« »
École des chartes » thèses » 2008

La vie des monuments de l’État

Histoire administrative et patrimoniale de la Caisse nationale des monuments historiques(1912-1978)


Introduction

Aucune étude historique n’a été consacrée à la Caisse nationale des monuments historiques, acteur majeur de l’histoire patrimoniale du xx e siècle, présent avec une remarquable continuité depuis les mois décisifs précédant la première guerre mondiale. La Caisse fut créée dans le climat de crise qui, pour le service des Monuments historiques, a suivi la séparation de l’Église et de l’État, afin d’apporter compléments de ressources et souplesse budgétaire grâce à la formule en vogue de l’établissement public ; elle a connu de multiples transformations au fil des décennies. Imaginée à l’origine pour recevoir dons, legs et ressources fiscales, la Caisse a finalement été alimentée par les droits d’entrée instaurés dans les monuments historiques après la guerre et, à partir de la fin des années 1920, par le développement d’une activité commerciale. Après la création du ministère des Affaires culturelles, une réforme importante fait d’elle en 1965 un organisme d’exploitation des monuments historiques aux attributions élargies, qui cherche à rendre la vie aux vieilles pierres.

Cette thèse s’inscrit dans une lignée déjà longue d’études patrimoniales en France depuis les années 1970, s’intéressant tour à tour à la notion même de patrimoine, abordant la question sous l’angle de la restauration monumentale, de l’économie, du tourisme, de la sociologie, tentant des synthèses ou au contraire s’attachant à une période précise. Notre présentation de l’histoire de l’établissement public et de sa politique s’inscrit en outre dans les problématiques de l’histoire administrative ; nous nous sommes donc attaché à l’étude des hommes, des moyens à leur disposition, des rouages de l’administration et des résultats de l’action, en étant particulièrement attentif aux questions de rapport à la tutelle. L’analyse permet de comprendre par quels processus une administration aux rouages complexes et aux attributions multiples touchant à la fois à la gestion du patrimoine et à la politique culturelle a pu naître d’une simple bourse de secours à la disposition de la direction des Beaux-arts.


Sources

Ce sujet possède la qualité remarquable de confronter simultanément l’historien aux deux problèmes qu’il risque de rencontrer en histoire contemporaine : la lacune des sources, pour la première partie du xx e siècle, et la surabondance de sources parfois très sèches après les années 1950. Les archives de l’établissement public ont fait l’objet de versements massifs au Centre des archives contemporaines de Fontainebleau entre 1989 et 1996, mais les documents versés sont en grande majorité postérieurs aux années 1960. Ils peuvent remonter dans quelques rares cas aux années 1930. On trouve également au Centre des archives contemporaines des documents émanant de la direction de l’Architecture et du cabinet du ministre qui concernent l’établissement public.

Quelques documents au Centre historique des Archives nationales, présents dans les archives de la direction des Beaux-arts et du bureau des Monuments historiques, documentent l’histoire de la Caisse durant la première partie du xx e siècle. Cependant les archives de l’administration des Monuments historiques pour l’ensemble de la période sont en grande partie regroupées à la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine ; elles permettent d’appréhender le point de vue de la tutelle sur l’établissement public. À la Médiathèque ont également été dépouillées avec profit des archives privées, dont celles de René Planchenault, inspecteur général des monuments historiques chargé du contrôle du service commercial de la Caisse du régime de Vichy aux années 1960. Enfin, la documentation du service des Monuments historiques sur les monuments eux-mêmes a permis d’aborder l’activité de gestionnaire et de propriétaire de la Caisse à travers des études de cas.

Nous avons fait appel aux archives financières pour éclairer le fonctionnement de l’établissement public et confronter les points de vue. Au centre des archives économiques et financières, les archives de la direction du Budget du ministère des Finances ont révélé un certain nombre de documents importants. Les archives historiques de la Cour des comptes nous ont permis de consulter une série de documents budgétaires et de rapports sur l’établissement des origines à 1964, très récemment rendue disponible.

Grâce au comité d’histoire du ministère de la Culture nous avons pu bénéficier de témoignages oraux précieux, dont la confrontation s’est révélée souvent éclairante, et nous livrer nous-même à l’exercice afin d’élargir le corpus d’archives orales. Parfois le témoin a permis d’avoir accès à des archives égarées : ainsi Jean Fosseyeux, directeur adjoint de la Caisse de 1975 à 1989, a-t-il pu retrouver la trace de documents, remontant aux années 1950 pour les plus anciennes, et voués à la destruction lors d’un déménagement.

