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Exposer l’art contemporain à Paris. L’exemple de l’ARC au Musée d’art moderne de la Ville de Paris (1967-1988)


Introduction

Faire l’histoire d’un musée d’art à l’ère de l’art exposé

“ Musée d’art contemporain ”, voici une expression dont les termes peuvent sembler antinomiques : comment faire coïncider création et conservation ? Pourtant, l’art de ces dernières décennies s’est avant tout épanoui pour ou contre ce cadre. De plus, l’essor de l’exposition transforme considérablement les musées. L’étude de l’ARC mêle différentes disciplines : l’histoire de l’art, notamment de la diffusion et de la réception de nombreux mouvements contemporains, ainsi que l’histoire de la musique, des politiques culturelles et de leurs institutions. Il s’agit d’aborder la création et l’évolution d’un type muséographique nouveau à un moment où la vision de la scène artistique parisienne est celle d’une scène abandonnée au profit de New-York. Avec l’ARC, institution consacrée à l’exposition, on étudie l’apparition, dans les années 60, au cœur d’un “ musée-temple ” monumental le Palais de Tokyo  d’un des premiers “ musées-forums ”, jusqu’à sa mutation en “ musée-chantier ” au tournant des années 80.


Sources

L’axe d’approche est celui des expositions, à partir d’un corpus de 311 expositions réalisées entre 1967 et 1988. Ce travail s’appuie sur les archives d’exposition conservées au Musée d’art moderne de la Ville de Paris (MAMVP), dont le traitement est inédit. Leur exploitation est rendue difficile par la caractère lacunaire du fonds, qui trahit un souci tardif des archives et une faible conservation de certains types de document ; en outre, l’intérêt pour les archives de l’art contemporain est récent. Un ensemble photographique, également incomplet, accompagne le fonds papier.

D’autres fonds viennent en complément. Les Archives de la Ville de Paris conservent les versements, lacunaires, des différents services culturels ; les archives personnelles de Maurice Fleuret ont été consultées à la Bibliothèque musicale Gustav Mahler, à Paris, celles de Dany Bloch au Centre des archives de la critique d’art, à Châteaugiron, et celles de Pierre Faucheux à l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine. D’autres types de sources compensent l’indigence des documents d’archives : exploitation de la presse, entretiens avec les acteurs de la vie de l’ARC (personnel du musée, critiques, commissaires d’exposition, artistes), entretiens radiophoniques, films etc.

Parmi ces sources hétérogènes, le catalogue d’exposition temporaire tient une place particulière. Il est à la fois une source documentaire et l’objet d’une étude spécifique. Entre promotion et souvenir d’une exposition, sa temporalité et sa fonction sont fluctuantes. Devenu terrain de jeu des exposants, il participe à la fois du livre sur l’art et du livre d’artiste.


Première partie
Exposer l’art contemporain à Paris


Chapitre premier
Le Palais de Tokyo, un lieu pour l’art moderne :
Une architecture, deux institutions

La lente genèse d’un lieu pour l’art moderne à Paris. Malgré le débat sur la création d’un musée d’art moderne lancé en France dans les années 20, ce n’est qu’à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1937 qu’est construit le Palais de Tokyo. Le partage des frais induits par l’achat du terrain et la construction impose un bâtiment double, dans son architecture et sa propriété : l’aile ouest est dévolue à l’État et l’aile est, à la Ville de Paris. L’équipe Dondel, Aubert, Viard et Dastugue gagne le concours avec le projet Clarté. L’architecture monumentale présente deux bâtiments autonomes, séparés par une grande terrasse et reliés par un portique.

Un projet enfin abouti : deux musées d’art moderne à Paris. Le constat d’une architecture qui n’a pas pris en compte les avancées du débat muséographique et les travaux encore nécessaires retardent l’ouverture des institutions. L’ouverture effective du Musée National d’Art Moderne n’a lieu qu’en 1947 et il faut attendre 1961 pour le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, alors sous la direction de René Héron de Villefosse. Le MAMVP n’occupe alors qu’un des trois étages du Palais, le rez-de-chaussée bas.

