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École des chartes » thèses » 2007

Les mises en scène de Géo Sandry pour le Cirque d’Hiver (1933-1954)

Le grand spectacle, histoire d’un goût


Introduction

L’histoire du spectacle de cirque sous sa forme moderne et occidentale prend sa source dans l’Angleterre et l’Europe de la seconde moitié du xviii e siècle. C’est alors, et pour les cent cinquante premières années de son histoire, l’élément équestre qui constitue la spécificité de ce nouveau spectacle, qui adopte, selon les lieux dans lesquels il se produit, deux formes différentes, l’une narrative, et l’autre non. Si la seconde forme est aujourd’hui à la base de la représentation actuelle du spectacle de cirque, tout du moins sous sa forme traditionnelle, la forme narrative perdure, avec des fluctuations, jusqu’à la veille de la première guerre mondiale. Elle se rattache, au moins pour une partie de son histoire, à une autre forme de spectacle qui connaît elle aussi une vogue assez cyclique tout au long du XIX e siècle : le grand spectacle. En pleine période des années folles, et dans un lieu qui en est emblématique, Paris, réapparaît au Cirque d’Hiver la forme narrative de spectacle de cirque après une quinzaine d’années d’absence. Celle-ci adopte la définition d’« opérette de cirque à grand spectacle féerique et nautique ».

Deux fils conducteurs s’entrecroisent donc dans cette étude : l’histoire de la forme narrative du spectacle de cirque, bien vivante à l’époque même où est en train de se constituer la représentation du cirque comme spectacle de numéro ; et la notion de spectaculaire. On s’est ainsi attaché à étudier les éléments qui constituent le grand spectacle et la façon dont le metteur en scène du Cirque d’Hiver, Géo Sandry, les a mis en œuvre dans les huit spectacles qu’il a produits. L’étude conduit également à s’interroger sur la notion de genre spectaculaire, notion qui s’avère ici inopérante puisque le grand spectacle se caractérise justement par un appel à différentes formes et différents genres de spectacle.

La problématique s’organise en trois temps. En premier lieu, il s’avérait nécessaire de décrire les différents aspects du contexte dans lequel prennent place ces mises en scène. Un premier chapitre s’attache ainsi à montrer les caractéristiques du spectacle de cirque dans l’entre-deux-guerres et la spécificité du Cirque d’Hiver dans ce paysage. Un second chapitre retrace l’histoire de la forme narrative du spectacle de cirque et des ressorts spectaculaires que celle-ci met en piste. Enfin, un troisième chapitre élargit ce contexte à l’univers des spectacles parisiens des années folles, où music-hall et opérette participent fortement à la construction de l’image de la capitale française dans l’imaginaire de la période. Dans un second temps, on s’est attaché plus précisément aux huit spectacles de Géo Sandry. On les a tout d’abord considérés de façon analytique suivant l’univers – géographique ou mythologique – que chacun met en scène, puis on a ensuite repris les divers éléments qui les constituent pour retrouver les points communs à toutes ces réalisations. Dans une troisième partie enfin, on s’est intéressé aux divers mécanismes de production et de diffusion qui entourent la production de ces spectacles. Cette dernière partie s’appuie fortement sur la base de données constituée autour du spectacle, qui englobe d’une part les différentes personnes qui y participent, et d’autre part leurs critiques, où on peut lire la mise en place d’une critique de cirque dans l’entre-deux-guerres.


Sources

Le point de départ de cette étude se trouve dans les archives de Géo Sandry, conservées au département des arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France. Celles-ci constituent un très rare exemple d’un véritable fonds d’archives, c’est-à-dire issu de l’action de leur producteur. En effet, concernant le spectacle de cirque, les sources conservées par diverses institutions proviennent davantage de dons de collectionneurs extérieurs au spectacle ou d’une collecte volontaire de documents, que de la carrière d’un artiste ou d’une enseigne, généralement peu enclins à la conservation. Les sources utilisées se caractérisent donc par un fort éparpillement dans différentes institutions de conservation, en même temps que par leur origine majoritairement privée : en dehors des registres du droit des pauvres conservés par les archives de l’Assistance publique et des Hôpitaux de Paris, aucun document émanant d’une institution officielle n’a pu être consulté ni retrouvé. On s’est efforcé également de recouper ces différents documents d’archives, toujours plus ou moins marqués par la personnalité de leur producteur ou collecteur, par des documents détachés de la notion de fonds, mais rattachés au spectacle, et collectés par la Bibliothèque nationale de France selon leur support, comme les affiches ou les enregistrements sonores.