La revue Les Monuments historiques de la France, créée par le service des Monuments historiques en 1936, arrêtée en 1939, et reprise en 1954 par la Caisse qui en assura la publication jusqu’en 1996, constitue par ailleurs une source majeure pour l’histoire de l’institution, de même que la production éditoriale de la Caisse depuis les années 1950 (catalogues, guides et monographies).


Première partie
Naissance d’un établissement public (1912-1960)


Chapitre premier
Du projet à la loi

Réforme financière ou nouvelle féodalité ?— Le sénateur Jean-Honoré Audiffred est l’auteur en 1912 du premier projet de loi concernant la création d’une Caisse des monuments historiques dotée de la personnalité civile. En contournant légalement le principe fondateur d’unicité du budget, il s’agit de répondre à la crise des finances des Monuments historiques, en refondant tout le système pour échapper aux contraintes de la réglementation budgétaire. La Caisse serait alimentée par l’ensemble des crédits annuels destinés aux monuments, complétés par de modestes ressources fiscales. Le projet soulève un grand enthousiasme.

La multiplicité des enjeux.— Repris à l’Assemblée, le projet de loi suscite des discussions passionnées, révélant la volonté de régler du même coup le problème du financement des travaux dans les églises. Il est question de créer deux caisses, pour les monuments classés et non classés, susceptibles de recevoir dons et legs. Les interventions de Maurice Barrès alimentent la polémique. D’autres questions, comme celles de la réglementation des fouilles préhistoriques, s’agrègent au projet que l’on espère inclure dans la loi de finances pour 1913, afin de régler tous ces problèmes complexes par la création d’un établissement public. Les discussions s’enlisent.

Le temps des compromis . En décembre 1913, le vote d’une importante loi sur les monuments historiques renforce la légitimité de la future Caisse. Dans le contexte électrique du début de l’année 1914, le débat est recentré sur l’essentiel : la création par la loi du 10 juillet 1914 d’un établissement public alimenté de petites ressources fiscales et susceptible de recevoir dons et legs, sans qu’y soient versés les crédits annuels des Monuments historiques, étant donné le refus formel opposé par l’administration des Finances.

Chapitre II
Le bas de laine des Beaux-arts (1920-1939)

Paul Léon et la mise en route de la Caisse. — Au lendemain de la guerre, le décret d’application concernant la Caisse n’a toujours pas été pris, et le problème des finances des Monuments historiques se pose à une tout autre échelle pour Paul Léon, directeur des Beaux-arts. La question de l’établissement d’un droit d’entrée dans les musées et les monuments de l’État, repoussée régulièrement depuis quarante ans, ressurgit pour s’imposer : le droit d’entrée constituera la ressource principale de l’établissement qui commence à fonctionner en 1922.

Une banquière riche et discrète (1922-1931).— Les dons et legs n’affluent pas, mais la Caisse récolte grâce au droit d’entrée des fonds inespérés, qui constituent pour la direction des Beaux-arts une réserve d’argent à tout faire, y compris financer des acquisitions de tableaux pour le compte de la Réunion des Musées nationaux (RMN). On y place les millions de la donation Rockefeller pour Versailles et Fontainebleau. L’établissement public est cependant géré de manière très archaïque et minimaliste, ce que révèlent les archives de la Cour des comptes.

Les années trente et l’orientation commerciale.— Au début de la décennie suivante, la gestion de l’établissement public est assainie, ses compétences sont théoriquement élargies dans le cadre de la loi de 1930 sur les sites, mais la Caisse sert surtout à thésauriser, dans l’ombre du service des Monuments historiques. Par ailleurs un embryon de service commercial chargé de la vente d’ouvrages dans les monuments se met en place sous la direction d’Albert Morancé, créateur d’un service analogue à la RMN dans les années vingt. Le budget de l’établissement, qui se maintient relativement bien malgré la crise des années trente et connaît une amorce de progression sous le Front populaire, permet à l’État d’acquérir divers châteaux. La question du développement d’un tourisme patrimonial au cours de cette période se révèle cependant délicate à trancher globalement.

