Étude de l’iconographie et de la théologie de Jonas en Occident (xiie-xve siècle)
Jonas au Moyen Âge
Introduction
L’iconographie et la théologie du Jonas antique ont fait l’objet de très nombreuses recherches. En revanche, rares sont les travaux sur le Jonas médiéval. Des études très complètes ont été produites sur le commentaire In Jonam de saint Jérôme mais les autres traités ou sermons médiévaux sur Jonas n’ont pas attiré l’attention des historiens. Quelques études sont parues sur l’une des caractéristiques iconographiques de Jonas, comme la calvitie. Des travaux ont été publiés sur des Jonas particuliers, ornant un objet connu, comme l’ambon de Klosterneuburg, ou caractérisant une région, comme la Campanie. Cependant, il n’est paru aucune publication présentant les Jonas ornant les bibles ou donnant une vision d’ensemble précise de la représentation du prophète.
Il convenait donc de réunir le plus grand nombre possible de représentations de Jonas, de les classer et de voir si l’iconographie de ce petit prophète était influencée par les textes théologiques. L’importance du succès de Jonas est évaluée par une comparaison avec celui d’autres images proches, comme David ou les petits prophètes, dans les bibles et par la mesure de l’influence de son iconographie sur d’autres images telles que celles de baleines.
Les caractéristiques du Jonas antique seront rappelées. Les causes de la disparition, puis du renouveau de Jonas seront ensuite analysées. Puis seront classés les thèmes les plus fréquemment cités à propos de Jonas dans les traités théologiques, dans la Glose ordinaire et dans les sermons. L’étude de l’iconographie de Jonas du xiie siècle au xve siècle s’appuie sur un classement de ses représentations en trois catégories : le “ Jonas biblique ”, le “ Jonas typologique ” et le “ Jonas des programmes ”.
Le premier, qui est l’objet principal de cette étude, se trouve essentiellement dans les bibles latines des xiiie et xive siècles. Il orne le début du livre de Jonas ou du psaume 68 et doit permettre au lecteur d’identifier rapidement ces passages. Il a aussi une valeur symbolique. Les images sont très répétitives mais elles ont des caractéristiques différentes selon leur lieu de production.
Le deuxième accompagne un des épisodes de la vie du Christ. Le modèle le plus courant dérive de la typologie germano-saxonne et illustre de nombreux livres, comme les Bibliae pauperum et les Specula humanae salvationis, mais aussi des vitraux et des pièces d’orfèvrerie. Il existe un autre modèle dans les pays mosans et en France.
Le Jonas de la troisième catégorie fait partie d’un plus vaste programme, qu’il soit présent en tant que prophète, qu’il ait une fonction liturgique ou que ce soit l’aspect merveilleux de son histoire qui ait été représenté. Les éléments qui permettent de reconnaître Jonas peuvent être identifiés grâce à l’observation de ses images et à leur comparaison avec d’autres, au sujet proche. La baleine semble, au Moyen Age, avoir remplacé la plante comme attribut principal, mais Ninive, la plante ou la calvitie tiennent aussi un rôle important.
Sources
Deux types de sources ont été utilisés : les sources textuelles et les sources iconographiques. Les premières contiennent la Glose ordinaire, des commentaires et des sermons. Pour les trouver, en l’absence d’outils généraux, de nombreuses éditions de texte ont été parcourues, mais la liste de références à Jonas reste partielle.