Après 1961, vie et sommeil des musées d’art moderne. Les deux musées du Palais de Tokyo sont-ils des modèles déjà obsolètes au moment de leur création ? Ils sont en tout gênés par les pesanteurs administratives, le modèle du musée est discuté et certains comme Jean Cassou et Le Corbusier travaillent au projet d’un nouveau musée d’art moderne parisien.

Chapitre II
Exposer à Paris, les lieux de l’art contemporain en 1967

Les grandes manifestations : des salons à la Biennale de Paris. Malgré deux musées traditionnels installés dans un bâtiment figé, le Palais de Tokyo fait l’actualité en tant que palais d’exposition. L’aile parisienne accueille les salons les plus divers mais aussi les plus dynamiques, comme le militant Salon de la Jeune Peinture. Le modèle des grandes manifestations prend le pas sur celui des salons avec la création en 1959 de la Biennale de Paris. Le rendez-vous s’installe dans les locaux du MAMVP, dont Pierre Faucheux, par des accrochages novateurs, remet en avant les potentialités. En 1966, Clovis Eyraud lui propose d’ailleurs d’en réaliser les aménagements permanents.

Les lieux de l’exposition temporaire. Parmi les lieux officiels d’exposition parisiens, on compte les palais d’exposition, comme Galliera, les nouvelles Galeries nationales du Grand Palais, ou encore Musée des Arts décoratifs, étonnamment le musée le plus à la pointe de l’actualité artistique en ce début des années 60.

L’“ exposition-vente ” : les galeries et le réseau privé parisien. Le marché parisien est marqué par une grave crise, qui entraîne un certain nombre de fermetures. A ces difficultés financières s’ajoute une dépréciation de l’art abstrait français. Des galeries engagées font néanmoins l’actualité. Face à des musées sur la réserve, elles sont les principaux lieux d’information sur l’art.

Chapitre III
Politiques de la culture, idées du musée

Le débat sur la démocratisation de l’art dans le contexte pré-68. La décennie 1960 est marquée par le bouleversement des pratiques culturelles .La démocratisation de la culture devient un enjeu. Dans les années 60, tous débattent de l’action et de l’animation culturelles : le militant héritier des discours d’Éducation populaire, les pouvoirs publics, les sociologues...

A la recherche de nouvelles institutions. Dans l’analyse des enjeux culturels, le modèle du musée est critiqué ( L’amour de l’art. Les musées et leur public, de Pierre Bourdieu et Alain Darbel, 1966). En Europe, des institutions-pilotes, comme le Stedelijk Museum d’Amsterdam et le Moderna Museet de Stockholm, cherchent à répondre à une double exigence : la mutation des œuvres et la mutation du public. En France, le nouveau ministère des Affaires culturelles d’André Malraux lance le chantier des Maisons de la Culture.

La réflexion au sein de l’organisation parisienne, un essai d’action culturelle. La politique culturelle parisienne, sous la direction de Clovis Eyraud, s’engage à son tour dans les chemins de l’action culturelle. L’impulsion parisienne est relancée à l’arrivée de François Debidour comme sous-directeur des Beaux-arts. Ces initiatives favorisent la création de l’ARC. Clovis Eyraud est bientôt remplacé par Alain Trapenard, issu du cabinet de Malraux, à la tête de la Direction des Beaux-Arts de Paris, qui devient la Direction de l’Action Culturelle.


Deuxième partie
L’ARC (1967-1972), une institution engagée


Chapitre premier
Une institution différente pour un public différent

Création d’une structure différente. C’est dans le cadre du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris qu’est créé en 1966 l’ARC, sigle pour Animation-Recherche-Confrontation. Cette décision est prise après une analyse des institutions muséographiques de la Ville par Pierre Gaudibert, François Debidour et Bernadette Contensou. Le statut juridique de l’ARC, dont le responsable est Pierre Gaudibert, est hybride. L’institution a pour locaux ceux du MAMVP, mais son financement et son administration sont indépendants, rattachés directement à la Direction des Beaux-arts. Elle n’a pas de but de conservation, mais d’exposition.

