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École des chartes » thèses » 2006

Histoire d’un organe de diffusion de la culture allemande en France

La Revue germanique (1905-1939)


Introduction

La discipline des transferts culturels, qui a vu le jour dans le milieu des années 1980, se consacre à l’étude des phénomènes de circulation, de réception et d’échange des idées entre plusieurs cultures. Dès ses débuts, la discipline a fait de l’espace franco-allemand un domaine de recherche privilégié. Elle porte une attention particulière aux multiples vecteurs des échanges : universités, professeurs, hommes de lettres, traducteurs, revues, etc. La revue, qui rassemble des individus autour d’un programme commun, est de ce fait un outil privilégié du travail sur les transferts culturels.

L’étude de la Revue germanique s’inscrit parfaitement dans ce domaine de recherche car elle permet d’observer la diffusion de la culture allemande dans les milieux savants et universitaires pendant la première moitié du xxe siècle. La Revue germanique, fondée en 1905, se propose en effet d’être un médiateur entre la France et l’Allemagne en tenant le public lettré français au courant de toutes les manifestations de l’esprit en Allemagne et en Angleterre. La Revue germanique permet donc une approche des milieux intellectuels sensibles à la culture allemande des années 1900 jusqu’à la veille de la seconde guerre mondiale. Elle contribue également à donner un nouvel éclairage sur l’histoire d’une discipline, les études germaniques. La Revue germanique est en effet un témoin privilégié de la confrontation d’un groupe de germanistes à la réalité politique brutale du national-socialisme. L’intérêt de cette revue est d’être une source pour la connaissance de cette situation unique, qui n’a d’équivalent dans aucune autre discipline scientifique : les spécialistes de l’Allemagne sont en effet les spectateurs des bouleversements majeurs que subit leur objet d’étude entre 1933 et 1939.

Afin d’appréhender l’atmosphère intellectuelle de cette publication consacrée aux littératures étrangères, il faut commencer par replacer la fondation de la Revue germanique dans son contexte historique, culturel et institutionnel, puis acquérir une meilleure connaissance des acteurs de la revue et enfin déterminer quelles sont les évolutions majeures de la revue, tant au niveau de la structure que des thématiques. Pour comprendre comment les germanistes parviennent à concilier leur vision de l’Allemagne avec la réalité de la dictature hitlérienne, il est nécessaire

de dresser un tableau général des attitudes des germanistes français face à la crise de Weimar et à l’arrivée du nazisme au pouvoir et d’observer ces réactions dans un corpus de revues comparables à la Revue germanique.


Sources

Source à part entière, la revue est rarement étudiée pour elle-même. Issue d’un modèle anglo-saxon, elle se situe à mi-chemin entre le quotidien et la monographie et « participe à la fois du caractère actuel des journaux et de la discussion grave des livres » ( Revue des deux mondes, 1832). Cette formule, qui rencontre un vif succès tout au long du xixe siècle avec des revues de culture et d’information générale aux centres d’intérêt très vastes, se diversifie dans les années 1880. La fin du XIX e siècle voit notamment l’émergence d’un pôle de revues qui accompagnent la segmentation croissante du savoir. Ces revues, qui comptent parmi elles la Revue germanique, offrent alors de nouveaux débouchés de publication aux universitaires, qui n’avaient jusqu’alors comme tribune d’expression que les grandes revues de culture générale.

La périodicité d’une revue, qui la situe dans un rapport au temps moins immédiat que la presse quotidienne ou hebdomadaire, en fait un des moyens propices d’expression de la vie intellectuelle. La revue, porteuse d’un programme commun, se trouve au carrefour des trajectoires individuelles, elle est un point de rencontre autour d’un discours politique ou scientifique. Tous ces aspects font de la revue un outil privilégié de l’histoire des intellectuels

Une des difficultés habituelles de l’étude de revues est son aspect fini et lisse. La revue nous cache les coulisses de sa rédaction, nous empêche d’accéder à l’envers de la revue, là où se négocie le sommaire, où sont débattues les orientations de la revue. Cette lacune est rarement compensée par les sources écrites. La matière documentaire issue de l’activité des revues a en effet été longtemps négligée par le monde des archives.