L’étude des Jonas s’étend à l’ensemble de la production médiévale, depuis son renouveau au ixe siècle, jusqu’aux transformations culturelles de la fin du xve siècle. Elle couvre l’ensemble de l’Europe occidentale, car de nombreux phénomènes, comme l’engouement pour la typologie, ont une dimension européenne. Pour recenser les Jonas des manuscrits et des premiers imprimés, ont été utilisés la base Mandragore de la Bibliothèque nationale de France (BNF), celle de l’Institut de recherche et d’histoire des textes, celles des bibliothèques universitaires (le Liber Floridus) et des bibliothèques municipales ( Enluminure) françaises, celle du Groupe de recherche anthropologique en histoire de l’Occident médiéval, les disques de manuscrits de la Bibliothèque Vaticane, les catalogues des manuscrits des bibliothèques et la copie de l’Index of Christian Art de Princeton déposée à Utrecht. Cet outil, ainsi que l’Iconographie de l’art chrétien de Louis Réau, le Reallexikon für Antike und Christentum et le Lexikon der christlichen Ikonographie, ont été utilisés pour faire le recensement des autres objets d’art. Le dépouillement de nombreux livres d’art a permis de compléter ces renseignements. Le Corpus vitrearum a fourni beaucoup d’indications sur les vitraux.
Le recensement ne peut être exhaustif mais la variété des outils utilisés permet de penser que le corpus est représentatif de la production médiévale conservée jusqu’à aujourd’hui. La liste des illustrations des bibles parisiennes est la plus complète.
Première partieApproche générale
Chapitre premierJonas dans l’Antiquité
Les Pères de l’Eglise ont beaucoup utilisé Jonas : il était pour eux l’image de la résurrection du Christ, celle du salut pour les hommes et de la conversion nécessaire pour le gagner. La source des représentations de Jonas a fait l’objet de nombreux débats. Certains la voient dans les écrits juifs. Beaucoup pensent que le sens des représentations de Jonas n’est pas celui que les Pères attribuent à Jonas.
Quatre scènes différentes peuvent représenter, ensemble ou séparément, l’histoire de Jonas : Jonas jeté dans la gueule de la baleine, Jonas rejeté par le monstre, le repos sous le ricin et le courroux. La troisième scène étant la plus courante, la plante est devenue l’attribut de Jonas.
L’image de Jonas est très utilisée en contexte funéraire, dans les catacombes et sur les sarcophages, mais elle a aussi des vertus prophylactiques et peut avoir une fonction purement décorative.
Chapitre IILa disparition de Jonas
La fin de la tradition antique.- Très peu de représentations de Jonas ont été conservées pour les VII e et viiie siècles. S’il en a été produit, elles ont disparu. Mais il est probable que les images de Jonas des siècles précédents étaient toujours utilisées. En effet, les nouvelles images sont créées dans les régions où il n’en existait pas encore. De plus, elles ont les mêmes valeurs et fonctions que les précédentes. Ces deux siècles correspondant à une diminution de la production artistique et de la représentation figurée, Jonas ne subit donc pas de défaveur particulière.
Les causes du renouveau.- Au ixe siècle, des traités théologiques sont à nouveau consacrés aux petits prophètes et à Jonas. Celui de saint Jérôme est encore utilisé et diffusé. Parallèlement, des images de Jonas, différentes de celle de l’Antiquité, apparaissent. A la même époque, en Orient, sont à nouveau produites des représentations de Jonas. Elles ne semblent pas être la cause du renouveau de Jonas en Occident, qu’elles n’ont influencé que pour quelques détails.
Chapitre IIILes premiers Jonas médiévaux
Du ixe siècle au xie siècle apparaissent certaines caractéristiques du Jonas médiéval. Désormais, il orne surtout des manuscrits, le plus souvent des bibles. Il peut être présenté comme l’un des douze petits prophètes, comme dans un Adversus paganos de Paul Orose du xe siècle, qui est une des premières occurrences de la représentation de Jonas parmi les prophètes. Il peut être aussi l’objet d’une scène narrative : il est alors en général accompagné d’une baleine. Certains éléments des images, tels que le monstre, reprennent toujours la tradition antique.
Chapitre IVLes textes
Les traités des Pères de l’Eglise sur Jonas ne sont plus guère utilisés. Celui de saint Jérôme, qui est à la source du passage sur Jonas dans la Glose ordinaire, fait exception. Très peu de théologiens produisent des études exclusivement consacrées à Jonas. La Glose ordinaire est le commentaire le plus répandu : elle a influencé d’autres traités, qu’ils soient sous forme de glose ou non, et des sermons. Jonas est très souvent cité, mais il est rarement l’objet d’un long développement. Les thèmes qui lui sont associés ne suivent pas l’actualité théologique et sont presque identiques dans les sermons et les commentaires : ce sont la résurrection du Christ, la pénitence, la conversion et l’attachement du Christ à son peuple.