Une institution réflexion sur le musée d’art contemporain. Idéologiquement, l’organisme prend place dans un programme d’animation culturelle développé par Pierre Gaudibert, marqué par son expérience dans les milieux de l’Éducation populaire. Le but déclaré est d’atteindre une nouvelle “ classe moyenne ” ; il est exprimé dès le premier manifeste : “ toucher un public neuf à travers des associations : syndicats d’étudiants, d’enseignants, de fonctionnaires, comités d’entreprises, mouvements de jeunesse ”. Un programme d’activités important corrobore la mission pédagogique : présentation d’œuvres par les artistes et les critiques, tables rondes et débats… Le “ musée-forum ” est un lieu vivant, festif et ouvert sur la ville. Les œuvres gagnent l’extérieur et s’installent sur le parvis du musée. L’exposition est une expérience où le visiteur est confronté à des œuvres différentes.

Décloisonner les arts. Tout un choix d’activités pluridisciplinaires se greffe à la section arts plastiques, avec une section cinéma animée par Christine Aubry, une section danse animée par Françoise et Dominique Dupuy, une section jazz animée par Daniel Humair, une section musique contemporaine dirigée par Maurice Fleuret et une section théâtre. Les différentes disciplines artistiques se mêlent lors de spectacles ou pendant les vernissages. Maurice Fleuret rompt avec le cadre traditionnel du concert en organisant des concerts-promenades et des journées d’écoutes, accueille les musiques expérimentales (musique concrète et électroacoustique) et élabore de nouvelles méthodes d’approche, dans la lignée de l’animation culturelle.

Chapitre II
Des partis pris

Être engagé. La création de l’ARC doit être replacée dans un contexte idéologique et historique. Dans une période où le poids de Paris dans l’art contemporain a décliné face à celui de New York et où l’école de Paris est vieillissante, il s’agit de dynamiser la scène artistique parisienne au sein même d’une institution traditionnelle et de promouvoir les nouveaux courants et médiums artistiques. Cette même année 1967, la fondation de la revue Opus international est portée par les mêmes engagements. Des choix artistiques, en particulier auprès de la figuration narrative, et des engagements politiques unissent les acteurs de la revue et de l’institution et favorisent les collaborations, notamment entre Gérald Gassiot-Talabot et Pierre Gaudibert.

“ Art et contestation ” : la voie figurative. Les liens avec le Salon de la Jeune Peinture transparaissent dans les expositions à visée politique. Après Le Monde en question(1967) organisé par Gérald Gassiot-Talabot , les travaux collectifs la Salle rouge pour le Vietnam(1969) et L’affaire Gabrielle Russier(1970) promeuvent une figuration critique. L’ARC offre une tribune à un art du témoignage social et politique et à de nombreux artistes chez qui les spécificités de la figuration narrative et ses possibilités de manipulation de l’image permettent le passage à une peinture contestataire et politique.

La peinture en question. L’ARC s’ouvre aux nouveaux groupes artistiques des années 1960-70 : figuration narrative, première manifestation de Supports/Surfaces… Entre ces artistes, on note un même refus de la situation artistique, sociale et politique, mais avec des réponses plastiques différentes. Les deux contestations, politique sous l’influence du marxisme et du maoïsme et formelle, ne sont pas dissociables. Les nouveaux figuratifs remettent en cause l’image (reprise, détournement et glaciation), tandis que les artistes de Supports/Surfaces déconstruisent la matérialité du tableau.