Première partie
Le spectacle de cirque en 1930. traditions et influences


Chapitre premier
Un cirque parisien

Les cirques français, état des lieux. — Le terme de cirque désigne, au début des années 1930, une grande variété d’établissements et d’enseignes, parmi lesquelles on retrouve diverses traces de l’histoire du cirque et de ses modèles de fonctionnement. Du petit cirque forain au grand établissement stable et citadin, les situations sont extrêmement diverses et reflètent autant qu’elles influencent l’évolution du statut social du spectacle de cirque. Celui-ci évolue fortement au cours de la période, où le modèle du cirque-ménagerie itinérant éclipse définitivement le modèle de spectacle équestre et aristocratique présenté dans des établissements stables, qui était majoritaire depuis le début du xixe siècle. Le Cirque d’Hiver, l’un des deux derniers établissements parisiens, se présente donc comme un lieu prestigieux, accueillant les artistes les plus illustres et donc moteur dans le monde du cirque, mais également comme un vestige de l’histoire ancienne et glorieuse d’un modèle en voie de disparition. Témoignage de cette évolution, il est racheté en 1934 par la famille Bouglione, qui s’est illustrée, plus encore que dans le domaine du cirque, dans celui de la ménagerie foraine.

Le Cirque d’Hiver, caractéristiques architecturales. — Bâtiment stable dédié au spectacle de cirque, le Cirque d’Hiver est l’œuvre de Jacques-Ignace Hittorff, véritable inventeur au milieu du xixe siècle d’un nouvel espace pour la nouvelle forme de spectacle dont la vogue était alors croissante. Le Cirque d’Hiver est sa seconde réalisation architecturale, reprenant les caractéristiques architecturales et « scénographiques » de son précédent bâtiment, le Cirque des Champs-Élysées (piste ronde d’environ treize mètres de diamètre, circularité des spectateurs autour de celle-ci…), qui deviennent celles de tout espace de cirque, stable ou itinérant. S’ajoute ici, dans un établissement qui porte à ses débuts le nom prestigieux de Cirque Napoléon, un décor impressionnant qui ajoute au luxe de la salle et à son statut. En 1933, le bâtiment subit d’importants travaux qui visent à installer un nouvel équipement : un bassin situé en dessous de la piste, qui puisse se remplir d’eau et servir de piste nautique. À cette occasion sont également modernisés d’autres éléments, comme l’installation électrique, qui font du Cirque d’Hiver une véritable machine spectaculaire.

Chapitre II
Le spectacle narratif au cirque (1780-1914)

Naissance et premières évolutions du spectacle de cirque. — Le spectacle de cirque, né en Angleterre dans la seconde moitié du xviiie siècle de la « spectacularisation » de la technique équestre militaire, est importé en France vers 1780. Dans les premières décennies du xixe siècle, une forme narrative de spectacle de cirque tente de conquérir une légitimité dans le cadre contraignant de la législation sur les spectacles en se déclarant comme théâtre équestre, exploitant les thèmes de la légende napoléonienne qu’elle contribue à propager. S’affirme également le caractère de « grand spectacle » de ces pièces, qui se traduit par une inflation constante au cours du siècle des moyens spectaculaires mis en œuvre. Dans la seconde moitié du siècle, cette inflation se traduit notamment par l’utilisation de bâtiments stables hors norme, que ce soit du fait de leur taille (les hippodromes) ou de leur spécificité technique (les Arènes Nautiques ou Nouveau Cirque). Ces lieux voient et conditionnent, chacun à leur tour, diverses évolutions du spectacle de cirque narratif. Dans le même temps, le grand spectacle connaît une grande vogue sous la forme de la féerie, elle aussi genre secondaire. Elle est liée au spectacle de cirque par l’intermédiaire de son lieu emblématique, le Théâtre du Châtelet, qui a adopté certaines dispositions scénographiques du Cirque Olympique.