Chapitre III
L’argument touristique (1940-1960)

Au service de l’État châtelain et de l’industrie nationale du tourisme sous Vichy. — La Caisse, comme de nombreux autres établissements publics, voit son existence menacée durant la guerre et connaît une mise en sommeil, du fait de la suspension presque totale de la perception du droit d’entrée. Le service commercial continue cependant de fonctionner au ralenti et se trouve chargé de la reprise de la société des Archives photographiques. Des projets de réforme de la Caisse voient le jour, dans le cadre de la poursuite de la politique d’acquisition de châteaux par l’État et en lien avec le commissaire général du Tourisme Henry de Ségogne, épris de monuments.

La Caisse, « joker » de la direction de l’Architecture après la Libération.— Dans les années 1950, les ressources de la Caisse constituent pour René Perchet, directeur de l’Architecture, une solution aux restrictions budgétaires et permettent de mettre en valeur les monuments pour lesquels le tourisme est devenu un argument majeur. L’établissement public se révèle un support financier commode pour les actions variées de la direction de l’Architecture.

Commerce et propagande.— Le redémarrage du service commercial est difficile en raison du poids nouveau du service photographique. Un service des visites-conférences se développe en marge de ce service, alors que l’établissement se lance dans l’édition de guides et reprend en 1954 l’édition de la revue Les Monuments historiques de la France. Face à l’augmentation des recettes de l’établissement et en dépit d’une administration toujours embryonnaire, de grands espoirs sont fondés dans le développement des activités commerciales de la Caisse.


Deuxième partie
Naissance d’une administration


Chapitre premier
Une nouvelle Caisse des monuments historiques (1961-1965)

Chronologie et enjeux d’une réforme (1961-1965).— Au début de la décennie 1960, un renforcement administratif de l’établissement est envisagé. Les projets de René Perchet, proche de Henry de Ségogne, rencontrent les aspirations du cabinet du nouveau ministère des Affaires culturelles, et l’on songe à faire de la Caisse un organisme d’exploitation des monuments historiques. Si le projet séduit, les avis divergent autour des futures missions de l’établissement, de la tutelle et de la mise en œuvre : le décret de réforme n’est pris qu’en 1965, après deux années d’incertitudes et de projets en tous genres.

1963 : l’année de tous les possibles.— L’analyse du pelurier de Jacques Houlet, ordonnateur et futur directeur de la Caisse en 1963, permet d’entrer dans le quotidien de l’institution durant cette période clé. L’année 1963 marque une phase exploratoire où tout semble à entreprendre pour réinsuffler la vie dans les monuments en en tirant bénéfice et où il est permis de rêver une administration en devenir.

Un projet biaisé dès l’origine.— Pourtant, dès le départ le projet est biaisé. La situation réelle du service commercial, en liquéfaction à la suite d’entreprises frauduleuses de son chef, se révèle avec brutalité en 1964, alors que le décret n’est encore qu’en projet. Il est dans ces conditions hors de question de transformer la Caisse d’établissement public administratif en établissement industriel et commercial, malgré l’argumentaire développé par le nouveau directeur de l’Architecture, Max Querrien, sur le danger de réformer l’établissement sans lui donner les moyens d’accomplir sa mission nouvelle. De même, alors que René Perchet avait envisagé de faire de la Caisse le futur support financier des secteurs sauvegardés après la loi d’août 1962 et que des mesures avaient été prises en ce sens, il n’en est plus question trois ans plus tard, ce qui engendre des complications administratives dans les opérations.

Chapitre II
Mise en place de la machine administrative (1964-1969)

Des débuts difficiles.— Le recrutement d’agents sur un rythme rapide est un véritable enjeu pour mener à bien la réforme, et il est particulièrement délicat alors que le ministère des Affaires culturelles lui-même connaît des problèmes de recrutement. Dans ces conditions, les services forment une structure instable et en perpétuelle évolution, où l’organigramme se redéfinit en fonction des compétences des nouveaux arrivés, qui doivent s’initier aux bonnes pratiques administratives.

Des hommes et des procédures : les débuts de Jean Salusse à la Caisse (1967-1969).— Les postes de direction au nouveau ministère, à l’instar de celui de directeur de l’établissement public réformé, sont un véritable enjeu et l’arrivée de Jean Salusse, successeur de Jacques Houlet en 1967, s’inscrit dans un contexte tendu. Le nouveau directeur entreprend une remise en ordre de la gestion de la Caisse, que documente une série de documents administratifs traitant de l’organisation des dossiers et des tâches en 1968.

