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École des chartes » thèses » 2007

La maison et les métiers du bâtiment à Paris (milieu du xive-milieu du xve siècle)


Introduction

L’architecture domestique parisienne au Moyen Âge reste un domaine encore peu exploré. En effet, l’étude des grands hôtels a été longtemps privilégiée, aux dépens de celle des constructions, moins prestigieuses, du commun. Ce n’est que depuis une trentaine d’années que la recherche historique se penche sur ce sujet, délicat à aborder pour des raisons telles que l’absence de vestiges significatifs dans les limites du Paris d’alors ou la rareté et la dispersion des sources. Les années 1350-1450 représentent pourtant un moment où l’activité du bâtiment, principalement tournée vers la reconstruction et la réparation, reste vive malgré les « crises » et où éclosent des phénomènes qui se développeront à la fin du xve siècle. La maison de la Renaissance se situe ainsi dans la continuité de la reconstruction suivant la guerre de Cent ans, aboutissement d’une époque d’expérimentation et de progrès quasi constants.


Sources

Les sources privilégiées pour ce travail ont été les visites, c’est-à-dire les rapports des diverses expertises effectuées par les jurés des métiers du bâtiment. Des actes de ce type sont conservés dans la série S des Archives nationales, mais n’ont pas été recensés. La masse de documents que cette série représente n’a permis que de faire quelques sondages, avant de devoir réorienter ces recherches. En effet, on a surtout eu recours aux fonds de l’Hôtel-Dieu et de Saint-Jacques-aux-Pélerins, conservés aux archives de l’Assistance publique et des Hôpitaux de Paris. Il a été ainsi possible de constituer un corpus de visites inédites, que l’on a associées à d’autres déjà publiées. Les registres comptables de ces deux mêmes institutions hospitalières ont aussi été consultés, sur plusieurs années consécutives.


Première partie
Les visites, source privilégiée de l’histoire du bâtiment


Chapitre premier
Les comptes des institutions hospitalières

Les registres consultés prévoient tous une rubrique consacrée aux travaux réalisés dans les maisons appartenant à l’Hôtel-Dieu et à l’hôpital Saint-Jacques-aux-Pélerins. On peut ainsi suivre de nombreux bâtiments au fil des années. Mais ces comptes sont des actes à finalité interne, ce qui laisse de côté beaucoup de détails n’intéressant pas leurs rédacteurs.

Chapitre II
Les visites des experts

Les maîtres jurés des métiers du bâtiment peuvent être appelés à visiter des bâtiments et à y réaliser divers devis et évaluations, qui sont ensuite mis en forme dans un rapport. On peut distinguer quatre causes principales à ces expertises : évaluer des travaux nécessaires ou déjà réalisés, prévoir une nouvelle construction ou encore régler un contentieux entre voisins.

Les experts et leurs rémunérations. — Les principaux intervenants sont les maîtres jurés du roi, maçons et charpentiers, plus rarement couvreurs ou maîtres des basses œuvres. Selon les parties mises en cause, d’autres experts peuvent être appelés, comme les jurés des institutions religieuses ou les maîtres des œuvres des différents pouvoirs. Leurs interventions sont rémunérées, souvent à la journée. Le temps passé à mettre en forme le rapport chez le clerc désigné est aussi comptabilisé dans ce calcul.

Le déroulement. — Les différentes étapes d’une visite sont assez facilement identifiables, depuis la requête à la prévôté de Paris jusqu’à la rédaction du rapport et à son adresse à cette même prévôté. Certains points restent encore à élucider, comme la présence des requérants lors de la visite de leur bien ou le statut exact des clercs chargés de la mise en forme du rapport.


Deuxième partie
Les chantiers des habitations communes


Chapitre premier
Les dégâts

Malgré le vocabulaire répétitif et normé utilisé lors de leur description, on peut se faire une idée des dégâts motivant les réparations. Les dégradations sont dues aux intempéries comme la pluie ou le vent, mais aussi à l’abandon prolongé des bâtiments, courant à l’époque. Les travaux peuvent mener eux-mêmes à des destructions, temporaires pour la plupart.