Les ressorts spectaculaires. — Au cirque, le caractère narratif n’est le plus souvent qu’un prétexte pour relier entre eux les différents éléments spectaculaires qui sont la véritable raison d’être du spectacle. L’énumération des ressorts les plus fréquents et les plus significatifs – sans que la liste soit exhaustive – reflète, de façon très générale, l’évolution chronologique des types de spectacles narratifs présentés au cours du siècle. Dans un premier temps, c’est l’utilisation de l’Histoire, en particulier militaire, qui sert de cadre au spectacle équestre. Dans la seconde moitié du siècle, c’est le ressort comique qui prend le pas, porté par le personnage du clown qui supplante le cheval dans la fonction de symbole du cirque. L’élément comique va d’ailleurs jusqu’à contaminer le thème historique. Enfin, tout au long de la période et à mesure que s’améliorent les relations commerciales avec les horizons lointains, la présentation d’animaux sauvages est également un élément spectaculaire très prisé.

Chapitre III
Goûts spectaculaires des années 1930

Opérettes, music-hall, cinéma. — Héritiers d’une longue tradition dans le monde du cirque, les spectacles du Cirque d’Hiver s’inscrivent également dans l’offre des divertissements spectaculaires de Paris, particulièrement variés à cette époque. On s’est tout particulièrement intéressé à trois formes de spectacles, en raison de leur proximité avec les mises en scène de Géo Sandry – l’opérette et la revue de music-hall – ou de leur statut, réel ou prétendu tel, de concurrent par rapport au spectacle de cirque – le cinéma et le music-hall. Il s’avère que le goût du grand spectacle est, au cours de ces années d’entre-deux-guerres, très présent dans les deux formes de spectacle vivant étudiées, au point que la frontière entre les différents genres se trouve, là encore, extrêmement floue. Et dans le contexte de crise économique qui est celui des années 1930, le cinéma devenu parlant, moins cher et moins complexe à exploiter, prend une place croissante dans les loisirs des parisiens.

Le spectacle de l’exotisme. — Les années d’entre-deux-guerres constituent, dans l’histoire de l’empire colonial français, l’apogée de sa popularité auprès de la population métropolitaine. Ceci explique, pour partie, le goût profond que manifestent ces années pour l’exotisme, sous diverses formes. À la charnière du spectacle et de l’exposition, le début des années 1930 voit la fin d’un phénomène vieux d’environ quatre-vingts ans : les exhibitions humaines. Issues de l’engouement, plus ou moins scientifique selon les commanditaires, que manifeste le xixe siècle pour la zoologie et la classification rationnelle du vivant, l’exhibition de groupes humains devient peu à peu un des points de passage obligé des différentes expositions universelles. L’exposition coloniale de 1931 marque, en France, la fin de ce type d’exhibitions, du moins du côté des institutions officielles. Cause ou conséquence de ce tournant, la firme Hagenbeck, principal fournisseur en Europe de fauves et de groupes humains, cesse ses activités la même année. On continue cependant à trouver de nombreuses manifestations de ce goût pour l’exotisme, notamment dans la production romanesque et la filmographie des années 1930.


Deuxième partie
Les mises en scène de Géo Sandry


Chapitre premier
Cadres de la réapparition

Avant l’arrivée de Géo Sandry au Cirque d’Hiver, trois spectacles narratifs avaient été créés dans l’établissement parisien, dans le contexte d’une certaine émulation avec l’autre cirque stable de Paris, le Cirque Médrano. À cette réapparition d’une forme un peu oubliée du public participent deux vétérans de la revue et du cirque narratifs, dont la période de gloire remonte aux spectacles du Nouveau Cirque dans les années 1910. Le Cirque Busch présente ensuite, à l’aide d’un matériel amovible, le premier spectacle nautique d’une longue série, qui est un succès. Géo Sandry est engagé en 1933 comme figurant dans le second spectacle de ce type, Tarzan le maître de la jungle. À la suite du fiasco de la première et unique représentation, la direction l’engage comme metteur en scène pour organiser le sauvetage du spectacle. Il reste au Cirque d’Hiver jusqu’en 1954, avec une période d’interruption, où il met en scène huit spectacles qui connaissent un certain succès.

