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École des chartes » thèses » 2008

« Curieux idolâtres et acheteurs de statues »

Le marché de la sculpture sous la Révolution et l’Empire à Paris


Introduction

L’histoire du marché de l’art a fait l’objet d’un renouveau d’intérêt de la part des historiens de l’art depuis la parution des ouvrages fondateurs de Francis Haskell et Antoine Schnapper consacrés à l’histoire du goût et à l’histoire des « curieux » et des collectionneurs dans la France du xvii e siècle. Le terme de « marché de l’art » recouvre les ventes et les achats d’œuvres d’art à une période donnée et l’on considère que le marché, dans sa définition actuelle, est né au xvii e siècle avant de connaître un essor au xviii e siècle, véritable « âge d’or » des ventes aux enchères. Le concept de « marché », importé de l’économie, permet de s’intéresser non seulement aux collections, mais aussi aux acteurs du marché, les artistes, les collectionneurs et les marchands d’art. Les études les plus récentes concernant le marché de l’art aux xvii e et xviii e siècles ont eu tendance à privilégier le marché de la peinture, et la sculpture, qui occupait pourtant une part importante du commerce parisien de l’époque, est certes évoquée, mais rarement étudiée pour elle-même, mis à part des études portant sur « l’anticomanie » et les collections de sculptures antiques constituées au xviii e siècle. D’autre part, si le marché de l’art a été bien étudié pour les xvii e et xviii e siècles, ainsi que pour la seconde moitié du xix e siècle, la période de transition que constitue l’époque révolutionnaire et impériale est nettement moins connue. Il convenait alors de s’intéresser au marché de la sculpture sous la Révolution et l’Empire, les bornes chronologiques du sujet allant des années 1780 – période d’apogée du commerce parisien sous sa forme d’Ancien Régime – aux années 1820 – période d’essor du commerce de l’art après les mutations de la période révolutionnaire. Le cadre spatial du sujet a été restreint à celui de la capitale, Paris, même s’il a été nécessaire d’évoquer les échanges avec la province et surtout l’étranger, l’importation de sculpture depuis l’Italie étant un des ressorts du commerce parisien durant la période.


Sources

Les sources pour l’étude du marché de la sculpture à Paris sous la Révolution et l’Empire peuvent se diviser en trois catégories : les catalogues de vente, les inventaires après décès conservés au Minutier central des notaires de Paris aux Archives nationales, les archives de la Commission temporaire des arts, conservées aux Archives nationales (série F17). Cependant pour un sujet de cette ampleur, les sources secondaires, les journaux contemporains, les mémoires et la littérature esthétique, n’ont pas non plus été négligées.

Les sources fondamentales pour l’étude du marché de l’art sont des sources imprimées : il s’agit des catalogues de vente, recensés en 1938, pour les ventes ayant eut lieu à Londres, Paris et Amsterdam de 1625 à 1925, par Frits Lugt dans son Répertoire des catalogues de ventes publiques intéressant l’art et la curiosité. Les catalogues, qui ont été partiellement indexés depuis dans deux bases de données, la base Art sale catalogues– son accès est payant et son contenu reprend celui du Répertoire de Frits Lugt – et la base réalisée par l’Institut de recherche du Musée Getty de Los Angeles, sont conservés en plusieurs exemplaires dans les bibliothèque européennes et américaines. À Paris, les bibliothèques qui possèdent les plus importantes collections de catalogues de vente sont la Bibliothèque d’art et d’archéologie Jacques Doucet et la Bibliothèque nationale de France et c’est donc à partir du fonds de ces deux institutions qu’a été effectué l’essentiel des recherches. De 1789 à 1815, le Répertoire de Frits Lugt recense 4 418 ventes ayant eu lieu soit à Paris, Amsterdam ou Londres. Sur ces 4 418 ventes, 130 ont eu lieu à Paris et comportent des sculptures, soit environ 3 % du total des ventes au cours de la période. Les 130 catalogues n’ont pas tous été pris en compte, des dépouillements exhaustifs n’ayant été effectué que pour les années 1788-1810. Pour la fin de l’Ancien Régime et les premières années du xix e siècle, la méthode de recherche adoptée a été le sondage, en fonction du renom du propriétaire de la collection.

Les archives notariales ont été également consultées, comme complément à l’étude des catalogues de vente. L’idée qui a servi de fil conducteur à cette recherche était de retrouver l’inventaire après décès de collectionneurs ayant mis en vente une collection de sculpture importante au cours de la période étudiée. Dans le meilleur des cas, les inventaires après décès permettent également de connaître le contenu de collections de sculpture restées à l’écart du circuit économique, des collections sans doute constituées par commande directe auprès des artistes contemporains ou par des transactions privées et difficiles à aborder autrement.