L’influence de la glose sur les détails des images bibliques est très faible. Quant aux Jonas typologiques, ils doivent plutôt être mis en relation avec les textes qui les accompagnent dans les manuscrits. Cependant, la présence de certains symboles dans les images, comme la ville de Ninive dans la production parisienne du milieu du xiiie siècle, semble être un indice de la portée des sermons, qui pourraient avoir influencé le choix du sujet des images.
Deuxième partieLe Jonas biblique
Chapitre premierJonas dans les bibles au xiie siècle
Les bibles du xiie siècle sont souvent de très grandes œuvres faites avec un soin particulier. La plupart des Jonas qui les illustre a été traitée avec beaucoup d’originalité. Cependant, les caractéristiques des bibles du xiiie siècle apparaissent, tandis que s’essouffle la tradition antique, qui ne perdure que dans la représentation du monstre.
Chapitre IIJonas dans les bibles des xiiie et xive siècles
Jonas jeté dans la gueule de la baleine.- Cette scène est la seule image qui soit la représentation littérale et narrative d’un passage de la Bible. Elle a été produite surtout à la fin du xiie siècleet au début du xiiie siècle. En général, elle ornait en France le E du début du livre de Jonas et, en Angleterre, le S du début du psaume 68 : c’était le modèle le plus courant d’illustration du psaume 68 en Angleterre. Dans la plupart des cas, cette scène est représentée seule, ou avec Jonas sortant de la baleine. Parfois, un bateau seul permet de la remplacer.
Le Christ.- Placé dans le haut de la lettre, il est, en général, associé à Jonas rejeté par la baleine. Il orne alors surtout les psaumes 68 anglais au milieu du xiiie siècle. Cette image est née de la rencontre, en Angleterre, des modèles français et anglais d’illustration des psaumes. Le premier était littéral et reprenait les mots du début du texte, en représentant David dans les eaux sous le Christ.
Ninive.- Placée dans la partie haute de la lettre E, Ninive, munie de créneaux et de tours, accompagne d’ordinaire Jonas sortant de la baleine. Ce type d’image, le plus courant à Paris au milieu du xiiie siècle, est celui qui a été le plus diffusé. La présence de Ninive permet de rappeler à chacun la nécessité de la conversion et de la pénitence.
Jonas et la baleine.- Très souvent, la représentation de Jonas remplit la lettre, sans qu’il y ait une division en deux compartiments. Quand Jonas est simplement accompagné de la baleine, ce qui représente sa prière et son salut, le traitement de l’image est souvent très original. Il permet cependant aussi d’identifier rapidement le passage biblique. La baleine peut être accompagnée de la plante, de Ninive ou de Dieu. Ces éléments ne sont pas mis en valeur, comme le sont Ninive ou le Christ quand ils occupent la partie supérieure de la lettre. Ils ont pour fonction de rappeler l’un ou l’autre des épisodes bibliques de Jonas, tout en étant associés à un thème théologique fort, comme la pénitence pour Ninive.
Jonas seul.- Jonas est parfois représenté seul, assis ou debout, avec une barbe et un phylactère. Lorsque tous les petits prophètes sont représentés de cette manière, le groupe des douze, dans son ensemble, paraît avoir plus d’importance que la spécificité de chacun. Ces images sont relativement rares. En effet, le livre biblique de Jonas est très narratif. Jonas est donc plus souvent que les autres petits prophètes représenté avec un attribut particulier qui rappelle l’une des péripéties de son histoire.
Images originales.- Certaines images comprennent l’ensemble des épisodes de son histoire, d’autres traitent du signe de Jonas ou représentent explicitement la conversion des Ninivites. Les passages bibliques sur Jonas sont tellement riches qu’ils stimulent constamment l’imagination.