Chapitre II
Les spectacles, étude analytique

Vedettes de cirque, les Fratellini. — Les Fratellini en Afrique(1933) et Les Diamants du Radjah(1934), deux premières mises en scène de Géo Sandry sous la direction de Gaston Desprez, sont des pièces clownesques dont l’objectif avoué dès le titre est de mettre en scène les plus célèbres artistes clownesques de la période : Paul, François et Albert Fratellini. L’intrigue n’est qu’un prétexte à leur fantaisie, sans le moindre souci de cohérence. Le comique est le centre du spectacle, et tous les autres éléments du spectacle (péripétie, dialogues, personnages…) ne visent qu’à le renforcer et à faire valoir les trois vedettes.

Le Western avant le Western. — La Reine de la Sierra(1935) est la première opérette de cirque, ainsi que le premier spectacle narratif créé sous la direction de la famille Bouglione. Le ton général du spectacle a complètement changé : l’intrigue a désormais une certaine cohérence, et c’est le caractère d’opérette qui prend le pas sur l’élément comique. L’univers dans lequel se déroule ce spectacle est celui de l’Ouest américain, qui était un élément fondateur du roman d’aventure chez des auteurs comme Gustave Aymard, Fenimore Cooper ou Mayne Reid. Si ces références sont celles qui viennent le plus souvent à l’esprit des critiques, on peut noter que l’univers du Far West nourrit également la production cinématographique, de plus en plus abondante depuis le milieu des années 1920. Le spectacle se voit repris à la fin de la saison 1936-1937 sous le titre Le Courrier du Texas.

Féeries exotiques. — Les univers exotiques de l’Inde, du Moyen-Orient et de l’Extrême-Orient servent de cadre à trois opérettes : La Perle du Bengale(1936, 1938 et 1954), Les Aventures de la Princesse de Saba(1937-1938) et L’Idole de Shanghai(1939). Le premier de ces trois spectacles, plus gros succès du Cirque d’Hiver, met en scène les différents stéréotypes de la représentation de l’Inde autour d’une intrigue fondée sur les amours contrariées d’un lancier du Bengale et d’une princesse indienne. Le spectacle est repris plusieurs fois au Cirque d’Hiver comme dans d’autres établissements et est également le seul à être adapté pour pouvoir accompagner la tournée du chapiteau. Le second est construit autour de la figure plus ou moins biblique de la princesse de Saba, objet d’une âpre rivalité amoureuse qui se solde par une bataille navale dans la piste du cirque, clou d’un spectacle où les moyens spectaculaires sont en extension. La spécificité du troisième spectacle tient à la part plutôt réduite qu’y tiennent les personnages exotiques par rapport aux figures des gangsters new-yorkais, d’un couple de marseillais et d’un duo clownesque de reporters. Là encore, on progresse d’un cran dans l’inflation des moyens spectaculaires : le spectacle fait ainsi alterner scènes jouées dans la piste et passage filmés et projetés sur un écran.

Contes et légendes. — Les deux derniers spectacles évoqués ici, La Princesse saltimbanque(1936-1937) et Blanche Neige(1942 et 1945) mettent en scène deux types d’univers stéréotypés : celui des romans de cirque pour l’un, celui du conte pour le second. Dans le premier cas, l’histoire n’est pas connue d’avance du spectateur, mais on y trouve tous les éléments constitutifs de la représentation du « petit cirque ambulant » de la fin du xixe siècle, dans le contexte d’une certaine vogue des films historiques situés dans des royaumes plus ou moins imaginaires d’Europe de l’Est. Le spectacle est également l’occasion d’une utilisation nouvelle de la piste nautique par l’introduction de fontaines lumineuses sur lesquelles évoluent des danseuses. Le dernier spectacle amorce la série des spectacles de guerre, généralement fondés sur une reprise d’histoires déjà connues du public. On note une certaine diminution des moyens employés, due aux restrictions imposées par la période.

