Naissance d’une administration départementale
Le Jura (1790-1791)
Introduction
Si des travaux récents commencent à éclairer les administrations centrales révolutionnaires, les institutions locales mises en place par l’Assemblée nationale constituante restent, elles, mal connues. Or, s’appuyant sur une nouvelle classe politique élue, elles sont un moyen de diffuser les idées révolutionnaires auprès des populations.
Issu d’une province – la Franche-Comté – tardivement rattachée au royaume, mais bien intégrée au système français à la fin de l’Ancien Régime, le Jura ne présente pas de traits particuliers et peut donc constituer un cadre intéressant pour voir comment des gens ordinaires, peu au fait des matières administratives à une échelle importante, se mettent à travailler, loin des débats de l’Assemblée, et sans montrer d’opposition au nouveau système.
Le terme d’« administration » est à prendre au sens large puisque l’étude englobe aussi bien les hommes élus que le personnel des bureaux, les techniques de travail, les domaines de compétence et les résultats, dans la lignée du travail de Colette Brossault sur les intendants de Franche-Comté (1674-1790). Il faut entendre par « administration départementale » celle de l’organe supérieur de la hiérarchie administrative locale, à compétence générale. La période 1790-1791 représente la période charnière de transition entre l’Ancien Régime et le nouveau, mais aussi la période de fonctionnement de la première équipe départementale.
Sources
Dans leur grande majorité, les sources consultées sont conservées dans la sous-série 1L des Archives départementales du Jura. C’est là en effet que l’on trouve les papiers produits et reçus par l’administration départementale dans le cadre de ses activités. La base de la thèse repose sur les trois registres de délibérations du directoire et du conseil général du département pour la période mai 1790-novembre 1791 (1L69*-1L71*). Ces sources sont élargies par les documents touchant spécifiquement l’administration (documents de fonctionnement interne, correspondances, papiers du procureur général syndic). Deux séries de correspondances, celle du député Vernier (5E561/21-5E561/23 et 1L327) et celle d’un commissaire du département, Poupon (1L328), permettent de connaître de l’intérieur les problèmes rencontrés.
Les sources jurassiennes sont complétées par les fonds des Archives nationales (séries BA, D, F et BB : papiers concernant la création des départements ; papiers des comités de l’Assemblée nationale ; papiers du ministère de l’Intérieur) et du Service historique de l’Armée de terre (sous-séries A4 et Ya) dans le mesure où la Franche-Comté puis le Jura dépendent d’abord du ministre de la Guerre. Localement, le fonds de brochures de la bibliothèque-médiathèque de Dole et les fonds révolutionnaires des Archives départementales du Doubs ont aussi été mis à contribution. D’une manière générale, l’essentiel des sources provient de l’administration départementale et offre donc une vision partielle.
Les documents portant sur les administrateurs et les hommes des bureaux se trouvent essentiellement aux Archives départementales du Jura (séries C et M), mais ils restent souvent décevants, notamment sur les revenus. Ils sont complétés par le fonds Franc-maçon de la Bibliothèque nationale de France et des documents de la sous-série F1 aux Archives nationales. En revanche, les autobiographies conservées, comme celle de Lameth, président du département, n’apportent rien au sujet.
Chapitre premierLa Franche-Comté au xviiie siècle
Rattachée sous Louis XIV, la Franche-Comté reste longtemps marquée par la période espagnole, malgré la prudence de ses nouveaux dirigeants qui lui conservent un statut particulier. Le xviiie siècle voit un développement certain dans tous les domaines (démographique, économique, culturel), mais il reste généralement modéré et n’empêche pas des tensions croissantes à la fin de l’Ancien Régime. La véritable assimilation passe par l’implantation des institutions royales françaises, comme l’intendant et ses subdélégués, mais aussi, paradoxalement, par les conflits contre l’intendant. L’opposition constante et ambiguë du parlement, seul représentant de la province, fait en effet naître une opinion publique précoce.
Dans un premier temps, l’union des Comtois permet de repousser le projet d’assemblée provinciale locale. Mais les divisions croissantes entre les différents groupes de la société aboutissent à l’échec du renouveau des états provinciaux pourtant porteur de nombreux espoirs. Dans le tiers notamment, l’attachement aux privilèges spécifiquement locaux disparaît progressivement au profit d’une ouverture aux événements nationaux, plus prometteurs, ce que souligne le contenu des cahiers de doléances.
Les premiers mois révolutionnaires et la Grande Peur entraînent la fuite de l’intendant et la remise en cause des pouvoirs locaux, à commencer par le parlement. Le commandant de la province prend alors une place centrale et les municipalités s’organisent pour assurer l’ordre, par exemple avec le traité fédératif entre villes de bailliages.