Synthèse.- La plupart des caractéristiques de l’image antique ont disparu. Désormais, dans les bibles, en général, seule la tête de la bête est visible. Ninive, le plus souvent symétrique et décorée de créneaux et de tours, est très représentée, alors que la plante l’est plus rarement. Ni la calvitie, ni la nudité ne caractérisent particulièrement Jonas. Il a en général les deux bras levés : cette position est celle de la prière.
Le psaume 68 étant, d’après les gloses et les commentaires, la prière de Jonas, ce dernier peut être représenté dans la gueule de la baleine au psaume 68 : il permet alors de repérer rapidement ce psaume dans un psautier.
Chapitre IIIJonas dans les bibles françaises des xive et xve siècles
Les représentations de Jonas semblent avoir toujours les mêmes fonctions que dans les bibles latines, même si le style et la technique de la représentation ont changé. Comme auparavant, Jonas est, en général, accompagné de la baleine. Très souvent sont représentées aussi la plante et Ninive, mais elles semblent parfois n’être qu’une décoration. De nombreux livres de prière, puis des livres profanes, sont aussi ornés de Jonas sur le modèle des bibles françaises. Quelques thèmes nouveaux apparaissent.
Troisième partieComparaisons
Chapitre premierLe Jonas typologique
Les premiers Jonas typologiques dans les manuscrits.- Dès le xiie siècle, en Angleterre, comme en Allemagne, Jonas est représenté accompagnant l’un des épisodes de la vie du Christ, avec d’autres préfigures. Cependant, il n’y a pas encore de modèle dominant.
Les bibles moralisées.- Il en existe plusieurs types. Le récit de sa propre histoire, mais aussi des passages consacrés à Noé ou le psaume 129, peuvent accueillir Jonas. Certains manuscrits sont produits à Paris à la même époque que le Jonas biblique. Il y a alors en général plusieurs images mais celles-ci n’ont ni les caractéristiques des Jonas bibliques, ni celles des Jonas typologiques. Les images les plus tardives, en général faites d’une seule illustration, ont beaucoup de caractéristiques communes avec les Jonas des bibles en français qui sont produites à la même époque.
Les Jonas dans l’orfèvrerie.- Des autels portatifs et des triptyques portant Jonas ont été produits dans la région mosane à la fin du xiie siècle. Le choix des préfigures est propre à la région et les représentations de Jonas ressemblent, par la composition de l’image, à certaines enluminures bibliques produites à Paris. En Angleterre, quelques décennies plus tard, trois coupes sont réalisées selon un schéma similaire.
Les Bibliae pauperum.- Malgré leur nom, ces œuvres étaient surtout produites pour un public cultivé et fortuné, avant que l’imprimerie n’en facilite la diffusion. Elles pouvaient servir de livres de prière aux laïcs et se sont surtout répandues dans les pays germaniques du xiiie siècle au xve siècle. Jonas jeté dans la gueule de la baleine accompagne, avec Joseph jeté dans le puits par ses frères, la mise au tombeau du Christ. Jonas rejeté par la baleine est à côté de la résurrection du Christ sortant du tombeau et de Samson portant les portes de Gaza. Il existe plusieurs types de représentations en fonction du nombre de composantes de l’image (la baleine, la plante ou Ninive) mais les différences entre ces catégories sont minimes. La reprise d’éléments de la tradition iconographique, qui a été marquée par les images bibliques, existe mais n’est pas systématique.
Les Specula humanae salvationis.- Très répandus au xive siècle et au xve siècle, ils font partie, comme les Bibliae pauperum, du groupe typologique germano-saxon qui a beaucoup influencé les vitraux. Jonas accompagne les mêmes images que dans les Bibliae pauperum, mais d’autres thèmes enrichissent les représentations : David pleurant la mort d’Abner est ajouté pour la Mise au tombeau, la parabole de la pierre angulaire pour la Résurrection. Le texte a plus d’importance que dans les Bibliae pauperum. La composition de l’image et la variation du nombre d’éléments accompagnant Jonas et la baleine sont semblables à celles des Bibliae pauperum. Les catégories ne sont cependant pas exactement les mêmes.