Chapitre III
Étude synthétique

Mise en piste. — Le qualificatif le plus employé par Géo Sandry pour décrire sa mise en scène est celui de luxueux. Ce luxe se traduit tout particulièrement dans les aspects visuels de ces grands spectacles. La mise en scène utilise en premier lieu les éléments habituels de tout spectacle théâtral, en s’attachant à leur donner un éclat tout particulier. La présence de grandes masses de figurants s’explique notamment par l’effet que ceux-ci produisent, vêtus des centaines de costumes que nécessite chaque spectacle. La couleur et les paillettes en sont la raison d’être, et la couleur locale des univers exotiques tient notamment aux costumes des figurants incarnant les autochtones. Le caractère visuel des spectacles est également magnifié par les différents effets lumineux que permet l’équipement très moderne du Cirque d’Hiver en matière de projecteurs électriques. Enfin, les mises en scène utilisent à plein les différents espaces scéniques qu’offre l’établissement. La scène permet ainsi d’implanter, pour chaque spectacle, un décor qui change généralement à chaque tableau. Un tableau au minimum, souvent le dernier, s’organise autour d’un escalier monumental qui joint la piste et la scène.

Danse et musique. — Le caractère d’opérette revendiqué par ces spectacles conduit à s’intéresser à l’univers musical qui est le leur. On constate qu’en dépit de cette appellation, la partie lyrique ne prime pas véritablement sur le reste des spectacles. Si les rôles principaux sont effectivement tenus par des artistes issus de l’opérette, leurs morceaux de bravoure sont en nombre limité et équilibré par rapport aux autres composantes du spectacle : ballets, parties clownesques, attractions… Très fortement liées à la musique, les parties chorégraphiques sont, elles, constitutives du caractère féerique des spectacles. Là encore, dans les spectacles exotiques, la danse concourt à l’entretien de la couleur locale. Les spectacles du Cirque d’Hiver sont ainsi partie prenante de la vogue des « danses exotiques », très forte dans ces années d’entre-deux-guerres. Enfin, on compte également comme parties chorégraphiques les différentes utilisations de la piste nautique, qui conduisent à s’interroger sur la nature des ballets nautiques que mettent en avant les programmes.

Dramaturgie. — C’est paradoxalement par leur texte, l’élément qui semble a priori le plus les rapprocher du spectacle théâtral, que les mises en scène de Géo Sandry s’en distinguent le plus. En effet, les parties dialoguées ont pour seule ambition de faire progresser une intrigue, elle-même extrêmement stéréotypée. De spectacle en spectacle, les mêmes éléments se retrouvent de façon presque mécanique, notamment l’enlèvement de l’héroïne et son sauvetage par le protagoniste masculin. Le texte sert également de lien entre les différentes parties muettes du spectacle : ballet, attractions… Seules les parties clownesques font de la parole une des composantes fondamentales de leur scène, et non seulement comme une transition. Dans chaque spectacle, l’élément clownesque est représenté au minimum par un duo de clowns maquillés mais intégrés à l’intrigue ; le plus fréquemment, il s’agit de deux soldats maladroits, dont l’un est joué par Achille Zavatta. D’autres duos de personnages antagonistes sont parfois porteurs également de l’élément comique.


Troisième partie
Mécanismes de production des spectacles du Cirque d’Hiver


Chapitre premier
Autour du spectacle, les personnes

En coulisses, l’équipe technique. — Pour permettre la création des spectacles qui mettent en scène plusieurs centaines de personnes, une importante équipe technique est nécessaire. Celle-ci se compose autant du personnel employé en permanence par le Cirque d’Hiver que d’intervenants, personnes ou entreprises, extérieurs. L’équipe des employés du cirque frappe par sa stabilité : tous les membres participent à plusieurs spectacles et trois d’entre eux sont présents pour toutes les opérettes. Parmi eux, on a choisi de mettre en avant deux individus : le metteur en scène, Géo Sandry, et le chef d’orchestre, Raymond Brunel, dont on s’est efforcé de retracer le parcours professionnel. On s’est également attaché aux intervenants extérieurs de cette équipe technique. Ceux qui ont pu être identifiés sont souvent des grands noms du spectacle de l’entre-deux-guerres, comme le décorateur Émile Bertin ou la costumière Berthe Rasimi, témoignant des moyens mis en œuvre par le Cirque d’Hiver pour donner à ses spectacles le luxe recherché.