Dans le cas de la Revue germanique, la source est la plus importante est donc la revue en elle-même, conservée dans un grand nombre de bibliothèques parisiennes et provinciales. La connaissance de la revue aurait été utilement complétée par des documents de gestion. Malheureusement les papiers personnels de Félix Piquet, directeur de la revue pendant presque trente ans, ont été brûlés par sa femme à sa mort en 1943. Quant à sa bibliothèque de travail, léguée à son décès à la bibliothèque de la Faculté des lettres de Lille, elle ne peut malheureusement être repérée dans le fonds de la bibliothèque de l’UFR d’allemand de l’Université Charles de Gaulle, les ouvrages y ayant été intégrés sans marque distinctive particulière. Les sources conservées dans les fonds d’institutions publiques permettent de pallier l’absence cruelle de sources sur l’élaboration intellectuelle de la revue. On a en effet pu retrouver dans les archives du rectorat de Lille une série de documents concernant les débuts de la Revue germanique. Les pièces d’archives, peu nombreuses, ont pu être présentées dans leur intégralité dans les pièces justificatives (n°1 à 20).

La prosopographie des collaborateurs de la revue a pu être établie d’une part à l’aide des dossiers de personnel conservés aux Archives départementales du Nord, dans la sous-série 2T évoquée plus haut, ou aux Archives nationales, dans la sous-série F17 (papiers de la division des sciences et lettres du Ministère de l’Instruction publique), ainsi que par des lettres conservées à la Bibliothèque nationale de France (nouv. acq. fr.). La démarche comparative adoptée pour ce travail a nécessité en outre la consultation de nombreuses revues, revues de littératures étrangères ou revues sur l’Allemagne, conservées pour la plupart à la Bibliothèque nationale de France.


Première partie
La Revue germanique :
Une revue d’intellectuels germanistes


Il s’agit de répondre aux interrogations que suscite habituellement une étude de revue. De quel type de création s’agit-il ? Est-elle individuelle ou collective ? Quel est le public touché par la publication (nombre et qualité des abonnés) ? Les collaborateurs doivent faire l’objet d’une enquête approfondie : qui sont-ils ? Combien sont-ils ? Sont-ils réguliers ou occasionnels ? Sont-ils rémunérés ou bénévoles ? Quels sont leurs nationalités et leurs domaines d’activité dans la vie intellectuelle ? Afin de mieux cerner l’identité de la Revue germanique, il faut donc dans un premier temps situer la création de la revue dans le contexte intellectuel et éditorial de l’époque, s’intéresser aux acteurs de cette publication et dégager les éventuelles évolutions de la revue.

Chapitre Premier
La fondation de la Revue germanique

Réception de la culture allemande en France au tournant des XIX e et XX e siècles. – Afin de montrer pourquoi la création d’un périodique consacré aux « manifestations de l’esprit » en Allemagne est apparue comme nécessaire au début du xxe siècle, il faut tenter de donner une idée de la place qu’occupe l’Allemagne dans la vie intellectuelle française à l’époque. L’aire culturelle germanique est connue par plusieurs médiations : l’enseignement en premier lieu, mais également grâce à la circulation de livres ou encore aux flux de population entre les deux pays voisins. Il faut signaler que le tournant des xixe et xxe siècles est une période décisive pour les études germaniques, car il voit s’individualiser les littératures étrangères à l’Université. La création en 1901 de la première chaire de langue et littérature germaniques à la Sorbonne témoigne de ce phénomène de spécialisation de savoirs.

Tour d’horizon des revues autour de 1900.– Un tour d’horizon des revues de littératures étrangères au début du XX e siècle permet de constater que seules les littératures anglaise et germanique ne se sont pas dotées, à cette date, d’une revue propre. Au xixe siècle ont lieu plusieurs tentatives de création de revues germaniques, dont une, celle de Dollfus et Nefftzer, a une certaine notoriété. Elles ont cependant une existence brève et instable. Philipe Régnier explique l’échec de ces différentes revues par l’absence de base disciplinaire solide.

1905 : fondation de la Revue germanique. – La Revue germanique se fixe comme objectif de « tenir le public lettré français au courant de toutes les manifestations de l’esprit en Angleterre, en Allemagne, etc. ». Elle est subventionné à ses débuts par trois universités provinciales, Lille, Nancy et Lyon : il apparaît dans les sources que cette publication est un moyen d’attester l’activité scientifique de ces établissements. Le budget prévisionnel permet de prendre conscience du poids des subventions dans l’équilibre financier de la revue. Comme le montrent les lettres envoyées par le rectorat de Lille aux établissements de l’académie afin de les inciter à s’abonner, la Revue germanique est avant tout destinée à un milieu d’enseignants.

