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École des chartes » thèses » 2005

L’abbaye de Lessay du xie au xxe siècle

Histoire et architecture


Introduction

L’ancienne abbatiale de Lessay est aujourd’hui considérée avec celle du Mont-Saint-Michel comme l’église romane la mieux conservée de la Manche. Depuis le début du xixe siècle où elle fut remarquée par Charles-Alexis Duhérissier de Gerville et par Henry Gally Knight, elle a attiré l’attention des archéologues du fait de son excellente conservation. C’est toutefois à la fin du XIX e siècle et au début du xxe siècle qu’elle a pris une place importante dans l’historiographie, dans le cadre du débat sur l’origine de l’architecture gothique. À partir de cette époque, deux datations principales de l’édifice se sont opposées pour les parties les plus anciennes du monument : une haute, qui fait du chœur de l’église actuelle le lieu où fut enterré le fondateur, Eudes au Capel, en 1098 ; une basse qui, refusant la possibilité des voûtes sur croisées d’ogives dans cet édifice à une date aussi ancienne, le rattache aux années 1120. Cependant, l’intérêt porté par les historiens de l’architecture à cet édifice ne s’est pas limité à cet aspect du monument. Il est aussi connu depuis le début du xxe siècle, notamment à travers les travaux de John Bilson, pour son décor sculpté riche en chapiteaux à godrons. Les développements ultérieurs de ce type d’ornements et leur emploi très fréquent dans certains monuments du xiie siècle dans le domaine anglo-normand expliquent cette place dans l’historiographie. Les destructions de la Seconde Guerre mondiale qui ont durement affecté l’édifice ont permis de mieux connaître les étapes de sa construction et ont mis fin à la thèse qui supposait qu’il avait été édifié avec une charpente apparente. Aucune étude approfondie n’a été menée sur l’édifice depuis l’article que lui a consacré en 1966 l’architecte chargé de sa restauration, Yves-Marie Froidevaux. Auparavant, malgré son importance dans l’historiographie, l’abbatiale avait fait l’objet d’un nombre restreint d’études d’histoire de l’art. Les recherches les plus récentes concernent certains aspects de la construction : chapiteaux, liens avec le nord-ouest de l’Angleterre et voûtement, sans englober l’ensemble de l’édifice.


Sources

Malgré la destruction des archives de l’abbaye en 1944, la trace de nombreux actes médiévaux a été conservée dans des copies anciennes, par exemple dans les rôles d’enregistrement de la cour anglaise, conservés au Public Record Office, de Londres. Les travaux d’érudits fournissent l’essentiel de ces transcriptions : Neustria Pia et Gallia Christiana, ainsi que les notes d’Urbain Poignant, curé de La Feuillie, pour les copies antérieures à la Révolution ; les plus riches sont du début du XIX e siècle, avec Gerville et Lechaudé d’Anisy ; cet ensemble est complété par des travaux menés au début du XX e siècle par François Dolbet, archiviste de la Manche, Gaston de Beausse et le notaire Fauvel. À partir de ces documents il est possible de reconstituer une partie des archives de l’abbaye. L’agrégation de l’abbaye à la congrégation de Saint-Maur, aux archives centralisées, permet de bien connaître le couvent au xviiie siècle. Pour l’époque contemporaine, les archives du service des Monuments historiques, conservées à la médiathèque de l’architecture et du patrimoine, sont les plus utiles.


Première partie
Histoire de l’abbaye de Lessay


Chapitre premier
La fondation de Lessay

Le Cotentin se présente au milieu du xie siècle comme un territoire en marge du duché de Normandie, où le pouvoir du prince est peu assuré. La force de l’implantation scandinave a sans doute distendu le tissu ecclésiastique. La puissante famille locale des Néel de Saint-Sauveur s’est révoltée durant la minorité de Guillaume le Conquérant. Leur fonction vicomtale héréditaire a été confiée après leur défaite à Eudes au Capel, fondateur avec son père de l’abbaye de Lessay. La fondation a eu lieu entre 1056 et 1064, mais n’est documentée que plus tardivement, par la pancarte de 1080. Elle n’est ni la restauration d’un établissement antérieur, ni l’accroissement d’un collège de chanoines, contrairement à Saint-Sauveur-le-Vicomte en 1064 par exemple, mais une création ex nihilo, probablement assez longue à mettre en place.

