qui concerne les Gobelins du moins. Cette distorsion entre l’idée de départ de Napoléon et sa réalisation est illustrée de la manière la plus frappante par la tenture de l’Histoire nationale, qui avait pour but d’immortaliser les événements les plus marquants de son règne, mais qui n’eut pas le temps d’être achevée. Avant d’entamer cette grande entreprise, la manufacture dut attendre les modèles adéquats et occuper ses métiers par d’autres ouvrages, tels que la copie de tableaux, à sujets antiques essentiellement. Cette première phase de la production, où la manufacture des Gobelins était dans une situation d’attente, dura de 1804 à 1806 environ ; puis, à partir de cette date débuta une production plus typiquement impériale, avec le tissage des sujets napoléoniens (trois commandes de Napoléon et de nombreux portraits impériaux) et la réalisation de portières et de meubles pour les palais.

Chapitre IV
La destination des tapisseries

Napoléon souhaita pour ses palais une décoration majestueuse, dont les sujets mettraient en valeur le régime impérial ; la décoration des palais, surtout les Tuileries ­ plus précisément la Salle du Trône, la galerie de Diane et le Grand Cabinet de l’Empereur ­ fut ainsi une des destinations principales de la production des Gobelins. Le service des présents était également alimenté par les tapisseries des Gobelins : les portraits répandaient dans les cours d’Europe et les administrations françaises l’effigie impériale en même temps que la renommée de la manufacture. Enfin, les expositions et les prêts de tapisseries permettaient de les faire connaître d’un public plus large.


Deuxième partie
« L’Ancien Régime retrouvé » ? (1815-1825)


Chapitre premier
Les bouleversements des années 1814-1816

La période de la Première Restauration, des Cent-Jours et du début de la Seconde Restauration entraîna des perturbations institutionnelles considérables ; le personnel des manufactures subit les conséquences des changements politiques, de façon nettement plus prononcée sous la Seconde Restauration, qui effectua une réelle épuration. C’est ainsi que Lemonnier, qui avait été maintenu dans ses fonctions en 1814, fut destitué le 4 mai 1816 ; son bonapartisme avéré lui avait en effet été funeste et il fut remplacé par un ardent royaliste, le baron des Rotours. D’autres changements de personnel eurent également lieu à la manufacture parmi les employés.

La production fut par ailleurs bouleversée par les changements politiques, même si Lemonnier tenta de faire continuer certains ouvrages, en raison de ses opinions, mais surtout pour sauver le travail de plusieurs années ; il tenta également d’insérer ses tableaux parmi les nouveaux modèles. Puis vint le coup d’arrêt de 1816, lorsque des Rotours voulut faire table rase de ce qui avait été réalisé précédemment. Cette réaction visa les tapisseries exécutées et les modèles choisis par son prédécesseur. Mais des Rotours ne se contenta pas d’effacer les souvenirs de « l’Usurpateur », il essaya aussi de faire disparaître les traces de l’administration de Lemonnier, ce dernier étant lié par ses actes et ses opinions au régime déchu.

Chapitre II
L’élaboration de la nouvelle production

La monarchie restaurée, après avoir fait disparaître la production impériale, put alors se permettre d’élaborer une production plus personnelle, dont les sujets correspondaient mieux avec la volonté qu’elle avait de se mettre en valeur tout en affirmant son héritage, au moyen de la glorification des grands rois. La vogue de la peinture historiciste était favorable à de telles évocations. L’administration des Gobelins essaya de renouveler les modèles dans ce sens, en faisant appel à différents peintres. Elle fit en outre des efforts pour créer de nouvelles tentures, au lieu de répéter inlassablement les anciennes ; mais cela n’eut pas le succès escompté, et après plusieurs projets avortés, la tenture de la Salle du Trône aux Tuileries d’après les cartons de Georges Rouget fut assez mal accueillie. Il faut par ailleurs noter que le rôle de décision dans ce domaine fut tenu uniquement par le comte de Pradel, directeur général de la Maison du roi, et le baron de Ville d’Avray, intendant du Mobilier de la Couronne.

La production de la manufacture fut par ailleurs caractérisée à cette époque par un regain des sujets religieux et des morceaux à destination religieuse. Le baron des Rotours imprima sa marque à cet égard, puisqu’il développa une politique de copie de tableaux religieux et de fabrication d’ornements d’église en tapisserie des Gobelins.

Enfin, une production plus traditionnelle perdura, qui se manifesta par la réalisation de nombreux portraits de membre de la famille royale et de meubles.