Chapitre II
Les acteurs de la Revue germanique

L’étude du noyau des premiers collaborateurs gagnés au projet, connus grâce à une liste dressée par Félix Piquet, permet de formuler quelques remarques préliminaires. La revue rencontre un écho dans un milieu social et professionnel particulier, celui de l’enseignement supérieur. La majorité des membres du noyau initial enseigne en effet dans une université française. Les spécialités représentées s’articulent autour de thèmes semblables : la langue et l’étranger. La Revue germanique se présente donc d’emblée comme une revue savante, de haute teneur intellectuelle, soutenue par des universitaires gravitant dans l’univers des littératures étrangères.

Il n’est pas nécessaire d’étudier le parcours de chacun des 248 collaborateurs de la revue. En effet, pour beaucoup, la participation à la Revue germanique est trop faible ou trop irrégulière pour correspondre à un quelconque engagement ou à une conviction personnelle forte. Il paraît donc plus pertinent de se consacrer à un corpus plus représentatif d’une cinquantaine de collaborateurs actifs et réguliers, soit un cinquième de la totalité, dont l’étude permet de donner une juste idée de la revue. Sont envisagés plusieurs critères significatifs : les diplômes universitaires, les disciplines enseignées, les carrières.

82% des collaborateurs réguliers sont auteurs d’une thèse de doctorat, dont 85% soutenues à la Sorbonne. Ce chiffre confirme la prééminence de Paris dans le paysage universitaire dans la première moitié du xxe siècle. Le nombre important de thèses ne reflète pas pour autant leur importance au sein de la revue : on a en effet pu montrer d’une part que la thèse constitue rarement un réservoir d’articles pour la publication et d’autre part que beaucoup de collaborateurs ne sont pas encore titulaires d’un doctorat quand ils commencent à participer à la revue. Les thèses portent souvent sur des auteurs ou des œuvres de l’aire culturelle germanique. Certains collaborateurs présentent cependant un profil atypique : sept d’entre eux sont auteurs de thèses de linguistique, un autre d’une thèse d’histoire de l’art.

La plupart des collaborateurs de la Revue germanique enseignent une littérature étrangère, le plus souvent germanique ou anglo-saxonne, mais parfois plus « exotique », scandinave ou hongroise. Signalons toutefois quelques parcours atypiques, des linguistes comme André Meillet ou Fernand Mossé, des comparatistes comme Fernand Baldensperger ou Jean-Marie Carré. Si les carrières des collaborateurs ont pour cadre, en majorité, l’Université, elles se déroulent parfois dans des institutions prestigieuses comme l’Ecole pratique des hautes études et le Collège de France. Le tropisme parisien, qui caractérise l’histoire de l’enseignement supérieur dans la première moitié du xxe siècle, s’observe également chez les collaborateurs de la revue : ils sont en effet nombreux à finir leur carrière dans la capitale. On peut néanmoins constater l’importance du pôle lillois : un tiers des universitaires de la revue y effectuent un séjour au cours de leur carrière.

Il est intéressant de constater que très souvent les élèves des premiers collaborateurs de la Revue germanique commencent à participer à la revue dans l’entre-deux-guerres. La nouvelle génération des germanistes prend donc le relais de l’ancienne dans l’animation de la Revue germanique. On peut en conclure qu’il s’agit véritablement d’une revue disciplinaire.

Chapitre III
Une revue hors du temps ?

Stabilité de la revue. – La Revue germanique se caractérise par de forts éléments de continuité : une forme qui évolue peu, une direction très stable et des thèmes classiques invariables. Ces facteurs de longévité contribuent à expliquer l’impression d’intemporalité qui s’en dégage. La typographie, la structure interne de la revue évoluent très peu au cours des trente années de publication. La stabilité de la direction est un facteur décisif de l’apparente « inertie » de la revue. Félix Piquet en est en effet le directeur pendant 27 ans. La récurrence de certains thèmes classiques contribue en outre à conforter cette impression de stabilité. On peut en effet définir, à partir des sujets d’articles de la revue, une sorte de « panthéon » de la Revue germanique, composé notamment de Goethe, Nietzsche, Schiller, Hebbel, Theodor Storm et Heinrich Heine.