Chapitre III
Exposer l’art dans la diversité de ses formes et de ses supports

La mise en valeur des médiums reproductibles : la “ sociologie des multiples ”. La programmation met en valeur des techniques considérées comme mineures : ce sont les premières expositions consacrées uniquement à la photographie dans un musée, le renouveau de la gravure au travers de techniques traditionnelles et récentes comme la sérigraphie. L’ARC se fait même éditeur. Il s’agit également des médiums dits reproductibles. Les études de Walter Benjamin avaient souligné l’impact de l’essor des procédés mécaniques de reproduction sur l’œuvre et son aura. S’y greffent des enjeux sociaux : la grande diffusion des multiples doit rendre l’art accessible au plus grand nombre et détourner les lois du marché.

Art et technologie : le “ pouvoir des techniques ”. Des matériaux diversifiés, comme l’utilisation de l’électricité (néons, laser) ou du synthétiseur, rendent possibles de nouvelles formes d’expression combinant le son et la lumière. Cette convergence des arts et des sciences donne des formes artistiques singulières : art électronique, art laser, art informatique, débuts de l’art vidéo, mais avec des caractéristiques communes, comme la place du spectateur. L’utilisation artistique de la machine ou d’un procédé technologique favorise sa participation. La réalisation d’une “ œuvre ouverte ” a évidemment aussi des implications sociologiques.

Exposer hors de l’idée traditionnelle d’art. L’idée d’un art technologique remet aussi en cause le geste de l’artiste (interaction du spectateur, art par ordinateur). L’amalgame des différentes formes de la création est une remise en question de la définition traditionnelle des beaux-arts et constitue un acte militant qui brise les limites traditionnelles du musée. L’ARC s’ouvre ainsi à l’art industriel, aux Structures gonflables et aux dessins d’enfants.

Chapitre IV
L’arrêt de l’ARC, la fin d’une expérience

A l’épreuve de la réalité. L’action de l’ARC est freinée par la faiblesse de ses moyens. L’après mai 68 est marqué par un essoufflement rapide du modèle contestataire et des actions collectives, le spectre de la récupération crée un blocage de l’institution culturelle. Quelques échos négatifs apparaissent : on critique la place disproportionnée de l’animation vis-à-vis des collections, la répétition des choix artistiques.

1971 : une année difficile. Avec le choix d’une peinture politique et une action contestataire critiquée, les occasions d’affrontement avec les pouvoirs publics se multiplient. La censure de deux toiles de Mathelin en octobre 1971 provoque une vive réaction des milieux culturels, prémonitoire de la polémique de l’exposition 72-72. Les ambiguïtés de sa position contester au sein d’un organisme officiel provoque la démission de Pierre Gaudibert.

La démission de Pierre Gaudibert, quel avenir pour quel bilan ? De ces cinq années d’expérimentations artistiques subsiste un nouveau modèle muséographique. Le musée est un centre d’information, impliqué dans l’actualité artistique, qui se préoccupe de la mise en relation des visiteurs, des œuvres et des artistes, par le biais notamment de la présence animatrice de l’artiste.


Troisième partie
L’ARC 2 (1973-1977), l’établissement et le jeu de la découverte


Chapitre pemier
L’ARC 2 et le “ musée d’art mobile ”

Un changement dans la continuité : l’ARC 2 de Suzanne Pagé. Début 1973, la structure renaît sous la direction de Suzanne Pagé. La formule de Pierre Gaudibert, qui confrontait l’artistique au politique, est peu à peu abandonnée. Les mots d’ordre restent cependant les mêmes : animer, rechercher, confronter. L’ARC 2 prend une place considérable dans le milieu artistique des années 70 et multiplie les partenariats avec les organismes étrangers. Du modèle pluridisciplinaire subsistent les deux sections musicales, le jazz dirigé par Daniel Humair et la musique contemporaine pilotée par Maurice Fleuret.