Chapitre II
Les premiers temps de l’abbaye

L’autonomie prévue dans la pancarte de 1080 a été longue à s’installer de manière définitive : la libre élection de l’abbé, donnée sans doute en 1123, n’a pas dû être appliquée avant la fin du siècle. Les premiers abbés sont originaires du Bec-Hellouin, puis de Saint-Étienne de Caen. Roger Ier, le premier d’entre eux, continue de jouer un rôle important dans son abbaye-mère. L’abbatiale est consacrée tardivement, en 1178.

Chapitre III
L’abbaye de Lessay du xiie au xve siècle

L’abbaye de Lessay, bien dotée par ses fondateurs, s’enrichit au cours du xiie siècle de nombreux dons. L’intervalle entre la mort d’Eudes au Capel, en 1098, et les premières donations de ses successeurs, en 1105, est très bref. Ces libéralités sont le fait des descendants de Turstin Haldup, le père d’Eudes, qui continuent de montrer leur attachement à la fondation familiale. Plusieurs prieurés sont érigés sur ces terres : le plus important est celui de Boxgrove (Sussex), qui tente à plusieurs reprises de prendre son indépendance par rapport à l’abbaye, provocant une crise interne à la fin du xiie siècle. L’abbaye souffre du conflit franco-anglais au xive siècle : ses biens sont saisis, l’abbaye est pillée et incendiée en 1356.

Chapitre IV
Lessay à l’époque moderne

L’abbaye est mise en commende en 1478. Elle est à nouveau pillée par les troupes de Montgomery en 1574. La décadence des mœurs des moines est patente à la fin du siècle. Les Matignon prennent alors la tête de l’abbaye, de 1620 à 1757. Léonor II réforme, avec difficulté, le couvent où les Mauristes s’installent définitivement en 1707. Malgré leurs efforts, les finances de l’abbaye sont grevées de nombreux emprunts, contractés pour subvenir à l’entretien et à l’aménagement des bâtiments. Le jansénisme touche le couvent comme l’ensemble de la congrégation. En 1791, les bâtiments conventuels sont vendus, tandis que l’ancienne abbatiale, réclamée par les habitants, devient le siège de la paroisse.

Chapitre V
Les anciens bâtiments de l’abbaye aux xixe et xxe siècles

L’ancien cloître est alors transformé en habitation, fonction qu’il conserve depuis. L’abbatiale est scindée en deux entre jureurs et réfractaires jusqu’au Concordat. À partir de cette date, jusqu’en 1944, elle ne subit pas de modification importante. Minée, elle s’effondre lors des combats qui ont permis de reprendre le bourg en juillet 1944. Les anciens bâtiments conventuels, dépouillés de leur mobilier, sont également endommagés.

Plusieurs moments de l’histoire ont donc pu être des étapes de remaniements importants. Tout d’abord, les épisodes militaires qui ont frappée l’abbaye, en 1356, 1574 et 1944, ont nécessité des restaurations. Ensuite, les périodes de prospérité ont été favorables à la modernisation de ses bâtiments : premiers siècles de son existence, xve siècle et xviiie siècle.


Deuxième partie
Les avatars des bâtiments de l’abbaye


Chapitre premier
La restauration d’Yves-Marie Froidevaux

Les destructions de 1944 ont lourdement frappé l’église : les voûtes sont pour la plupart effondrées, la façade occidentale a été soufflée, la croisée du transept ne conserve que sa pile sud-est, le collatéral nord du chœur a été rasé ainsi qu’une grande partie du bas-côté nord de la nef. L’édifice est restauré “ à l’identique ”, alors qu’Yves-Marie Froidevaux y répugne dans la plupart de ses œuvres. Ce parti témoigne de l’engouement de l’immédiat après-guerre pour l’architecture romane dans son dépouillement : il accentue cet aspect en effaçant une grande part des aménagements antérieurs et en créant un mobilier neuf. L’esthétique de l’édifice se rapproche alors de celui des églises neuves de cette époque. Il s’agit d’une restauration exemplaire des années cinquante.