Pour la période révolutionnaire et impériale, il était nécessaire de compléter ces sources par la consultation des archives du ministère de l’Instruction publique, conservées dans la série F17 des Archives nationales, qui contiennent les archives de la Commission des Monuments et de la Commission temporaire des Arts, chargées de l’inventaire des collections d’émigrés nationalisées à la Révolution. Ces inventaires, ainsi que le registre de réception des objets d’art transférés au dépôt de Nesle de 1794 et 1797 permettent d’étudier les transferts de sculpture opérés à la Révolution et de savoir quelles furent, parmi les sculptures issues des collections d’Ancien Régime, celles qui furent réservées pour le Muséum et celles qui furent vendues aux enchères sur le marché de l’art parisien.


Première partie
Le marché de la sculpture à Paris à la veille de la Révolution


Chapitre premier
Les ventes de sculpture en 1788 et 1789

La capitale à la fin du xviii e siècle connaît un essor sans précédent du commerce de l’art. Les ventes aux enchères constituent un des événements les plus courus de la vie parisienne et sont fréquentées par les marchands, les amateurs d’art et les « curieux » qui, à l’instar du dessinateur Gabriel de Saint-Aubin, observent le spectacle que leur offrent les salles de vente. Gabriel de Saint-Aubin notait ainsi en marge d’un des catalogues qu’il a illustré : « les Ventes sont pour moy une comédie, ou chaque acteur joüe naïvement son rolle ». L’étude des catalogues de vente pour les années 1788 et 1789 permet de donner un aperçu du marché de la sculpture à la veille de la Révolution. La part de la sculpture dans les ventes aux enchères est inférieure à celle de la peinture : entre 1780 et 1789, 43 % des ventes parisiennes comportaient des sculptures. La part de la sculpture est également inférieure à celle de la peinture au sein d’une collection, puisque, en se fondant sur l’étude des catalogues des années 1788 et 1789, la sculpture représente environ 6 % du total de la collection, ce qui faisait une moyenne de onze statues par amateur. Les catalogues permettent de connaître avec précision le contenu des ventes de sculpture : les marchands, pour chaque œuvre, mentionnaient le sujet, l’auteur, quand il est connu, les dimensions et les matériaux, parfois le prix et l’acheteur quand l’exemplaire a été annoté de la main de son propriétaire. À la veille de la Révolution, les ventes de sculpture sont constituées en majeure partie par des œuvres anonymes (48 %) et des copies d’après l’Antique (35 %). Les sculptures « modernes » et attribuées constituent la minorité des ventes, et les sculptures réalisées avant le xviii e siècle sont très rares sur le marché, hormis les œuvres de Jean de Bologne et de François Flamand, dit Le Quesnoy. Pour le xviii e siècle, les noms de Clodion et de ses élèves, Louis-Félix Delarue et Félix Lecomte, et de Jean-Baptiste Pigalle sont les plus souvent cités.

Chapitre II
Les marchands d’art et la sculpture

Le second chapitre s’intéresse aux marchands d’art, les principaux acteurs du marché, intermédiaires entre les œuvres et les collectionneurs, et à la façon dont ils considèrent la sculpture. À la veille de la Révolution, trois personnalités dominent le marché de l’art parisien : Jean-Baptiste-Pierre Lebrun, Alexandre-Joseph Paillet et François-Léandre Regnault-Delalande, qui débute alors en tant qu’associé du marchand Pierre Rémy. Ces hommes sont peintres de formation et s’intitulent « marchands de tableaux » ou « marchands de tous objets curieux », mais jamais « marchands de sculpture ». La sculpture est classée par eux parmi les « objets de curiosité » et est destinée à ornementer la collection de tableaux. La « fonction décorative » des sculpture est utilisée par les marchands de tableaux comme un argument publicitaire. Les marchands d’estampes, les Joullain, Pierre-François Basan, et les marchands-merciers, tels les Julliot père et fils, sont également amenés à vendre des sculptures, notamment des bronzes et des objets précieux. Les lieux de vente sont situés principalement sur la rive droite : les salles de vente, l’hôtel de Bullion, où est installé Alexandre-Joseph Paillet, et la salle de la rue de Cléry, édifiée par Jean-Baptiste-Pierre Lebrun, abritent les ventes aux enchères, tandis que les marchands merciers tiennent boutiques autour de la rue Saint-Honoré. La sculpture cependant se vend également rive gauche, rue Saint-Jacques, où est établi François-Léandre Regnault-Delalande et où se trouvent les boutiques des marbriers.