Chapitre IILa création des départements
Depuis la réunion des États généraux, la question de la réforme des administrations locales est une des préoccupations principales des députés. C’est la conséquence des critiques contre les agents du pouvoir royal dans les provinces, du désir de rationalisation des circonscriptions territoriales ou encore des différentes expériences d’assemblées locales, de Turgot à Brienne, qui proposent d’ouvrir l’administration aux capacités. Mais c’est aussi la conséquence de la situation particulière de l’été 1789 (Grande Peur et nuit du 4 août) qui nécessite de rétablir des pouvoirs locaux forts. Ainsi les députés peuvent-ils imposer au royaume une réforme radicale, territoriale, administrative et politique, en détruisant les provinces, principal obstacle au projet.
Les différents textes de loi adoptés (décret du 14 décembre 1789 sur les municipalités, décret du 22 décembre 1789 sur les départements et districts, instructions du roi et de l’Assemblée nationale en 1790, décret du 15 mars 1791) sont le reflet des expériences de l’Ancien Régime : on y retrouve le système collégial avec directoire et conseil général, le personnage du procureur général syndic, l’ouverture aux élites locales et des tâches plus larges que celles des intendants. Les textes sont aussi le reflet des débats du début de la Révolution : les privilèges doivent disparaître au profit de l’idée de nation, les pouvoirs sont séparés, les intendants sont supprimés. Les députés établissent une stricte hiérarchie de corps, formés de citoyens élus. Néanmoins, si les départements ont une place centrale entre les administrations inférieures et les administrations supérieures, il ne s’agit tout au plus que d’une déconcentration : les départements n’ont aucune autonomie véritable et exercent juste une sorte de pouvoir administratif. Ils ont de larges attributions d’administration générale mais peu d’attributions d’administration particulière. Ils restent étroitement soumis au contrôle du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif de manière à ne pas recréer des entités locales trop fortes. Néanmoins le nouveau système n’est pas exempt de défauts : il ne prévoit aucun représentant local du pouvoir exécutif et, optimiste, il ne prend pas vraiment en compte les réalités locales.
Chapitre IIILa formation du département du Jura
Le département. – À la suite des décrets de l’Assemblée nationale, la Franche-Comté est divisée en trois départements. Ici, comme dans le reste du royaume, on attend beaucoup du nouveau système. De nombreuses discussions ont lieu pour établir la nouvelle carte, Besançon cherchant à défendre sa position de capitale de la province. Le député Vernier s’illustre en faveur de Lons-le-Saunier, finalement choisie comme chef-lieu du département, tandis que l’évêché est installé à Saint-Claude. Le Jura ainsi formé couvre 256 lieues carrées. Il est composé des anciens bailliages du Milieu et d’Aval, formant 6 districts (Dole, Lons-le-Saunier, Orgelet, Poligny, Saint-Claude, Salins remplacé ensuite par Arbois), 62 cantons et 759 municipalités. Sa population est d’environ 281 500 habitants.
Élections. – Les élections municipales du début de l’année se déroulent sans problème et semblent indiquer l’adhésion de la population à la réforme de la Constituante, même si l’on retrouve les modèles antérieurs. Pour les élections du niveau local supérieur – département et districts –, le roi et l’Assemblée nationale prévoient des commissaires. Si l’on perçoit difficilement l’action des trois personnes choisies pour le Jura et le déroulement des assemblées électorales, on sait cependant que les opérations se passent dans des conditions correctes et relativement rapidement (mars-mai 1790), tant il est vrai qu’il faut presser la mise en place des nouvelles administrations. L’élection des membres du département montre elle aussi l’adhésion des électeurs à la réforme, puisqu’il y a peu d’absents et que l’on prend soin de rédiger différentes adresses aux pouvoirs parisiens.
Le nouveau personnel. – Les nouveaux élus, et notamment les membres du directoire sur lesquels repose l’essentiel du travail, présentent les mêmes traits que leurs homologues d’autres départements. Ce sont des hommes relativement jeunes, d’une quarantaine d’années, appartenant à la même génération. Ils sont issus en majorité du monde judiciaire, alors que leurs électeurs appartiennent plus souvent au monde agricole. C’est donc le même monde que celui des anciens intendants et subdélégués, idéal pour appliquer les lois. Par leur formation, leurs réseaux familiaux et professionnels, ce sont généralement des personnes en vue dans leur lieu de domicile. En l’absence de sources suffisantes, il est cependant difficile de connaître le niveau de leurs revenus et de leur fortune, même si l’on sait que les administrateurs sont inscrits dans le système seigneurial et n’y sont donc pas hostiles. Ils montrent ainsi leurs capacités de gestion. Il est vrai cependant que l’on n’élit pas de privilégiés. En l’absence d’assemblée provinciale ou d’états provinciaux, la seule expérience administrative des administrateurs est jusque là cantonnée à l’échelle municipale. Un certain nombre a déjà participé au mouvement révolutionnaire.
