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École des chartes » thèses » 2007

L’éditeur réformé Jacob Stoer (1542-1610)

Recherches sur son officine typographique d’après la bibliographie de ses éditions


Introduction

Si les historiens du livre genevois ont porté leur attention sur l’étude des années 1535-1570, qui correspondent au développement de l’imprimerie en liaison étroite avec la diffusion européenne du calvinisme, ils ont longtemps négligé la période postérieure communément considérée comme une phase de déclin. Rédigée dans le sillage des travaux de Georges Bonnand sur les relations entre l’imprimerie genevoise et divers états européens et la thèse de doctorat d’Ingeborg Jostock consacrée à la censure genevoise de 1560 à 1625, cette étude se propose d’analyser l’officine typographique de l’imprimeur genevois Jacob Stoer (1542-1610) et d’offrir quelques jalons sur l’histoire de l’imprimerie genevoise au tournant du xviie siècle.


Sources

Le livre lui-même constitue la principale source de cette étude. Son exploitation a exigé la rédaction d’une bibliographie des éditions de Jacob Stoer, dont la réalisation a conditionné la suite de la recherche et en a indiqué les grandes orientations. L’objectif de l’enquête heuristique a porté sur la description des trois cent soixante-huit titres de la bibliographie des éditions de Jacob Stoer (Annexe I). L’éparpillement des livres dans les bibliothèques européennes a néanmoins rendu cette tâche particulièrement complexe ; seul 85% des éditions a pu être décrit de visu. Cette source exceptionnelle ne dit néanmoins pas tout. Le danger d’une approche strictement bibliographique réside dans la tentation de faire du livre un objet détaché du contexte au sein duquel il a été produit. C’est la raison pour laquelle ont été dépouillées d’autres sources d’archives, susceptibles de donner des informations sur les conditions d’exercice de l’imprimerie à Genève à la fin du xvie siècle et au début du xviie siècle.

Les archives privées. — Le dépouillement des archives privées s’est révélé très décevant, dans la mesure où seul subsiste un livret de famille, édité en partie à la fin du xixe siècle.

Les archives des autorités politiques et religieuses. — À côté de cette documentation privée ont été dépouillées les archives des autorités politiques, notamment le Petit Conseil de Genève, qui détient la souveraineté en matière d’édition et délivre l’autorisation d’imprimer un ouvrage (Archives d’État de Genève, RC, vol. 54-107 et RC part., vol. 12-28), et les archives des autorités religieuses, à savoir la Compagnie des pasteurs, chargée de veiller à l’orthodoxie des textes publiés, et le Consistoire, chargé d’en vérifier la moralité (Archives d’État de Genève, Consistoire R).

Les documents de la pratique. — Susceptibles de contenir des contrats d’édition des textes publiés par Jacob Stoer, des contrats d’apprentissage ou des contrats d’embauche de compagnons imprimeurs ou encore des actes d’achat, de location ou de vente de matériel typographique, les actes de la pratique ont fait l’objet d’un dépouillement systématique (Archives d’État de Genève, not.). Malgré des recherches approfondies dans les registres des notaires, les données récoltées ont été très décevantes. Ces résultats ont dès lors nécessité de recourir à d’autres sources.

Autres sources. — Une partie de cette étude porte sur la diffusion des ouvrages imprimés au sein de l’officine de Jacob Stoer. Celle-ci débute par le dépôt d’un exemplaire à la bibliothèque de Genève au titre du dépôt légal. C’est dans cette perspective qu’ont été dépouillés les catalogues anciens de la bibliothèque de Genève (Bibliothèque publique et universitaire de Genève, Arch. BPU Dk 1 et Arch. BPU Dk 2). Il a ensuite été décidé de repérer des traces de diffusion dans les correspondances des personnes avec qui Jacob Stoer était en contact. C’est ainsi qu’ont été dépouillées les correspondances éditées de François Hotman, de Théodore de Bèze, du pasteur Simon Goulart et du libraire anversois Christophe Plantin, la correspondance encore inédite de François Hotman conservée à la Bibliothèque de l’histoire du protestantisme français à Paris (Ms 90) et celle de Théodore de Bèze conservée au Musée historique de la Réformation de Genève (Papiers Aubert).