Chapitre III
Les « amateurs » de sculpture

L’amateur, selon Furetière, c’est celui qui a du goût pour une chose, la musique, les Beaux-arts ou les « nouveautés ». Au xviii e siècle, le terme d’amateur est utilisé dans les catalogues de vente pour désigner les collectionneurs, susceptibles d’acheter des œuvres. Ces amateurs, dont le nombre s’est considérablement accru dans la capitale, à la faveur de l’essor du commerce parisien, portent un vif intérêt à l’art statuaire : Louis-Sébastien Mercier, dès les premières pages du Tableau de Paris, évoque ainsi les « curieux idolâtres acheteurs de statues ». Certains amateurs, issus du milieu de la noblesse de Cour ou du milieu des financiers, s’intéressent à la sculpture, considérée comme un signe de luxe et de prestige. Ces amateurs exposaient leurs statues, en marbre et en bronze, dans la galerie de leur hôtel particulier et dans les pièces d’apparat, comme l’indique la description donnée par Luc-Vincent Thiéry dans son Guide des amateurs paru en 1786 de l’intérieur de l’hôtel du duc de Brissac. Parmi les amateurs de sculpture les plus important de la capitale à la fin de l’Ancien Régime, il faut mentionner le duc de Brissac et le comte d’Orsay dont la collection de sculpture comptait près de deux cents statues, des copies d’après l’antique en majorité, mais aussi quelques sculptures modernes rapportées d’Italie ou commandées à des sculpteurs français et italiens tels Clodion, François-Nicolas Delaistre ou Luigi Valadier. Les collections de sculpture avaient également vocation à instruire : certains catalogues de vente révèlent ainsi l’existence de « collections érudites », réunissant des sculptures rassemblées, non pour leur prix, mais pour le témoignage qu’elles apportaient sur les civilisations du passé. Le comte de Caylus le premier a rassemblé une collection d’antiquités, et à sa suite plusieurs érudits s’intéressèrent aux sculptures des civilisations grecques, étrusques et romaines, ainsi qu’aux antiquités nationales et même, de façon exceptionnelle, aux sculptures « gothiques ».


Deuxième partie
Le marché révolutionnaire


Chapitre premier
Le vandalisme révolutionnaire : des sculptures détachées de leur contexte

L’événement le plus important de la Révolution fut, dans le domaine économique, la vente des biens nationaux. L’objet des deux premiers chapitres est de montrer comment le marché de la sculpture à Paris a été influencé par les nationalisations d’œuvres d’art opérées à l’époque révolutionnaire. Le premier chapitre se consacre à l’étude de la destinée des sculptures provenant des édifices religieux de la capitale. Lorsque l’Assemblée constituante prend la décision, à la fin de l’année 1790, de nationaliser les biens du clergé, les sculptures qu’abritent les églises et les couvents de la capitale sont menacées par des « vandales », dont les motivations sont anti-monarchiques et économiques. Pour endiguer le vandalisme, le gouvernement révolutionnaire nomme une Commission, la Commission des monuments, composée de peintres et de sculpteurs tels Augustin Pajou, Louis-Simon Boizot ou Louis-Philippe Mouchy, chargés d’inventorier les sculptures provenant des édifices religieux parisiens et de les transférer au dépôt des Petits-Augustins, confié à la garde d’Alexandre Lenoir. Les sculptures transférées au dépôt des Petits-Augustins, connues par les inventaires rédigés par Lenoir, sont composées en majorité d’œuvres de sculpteurs français de la Renaissance et du xvii e siècle et les nationalisations contribuent ainsi à faire connaître la statuaire française de l’époque moderne, illustrée par les noms de Jean Goujon, Germain Pilon, des frères Anguier ou de Girardon. Parmi ces sculptures, toutes ne sont pas jugées dignes du « Muséum » qui vient, en 1793, d’ouvrir ses portes. Les œuvres « médiocres » sont vendues aux enchères au dépôt des Petits-Augustins et passent sur le marché de l’art parisien.