Chapitre II
L’abbaye mauriste

L’intervention la plus importante des Mauristes est la reconstruction des bâtiments claustraux. Jacques de Cussy, d’une famille d’architectes à la clientèle monastique, en donne les plans. Le chantier commence en 1753 et le gros œuvre est achevé en 1758. Les bâtiments sont caractéristiques de l’architecture monastique de la seconde moitié du xviiie siècle. La polychromie des matériaux, tradition locale, est comparable à celle de l’évêché de Coutances reconstruit vers 1760. L’abbatiale est aussi touchée par les travaux des moines réformés : les principaux autels sont reconstruits dans la seconde moitié du siècle. Le maître-autel en particulier est édifié sur les plans de Jacques de Cussy en 1777-1778 et s’accompagne de la rénovation complète du sanctuaire : chapiteaux remodelés, mise en place d’une perque et d’une gloire.

Chapitre III
Les transformations de l’abbatiale au Moyen Âge

Quelques modifications ont eu lieu avant les destructions de la guerre de Cent Ans : un décor de faux joints est peint vraisemblablement sur l’ensemble de l’édifice, une chapelle remplace l’absidiole sud du transept à la fin du xiiie siècle ou au début du xive siècle (son remplage est comparable à des œuvres de la façade sud du transept de la cathédrale de Bayeux et nord de celle de Rouen) et un tombeau rétrospectif d’Eudes au Capel, dont subsistent un panneau et la tête du gisant, est érigé à la même époque. L’incendie qui frappe le monastère en 1356 n’épargne pas l’abbatiale : la nef et peut-être la tour sont les parties les plus touchées. La restauration, commencée après 1395, est achevée par Guillaume de Guéhébert, abbé de Lessay (vers 1420/1423-1445). L’architecture d’origine est imitée : les voûtes sont reconstruites selon la même modénature. Les chapiteaux neufs et restaurés allient les structures des œuvres anciennes avec les ornements du xve siècle : feuillages “ naturalistes ” et vocabulaire héraldique notamment. Les sculpteurs se sont aussi inspirés des chapiteaux à crochets du xiiie siècle pour certaines œuvres qui peuvent être rapprochées de celles du chœur de Notre-Dame de Granville, construit dans les années 1440. Il s’agit d’une restauration particulièrement respectueuse de l’édifice d’origine, comparable à celle de Notre-Dame de Carentan pour l’architecture ou de Saint-Sauveur-le-Vicomte pour la sculpture.

Le sentiment de se trouver face à un monument homogène peu marqué par des adjonctions successives, déjà exprimé au XIX e siècle, est plus fort aujourd’hui du fait de la dernière reconstruction de l’abbatiale par Yves-Marie Froidevaux qui a en partie gommé les traces des interventions antérieures afin de restituer sa pureté à l’église. Les grandes restaurations de l’abbaye de Lessay offrent donc un témoignage de l’évolution de l’approche de l’art de la fin du xie siècle. Si les formes architecturales semblent avoir séduit les architectes successifs, soucieux de les restituer le plus fidèlement possible, le décor sculpté n’a pas reçu le même traitement. Au xve siècle, c’est son ancienneté qui est imitée : reprise d’éléments d’origine accrus de motifs du xiiie siècle. Au xxe siècle, c’est le dépouillement de son décor qui a séduit.