L’activité commerciale du livre se développe principalement au cours du xvie siècle au rythme des foires bisannuelles de Francfort. À dès lors été entrepris le dépouillement systématique des catalogues des foires de Francfort rédigés par Georg Willer pour la période 1564-1600 et ceux rédigés par Johannes Saur et Sigismund Latomi pour la période 1601-1610. Ces informations ont été complétées par la consultation des listes des nouveautés présentées aux foires de Francfort et compilées par le libraire anversois Jean Moretus (Anvers, Musée Plantin Moretus, Archief 43 et 269 et M 269). Surtout, les archives de Christophe Plantin et de Jean Moretus ont permis de reconstituer les relations commerciales entre les deux libraires anversois et Jacob Stoer, consignées dans les cahiers de Francfort (Archief 962 à 1009). Malgré des résultats infructueux, ont également été dépouillés les dossiers réunis par le bibliographe Philippe Renouard conservés à la réserve des livres rares de la Bibliothèque nationale de France et relatifs aux imprimeurs et libraires parisiens. Faute de temps, le dépouillement des archives lyonnaises n’a par contre pas pu être mené à bien.

De manière à restituer le réseau social de Jacob Stoer ont enfin été dépouillés les registres de baptêmes, de mariages et de décès des paroisses de Saint-Pierre, de Saint-Gervais et de la Madeleine (Archives d’État de Genève, EC baptêmes et mariages).


Première partie
Imprimer à Genève


Dans la mesure où toute activité humaine se déploie dans un contexte politique, économique et social déterminé, la première partie de cette étude cherche à définir précisément les conditions nécessaires à l’exercice du métier d’imprimeur à Genève.

Chapitre premier
D’Etlingen à Genève : itinéraire d’un imprimeur calviniste

L’apprentissage chez Jean Crespin. — Arrivé à la fin avril 1559 dans une ville à l’histoire récente mouvementée, marquée par l’affranchissement progressif de la tutelle savoyarde et le passage à la Réforme, Jacob Stoer entreprend un apprentissage chez Jean Crespin. Au cours de sa formation, il a l’occasion de travailler pour les plus grands personnages de la cité : Jean Calvin, Nicolas des Gallars, Théodore de Bèze ou encore Jean Sleidan.

Les premiers emplois. — Avant de s’installer définitivement comme maître imprimeur, Jacob Stoer travaille pour le compte ou en association avec plusieurs collègues genevois : Jean Rivery de 1563 à 1565, Jean Grégoire en 1568-1569 et en 1571-1572, et François Perrin en 1569-1571. Il entre également en contact avec des collègues genevois, lyonnais et parisiens qui travailleront de manière étroite avec lui par la suite. Il reçoit en 1568 le titre de bourgeois de Genève, qui lui permet désormais d’ouvrir une officine typographique.

Chapitre II
Imprimer à Genève

Perspectives historiques. — Introduite par le franconien Adam Steinschaber en 1478, l’imprimerie genevoise connaît un essor sans précédent avec la diffusion des idées réformées. Après une phase de croissance de 1550 à 1570, elle doit néanmoins réorienter sa production vers l’édition juridique et scolaire, puis vers l’édition scientifique et philosophique, au début du XVII e siècle.

La réglementation de l’imprimerie. — De ce point de vue, l’analyse des ordonnances sur l’imprimerie promulguées le 13 février 1560 et complétées le 10 mai 1580 permet de témoigner des pratiques typographiques en vigueur à Genève, notamment la nécessaire synchronisation du travail de composition et du travail à la presse, et d’analyser les relations entre apprentis, compagnons et maître imprimeur.

Un problème récurrent : les relations conflictuelles entre Lyon et Genève. — Malgré les condamnations répétées des autorités, les libraires lyonnais, soucieux de baisser au maximum les coûts de production, se tournent rapidement vers les imprimeurs genevois pour réaliser à moindre prix les travaux d’impression des ouvrages qu’ils publient. C’est ainsi que Jacob Stoer collabore tout au long de sa carrière avec Barthélemy Vincent, Antoine de Harsy, Louis Cloquemin, Alexandre Marsili, Hercule Galle, Antoine Gryphe, Barthélemy Honorat, la librairie des Giunta, François Le Fèvre, Jean de Gabiano, Samuel Girard ou encore Paul Frellon.