Chapitre II
Les sculptures provenant des collections d’émigrés

Les sculptures provenant des collections d’émigrés et de condamnés connaissent sous la Révolution un sort identique à celui des sculptures issues des édifices religieux. À partir de 1792, les biens des émigrés sont mis sous séquestre et la Commission temporaire des arts remplaça la Commission des monuments dans la tâche d’inventorier et de transférer au dépôt de Nesle, situé rue de Beaune, les objets d’art appartenant aux émigrés. La connaissance des transferts d’œuvres est facilitée par l’existence du registre de réception des œuvres d’art mises en dépôt rue de Beaune. Les inventaires, réalisés par le marchand Jean-Baptiste-Pierre Lebrun, contiennent la description précise des collections d’émigrés, ainsi que la nouvelle destination affectée aux œuvres, soit réservées pour le Muséum, les ministères ou les écoles, soit vendues aux enchères. Les sculptures provenant des collections d’émigrés sont constituées en majeure partie par des copies d’après l’antique et de sculptures du xviii e siècle. Les inventaires révolutionnaires renseignent ainsi sur le contenu des collections de sculpture parisienne de la fin de l’Ancien Régime, tout en montrant comment ces sculptures correspondant au goût des élites de la fin du xviii e siècle sont réutilisées par les révolutionnaires à des fins patriotiques et commerciales. Comme pour la sculpture religieuse, les statues des émigrés jugées médiocres sont revendues à des particuliers, telle Anne Vallayer-Coster, peintre de nature morte, ou cédées aux marchands d’art parisiens, tels Lebrun ou Denor en guise de paiement.

Chapitre III
Marchands et amateurs de sculpture à l’époque révolutionnaire

Dans ce chapitre, les deux types de marché, celui de la sculpture ancienne et celui de la sculpture contemporaine, sont envisagés. Dans le domaine de la sculpture ancienne, le marché, loin « d’agoniser » pour reprendre le terme d’un des premiers historiens du « commerce de la curiosité », Edmond Bonnaffé, se maintient au cours de la Révolution : la diminution du nombre des ventes cataloguées ne signifie pas que le nombre des ventes diminuent dans la capitale, mais plutôt que les marchands n’ont plus le temps de rédiger des catalogues. Les marchands d’art, Lebrun, Paillet, Regnault, s’adaptent aux événements révolutionnaires et, pour compenser la perte de leur clientèle noble partie en émigration, organisent des ventes composées de leur propre fonds de commerce. Le contenu des ventes de sculpture évolue peu : les sculptures vendues aux enchères sont en majorité des copies d’après l’antique, tandis que la sculpture contemporaine n’est quasiment pas représentée sur le marché. La sculpture contemporaine dépend en effet avant tout des commandes publiques et privées. En dépit du discours révolutionnaire, qui voudrait que les arts « cessent de mendier l’appui des Grands seigneurs », selon l’expression d’André Chénier, les commandes officielles et les concours ne suffisent pas à faire vivre les sculpteurs qui ont besoin du soutien des commanditaires privés. La commande privée évolue à l’époque révolutionnaire : des sociétés se constituent, telle la Société des jeux gymniques, installée dans l’ancien hôtel d’Orsay, dont le but est d’acheter des œuvres aux peintres et sculpteurs contemporains.


Troisième partie
Antiquités et curiosités
Ventes et collections de sculpture sous le Consulat et l’Empire


Chapitre premier
Les ventes de sculpture à l’époque impériale

Le marché de la sculpture à l’époque du Consulat et de l’Empire est constitué par deux types de commerce, le marché des ventes aux enchères d’une part, le commerce des marchands de curiosités de l’autre. Les marchands d’art parisiens les plus renommés, Lebrun, Paillet, Regnault, bientôt remplacés par une nouvelle génération d’experts, beaucoup moins connue, tels Guillaume-Jean Constantin, Jean-Louis Laneuville ou Thomas Henry, se tournent de plus en plus vers le commerce international. Les échanges entre la France, l’Angleterre, la Hollande et l’Italie se multiplient, mais les sculptures ne font quasiment pas l’objet de ces échanges, étant donné les problèmes de transport qu’elles posent. L’Italie est le seul pays où marchands et collectionneurs français peuvent se procurer des sculptures antiques ou des statues de la Renaissance, mais ces exportations sont très réglementées. Ce désintérêt des négociants de tableaux à l’égard de la sculpture se marque par la diminution, entre 1800 et 1810, du nombre des ventes aux enchères comprenant des sculptures : pour la fin du xviii e siècle, 18,6 ventes cataloguées en moyenne comprennent des sculptures, alors que pour les années 1800-1810, 8 ventes cataloguées en moyenne comportant des sculptures. Ce sont les marchands de curiosités ou les « antiquaires », si bien décrits par Balzac, qui font commerce de la sculpture ancienne dans le Paris de l’époque impériale, et leur activité connaît à cette époque un essor. Le contenu de leur « fonds de marchandises » connu par certains catalogues, montre que les amateurs recherchent les sculptures « égyptiennes » et les sculptures du Moyen Âge et de la Renaissance.