Le musée selon Pierre Faucheux : le “ musée d’art mobile ”. L’aspect interne du musée s’est modifié à la suite des travaux de Pierre Faucheux et de Michel Jausserand, qui ménagent un nouvel emplacement à l’ARC au rez-de-chaussée haut. Les travaux se réduisent à ce seul niveau, mais le projet englobe l’ensemble de la vie et des activités du musée. Les grands volumes sont coupés, permettant la création d’un nouveau hall et l’implantation d’une mezzanine. Pierre Faucheux réinvente les entrées, les bureaux, crée une bibliothèque et un auditorium imaginé selon les mêmes principes de mobilité qui guident l’aménagement des salles d’exposition : cloisons amovibles, cimaises mobiles grâce à une trame au sol, plafond et éclairage mobiles.

Mobilité et flexibilité : le musée ouvert. Les principes de flexibilité et de mobilité correspondent à une nouvelle volonté de briser les murs du musée. Le musée est détourné (mise en couleur du musée par Rougemont), occupé (Jorge Piqueras) ou refusé (Jochen Gerz). L’auditorium devient le centre du “ musée expérimental ”. Avec sa création, les sections musicales de l’ARC gagnent un lieu autonome et adapté : c’est le “ musée-spectacle ”.

Chapitre II
Le jeu de la découverte, découvrir…

…d’autres artistes. En priorité sont présentés des artistes encore peu exposés ou l’actualité d’un travail. C’est le choix de l’information, la mission de découverte se poursuit avec les “ premières rencontres ”. Parmi les “ oubliés ” de la scène muséographique, les femmes exposent régulièrement à l’ARC, alors qu’elles étaient restées jusque-là en marge de l’avant-garde artistique.

…d’autres scènes artistiques. L’accueil d’expositions étrangères et la circulation d’expositions préparées par l’ARC s’organisent. La constitution d’un réseau de relation est facilitée par l’internationalisation de la scène artistique et les réunions des grands comités comme le CIMAM. Dans la programmation de l’ARC, deux nationalités étrangères sont prépondérantes : les scènes américaine et allemande. Engagé sur le front de la figuration, l’ARC n’avait accueilli que les maîtres pop, Andy Warhol et Robert Rauschenberg. Dès 1974 sont exposés les courants conceptuels, hyperréalistes et minimalistes ( Collection Peter Ludwig, Joseph Kosuth, Tendances actuelles de la nouvelle peinture américaine). L’ARC tisse également des liens étroits avec les artistes et les institutions allemandes.

…d’autres objets d’exposition. L’ARC fait le choix d’œuvres d’avant-garde, mal intégrées au circuit des galeries et non consacrées. L’institution s’ouvre par exemple à des pratiques para-artistiques. L’art documentaire, sorte de musée personnel, s’appuie sur l’espace du musée (accumulation, reconstitution) que les objets les plus étranges occupent

Chapitre III
La vidéo au musée

Les débuts de la vidéo à l’ARC. L’exposition Canada Trajectoires 73 est annonciatrice des nouvelles orientations du programme. Elle présente peintures, sculptures, céramiques et vidéo. Elle aborde les différentes utilisations de la vidéo, militante (usage social de la vidéo, vidéo communautaire) et plastique. L’apport déterminant de l’exposition est de dévoiler le fonctionnement d’une cellule de production et de diffusion.

Vers la première exposition synthétique sur l’art vidéo en France : “ Art vidéo / confrontation 74 ”. Le succès de la présentation Canada-Trajectoires 73, en particulier celui de l’atelier, confirme la nécessité d’organiser un panorama des développements du médium. L’exposition rend compte de la diversité des dispositifs artistiques utilisant la vidéo (enregistrement d’actions, expérimentations sur la bande vidéo, environnement). La nouveauté du médium se lit dans la recherche de définition de ce qu’est l’“ art vidéo ” et les difficultés d’exposition et de production de la vidéo. Les installations et les sculptures vidéo jouent sur l’espace et la temporalité de l’œuvre et renouvellent l’idée de l’“ œuvre ouverte ”.

Un médium légitimé par le musée, l’exposition régulière de la vidéo. La définition d’un espace d’exposition de la vidéo est un nouvel enjeu pour le musée d’art contemporain. L’outil vidéo s’y présente sous toutes ses formes : bandes, sculptures, environnements, vidéo-concert et art sociologique. La présence de Dany Bloch, attachée de presse à l’ARC et critique d’art, favorise la diffusion de l’art vidéo.