Les vitraux typologiques.- Il en existe deux types différents que l’on présente ensemble car tous les vitraux ont comme point commun d’être visibles par le même type de public. Les plus anciens, produits à la fin du xiie siècle, surtout dans le centre de la France, suivent plutôt le genre typologique mosan. Le nombre et l’identité des préfigures sont assez variables. A partir du xive siècle, en Angleterre, en Allemagne et même à Assise, les vitraux permettent la diffusion des Bibliae pauperum et des Specula humanae salvationis, avant que ceux-ci ne les influencent. Les deux représentations de Jonas accompagnent alors les mêmes scènes que dans ces livres.
L’influence des “ Jonas bibliques ” sur ce type d’image est donc faible, que l’on s’intéresse à la fonction ou à la composition de l’image.
Chapitre IILes “ Jonas des programmes ”
Jonas, l’un des prophètes.- Jonas est souvent représenté avec des patriarches, des apôtres et d’autres prophètes, souvent les onze autres petits. Ils appartiennent alors tous à un programme d’ensemble qui orne les vitraux ou le portail central. Le sujet peut être un Credo apostolique, quand les douze petits prophètes et les apôtres sont mis en parallèle. Il peut être aussi la glorification de la royauté ou de l’Eglise. Tous les prophètes sont habillés de la même façon et se ressemblent. Il arrive cependant que Jonas ou Daniel se distinguent des autres. En Germanie, Jonas peut en effet être chauve, comme il l’est plus tard dans les livres typologiques et les œuvres qu’ils influencent. Dans certains cas, la présence, non d’un attribut, mais de leur nom inscrit sur la banderole, permet de distinguer les personnages. L’absence d’attribut montre que la représentation du prophète n’a qu’une visée générale : démontrer la continuité du projet divin. Cela a pour conséquence ultime que, dans de nombreux cas, soit que l’inscription ait été perdue, soit qu’elle n’ait jamais été faite, il n’y a plus aucun moyen de différencier les prophètes les uns des autres.
La fonction liturgique de Jonas.- Dans l’Italie du Sud, en Campanie et dans les Abruzzes, Jonas est très souvent représenté au xiie -XIIIe siècle sur des chaires et des ambons. Ce meuble avait un rôle liturgique tout au long de l’année, car il était le lieu de la lecture des textes de la messe. Le Samedi saint, jour qui annonce la Résurrection, il avait un rôle important dans la liturgie de la lumière. Ces ambons étaient ainsi visibles de tous pendant la cérémonie, comme l’étaient les rouleaux d’ Exultet, et pouvaient être un support figuré pour les sermons. Les monstres copient de nombreuses particularités des représentations orientales et leur caractère merveilleux est particulièrement développé. Cependant, le caractère liturgique et l’influence orientale n’ont pas de lien.
L’histoire extraordinaire de Jonas.- C’est en général le séjour dans la baleine et non la conversion rapide des Ninivites qui a le plus étonné et retenu l’attention. Ainsi, plusieurs chapiteaux, comme celui de Mozat (Auvergne), traitent le monstre avec beaucoup de détails : il est gros, a de grandes dents. Cependant, certains portails, comme celui de Ripoll (Espagne), ou des mosaïques, comme celles d’Otrante (Italie), reprennent l’ensemble de l’histoire et représentent en plusieurs épisodes la conversion de Ninive et de Jonas. Comme dans les bibles, certaines représentations monumentales correspondent à l’un ou l’autre des épisodes qui n’est pas courant. Il en est peut-être ainsi pour Zillis (Suisse), où la scène de l’embarquement aurait été représentée. Quoi qu’il en soit, l’abondance des représentations de Jonas en lieu laïc comme religieux est un bon indice de son succès.