Les résultats des élections laissent supposer des discussions préalables, dont on peut seulement conjecturer le contenu. On le voit avec l’absence totale de dispersion des voix des électeurs ou l’équilibre parfait entre les districts. On sait aussi que, contrairement à ce qui devrait se faire, certains élus font des démarches pour être élus. Les nouveaux élus appartiennent souvent à un monde en pleine ascension sociale, rendue plus difficile à la fin du siècle, et qui trouve là un avancement.
La rareté des documents et leur manque de précision empêchent de bien connaître les hommes de bureau (surnuméraires et commis) en dehors de leurs simples noms. Les quelques cas connus montrent des personnes jeunes, issues du monde judiciaire et ayant donc reçu une formation de base sérieuse. Si les relations personnelles expliquent certains choix, les nouveaux administrateurs savent aussi faire preuve de pragmatisme en cherchant à engager du personnel de l’intendance, tâche cependant difficile face à la concurrence des autres départements comtois.
Chapitre IVLa transition administrative
Les deux premiers mois (mai-juillet 1790). – Deux mois s’écoulent entre la première réunion du conseil général et l’installation du directoire de manière à prendre les renseignements nécessaires auprès des différentes administrations. Des administrateurs sont nommés commissaires auprès des districts tandis que le président, Rabusson, et surtout le procureur général syndic, Ebrard, commencent à travailler dans une situation locale difficile. En l’absence d’instructions claires de la part du pouvoir central, ils peuvent profiter des conseils du député Vernier et d’un administrateur, Poupon. Les tâches sont plus variées et complexes que prévu : choix d’un local, organisation des bureaux, problème des subsistances, correspondance avec les départements voisins et les administrations supérieures. Les deux premiers mois de fonctionnement sont également l’occasion de nombreuses hésitations et tâtonnements. On s’en tient alors toujours à une grande prudence pour éviter toute erreur préjudiciable. Mais globalement, le bilan à la mi-juillet est positif : les administrateurs commencent à travailler de concert et sérieusement, même si, dans le même temps, ils doivent apprendre à se débrouiller seuls.
La liquidation de l’Ancien Régime. – Le jour de la formation des administrations départementales doit correspondre avec la cessation des fonctions des administrations provinciales d’Ancien Régime. Le Jura est concerné pour la Franche-Comté, mais aussi la Bourgogne et la Bresse. Les lois établissent des commissaires, choisis parmi les administrateurs, pour diviser les papiers, arrêter les comptes, délimiter les nouveaux territoires. À l’intendance comtoise, l’intendant, son personnel et les commissaires collaborent sans aucun problème. C’est aussi l’occasion de recueillir auprès de cette administration des conseils et des méthodes pour le département. La transition est plus difficile dans d’autres domaines, comme l’envoi du courrier et des lois ou la liquidation des comptes. D’une manière générale, fin 1791, les archives des anciennes administrations sont toutes envoyées aux nouvelles administrations tandis que les comptes sont tous arrêtés. Enfin, les différents départements cherchent une plus grande indépendance vis-à-vis de leurs voisins, tout en défendant leurs propres intérêts en matière territoriale et financière.
Chapitre VL’administration départementale
Structures.– Révolutionnaires modérés, les nouveaux administrateurs ont bien compris le contenu des textes législatifs concernant les nouveaux pouvoirs : ils accordent une grande importance à la séparation des pouvoirs, au roi mais aussi à l’Assemblée nationale. Ils sont favorables aux acquis de la Révolution, au premier rang desquels l’égalité et son corollaire, la fin des privilèges exorbitants. S’ils perçoivent la Révolution comme une régénération, ils ne paraissent cependant pas foncièrement hostiles à l’Ancien Régime. Ils ont aussi une haute conscience des tâches qui leur sont confiées. Le travail administratif est vu comme un véritable sacerdoce, où doivent dominer des vues paternalistes comme la négociation, les principes d’économie ou l’attention aux pauvres. Enfin, les administrateurs cherchent à diffuser les principes de la Constitution et à former des citoyens, au moyen de fêtes civiques ou d’adresses. En effet, ils estiment que seul le succès de la Révolution, dont ils sont partie prenante, peut mettre fin aux dangers contre-révolutionnaires.