Chapitre IV
Mutation de la scène parisienne (1977)

La transformation du circuit parisien. L’ouverture du Centre Pompidou modifie la géographie artistique parisienne, offrant à Paris une superficie d’exposition inégalée. La différence de moyens et de dimension rend difficile la comparaison entre l’ARC et le Centre Pompidou. Néanmoins, les Galeries contemporaines et l’ARC se trouvent en concurrence.

Exemple d’un programme d’exposition, l’année 1977 : se différencier. L’ARC s’oriente vers une programmation plus spécifique et diverse afin de préserver son originalité de départ. 1977 est l’année des grandes expositions ( Boîtes, Trois aspects du dessin contemporain). Avec Mythologies quotidiennes II, l’ARC renoue avec l’histoire de ses débuts et son engagement auprès des courants figuratifs. C’est l’occasion d’un premier bilan de l’évolution de la scène parisienne et de l’impact des choix de l’ARC, dix ans après sa création. L’ARC met également en avant sa mission de prospection ( Paris Travaux 77, Tendances actuelles de la photographie).

Changements à l’ARC. L’été 1977 est riche en changements. Le nouveau statut de Paris entraîne une réorganisation des services municipaux. Des soutiens de l’ARC depuis ses débuts quittent l’organisation parisienne, comme François Debidour et Alain Trapenard. L’arrivée de Marcel Landowski à la tête de la Direction des Affaires culturelles parisienne précipite le départ de Maurice Fleuret. L’exposition Mythologies quotidiennes II inaugure les nouvelles salles de l’ARC : l’étage du Palais aménagé par Pierre Faucheux offre à l’ARC 1600 m2 que les murs blancs et l’éclairage zénithal inondent de lumière.


Quatrième partie
L’ARC (1978-1988), l’étage expérimental


Chapitre premier
Le lieu du débat et de la contemporanéité, au plus près de l’actualité

Le musée, lieu de débat. Singuliers de l’art (1978), Ils se disent peintres, ils se disent photographes (1981), Tendances de l’art en France 1968-1978/79, ces trois expositions sont autant de réponses engagées à des interrogations sur l’art et les transformations du champ artistique. Les Singuliers de l’art essaie de définir les frontières floues de l’art quand il est dit “ brut ”, “ des fous ”, “ hors normes ”… La deuxième exposition répond à une controverse alors que la photographie s’était affirmée comme un art autonome, elle serait finalement un outil de plasticien et donc de peintre , la troisième la crée : organisée initialement en deux points de vue critiques sur la décennie, l’exposition bilan de la décennie 1968-1978 ajoute aux deux partis pris de départ un troisième volet, celui des “ refusants ”.

Musée et exposition, entre écriture d’une histoire et événement. L’institution propose une typologie d’exposition qui reflète les mutations de la période. Parmi les types d’exposition privilégiés, les grands panoramas géographiques s’accompagnent de nombreuses manifestations pluridisciplinaires et de débats. Trois expositions entrent dans ce cadre : Un certain art anglais... (1979), Art Allemagne aujourd’hui (1981) et D’un autre continent : l’Australie, le rêve et le réel (1983).

Devancer la production contemporaine, les “ Ateliers ”. La prospection s’organise désormais en Ateliers où exposent de jeunes artistes encore inconnus. Comme des instantanés sur la scène artistique française, la première session de 1981 révèle une nouvelle génération d’artistes, en particulier les artistes de la figuration libre. Après le succès de la première session, la formule devient bisannuelle et s’appuie sur un important travail de sélection.

Chapitre II
Peinture et installation, l’œuvre d’art entre tradition et éclatement

Le renouveau de la peinture. A côté de la continuation d’une voie abstraite, on note un renouveau de la pratique picturale figurative annoncé par Baroques 81 et Ateliers 81/82. En Allemagne et en Italie (Anselm Kieffer, Sandro Chia), c’est le renouveau d’une peinture savante, tandis que des similitudes apparaissent entre les scènes française et américaine ( 5/5 Figuration libre France / U.S.A.).