Evolutions de la revue. – Si la Revue germanique ne connaît pas de révolution majeure au cours de son existence, elle enregistre cependant des modifications dans sa structure ou dans son programme qui ne sont pas insignifiantes. En 1912 est introduite une chronique qui a pour vocation de signaler aux lecteurs les événements du monde des lettres en Allemagne (nouvelles publications, remises de prix, décès de personnalités, etc.). C’est en 1924 qu’intervient le bouleversement le plus important : le nouveau sous-titre de la revue ( Allemagne – Autriche – Pays-Bas – Scandinavie) traduit un véritable changement d’orientation. La Revue germanique cesse alors d’inclure la littérature anglaise et américaine dans son programme.

Il se dégage de la Revue germanique une forte « atmosphère philologique », pour reprendre la formule de J. Le Rider. Une étude statistique des contenus montre cependant qu’une place importante est accordée à l’actualité littéraire. Plus de 20% des articles et 12% des notes et documents sont consacrés à des auteurs morts après 1900. Quant aux revues annuelles, qui apparaissent en 1910, elles sont exclusivement consacrées aux parutions de l’année et sont ainsi la rubrique qui accorde le plus d’importance à l’actualité littéraire.


Deuxième partie
La Revue germanique
confrontée au national-socialisme


Chapitre premier
1933-1939 : hommes et revues
face au phénomène national-socialiste

Il s’agit de dresser un panorama global des réactions des germanistes français face aux bouleversements que connaît l’Allemagne entre 1933 et 1939. Les efforts de coopération intellectuelle entrepris par les germanistes français à la suite du traité de Locarno sont freinés par l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933, qui marque un coup d’arrêt de ces efforts de compréhension mutuelle. Si certains universitaires célèbres comme Edmond Vermeil ou Robert d’Harcourt dénoncent alors violemment le national-socialisme, d’autres, comme Henri Lichtenberger, adoptent une attitude plus nuancée. L’opinion de la majorité des germanistes reste cependant mal connue.

Afin de cerner le positionnement de la Revue germanique face à ces événements, il paraît pertinent de la comparer à un corpus de revues similaires. Sept revues ont retenu notre attention : deux revues consacrées à l’enseignement des langues vivantes, la Revue de l’enseignement des langues vivantes et la revue Langues modernes ; trois revues récentes, fondées dans l’entre-deux-guerres, entre 1920 et 1929, qui s’inscrivent dans l’atmosphère du Locarno intellectuel, Se connaître, Revue d’Allemagne et des pays de langues allemandes, et Allemagne contemporaine, ainsi que deux autres revues difficiles à classer, les Cahiers franco-allemands, organe officiel de propagande du iiie Reich, et Races et racisme, fondée par le germaniste Edmond Vermeil. La démarche comparative permet ainsi d’appréhender la spécificité du positionnement de la Revue germanique face au phénomène national-socialiste.

Chapitre II
Les échos de l’actualité
dans la Revue germanique

Les échos de l’actualité dans la Revue germanique semblent à première vue assez limités. La revue n’a en effet pas vocation à être un quotidien situé dans un rapport d’immédiateté au temps. En outre la revue s’enorgueillit d’être un organe neutre entre la France et l’Allemagne. Le comité de rédaction semble en effet considérer que la politique est en dehors de ses attributions. De nombreuses remarques, relevées au fil des articles, de la chronique ou des revues annuelles, témoignent de cette aspiration à l’ « impartialité absolue ». Il n’est pas rare de voir les collaborateurs passer sous silence les questions partisanes ou polémiques. Les revuistes présentent à plusieurs reprises l’absence de commentaires comme une garantie d’impartialité.

La chronique, dans laquelle les collaborateurs prétendent mettre en œuvre ce principe de neutralité, en montre cependant les limites. Comment le chroniqueur peut-il rester fidèle à la ligne éditoriale de la revue dans un contexte de mise en place d’une dictature ? Si les collaborateurs semblent globalement être au courant de ce qui se passe en Allemagne, ils ne tirent pas pour autant le signal d’alarme. Ils adoptent un ton volontairement narratif qui leur évite de prendre position face aux événements. L’attitude des chroniqueurs est très ambivalente : leur prétendue neutralité est plus souvent un prétexte pour masquer un certain embarras.