Chapitre III
L’officine de la rue Saint-Christophe

Ce chapitre s’efforce de présenter l’officine de la rue Saint-Christophe. C’est dans cette perspective qu’il reconstitue d’abord, à partir des actes de la pratique, les locaux dédiés non seulement aux travaux d’impression à proprement parler, mais aussi au stockage et à la vente des livres, puis évalue plus ou moins précisément le nombre de presses simultanément en activité grâce au relevé des feuilles produites annuellement et tente enfin de donner un nom aux apprentis et aux compagnons qui ont participé à la fabrication du livre à partir des registres du Petit Conseil, des registres du Consistoire et enfin des registres des baptêmes et des mariages.


Deuxième partie
La fabrication du livre dans l’officine de Jacob Stoer


La deuxième partie de cette étude, qui tente de décrire le processus de fabrication du livre au sein de l’officine de Jacob Stoer, se fonde sur le livre en tant que tel. Cette source inépuisable de renseignements a comblé plus d’une fois les lacunes des archives des autorités politiques et religieuses ou des documents de la pratique.

Chapitre premier
Le choix de la copie
Trois groupes de copie sont à distinguer.

Les editiones principes. — L’étude des editiones principes montre la forte présence des auteurs genevois. L’école poétique réformée, créée pour concurrencer la Pléiade et formée par Pierre Enoc de la Meschinière, Philippe de Pas et Jean Jaquemot, constitue un premier groupe. À celui-ci s’adjoignent les pasteurs Théodore de Bèze, Lambert Daneau, Antoine de La Faye et Simon Goulart. Les réseaux qu’ont progressivement tissés les pasteurs attirent également chez Jacob Stoer des auteurs suisses, français et d’Europe de l’Est, qui publient notamment des textes juridiques ou médicaux ou des traités de controverse religieuse ou de controverse contre le pouvoir royal français : Francogallia de François Hotman, Droit des magistrats de Théodore de Bèze ou Anti-Machiavel d’Innocent Gentillet.

Les copies imprimées. — Jacob Stoer réalise parfois pour son propre compte ou celui de ses commanditaires des copies non autorisées d’éditions de ses collègues européens ou des copies de ses propres éditions, lorsqu’il se trouve en rupture de stock.

Les copies exécutées par Jacob Stoer. — Elles se concentrent dans quatre domaines et témoignent des connaissances approfondies que possédait Jacob Stoer de ces matières : l’Écriture sainte – éditions bilingues français allemand des Psaumes et du Nouveau Testament –, le droit – Lexicon juridicum–, les auteurs anciens grecs et latins et les manuels scolaires – dictionnaires thématiques et dictionnaires de langue et recueils de lieux communs. Jacob Stoer intervient non seulement sur le travail d’édition à proprement parler, mais choisit également une mise en page agréable, dans un petit format.

Chapitre II
Le choix de la langue

La prépondérance des publications rédigées en français au début de la carrière de Jacob Stoer s’explique par l’omniprésence des textes de controverse hostiles au pouvoir royal français. Néanmoins, à partir de la fin des années 1570, lorsqu’il commence à écouler sa production imprimée aux foires bisannuelles de Francfort et vise dès lors un public européen, Jacob Stoer privilégie les publications rédigées en latin et réservées à quelques domaines précis comme le droit, les auteurs anciens grecs et latins ou les manuels scolaires. Parmi les langues vivantes, les éditions bilingues français allemand sont le seul véritable marché de niche qu’a développé Jacob Stoer.

Chapitre III
Le financement des éditions

En l’absence de contrats d’édition, trois sources ont systématiquement été exploitées : l’adresse bibliographique, la marque typographique et le nom de la personne qui obtient le privilège des autorités genevoises. Jacob Stoer doit essentiellement le début de sa carrière au financement lyonnais, rochelais et parisien. À partir du début des années 1580, même s’il ne se détourne pas de cette source, il collabore davantage avec ses collègues genevois Pierre de Saint-André et Eustache Vignon, puis, durant la décennie 1590, les héritiers d’Eustache Vignon et François Le Fèvre et, au début du xviie siècle, Samuel Crespin, Pierre de La Rovière et Pierre et Jacques Chouet. Renommé au niveau international, Jacob Stoer est également sollicité par différents libraires allemands – Nicolas Bassée à Francfort en 1590 et Heinrich Falckenburg et Johann Gymnich à Cologne en 1594 – et anglais – John Norton et John Bill en 1604.