Chapitre IIILes attributs
La baleine.- La baleine est devenue au Moyen Age l’attribut principal de Jonas. Bien que la tradition des représentations des ceti antiques ait été conservée dans les traités d’astronomie, le monstre de Jonas ne lui ressemble plus. A l’exception des pêcheurs de haute mer, rares sont les hommes du Moyen Age qui ont vu une baleine et des animaux marins en général. Le monstre de Jonas est donc souvent le fruit de l’imagination et de la reprise de traditions iconographiques. Il peut être comparé à l’Enfer, comme dans les bibles. Seule la tête est représentée : il ressemble alors surtout au monstre des Limbes. Cependant, dans les œuvres typologiques, il annonce le tombeau du Christ et a de nombreuses caractéristiques de poisson. En effet, on l’a très vite assimilé à un poisson et on lui a alors attribué ses caractéristiques : forme, nageoires, écailles. Il n’a que très tardivement été appelé baleine. De plus, la baleine de Jonas et les autres baleines ne se ressemblent pas pendant la plus grande partie du Moyen Age. L’histoire de Jonas a été introduite assez vite dans les textes des bestiaires, mais, longtemps, notamment dans les bestiaires anglais, c’est l’épisode, tiré de la légende de saint Brandan, où les marins font un feu sur une baleine, qui est retenu pour l’illustration.
Des monstres semblables à celui de Jonas, accompagnés ou non de Jonas, se sont répandus dans tout l’Occident. Peu à peu, la dimension théologique de cette représentation a disparu. Souvent, seule l’approche merveilleuse a été conservée. Dans de nombreux cas, ces monstres représentent l’Enfer, mais la source originelle de leur représentation n’est probablement pas l’histoire de Jonas.
D’autres attributs ?- Jonas n’est pas systématiquement chauve, mais, lorsque l’on trouve un personnage qui l’est complètement, c’est en général Jonas, surtout en Germanie.
La plante ne ressemble jamais à un ricin. Elle est régulièrement associée à Jonas, mais elle a une valeur ambiguë, car elle peut avoir une fonction purement décorative. De plus, d’autres personnages, comme Jessé, sont associés à une plante et il n’est pas toujours facile de les distinguer.
Ninive a pour fonction d’encourager à la pénitence. Quel que soit le type de Jonas, elle est très souvent présente et semble être une image idéale de la ville au Moyen Age. Toutefois, comme la plante, elle peut n’être que décorative. De plus, de nombreux autres prophètes, avec lesquels on pourrait confondre Jonas, sont accompagnés d’une ville. Elle n’est donc, elle aussi, qu’un attribut secondaire.
Le bateau n’est pas toujours représenté et il est rare qu’il soit une image réaliste des navires au Moyen Age.
Conclusion
Jonas est donc un motif récurrent tout au long du Moyen Age. Il s’est très vite affranchi de l’influence du modèle antique et est désormais très souvent accompagné de la baleine. L’importance de la pénitence, de même que la prépondérance de la lecture typologique de la Bible, ont pu contribuer à sa diffusion et ont parfois même influencé la composition de l’image. La dimension merveilleuse de ses aventures a également contribué à ce succès. Celui-ci est cependant limité, bien que de très nombreuses personnes, clercs, comme laïcs de toute fortune, aient pu voir des images de Jonas. En effet, dans la plupart des cas, Jonas est inséré dans un programme iconographique plus large : il est un passage obligé.
C’est la présence de la baleine, et le fait que Jonas soit représenté dans sa gueule, ou très près de celle-ci qui permet, dans la plupart des cas, de reconnaître Jonas. Le ricin et Ninive n’ont qu’un rôle secondaire. Quand Jonas est l’un des prophètes, il n’a, en général, aucun attribut qui permette de le reconnaître.
Annexes
Quelques textes mentionnant Jonas sont regroupés : Bible latine, Bible historiale, Bible moralisée, Speculum hunmanae salvationis, traités, sermons et bestiaires. Leur est adjointe une description succincte de chacune des représentations de Jonas recensées.
Planches
Pour chaque partie iconographique, un ensemble d’images illustrant le texte a été rassemblé.