Chapitre III
Le fonctionnement de la manufacture entre 1814 et 1825

Les moyens de la production et le budget.  — Les sources concernant cette période diffèrent de celles de l’Empire, dans la mesure où elles n’indiquent plus la valeur de la production annuelle des Gobelins, mais les recettes effectives. Cette nuance donne un tout autre aspect au budget de la manufacture : si, auparavant, l’équilibre était presque atteint, le budget est désormais nettement déficitaire. Cette situation met en évidence les caractères spécifiques de la production des Gobelins : cet établissement, entretenu par l’Etat, n’a pas pour but de faire des bénéfices ; la valeur des produits, calculée en fonction des coûts de matière et de main-d’œuvre, est complètement déconnectée du marché industriel.

Les acteurs de la production.  — Les changements du personnel furent tantôt dus au contexte politique, tantôt dus à la conception de l’administration par des Rotours, qui estimait par exemple le dessinateur de traits comme inutile. L’administrateur se soucia également de la discipline au sein de la population des ouvriers.

Le devenir de la production.  — Malgré de bonnes intentions, comme le choix d’une destination à l’avance pour une tapisserie ou de meilleurs modèles, l’administration ne parvint pas à échapper aux travers qui avaient déjà sévi sous l’Empire : une gestion au jour le jour de la production et l’absence de programmation à long terme des modèles, en raison d’un manque de fonds. La Restauration renoua en outre avec les traditions d’Ancien Régime et les tapisseries des Gobelins contribuèrent à recréer ce lien, lors des expositions solennelles des fêtes-Dieu, par exemple.


Troisième partie
L’agrandissement de la manufacture et ses conséquences (1826-1847)


Chapitre premier
La réunion des manufactures de la savonnerie et des gobelins (1826)

La réunion de la Savonnerie aux Gobelins était un projet de longue date : si elle eut lieu effectivement en 1826, en application d’une décision royale du 8 février 1825, elle mit en effet fin à une série d’hésitations qui durait depuis la fin du xviiie  siècle. Les avantages étaient surtout financiers, étant donné l’état de délabrement des bâtiments de la Savonnerie. Toutefois, l’administrateur de la Savonnerie, Duvivier, souligna certains inconvénients, craignant notamment la perte d’autonomie de sa manufacture, et le traumatisme subi par les ouvriers et leurs familles contraints au déménagement.

Malgré tout, la réunion eut lieu, après le transfert la basse lice à Beauvais. Cette dernière opération nécessita d’importants travaux de construction et de restauration, afin d’accueillir les métiers et de créer de nouveaux logements pour les ouvriers de tapis.

La réunion des deux manufactures provoqua évidemment des modifications du point de vue du budget. La courbe des dépenses présente en effet deux phases distinctes entre 1826 et 1847 : la première est une hausse brutale de 1826 à 1830, due à l’augmentation du personnel et aux travaux indispensables, alors que la seconde correspond à une période de stabilisation. La réunion eut également des conséquences sur le personnel, avec notamment le renvoi de Duvivier ou la création d’un contrôleur des dépenses et du matériel pour ce qui concerne l’encadrement, la mise à la retraite de quelques ouvriers ou encore le passage au salaire fixe de ceux de la Savonnerie.

Chapitre II
Les nouvelles données du fonctionnement de la manufacture

L’évolution du rôle de l’administrateur.  — Le rôle de l’administrateur évolua sensiblement au cours de cette période. A la fin de la Restauration, la multiplication des critiques envers la qualité des tapisseries et la remise en question des compétences artistiques du baron des Rotours entraînèrent le renforcement de la tutelle pesant sur les Gobelins : le vicomte Sosthène de La Rochefoucauld, qui eut direction des manufactures royales de 1824 à 1830, créa des inspecteurs des beaux-arts chargés de surveiller la production des Gobelins. La révolution de Juillet 1830, outre le fait qu’elle supprima ces postes d’inspecteurs, entraîna d’autres conséquences sur le fonctionnement de la manufacture : après une période de flottement de 1830 à 1832, durant laquelle la précédente Liste civile fut gérée par un administrateur provisoire, un ancien officier aux opinions libérales, Gaspard Lavocat, fut nommé administrateur des Gobelins. Cette décision confirmait que le gouvernement choisissait désormais son candidat en fonction de ses idées politiques, et non de ses compétences artistiques.

Relative stabilité du fonctionnement interne de la manufacture.  — A partir des années 1830, les dépenses des deux manufactures réunies furent fort stables, avec toujours une plus grande proportion des dépenses de fonctionnement sur celles d’équipement. Par ailleurs, un projet de règlement datant de 1826 donne de précieux renseignements sur la vie de la manufacture, notamment en matière de discipline et de contrôle des opinions des ouvriers.