La place de président est essentiellement honorifique dans le cas de l’avocat Rabusson, et politique dans le cas de Lameth, frère des députés. Le véritable pivot de l’administration jurassienne est le procureur général syndic, place cependant assez mal définie dans les textes de loi et très liée à la personne de celui qui l’exerce, l’avocat Ebrard. La place de secrétaire, qui revient à l’avocat Guichard, est encore plus mal définie et difficile à appréhender. Le conseil général, composé de 36 membres, se réunit un mois par an et est avant tout un organe délibérant. Le véritable travail revient en fait au directoire, composé de 8 membres rémunérés, organe à la fois délibérant et exécutif, constamment en activité. Comme aucun texte législatif ne prévoit le fonctionnement concret de l’administration, les administrateurs s’appuient sur des modèles préexistants (Ancien Régime et Assemblée nationale) pour établir les règlements. Ils font aussi preuve de pragmatisme, par exemple dans la division des tâches. Quelques questions restent cependant en suspens comme celle de la publicité des séances, le traitement des administrateurs ou l’indemnisation des électeurs.
Les bureaux. – Si l’administration hésite peu de temps pour le choix du local, une maison particulière, la question du nombre des bureaux, des employés et de leur répartition revient régulièrement dans les débats. Fin 1791, à côté des 10 membres de l’administration, il y a au moins 17 personnes dans les bureaux jurassiens. Il semble que le personnel soit moins fixé à des attributions thématiques qu’à des types de tâches. Les traitements sont corrects. On dispose de très rares indications sur l’aménagement des différentes salles, mais on sait néanmoins que les bureaux sont bien adaptés au travail administratif. Administrateurs et hommes de bureaux y trouvent à leur disposition les outils de travail matériels (papiers, registres, encre, cachets) et intellectuels (journaux, bibliothèque, archives) nécessaires.
Le travail administratif. – S’il est difficile de bien connaître les conditions de travail, les documents conservés nous montrent un travail régulier, sérieux et beaucoup plus important que ne le laisseraient penser les seuls registres des délibérations. Recueillir les informations, les organiser, prendre des décisions puis les diffuser ne sont certes pas des tâches originales, mais elles se situent dans le contexte nouveau d’un pouvoir collégial, ce qui induit une division des membres du directoire entre les bureaux et une stricte organisation des rapports en séance. On assiste aussi à un recours toujours plus important à l’imprimé ; les impressions de documents pour le compte du département forment le deuxième poste de dépense de l’administration départementale derrière les traitements des personnels. Deux questions retiennent particulièrement les administrateurs : celle du poids que représente la réimpression de toutes les lois et celle de la correspondance avec les autres administrations (liaison Dole-Lons-le-Saunier, franchise postale). Cependant, l’accroissement des tâches n’est pas sans provoquer lenteurs, adaptations humaines et matérielles constantes, augmentation des coûts de fonctionnement.
Chapitre VILa hiérarchie des pouvoirs
Avec Paris : le pouvoir reçu. – Reprenant un modèle antérieur à sa formation, le département est proche de ses députés, idéalement placés pour fournir informations inédites et soutiens auprès des pouvoirs centraux. Les députés, représentants de la nation, se font aussi représentants des intérêts locaux. En général, le département communique avec l’Assemblée nationale et ses comités pour tout problème concernant la législation existante et le sens des décrets. Présentant des avis, filtrant les affaires délicates, les comités ont un rôle croissant dans ces relations pour éviter d’engorger le fonctionnement de l’Assemblée, ce qui leur confère un pouvoir plus ou moins exécutif. Les ministres, eux, surveillent les administrations et servent de référence dans la pratique administrative quotidienne. Néanmoins, si les textes restent clairs, la séparation entre pouvoir législatif et pouvoir exécutif est parfois difficile à comprendre et à appliquer. Pourtant, malgré ces problèmes, le département reste profondément légaliste, hésitant toujours à prendre les mesures nécessaires sans l’avis du pouvoir central.
Avec les administrations inférieures : le pouvoir appliqué. – Le département, situé au sommet de la pyramide administrative locale, joue en quelque sorte le rôle de l’Assemblée et des ministres, fournissant les conseils nécessaires, surveillant les administrations inférieures voire les sanctionnant. Jaloux de sa position, il cherche à faire respecter rigoureusement la pyramide administrative. Mais en cas de problèmes (retards, fautes), fort de ses principes, il privilégie toujours l’émulation entre administrations et la conciliation, du moins jusqu’à l’automne 1791. Il est vrai qu’il dispose de peu de moyens coercitifs, ce qui est bien visible dans les conflits locaux les plus graves entre les différentes administrations du département (affaire Joly à Dole et affaire de l’Adresseà Lons-le-Saunier).