Une administration en ses murs : l’installation à l’hôtel de Sully.— L’administration de la Caisse réformée prend peu à peu place à l’hôtel de Sully, dans le Marais. Cet hôtel, acquis par l’État durant la guerre grâce aux fonds de la Caisse, était en cours de restauration depuis de longues années et faisait l’objet de projets divers et incertains. Son destin sera désormais indissociable de celui de l’établissement public, qui fait de la renaissance des fastes de Sully le symbole de son rayonnement nouveau.

Chapitre III
Moyens et résultats : un bilan en demi-teinte

Monuments historiques et rentabilité : le choc des cultures ?— L’optimisme prévaut lorsque sont lancées en série et sans réelle étude de marché des opérations destinées à être directement rentables dans les monuments historiques. Les salons de thé rêvés par le président du conseil d’administration Roland Cadet se révèlent dans de nombreux cas des opérations à fonds perdus, leur légitimité est contestée. La majorité des opérations, même les locations de salles, sont de mise en œuvre malaisée pour une administration peu préparée aux changements brutaux de ses missions. Dans ces conditions, les projets hôteliers ne fleuriront que sur le papier.

Des comptoirs et des livres : grands espoirs et heures difficiles.— Le développement des ventes dans les comptoirs et le lancement d’un véritable politique éditoriale font partie des grandes priorités de la nouvelle politique. Là encore l’existence d’un passif, un optimisme trop important et l’inexpérience de l’administration conduisent à des opérations commercialement contestables, malgré un effort indéniable pour produire des guides abordables et de qualité, notamment avec la création de la collection « Petites notes sur les grands édifices ». Un coup d’arrêt est donné à cette politique éditoriale en 1968. Seule la publication de la revue continue, malgré son déficit, de mobiliser les énergies, du fait du bénéfice qu’elle procure en terme d’image.

Un équilibre difficile à trouver.— Dans les archives, les rapports contradictoires rendent difficile la mesure exacte des changements apportés aux équilibres budgétaires de l’établissement, mais les dépenses connaissent une hausse plus importante que les recettes. Alors que les premières crispations se font sentir avec la sous-direction des Monuments historiques et que la direction de l’Architecture cherche à imposer son arbitrage dans les choix budgétaires, une inflexion nette du discours s’opère en 1968, valorisant les actions d’animation de la Caisse plutôt que ses opérations commerciales jugées décevantes. À l’arrivée du nouveau ministre Edmond Michelet en 1969, la plupart des têtes changent et un nouvel équilibre se met durablement en place, autour du tandem Jean Salusse (directeur) et Yves Malécot (président).


Troisième partie
Construction d’une identité


Chapitre premier
Entre autonomie et tutelle

L’image de l’administration.— La Caisse développe une politique qui rejoint les aspirations des équipes du ministre Jacques Duhamel et de son directeur de cabinet Jacques Rigaud. Sous la bannière de l’animation et du prestige des monuments historiques, par le charisme de ses dirigeants et une politique volontariste, elle se forge une image publique avec laquelle il faudra désormais composer. Cependant la rapidité des mutations et les écarts entre discours et réalité quotidienne dans les monuments brouillent cette image, alors que l’administration se confronte aux revers des opérations commerciales.

Le rapport à la tutelle (1970-1975).— Avec le directeur de l’Architecture (Michel Denieul puis Alain Bacquet) ainsi qu’avec ses services, les relations se font parfois aigres-douces, devant les enjeux budgétaires. Les archives de la tutelle et celles de l’administration des Finances permettent d’aborder l’évolution complexe de ces tensions, qui se cristallisent autour de la politique d’animation de la Caisse.

Analyse d’une crise : la « guerre de l’emprunt ».— Entre 1975 et 1976, une véritable crise se noue autour de la question d’un emprunt pour les monuments historiques qui serait supporté par les finances de la Caisse, sur proposition du directeur de cabinet de Michel Guy. Les volumineux dossiers consacrés à cette affaire dans les archives des différentes administrations intéressées permettent de saisir la portée des enjeux dans les relations de l’établissement public avec sa tutelle.

Chapitre II
Une « administration de mission » ?

Les moyens de l’établissement : une « toute petite PME » ?— L’examen du fonctionnement administratif de la Caisse montre que moyens et procédures n’ont pas évolué à la même vitesse que les orientations politiques des dirigeants. L’étude détaillée, notamment, du fonctionnement du service commercial – qui a entrepris des rééditions pour répondre à la demande, devant l’échec des recherches de partenaires éditoriaux privés –, montre le déficit réel de la plupart des activités de la Caisse, ainsi que l’absence de réorganisation d’ensemble de l’administration durant la période.