Questions techniques.  — Il faut souligner l’action considérable du chimiste Michel-Eugène Chevreul, nommé directeur de l’atelier de teinture en 1824. Son emploi du temps se partagea entre trois activités : il devait non seulement teindre les laines et les soies pour les manufactures royales, mais il fit également de nombreuses expériences dans ce domaine et dispensa enfin des cours de chimie appliquée à la teinture. Sa réputation ne lui épargna pourtant pas certaines critiques, particulièrement contre sa prétendue influence sur l’évolution de la tapisserie vers une plus grande imitation de la peinture, critique contre laquelle il s’insurgea vivement. Enfin, il faut mentionner les progrès importants de l’école de dessin de la manufacture des Gobelins.

Chapitre III
Une politique artistique ambitieuse

La période allant de 1826 à 1848 présente une certaine cohérence dans la production de tapisseries. Cette dernière peut en effet être envisagée sous deux aspects. Elle fut tout d’abord l’objet de nombreuses réflexions ayant pour but de résoudre le problème du manque de modèles, ce qui aboutit à la réalisation de tentures telles que celle de l’ Histoire de Marie de Médicis d’après Rubens, à l’instigation du comte de Forbin, directeur des Musées royaux, celles des Actes des Apôtres d’après Raphaël, ou encore la création de la tenture destinée au Salon de Louis XIV aux Tuileries. Par ailleurs, elle fit l’objet de critiques de plus en plus virulentes ébranlant l’image prestigieuse de la manufacture que les administrateurs avaient jusqu’alors tenté de façonner. Ces éléments furent constants dans le second quart du xixe  siècle et la révolution de Juillet, si elle provoqua certaines modifications de personnel, n’engendra pas de rupture fondamentale dans la production de tapisseries.


Conclusion

L’étude de la manufacture des Gobelins au cours de la première moitié du xixe  siècle a permis de dégager certaines permanences, tandis que des variations sont apparues par ailleurs sur certains points. Les différents aspects envisagés concernent les acteurs de la production, la production elle-même, et enfin sa fortune critique.

L’analyse du budget de la manufacture a souligné sa spécificité d’établissement de main-d’œuvre : la rémunération du personnel constituait de loin le premier poste de dépenses ; la réunion de la Savonnerie en 1826, si elle accrut les besoins de la manufacture, ne changea pas, voire accentua cette particularité.

La direction de la manufacture connut une évolution sensible au cours de cette cinquantaine d’années : le profil de l’administrateur changea, les compétences artistiques primant tout d’abord comme sous l’Ancien Régime, puis passant au second plan derrière les convictions politiques. Les administrateurs subirent par ailleurs tout au long de la période une double tutelle, administrative et artistique ; cette dernière présentait des cadres institutionnels assez flous et dépendait surtout des personnalités en poste.

La production qui résulta de cette direction artistique avait trois fonctions essentielles : la décoration des palais des souverains, fonction la plus importante ; le prêt pour les solennités, civiles ou religieuses ; le service des présents. Il faut ajouter aux prêts et aux présents les expositions comme moyens de montrer les tapisseries au public et de les confronter au jugement populaire et critique.

Le prestige de la manufacture des Gobelins, dont la production était très renommée au début du xixe  siècle, se ternit peu à peu. L’origine du renversement de l’opinion est à situer dans les années. Les premiers reproches sur la qualité de la production des Gobelins émanèrent des inspecteurs des beaux-arts eux-mêmes, qui ébranlèrent la réputation de la manufacture. La polémique sur l’imitation de la peinture par la tapisserie était lancée et les critiques se déplacèrent dans la sphère publique, à l’occasion notamment des Expositions des produits des manufactures royales de 1826 et 1829. Dès lors, l’accueil réservé par le public aux tapisseries ne fut plus jamais aussi enthousiaste qu’il l’avait été au début du siècle.


Annexe

Catalogue chronologique des tapisseries.


Iconographie

Les illustrations représentent des tapisseries, des cartons ou des tableaux d’où les cartons ont été tirés. Elles sont classées selon différents thèmes : les sujets napoléoniens ; les reprises d’anciennes tentures, telles que l’ Histoire de Henri IV, l’ Histoire de France, les Quatre Saisons, et les Actes des Apôtres ; les copies de tableaux, à sujets d’histoire antique, d’histoire moderne et d’histoire religieuse ; les nouvelles tentures, comme celle de la Salle du Trône et celle du Salon de Louis XIV aux Tuileries ; les portraits en tapisserie ; les meubles, portières ou bannières ; enfin les tapis, dont l’étude reste ici superficielle, puisqu’elle n’entre qu’indirectement dans le sujet de cette thèse.