Avec les autres pouvoirs : entraide et conseils.– Les relations horizontales avec les autres départements sont moins conflictuelles mais tout aussi importantes pour le fonctionnement du département. Le pacte de fraternité reste cependant plus symbolique que vraiment utile. La Suisse voisine est un cas particulier car si les relations ne sont pas mauvaises, cela n’empêche pas une certaine méfiance.
Chapitre VIILes travaux
La situation léguée par l’Ancien Régime n’est pas bonne : impôts en retard, travaux publics abandonnés, crise des grains… La situation établie par la Révolution n’est guère plus simple : organisation de la force armée, constitution civile du clergé. Les textes attribuent des domaines de compétence variés aux départements. C’est l’occasion pour les administrateurs de mettre en pratique leurs principes, avec plus ou moins de succès.
Au premier rang, viennent les impositions et les finances, question technique et complexe qui rencontre les mêmes problèmes que dans le reste du royaume. Concernant son propre budget, le département est bien obligé de faire face aux tâches qui lui incombent. Aussi malgré des mesures strictes d’économie et un budget moins important que d’autres départements, il ne peut qu’être pragmatique. Les délibérations touchant la population permettent un meilleur encadrement que sous l’Ancien Régime. Les mesures concernant le maintien de l’ordre (subsistances, municipalités), la formation des troupes ou la réforme des salines sont globalement satisfaisantes. En revanche, l’application de la constitution civile du clergé se révèle beaucoup plus difficile. L’administration départementale s’implique dans cette question car elle touche directement l’ordre public. Mais, même si le nouvel évêque constitutionnel travaille avec le département, elle alourdit le travail de l’administration. Surtout, elle cause la première rupture nette dans la population et amène les administrateurs à se détacher de leur légalisme foncier.
Chapitre VIIISituation au 15 novembre 1791
Le premier groupe d’administrateurs n’est pas modifié en profondeur par les élections de l’été 1791. On retrouve les mêmes traits que pour ceux de 1790, en partie grâce à la stabilité du directoire. Pourtant, une certaine radicalisation apparaît dans les sociétés populaires et les administrations inférieures alors que les problèmes liés à la constitution civile du clergé augmentent. Elles commencent à critiquer plus sérieusement la modération de l’administration en place. Néanmoins, celle-ci fait preuve de son efficacité lors de la crise de Varennes, durant laquelle elle se contente d’appliquer les principes et les modèles établis les mois précédents. L’acceptation de la Constitution peut être considérée comme le symbole de la solidité du système.
Conclusion
La simple lecture des textes de loi concernant les nouvelles administrations mises en place par la Constituante ne rend pas compte de la réalité locale. En effet, les nouveaux corps disposent parfois de marges de manœuvres importantes parce que le pouvoir central est loin, parce qu’il ne prévoit pas tout et surtout parce qu’il faut bien travailler.
Jaloux de leur pouvoir et profitant assurément d’une situation locale plutôt favorable, les administrateurs réalisent en dix-huit mois un travail important et consciencieux. Mais leur attachement à la légalité et leur refus constant de recourir aux voies les plus rigoureuses les mettent progressivement en porte-à-faux avec la partie la plus avancée de l’opinion locale, alors que les problèmes financiers et surtout l’application de la constitution civile du clergé pèsent de plus en plus lourdement sur le bon fonctionnement de l’administration. Ainsi, l’administration départementale prend-elle, malgré elle, un caractère politique de plus en plus marqué.
Pièces justificatives
Procès-verbal de délimitation du Jura (24 février 1790). – Cantons du Jura (1790). – Bail pour la maison du département (15 juin 1790). – Règlement pour le conseil général (3 novembre 1790). – Frais d’administration du département et des districts (1790). – Normes de la correspondance. – Le conseil général de la commune de Lons-le-Saunier au département du Jura, à l’Assemblée nationale, aux citoyens libres(1791). – Adresse du directoire du département du Jura à l’Assemblée nationale(27 juin 1791).
Annexes
Cartes (Franche-Comté, Jura). – Tableaux et documents biographiques (députés, administrateurs, hommes de bureaux). – Iconographie (exemples de documents produits par l’administration). – Index des noms de lieux et de personnes.