Chapitre IV
Le choix du format

Jacob Stoer semble avoir avant tout misé sur une politique des petits formats, pour viser un public moins argenté, composé essentiellement d’étudiants. Les deux périodes au cours desquelles le format de luxe l’emporte sur les petits formats correspondent par contre à deux phases distinctes du développement de son officine. Si la première phase, qui se situe au tournant de la décennie 1580, montre la dépendance de Jacob Stoer par rapport à ses commanditaires, la seconde phase, qui se situe au milieu des années 1590, montre, au contraire, la forte capacité financière de son officine, capable de réaliser d’importants projets.

Chapitre V
L’approvisionnement en papier

La législation genevoise en matière de papier. — L’étude de la réglementation en la matière montre la place acquise progressivement par Jacob Stoer au sein de la profession, puisque ce dernier est nommé inspecteur sur le papier en février 1595. Elle rend surtout compte du souci des autorités de remédier à la mauvaise qualité du papier qui ternit la réputation du livre genevois et qui est sans doute due aux guerres contre la Savoie, qui touchent particulièrement le Pays de Gex, lieu traditionnel de l’approvisionnement genevois, et provoquent la destruction de nombreux battoirs à papier.

Le relevé du filigrane. — L’étude des filigranes employés par Jacob Stoer confirme explicitement cette hypothèse. Avant la tentative de Raconis survenue en 1582, ce dernier s’approvisionne avant tout chez les papetiers d’Allemogne et de Divonne. À partir de cette date, le papier du Pays de Gex est remplacé en partie par du papier d’origine française. Une fois la paix revenue, Jacob Stoer se tourne à nouveau vers les papetiers de Divonne. Soucieux de maîtriser la chaîne de fabrication du livre, il fait également l’acquisition d’un battoir à papier dans cette localité.

Chapitre VI
Le matériel typographique

Le matériel d’illustration. — Si ce chapitre n’étudie le rythme d’acquisition des fontes de caractères que sur la période 1578-1587, il reconstitue en revanche très précisément le matériel d’illustration de Jacob Stoer : lettrines, bandeaux, culs-de-lampe et fleurons. Les relevés effectués au fil des dépouillements montrent très clairement que ce dernier a acquis un important matériel en début de carrière et qu’il s’est procuré par la suite du matériel complémentaire.

Le polytypage. — Dans la mesure où une partie de ce matériel ne présente pas de trace manifeste d’usure et dans la mesure où il se retrouve chez d’autres collègues européens à la même date, a été défendu, à côté du matériel en bois traditionnel, le recours à la technique du polytypage. Si le principe ne paraît faire aucun doute, il conviendrait néanmoins d’étendre cette enquête et d’y consacrer une recherche à part entière.

Chapitre VII
La correction des épreuves

L’analyse des errata montre l’existence d’une double pratique. Les textes qui fondent réellement la politique d’édition de l’officine typographique de Jacob Stoer – droit, textes des auteurs anciens grecs et latins et manuels scolaires – sont apparemment dépourvus d’erreurs, de manière à donner au lecteur l’illusion que le texte ne contient aucune faute pour lutter plus efficacement contre la concurrence des collègues européens. Les textes plus confidentiels fourmillent par contre de corrections. Destinés à un public moins nombreux, ils intéressent avant tout des cercles étroits. Les arguments utilisés pour légitimer la présence de fautes relèvent de topoi : difficultés de lecture, délai très rapide de diffusion du texte, impossibilité de délivrer un texte sans erreur.

Chapitre VIII
L’impression

L’analyse des ouvrages laisse apparaître des traces involontaires laissées par les pressiers et les ruptures de forme.