Troisième partie
Les constructions des xie et xiie siècles


Chapitre premier
Analyse archéologique

Le chantier de l’abbaye se fournit localement : le calcaire provient par voie terrestre des environs de Valognes et est réservé à certaines parties visibles de l’abbatiale ; granite et schiste forment l’essentiel des maçonneries et de la couverture. Les vestiges de la salle capitulaire découverts lors des fouilles conduites par Yves-Marie Froidevaux ne permettent donc pas de soutenir la thèse de leur grande antériorité par rapport à l’abbatiale. La différence de niveau provient d’une utilisation du site visant à mettre en valeur l’église, disposition assez fréquente. Le chapitre n’a certainement pas été un lieu d’expérimentation de la voûte d’ogives avant la construction de celles du chœur. L’hypothèse d’une église antérieure en pierre sur le site de l’abbatiale actuelle doit être abandonnée : aucun élément ne permet d’en prouver l’existence. Si un tel édifice a été construit, il devait être en bois. Le parti initial de l’église où est enterré Eudes au Capel a été modifié au cours de la construction de l’abbatiale. Le plan primitif comprenait peut-être un double collatéral, mais celui du sud aurait alors été abandonné très précocement. Des tribunes devaient être réalisées sur les bras du transept, mais ont été abandonnées. Les voûtes étaient déjà prévues lors de la construction du niveau médian dont les piles sont renforcées. La retombée de plusieurs nervures sur un support unique ne semble pas être un argument décisif pour affirmer qu’elles ont été ajoutées au projet initial en cours de chantier : des édifices plus récents utilisent aussi cette disposition. La modification principale intervient dans les travées orientales de la nef : le changement de parti est bien visible entre les cinquième et septième travées, suivant les niveaux de l’élévation, et s’explique sans doute par l’implantation de la clôture du chœur liturgique. À cette seconde phase du chantier appartient la façade occidentale qui complète la circulation dans les niveaux supérieurs de l’abbatiale, auparavant desservie par la tourelle sud-ouest du bras sud du transept et l’escalier nord de la nef. Son portail constitue l’entrée principale de l’église, alors qu’elle s’ouvrait au cœur de l’enclos monastique.

Chapitre II
Sculpture et modénature

Les rares vestiges du décor de la salle capitulaire (bases et chapiteau) permettent de confirmer la proximité chronologique de cet édifice et des parties orientales de l’abbatiale. Le même atelier a dû travailler sur les deux édifices, sans que l’analyse du décor puisse préciser l’antériorité de l’un sur l’autre. L’étude de l’ornementation de l’abbatiale permet de souligner le changement survenu dans les parties orientales de la nef. Si le parti architectural se modifie à ce niveau, comme dans d’autres édifices (Saint-Étienne de Caen, Cerisy-la-Forêt, Saint-Nicolas de Caen, Saint-Sauveur-le-Vicomte notamment), sans doute pour marquer l’emplacement du chœur liturgique, il s’accompagne d’une évolution du décor sculpté. Dans les parties orientales de la nef, quelques-unes des formules élaborées dans le chevet sont reprises de manière systématique : ainsi les bases et les chapiteaux y sont moins variés. Les demi-colonnes des murs gouttereaux des bas-côtés semblent appartenir aux premiers travaux de l’abbatiale : leurs chapiteaux, et surtout leurs bases, dépourvues de griffes et de scoties, ne correspondent pas à ceux du vaisseau central. Cependant, l’examen de ce décor ne permet pas de définir de césure aussi nette que le parti architectural.

L’ornementation des parties orientales de l’abbatiale permet de situer leur réalisation dans les deux dernières décennies du XI e siècle : les bases, la modénature torique, le géométrisme timide, les chapiteaux à volutes d’angles et à masques en témoignent. La variété des formes de chapiteau à godrons conservées à Lessay provient d’expérimentations diverses : le chapiteau cubique ne semble pas être la seule forme sollicitée par les sculpteurs qui élaborent aussi des chapiteaux de ce type à partir de celui à volutes d’angles. Cette diversité n’est pas le fruit d’un enrichissement progressif d’une forme simple, mais l’aboutissement simultané de recherches diverses. L’achèvement de la nef n’a sans doute pas été immédiat. L’activité du chantier a dû ralentir et peut-être s’interrompre : les bases à scoties des travées occidentales les placent dans le deuxième tiers du xiie siècle. Il faut cependant noter qu’elles ne sont pas employées de manière exclusive, mais que d’autres types perdurent pour les piles du vaisseau central. La présence d’un rang d’étoiles saillantes sur le portail occidental ne s’oppose pas à cette datation. L’absence presque totale d’ornementation géométrique témoigne du respect du parti initial malgré cet achèvement plus tardif.