Les résultats : une évaluation de la politique culturelle de la Caisse dans les années 1970 est-elle possible ?— La politique d’animation de la Caisse, jugée trop festivalière et héliotrope, a suscité de nombreuses polémiques et servi a posteriori de repoussoir. L’examen des subventions accordées par l’établissement et des enquêtes sur l’impact de l’animation culturelle conduisent à porter un avis nuancé sur ces questions. Le bilan de l’action culturelle de l’établissement doit aussi prendre en compte le dialogue des dirigeants de la Caisse avec les collectivités locales, au travers de l’opération Villes d’Art, et l’action de Jean Salusse qui s’est voulu « homme d’une politique régionale » au travers du soutien aux centres culturels de rencontre.

L’administration au quotidien, études de cas.— Deux exemples illustrent le fonctionnement de l’administration dans les années 1970 : l’étude d’un service, celui des visites-conférences, et d’un groupe de monuments, la Conciergerie et la Sainte-Chapelle à Paris.

Chapitre III
Les châteaux de la Caisse : de la gestion de fait à la constitution d’un patrimoine propre

La Caisse gestionnaire de domaines.— La Caisse nationale des monuments historiques n’a pas été créée à l’origine pour gérer des monuments et il faut sortir du cadre chronologique de notre étude pour que la gestion domaniale de propriétés de l’État entre dans ses attributions statutaires. Pourtant, dès l’origine, outre la perception des droits d’entrée dans les monuments de l’État et la mise à disposition de fonds au ministre, la Caisse s’est vue confier la gestion de certains domaines, dans des conditions propres à chaque cas et souvent contestées par l’administration des Domaines et le ministère des Finances. À la veille de la seconde guerre mondiale, quatre domaines (Lesdiguières à Vizille, Bussy-Rabutin, Castelnau-Bretenoux et Talcy) sont concernés. Cette gestion de fait est abandonnée dans trois cas sur quatre durant le conflit. C’est cependant sous le régime de Vichy qu’apparaissent les premières mentions de projets de donation de châteaux non plus à l’État mais à l’établissement public lui-même, afin qu’il les gère à l’instar de l’Institut de France pour d’autres domaines. Ces projets aboutissent finalement dans les années 1950 à des donations à l’État, avec gestion par la Caisse selon des modalités complexes et peu satisfaisantes, pour les domaines de Merval et de Jossigny.

Les malheurs de Jossigny. — Le cas du château de Jossigny, donation particulièrement complexe, fait l’objet d’une étude détaillée.

La Caisse propriétaire de monuments.— À partir de la fin des années 1960, la Caisse désormais réformée possède en propre plusieurs domaines et se prend à rêver un instant d’un destin de National Trust à la française. À la fin de notre période, en plus de ses diverses attributions en direction d’une petite centaine de monuments de l’État, l’établissement public gère deux domaines et en possède six (Aulteribe, Bouges, La Motte-Tilly, l’hôtel de Lunas à Montpellier, l’abbaye de Beaulieu-en-Rouergue, le château de Gramont). Apparaît ici en filigrane une autre histoire de la Caisse des monuments historiques, vue de ses châteaux.


Conclusion

Depuis la fin des années 1970, un certain nombre de décrets ont modifié les missions et les attributions de la Caisse nationale des monuments historiques et des sites. Ils ont fait de l’actuel Centre des monuments nationaux un établissement public que peu de choses rattachent au porte-monnaie de secours à la disposition de la direction des Beaux-arts qu’était la Caisse dans les années 1920, mais aussi très différent de la Caisse de la fin des années 1970. Cependant l’étude de la mise en place des rouages de l’administration éclaire les évolutions postérieures. Les nombreux particularismes de l’établissement, de l’organigramme aux procédures en passant par l’existence d’un patrimoine propre, ne peuvent se comprendre que par l’accumulation de micro-réformes pendant plus d’un demi-siècle. À la fin des années 1970, la Caisse s’est imposée comme un acteur incontournable de la politique patrimoniale et culturelle en France.


Annexes

Pièces justificatives : large choix de documents d’archives illustrant l’évolution de l’établissement public au long du xx e siècle. — Graphiques et tableaux : étude budgétaire détaillée sous divers angles, liste des dirigeants de l’établissement. — Illustrations : dossier iconographique sur les activités de la Caisse. — Index des noms de personnes et de lieux. — Tables.