Chapitre II
La sculpture contemporaine et les commandes officielles

Le marché de la sculpture contemporaine demeure très peu développé à cette période, comme à la fin de l’Ancien Régime et sous la Révolution. Les sculpteurs contemporains dépendent avant tout des commandes officielles qui sont nombreuses sous l’Empire. Dans l’esprit de l’empereur, les embellissements de Paris doivent, selon un mot du directeur du Musée Napoléon, Dominique Vivant-Denon, « alimenter la sculpture pour vingt ans ». L’exemple du sculpteur Philippe-Laurent Roland (1730-1809), dont les commandes sont bien connues grâce à ses papiers et à ses comptes qui ont été conservés, montre combien les sculpteurs sont occupés à cette période par les commandes publiques, émanant de l’empereur ou des institutions telles que le Sénat, l’Institut, le Corps législatif ou le Musée Napoléon. L’empereur et sa famille, les Napoléonides, font preuve d’un goût marqué pour l’art statuaire de leur temps et en particulier pour la sculpture d’Antonio Canova, qu’ils contribuent à faire connaître en France.

Chapitre III
Amateurs et collectionneurs de sculpture à l’époque impériale

Le dernier chapitre est consacré à l’étude de personnalités d’amateurs de sculpture à l’époque impériale. L’auteur d’un guide destiné aux visiteurs de la capitale, paru en 1816, Pierre-Marie Gault de Saint-Germain, fait la distinction entre deux types d’amateurs, ceux qui collectionnent les « ouvrages des artistes vivants » et ceux qui s’intéressent à l’art ancien. Cette distinction s’applique aux collections de sculpture. D’un côté des amateurs ont la possibilité de se constituer des collections de sculpture d’une ampleur et d’une qualité sans précédent, de par la position influente qu’ils occupent auprès du pouvoir. C’est le cas du cardinal Fesch, collectionneur d’antique, ou de Vivant Denon, dont l’intérêt est davantage tourné vers les sculptures venant d’Orient ou d’Asie et les sculptures de l’époque médiévale et moderne. Certains amateurs font au contraire preuve d’un intérêt prononcé en faveur de la sculpture contemporaine. Ils sont moins connus et ont été « redécouverts » récemment. Deux exemples ont été retenus, celui de Giovanni Battista Sommariva, amateur italien ayant fait fortune en adoptant la cause française, qui expose dans son hôtel parisien des sculptures néo-classiques de Canova et de Thorvaldsen, mais aussi de Joseph Chinard, et celui du maréchal Laurent de Gouvion Saint-Cyr, dont l’inventaire après décès permet de connaître la collection, jamais passée en vente publique, qui comprend des œuvres de Joseph-Charles Marin et des copies en marbre d’après l’antique. Les amateurs de sculpture français installés en Italie, tel Lucien Bonaparte, sont également évoqués.


Conclusion

L’étude du marché de la sculpture sous la Révolution et l’Empire à Paris permet de mettre en évidence l’évolution du goût des amateurs de sculpture entre 1780 et 1820. Alors qu’au début du xviii e siècle, ce sont les sculptures d’après l’antique qui se trouvent en majorité sur le marché, la Révolution, en mettant en vente des sculptures provenant des édifices religieux nationalisés et des collections d’émigrés, éveille l’intérêt des amateurs à l’égard de la statuaire du Moyen Âge et de la Renaissance. L’essor de l’histoire de l’art à cette période amène les marchands d’art et les amateurs à accorder une plus grande importance à l’authenticité des sculptures, ce qui permet la constitution de collections de sculptures antiques exceptionnelles, telle celle du cardinal Fesch, l’oncle de Napoléon. Des personnalités d’amateurs de sculpture ont été « redécouvertes » à la faveur de l’étude du marché : celle du comte d’Orsay, collectionneur de sculptures antiques, celle du marchand Jean-Baptiste-Pierre Lebrun, collectionneur d’antiquités égyptiennes et étrusques, celle du maréchal Gouvion Saint-Cyr, amateur de sculpture contemporaine. Ces « redécouvertes » pourraient être poursuivies : les collections de sculpture mériteraient d’être abordées sous l’angle monographique, et l’étude du marché de la sculpture, pour être cohérente, mériterait d’être menée jusqu’aux années 1820-1840, date de la dispersion sur le marché des collections de l’époque impériale.


Annexes

Inventaires de collections de sculpture : la collection du comte d’Orsay (1794), la collection du maréchal de Gouvion Saint-Cyr (1830). — Répertoire des catalogues de vente consultés. — Graphiques. — Illustrations.