Chapitre III
Place de Lessay dans l’architecture anglo-normande

Le plan du chœur de l’abbatiale, doté d’un second collatéral au nord rappelle celui de quelques églises du centre de la France, dont Fontgombault constitue l’exemple le plus ancien. Cependant, c’est l’église paroissiale Saint-Nicolas de Caen, dont la construction a commencé avant 1083 qui est l’édifice le plus proche de Lessay : ses dimensions, son élévation, son plan, la présence d’une voûte sur le haut vaisseau et son décor sculpté sont tout à fait comparables. La présence de la famille d’Eudes au Capel à Caen (sa sœur, dont la dot comprenait des biens dans la plaine de Caen, était moniale à la Trinité depuis 1066 ; Eudes a été soigné à l’Abbaye-aux-Hommes à la fin des années 1070) a pu permettre d’y recruter le maître d’œuvre de Lessay ou de faire connaître à celui-ci le chantier de Saint-Nicolas. L’architecte de l’abbatiale de Saint-Sauveur-le-Vicomte, consacrée en 1150, s’est visiblement inspiré de l’église voisine de Lessay : le plan des piles et l’élévation de la nef et du transept, la modénature et le décor sculpté, toutefois très remanié au XIX e siècle, sont tout à fait comparables.

Lessay et Durham sont fréquemment cités ensemble pour la précocité de leurs voûtes sur croisées d’ogives. Les dates connues des deux édifices sont voisines : entre 1093 et 1104 pour Durham et avant 1098 pour Lessay. Cependant, il s’agit de deux édifices très différents : les rapprochent uniquement l’ornementation torique et ce voûtement, mais à Lessay seul le vaisseau central en est pourvu, alors qu’il couvre l’ensemble de la cathédrale. Il en va de même des autres édifices du nord-ouest de l’Angleterre : quelques éléments ponctuels sont comparables dans certains édifices (tore soffite à Lastingham, piles semblables aux supports des tribunes de Lessay à Selby), sans qu’aucun ne relève d’une conception générale semblable. L’hypothèse d’un édifice disparu comme source commune à Lessay et Durham semble donc fragile. L’ornementation des voûtes de Lessay est un élément du décor torique de l’abbatiale, présent dans les différents éléments de ses niveaux supérieurs : elle fait partie de l’esthétique générale du bâtiment. Les voûtes d’arêtes de Saint-Nicolas de Caen, qui couvrent un vaisseau d’une taille sensiblement égale, montrent la maîtrise technique de ce parti ; celle de son absidiole méridionale dénote une recherche pour enrichir les formules éprouvées.

Chapitre IV
Le chantier de Lessay et l’architecture religieuse du Cotentin et de l’Avranchin

L’édification de voûtes d’ogives à Lessay a eu un impact sur l’architecture religieuse dans l’ouest de la Normandie. En effet, une proportion importante des édifices conservés est dotée de ce type de voûtement. Saint-Sauveur-de-Pierrepont est ainsi voûté de cette manière ; ses nervures sont très proches de celles des parties occidentales de l’abbatiale et son décor sculpté y est aussi en partie comparable. De même, l’église de Saint-Vaast-la-Hougue a des nervures comparables à la basse nef de Lessay, supportée également par des quarts de colonnes. Si l’influence du chantier lessayais n’est pas exclusive, elle est toutefois déterminante pour l’architecture du Cotentin. En revanche, le chapiteau à godrons, souvent considéré comme un élément de datation, est assez peu adopté par les sculpteurs de cette région : il paraît absent de l’Avranchin et les édifices où est visible l’activité de “ l’atelier du Cotentin ” défini par Maylis Baylé, en sont rarement pourvus.


Conclusion

La première campagne de l’abbatiale se place avant 1098, dans les deux dernières décennies du xie siècle. La rupture entre les deux phases du chantier n’est sans doute pas due à une interruption brutale mais plutôt à un ralentissement, correspondant à l’achèvement du chœur liturgique. Les voûtes d’ogives se placent dans la première campagne. L’apport du nord-ouest de l’Angleterre paraît diffus et cantonné à des aspects ornementaux.


Annexes

Les actes des archives de l’abbaye dont le texte a survécu constituent soixante-quinze documents reproduits dans la première annexe. Une liste rapide des abbés de Lessay permet de donner un cadre chronologique à l’histoire de l’abbaye. La descendance de Turstin Haldup, père d’Eudes au Capel et également fondateur du monastère, facilite l’identification des principaux donateurs mentionnés dans ces actes. L’album photographique rassemble des documents iconographiques antérieurs à 1944, une documentation systématique sur l’abbatiale dans son état actuel ainsi que des clichés des édifices cités. Deux plans montrent l’église en 2004 et une proposition de restitution de son aspect d’origine.