Troisième partie
La bibliographie des éditions de Jacob Stoer :
typologie, diffusion et accueil du public


La troisième partie de cette étude porte sur l’analyse de la typologie, de la diffusion et de la réception auprès du public de la bibliographie des éditions de Jacob Stoer.

Chapitre premier
Typologie de la bibliographie des éditions de Jacob Stoer

Évolution de la typologie des éditions de Jacob Stoer. — Jacob Stoer s’est concentré sur quelques domaines de prédilection – religion, droit, auteurs anciens grecs et latins et manuels scolaires – et a tenté de développer des marchés de niche au niveau européen : éditions bilingues français allemand des textes de l’Écriture sainte et du catéchisme, diffusion d’une littérature spirituelle calviniste, réalisation d’un Lexicon juridicum, éditions originales des auteurs anciens grecs et latins, des dictionnaires de langue et des recueils de lieux communs. Sa politique d’édition en la matière s’est également fondée sur un petit nombre de textes sans cesse réédités, de débit très régulier, qui lui assuraient des revenus substantiels. Cette typologie évolue néanmoins très nettement au cours de sa carrière. Autour d’une solide base formée par les textes à caractère religieux et les auteurs anciens grecs et latins, Jacob Stoer s’est d’abord orienté, durant la décennie 1570, vers la publication des textes hostiles au pouvoir royal français, puis, durant les décennies 1580 et 1590, vers l’édition des textes de droit, et enfin, au début du xviie siècle, vers les textes scientifiques. En ce sens, il est emblématique de l’évolution de l’imprimerie genevoise. Il acquiert également une place appréciable au sein de la profession, puisqu’il est l’un des principaux imprimeurs de la cité dans les domaines du droit, des auteurs anciens grecs et latins et des manuels scolaires, et dans la mesure où il est surtout le seul imprimeur genevois à détenir les premières places dans ces trois domaines. Dominant ces marchés, il offre ainsi un assortiment très varié, qui multiplie d’autant plus les possibilités de diffusion auprès du public le plus large possible.

Chapitre II
La diffusion des livres

Un préalable : le dépôt légal. — La diffusion des livres débute par le dépôt du premier exemplaire à la bibliothèque de Genève au titre du dépôt légal. Jacob Stoer, à l’instar de ses collègues, ne respecte guère cette exigence – trente-sept titres sur les trois cent soixante-huit titres produits de 1571 à 1610 sont déposés à ce titre. L’argument financier explique très certainement cette désaffection, dans la mesure où les formats de luxe in-2° et in-4° sont surreprésentés par rapport à leur poids réel.

La publicité. — Si Jacob Stoer n’a pas publié de catalogue de ses éditions, il en a assuré la publicité essentiellement par le biais du libellé de la page de titre : nouveauté du produit, dernière révision du texte, particularités de l’édition ou encore octroi du privilège.

La librairie de Genève. — Jacob Stoer a pu diffuser sa production dans la librairie qu’il possédait à Genève, notamment auprès des étudiants du Collège et de l’Académie, demandeurs d’éditions de textes classiques et de manuels scolaires. Néanmoins, l’essentiel de sa production est destiné aux foires de Francfort.

Les foires bisannuelles de Francfort. — Signe de l’importance du marché allemand, Jacob Stoer possède une boutique dans la ville allemande et reste l’imprimeur genevois le plus assidu : sa présence est ininterrompue de 1573 à 1609, à l’exception de 1575 et 1586. S’il paraît négliger les foires au cours de la décennie 1570, en raison de la publication de textes destinés au marché français, il n’hésite plus à exploiter toutes les possibilités que lui offrent les foires de Francfort, dès lors qu’il se tourne vers l’édition juridique ou scolaire.

Les échanges avec les collègues libraires : l’exemple de Jean Moretus. — Les cahiers des foires de Francfort rédigés par le libraire anversois Jean Moretus permettent également de saisir quelques bribes de l’activité commerciale de Jacob Stoer avec ce dernier : vente de sa propre production, essentiellement dans les marchés de niche, vente de la production des collègues genevois et lyonnais et achat de rares ouvrages de l’officine plantinienne. Malgré tout, le volume des transactions reste relativement faible.