Chapitre II
Le déroulement des chantiers

Le chantier et le temps. — On doit prendre en compte les contraintes à la fois naturelles et réglementaires, qui expliquent par exemple le ralentissement de l’activité du bâtiment en hiver. Même si les statuts des corps des métiers définissent des durées de travail assez strictes, la réalité du travail impose en fait des assouplissements et certains artisans restent sur le chantier après l’heure légale.

L’équipement du chantier. — Une grande part des équipements est passée sous silence par les sources car ils appartiennent personnellement aux artisans, comme les protections ou les outils. On a donc peu de renseignements à ce sujet.

Le nettoyage du chantier et l’évacuation des déchets. — Cette étape des travaux peut être source d’encombrement de la voirie et de pollutions. C’est pourquoi elle est régie par de nombreux règlements, diversement respectés, qui imposent le transport des gravats au-dehors de murs de la ville.

Chapitre III
Les intervenants

On a relevé pas moins d’une dizaine de corps de métiers pouvant intervenir sur un bâtiment. Certains sont particulièrement récurrents, comme les maçons, les charpentiers ou les couvreurs. Il est souvent difficile de déterminer les domaines précis d’intervention des différents corps, ceux-ci n’ayant pas tous acquis alors une existence réglementaire propre.

La hiérarchie interne des métiers est perceptible au travers des différents statuts des travailleurs présents dans nos sources : maîtres, apprentis, valets... La main d’œuvre peu qualifiée représente toutefois une catégorie malaisée à étudier, de par ses désignations mouvantes et son exclusion des métiers organisés.

Chapitre IV
La rémunération des travaux

Un mode de rémunération très répandu est le passage de marchés avec les artisans, qui accentue le caractère d’entrepreneurs de ceux-ci. En effet, un marché est un contrat recouvrant un ensemble de tâches, mais peut aussi inclure des éléments d’autre nature, comme les matériaux et la main d’œuvre. Les artisans peuvent également être payés à la journée ou à la tâche. Ces différents types de paiement ne s’excluent nullement : les marchés, prévisionnels, peuvent être complétés au fur et à mesure des travaux par des paiements ponctuels.

Chapitre V
Les matériaux

On retrouve assez logiquement dans nos sources les matériaux traditionnels de la construction courante médiévale, comme le bois, la tuile ou la pierre. Par ailleurs, on a remarqué que l’usage du verre et du métal est, selon notre corpus, bien plus répandu que ce que l’on pense habituellement. Ainsi, l’utilisation de renforts en fer dans les charpentes parisiennes est visible dès le début du XV e siècle, et non pas cinquante ans plus tard.

Les matériaux peuvent représenter une part des marchés, auquel cas ils sont à la charge des artisans. On peut aussi faire directement appel aux fournisseurs qui gravitent autour des chantiers, comme les « épiciers », cloutiers, plâtriers ou marchands de bois. La réutilisation est une pratique très répandue, on assiste même à un véritable recyclage de certains matériaux tel le plomb.


Troisième partie
Un essai de description de la maison commune


Chapitre premier
Le repérage de la maison dans son milieu

L’époque n’a pas recours aux points de repères auxquels nous sommes habitués pour localiser un bâtiment, comme la numérotation, qui n’apparaît que de façon exceptionnelle et dans des situations particulières, telles les entreprises de lotissement. On désigne plutôt les maisons par leurs enseignes, ainsi que par leur situation dans leur voisinage, les confronts étant précisés dans la plupart des actes.