Chapitre III
La Revue germanique,
témoin des hésitations des germanistes français

L’évolution intellectuelle de Félix Piquet. – Pour mieux comprendre le positionnement de la Revue germanique, il est nécessaire de s’intéresser plus précisément à la personnalité de F. Piquet, directeur de la revue depuis 1910. Elisabeth Décultot a montré que ce professeur de langue et littérature germaniques a subi une évolution sensible entre 1933 et 1939 : il manifeste à travers les recensions qu’il fournit à la Revue germanique une sympathie grandissante pour le national-socialisme. Il semble que cet ardent défenseur du rapprochement franco-allemand se soit transformé insensiblement en un admirateur fervent du iiie Reich. Sa fascination pour le nazisme se lit notamment dans la recension qu’il donne de Mein Kampf, dans laquelle il dresse un portrait élogieux du nouveau Führer de l’Allemagne ou encore dans celle qu’il donne de la Gerbe des forces, témoignage d’un Français favorable au national-socialisme, Alphonse de Chateaubriant.

Les revues annuelles : un discours équivoque.– Les revues annuelles sont la rubrique de la revue dont le contenu est le plus lié à l’actualité. Il n’est donc pas surprenant de voir les revuistes commenter, même brièvement, les événements contemporains, d’autant plus quand ceux-ci risquent d’avoir des conséquences importantes sur la production littéraire. Si dans un premier temps ils semblent s’inquiéter des incidences de ce changement politique sur le monde des lettres, certains manifestent néanmoins une relative indulgence à l’égard du nouveau régime. Maurice Denis, auteur de la revue annuelle du théâtre allemand, ne cache pas sa sympathie pour la production littéraire du iiie Reich. Le discours des revuistes, loin d’être uniforme, révèle leurs hésitations et leur embarras face aux événements d’outre-Rhin.

Une revue marginalisée ?– A première vue, la Revue germanique ne semble pas totalement isolée dans le paysage éditorial français : elle signale fréquemment les articles parus dans des revues voisines et ses recensions ou revues annuelles sont également mentionnées dans celles-ci. La revue semble donc s’inscrire dans un réseau de revues qui œuvrent au rapprochement franco-allemand. Cependant l’opinion très favorable que les collaborateurs de la revue ont de revues nettement pronazies comme les Cahiers franco-allemand ou Hochschule und Ausland tend à prouver un certain isolement. Signalons en outre que l’activité de la Revue germanique est louée par l’Allemagne nazie. Cette reconnaissance des autorités allemandes du iiie Reich, dont ne bénéficie aucune autre revue française, confère à la Revue germanique une place marginale.


Conclusion

Pendant presque un demi-siècle, la Revue germanique joue un rôle de médiation entre la France et l’Allemagne en participant à la diffusion auprès du public lettré des productions de l’esprit en Allemagne. Le corpus de ses collaborateurs témoigne des efforts d’un certain nombre de germanistes français pour œuvrer à la collaboration intellectuelle entre les deux pays. Cette revue savante, soutenue à ses débuts par de grandes figures des littératures étrangères, connaît cependant une évolution importante, qui la mène du statut de revue savante reconnue à celui de revue dépassée. Son inertie, sa ligne éditoriale et la permanence de thèmes peu novateurs la maintiennent en effet en marge d’une discipline naturellement portée à étudier la civilisation contemporaine. Dans les années trente, la Revue germanique s’inscrit donc dans un courant très conservateur de la germanistique. L’incapacité de la revue à se positionner nettement face à la mise en place d’une dictature en Allemagne accentue cette marginalisation. L’étude de cette revue apporte ainsi un éclairage nouveau à la question du positionnement de la germanistique française à l’égard du iiie Reich, en donnant une idée plus globale du malaise ressenti par une majorité silencieuse de germanistes français entre 1933 et 1939.


Pièces justificatives

Vingt pièces d’archives ayant trait aux débuts de la revue (Arch. dép. du Nord, sous-série 2T) . – Correspondances.


Annexes

Notices biographiques de cinquante collaborateurs réguliers. – Éloge funèbre de Félix Piquet.