La matérialité de l’œuvre exposée, entre peinture, objet et installation. Les années 80 consacrent deux supports : la peinture et l’installation. L’éclectisme de Baroques 81 prouve que des préoccupations analogues touchent ces deux formes. La peinture brise le cadre du tableau et gagne tout l’espace. Les assemblages les plus composites s’étalent au musée, entre montages d’objets et de toiles et dispositifs de toutes sortes ( Truc et troc, leçons de choses).

Une redécouverte française, l’arte povera. Si le renouveau de la peinture est frappant, une part importante de la programmation est réservée aux suites des avant-gardes. L’arte povera semble ainsi avoir gardé toute sa force, son succès renouvelé s’explique aussi par le régime allographique de ses œuvres. Du fait des matériaux utilisés, chaque exposition est l’occasion d’une recréation de leurs œuvres par les artistes du mouvement (expositions de Iannis Kounellis, Mario Merz, Giuseppe Penone et Luciano Fabro).

Chapitre III
Le musée face à l’œuvre, l’œuvre face au musée

L’“ exposition-œuvre ”. Quand l’œuvre se crée au musée ou s’y recrée, quand l’exposition devient une œuvre de l’artiste, les artistes jouent avec la relation entre l’œuvre et le lieu d’exposition, devenu support, cadre et identifiant et même sujet de l’œuvre. Les réalisation in situ prennent en considération le musée, comme une entité intellectuelle et spatiale ( Corridorscope de Daniel Buren). L’exposition participe au cursus de l’œuvre ( exposition recréation, rétrospective-environnement). L’acte d’exposition est un acte génétique de l’œuvre(Claude Rutault, Bertrand Lavier).

“ Prise de position de l’espace ”. Le rapport des œuvres à l’ARC se joue sur deux modes : l’ARC en tant qu’institution muséographique et l’ARC en tant que lieu, c’est-à-dire l’étage spécifique du Palais de Tokyo. L’artiste prend possession de l’espace muséographique (rapport au mur, fonctionnalités du lieu), des caractéristiques architecturales du monument (colonnade) et des spécificités des salles de l’ARC (deux lieux d’investigation fétiches : la courbe et l’“ aquarium ”).


Conclusion

La fin du musée dans le musée (1988)

Le choix de 1988 pour terme de ce travail correspond à un changement de administratif : Suzanne Pagé quitte la direction de l’ARC pour celle du MAMVP. L’ARC est intégré au sein des services du musée. L’exposition Histoire de musées(1989) lance un nouveau programme muséographique qui réconcilie la mission expérimentale de l’ARC avec la fonction historique du musée et annonce la prise en compte des engagements de l’ARC dans la nouvelle politique d’acquisition.


Planches

Environ deux cents planches abordent les différents axes d’approche d’une exposition (plans du musée, photographies des aménagements du musée, vues d’exposition, reproduction d’œuvres exposées, extraits de catalogues). L’absence de reportages photographiques systématiques pour les premières années de l’ARC complexifie l’appréhension des expositions - certaines prises de vue d’exposition et d’accrochage manquent - et rend nécessaire une collecte iconographique, dans les publications contemporaines, auprès d’acteurs de cette histoire, etc.


Pièces justificatives

Une vingtaine de documents, classés par ordre chronologique, rendent compte de la diversité des sources imprimées (feuilles volantes, manifestes, tracts, programmes), manuscrites (correspondance, notes préparatoires) et orales (comptes rendus de conférences et de débats).


Annexes

Édition des passages des   Mémoires inachevées de Maurice Fleuret concernant l’ARC (deux versions). Bibliographie sélective de Pierre Gaudibert. Liste du corpus des expositions de l’ARC (1967-1988). Liste de “ dix ans d’expositions à Paris (1967-1977) ”. Index des noms cités.