Sur la piste, premier et second rôles. — Pour ce qui est des personnes mises en scène par les spectacles, l’étude s’est heurtée parfois à la difficulté de l’identification. Sans parler des centaines de figurants, il s’est avéré impossible de retrouver la moindre information sur plusieurs tenants des premiers rôles. Ceux pour lesquels les recherches ont été fructueuses sont souvent issus du monde du cinéma, plus encore que du théâtre lyrique. On a pu établir enfin plusieurs catégories à l’intérieur de ce personnel selon la fonction occupée dans le spectacle, qui conditionne les critères de leur recrutement.

Chapitre II
Diffusion, réception

Outils de diffusion et de promotion. — Les spectacles du Cirque d’Hiver utilisent toute la gamme des outils de promotion du spectacle de cirque. L’affiche, qui connaît dans l’histoire de la publicité une période particulièrement brillante dans l’entre-deux-guerres, est l’un des éléments clés de cette promotion des opérettes féeriques et nautiques. Sont sollicités pour leur réalisation de brillants affichistes, notamment Antonin Magne et Henri Florit. Produit du spectacle, les programmes peuvent également être considérés comme un outil de diffusion puisqu’ils constituent un souvenir à emporter pour les personnes qui l’ont acquis – et, à soixante-dix ans de distance, une source d’une valeur inestimable. Enfin, le caractère d’opérette des spectacles donne lieu à la production de divers produits dérivés inhabituels dans le monde du cirque : édition de partitions (piano-chant) avec les grands airs du spectacle, voire enregistrement de disques, qui contribuent à propager la musique du spectacle dans un large public.

La critique. — Dans une période florissante à la fois pour la presse et pour le spectacle d’attractions, porté par l’abondance des cirques et des music-halls à Paris qui permet la circulation des numéros d’un lieu à l’autre, se forme peu à peu dans les grands quotidiens populaires, tout particulièrement Le Matin et Le Petit Journal, une véritable critique. Sans doute est-ce une des raisons pour lesquelles les opérettes du Cirque d’Hiver furent abondamment commentées par ces journalistes. Parmi ceux-ci, on trouve un grand nombre d’auteurs qui constituent une première génération d’historiens du cirque, dont les ouvrages paraissent dans les années 1940 et 1950. Plusieurs d’entre eux sont également à l’origine de la fondation du Club du Cirque en 1949, organe de promotion et de défense du spectacle de cirque à une époque où malgré son succès, certaines difficultés se font menaçantes. Quant au contenu des critiques, il insiste sur le caractère féerique et des spectacles, les qualifiant souvent de « pièces châtelettes ».

Le public du Cirque d’Hiver. — La mesure de la réception des spectacles auprès d’un large public constitue, comme il est souvent de règle en histoire culturelle, une des principales difficultés par manque de sources. On doit donc se borner à estimer le succès des spectacles au vu de la longévité qui fut la leur à l’affiche du Cirque d’Hiver. Cette estimation globale est corroborée par les quelques témoignages de spectateurs qui ont pu être rassemblés. Ceux-ci citent, là encore, l’émerveillement face au caractère féerique des spectacles comme principal souvenir, à bien des années de distance. Les quelques informations que fournissent les registres du droit des pauvres sur les recettes du Cirque d’Hiver ne permettent pas de connaître précisément l’impact de ces spectacles sur l’économie du Cirque d’Hiver, mais montre, par comparaison, la place qu’occupe l’établissement dans l’univers des spectacles parisiens, à l’égal de plusieurs grandes salles parisiennes.


Pièces justificatives

Dossiers spectacles comportant pour chacun un récapitulatif des dates, le résumé de l’histoire, le résumé de l’intrigue, le programme, les photographies et les éventuels autres documents iconographiques qui s’y rapportent (affiches…). — Notes sur la mise en scène de Géo Sandry. — La musique des spectacles : échantillon (CD audio).


Annexes

Inventaire du fonds Géo Sandry. — Inventaire du fonds Raymond Brunel. — Cartographie. — Iconographie des différents bâtiments de cirque parisiens. — Tableau récapitulatif des airs chantés. — Base de données (édition des tables personnes, journalistes et journaux et fichier informatique gravé sur CD-ROM). — Croquis de scénographie d’Émile Bertin.