Chapitre II
Les structures de la maison

Les structures horizontales. — Une maison est en fait constituée de plusieurs unités, qui s’organisent en enfilade depuis la rue, sur une parcelle toute en longueur. Le corps sur rue, qui reçoit souvent boutique ou atelier, donne par une allée couverte dans une cour pavée. Celle-ci peut accueillir des bâtiments secondaires, comme des étables ou des locaux de stockage. Le fond de parcelle est de plus en plus occupé, au long du xve siècle, par un véritable corps de logis, qui finira par primer par celui sur rue. La communication entre ces bâtiments peut être assurée par des galeries couvertes.

Les structures verticales. — Les bâtiments sont érigés sur des caves maçonnées servant de fondations. L’élévation de la maison est généralement constituée de deux ou trois étages carrés au dessus du rez-de-chaussée, puis de combles aménagés pour le stockage ou l’habitation. Les séparations sont assurées par de simples planchers de bois, sans espace interstitiel, sur lesquels sont érigées des cloisons délimitant les pièces. Une des principales évolutions de l’époque est le remplacement, progressif mais jamais total, des escaliers droits par des escaliers à vis montant de fond, desservant souvent tous les étages par l’extérieur.

Chapitre III
Les éléments du confort

L’éclairage. — On s’intéresse ici uniquement à l’éclairage naturel. Certaines fenêtres sont équipées de verre, mais n’ont ni transparence ni possibilité d’ouverture. Les autres sont seulement équipées de volets de bois. En fait, on rencontre souvent des systèmes mixtes, mariant parties vitrées et parties avec volets. Il est difficile d’évaluer l’éclairage dont bénéficient les maisons, à cause du manque de renseignements sur les dimensions et l’emplacement des baies.

Le chauffage. — Facilement ouverte vers l’extérieur, la maison parisienne a besoin d’un chauffage efficace. Celui-ci est assuré par des cheminées, présentes dans presque toutes les pièces habitées. Les usages de la construction les placent de préférence sur les murs mitoyens, qui sont montés en maçonnerie et limitent ainsi les risques d’incendie. Les âtres servent aussi à la cuisine, en même temps que les fours installés dans les cours.

L’eau et l’hygiène. — Qu’ils servent à un seul bâtiment ou qu’ils soient partagés, les puits et les latrines sont toujours présents dans notre corpus et font l’objet d’un entretien régulier. Quant à l’évacuation des eaux de pluie et des eaux usées, des systèmes complets de gouttières et d’éviers en sont chargés, les dirigeant vers la rue.


Quatrième partie
Étude d’un cas exemplaire


En 1426, Philippe de Morvilliers, premier président du Parlement de Paris, décide de faire réaliser à son bénéfice une chapelle funéraire dans l’église de Saint-Martin-des-Champs. À la place de la rente habituellement requise dans ce cas, les religieux lui demandent de financer la reconstruction d’un hôtel leur appartenant, situé rue Saint-Martin.

Les actes très détaillés retraçant ces travaux ont été bien conservés et dressent un portrait exemplaire d’une maison et du chantier s’y déroulant. L’étude de ce cas permet d’illustrer les conclusions tirées de ce travail.


Conclusion

Même si elle se limite à la reconstruction, l’activité du bâtiment est restée dynamique à l’époque étudiée. On voit, au travers des recommandations des experts, que des modifications et des nouveautés sont introduites dans les maisons courantes, comme les escaliers à vis. Ces formes nouvelles ont été plus particulièrement systématisées lors de la reconstruction du règne de Charles VII. En fait, on peut estimer qu’à partir du milieu du xive et jusqu’à la seconde moitié du xvie siècle, au-delà des strictes limites de notre étude, la maison parisienne représente un type précis et qu’il n’y a pas de véritable césure entre la fin du Moyen Âge et le début de l’époque moderne pour l’architecture domestique de la capitale.


Pièces justificatives

Édition de visites inédites conservées aux Archives nationales et aux Archives de l’Assistance publique et des Hôpitaux de Paris.


Annexes

Tableaux synthétiques. — Illustrations.