Chapitre III
L’accueil du public

Les rééditions, qui donnent des indications sur les succès de librairie, sont à rechercher parmi les ouvrages qui fondent la politique d’édition de l’officine genevoise : droit, auteurs anciens grecs et latins et manuels scolaires. Pour recenser les méventes, il a été fait appel, en revanche, à la fréquence des nouvelles émissions et au dépouillement du catalogue des frères Jean-Antoine et Samuel de Tournes publié en 1670. Celles-ci portent sur les ouvrages plus spécialisés – littérature spirituelle calviniste ou école poétique réformée. De ce point de vue, la langue joue un rôle discriminant, dans la mesure où elle permet d’atteindre dès le départ un public restreint. À ce premier facteur s’ajoutent le format et le caractère conjoncturel de certaines publications.

Chapitre IV
Au sein de la société genevoise de son temps

Au terme d’un si long périple en compagnie de Jacob Stoer, la question de la « vie quotidienne » de ce dernier se pose légitimement.

Famille et relations sociales. — Les registres de baptêmes permettent, derrière le nom d’un conjoint ou d’un parrain, de reconstituer une partie du réseau des relations sociales et des relations d’affaires de Jacob Stoer. Le réseau professionnel constitue bien évidemment un domaine de choix, même s’il n’est pas exclusif, dans la mesure où Jacob Stoer fréquente les notaires, hommes politiques et artisans genevois.

Les placements immobiliers. — Les placements immobiliers effectués dans la campagne genevoise permettent de mesurer la capacité financière de Jacob Stoer et de mettre en évidence une diversification des sources de revenus – produits de la vente du blé et du vin. S’il fait preuve d’un esprit commercial hors normes dans ses affaires temporelles, Jacob Stoer montre également un rigorisme résolument calviniste dans sa piété personnelle, définitivement orientée vers le salut de ses coreligionnaires. C’est cet idéal qui explique sa volonté de mettre à disposition des textes français allemand de l’Écriture sainte ou encore son souci de proposer des textes où la morale, la piété et la recherche de la sagesse en vue de l’épanouissement de l’âme constituent la clé de voûte. Son testament, rédigé le 29 octobre 1610, résume parfaitement ses aspirations et donne en même temps un aperçu de la position sociale qu’il a acquise au sein de la société genevoise.


Conclusion

Au delà de ces résultats, cette étude permet d’entrevoir de nouvelles perspectives de recherche. Il conviendrait ainsi d’étudier systématiquement les rouages de l’imprimerie genevoise au tournant du xviie siècle, d’analyser précisément les relations entre les imprimeurs genevois et les libraires lyonnais ou encore de constituer une base de données du matériel d’illustration pour caractériser la production de chaque officine et dénouer une partie de l’écheveau des livres imprimés à Genève sous l’adresse lyonnaise.


Annexe I

Bibliographie des éditions de Jacob Stoer — La bibliographie des éditions de Jacob Stoer présente de manière détaillée les trois cent soixante huit titres produits par ce dernier de 1571 à 1610. Chaque notice bibliographique développe les éléments suivants : auteur et titre de l’ouvrage, adresse bibliographique et marque typographique, description détaillée du contenu, indication du format, de la pagination, des signatures et de l’illustration, liste des exemplaires connus et examinés, mentions bibliographiques et notes (licence du Petit Conseil, mention des éditions antérieures et postérieures, mention des catalogues des foires de Francfort et mention éventuelle dans les correspondances des contemporains).


Annexe II à VI

Matériel d’illustration – Ces annexes reproduisent le matériel d’illustration utilisé par Jacob Stoer : lettrines (annexe II), bandeaux (annexe III), culs-de-lampe (annexe IV), fleurons (annexe V) et illustration (annexe VI). Chaque élément est défini en fonction de sa dimension et classé en fonction de l’ordre chronologique d’apparition. Suit l’inventaire des notices qui ont recours à cet alphabet.


Annexe VII

Livres vendus à Jean Moretus et achetés par Jacob Stoer – Édition des cahiers des foires de Francfort rédigés par Jean Moretus et relatifs aux échanges entre Jean Moretus et Jacob Stoer (Anvers, Musée Plantin-Moretus, Archief 962-1009).