« »
École des chartes » thèses » 2008

La place du manuscrit Plut. 32 sin. IV de la Biblioteca Medicea Laurenziana dans la tradition du De Sanctis de Jacques de Voragine


Introduction

Lors des travaux préparatoires pour une édition des sermons De Sanctis du religieux dominicain Jacques de Voragine, M. Paolo Maggioni a remarqué un manuscrit qui, tout en portant le même titre, contenait un texte sensiblement différent et plus long (deux gros volumes). Il a rapproché cette découverte d’une mention portée par cet auteur dans sa Chronique de Gênes par laquelle il indiquerait avoir composé deux versions du De  Sanctis, dont une « multum diffusum ». Le manuscrit en question, conservé à la bibliothèque Laurenziana de Florence sous les cotes Plut. 32 sin. ivet v(F) peut-il être un témoin d’une seconde tradition « plus développée » oubliée ? Est-il vraiment de Jacques de Voragine et, si oui, comment et pourquoi a-t-il été composé ? Date-t-il d’avant la version principale – représentée par le manuscrit P, qui aurait alors été composé en raccourcissant notre version – ou a-t-il été écrit après ? Toutes ces questions sont fondamentales pour la connaissance du De Sanctis et, plus largement, de la composition des recueils de sermons au xiii e siècle. Pour mieux y répondre, nous limitons notre étude au premier des deux volumes qui couvre la moitié de l’année liturgique.


Sources et bibliographie

Nous donnons en préambule la liste des sources qui ont servi à notre étude en commençant par les textes de Jacques de Voragine, manuscrits et édités. On trouvera ensuite la liste des textes cités par l’auteur dans les sermons du Ms. Plut. 32 sin. ivque nous avons édités.


Première partie
Le manuscrit


Dans la première partie de notre commentaire, nous nous intéressons au manuscrit de Florence dans son ensemble : le codex en lui-même, mais aussi le texte qu’il contient de façon globale.

Chapitre premier
Analyse codicologique

Le codex Plut. 32 sin. ivde la bibliothèque Laurenziana est un manuscrit en parchemin de la fin du xiv e siècle ; il provient du couvent franciscain de Santa Croce, à Florence. Il est composé de 342 feuillets écrits en deux colonnes. Quelques rehauts de rouge et de bleus ainsi que des pieds de mouche constituent à peu près tout son ornement. L’orthographe et l’écriture témoignent tous deux de son origine péninsulaire : on remarque en effet quelques italianismes. Leur qualité dépend du scribe – on en distingue facilement plusieurs au fil du texte – qui a copié le passage. Plusieurs éléments extérieurs confirment la datation : ce manuscrit apparaît dans l’inventaire de la bibliothèque du couvent dressé en 1430 ; des annotations marginales et la table des matières, ajoutées après la copie, sont attribuables au frère Thedaldus de Casa, religieux de Santa Croce connu pour avoir copié ou fait copier de nombreux manuscrits. Il a résidé au couvent de Florence autour de 1380, qui doit être approximativement la date de composition de notre manuscrit.

Chapitre II
Comment rapprocher le texte florentin du De Sanctis ?

La première caractéristique de ce témoin par rapport à la tradition principale est sa longueur bien supérieure. Pourtant, il contient moins de sermons, mais ils sont toujours plus longs. Il est aussi construit différemment : certaines fêtes ne sont pas placées au même endroit, d’autres ont été omises. Dans chaque cas, une explication différente peut être avancée. Malgré cela, la parenté avec la version courte est évidente : tous deux ont beaucoup de  thema et de plans de sermons en commun. S’il existe des sermons absolument originaux dans les deux traditions, la plupart reprennent des éléments de l’autre version, mais pas toujours au sein du sermon correspondant. D’autre part, il semble que le manuscrit de Florence ne soit pas le seul témoin restant de la version longue : grâce aux incipit, nous en avons identifié d’autres, plus ou moins lacunaires, dans des bibliothèques de l’est et du nord de l’Europe.


Deuxième partie
Analyse des sermons


Le seul moyen de répondre précisément aux questions posées en introduction est de procéder à une étude détaillée des sermons eux-mêmes : c’est l’objet de cette seconde partie.

Chapitre premier
De qui est ce recueil ?

Avant toute chose, il convient de vérifier que ces sermons peuvent bien être attribués à Jacques de Voragine. Pour cela, il faut les comparer non seulement avec la tradition établie du De Sanctis, mais aussi avec les autres œuvres du même auteur. Des indices au sein du texte établissent sans ambiguïté que l’auteur est dominicain. La méthode de travail, les sources employées, communes avec la Légende dorée, et la construction des sermons sont en tous points semblables à celles de la version courte. Concernant le style, même si celui de Jacques de Voragine est assez difficile à caractériser, on retrouve aussi des traits communs : des phrases claires, parfois lourdes, avec beaucoup de mots de liaison ; quelques figures de style, jeux de répétition notamment. Ce style est homogène dans tous les sermons. De façon générale, on peut facilement établir des points communs avec plusieurs autres recueils de sermons du même auteur. On peut donc lui attribuer ce texte et y voir la version longue annoncée par la Chronique de Gênes.

Chapitre II
La place des sermons De Sanctis dans la production de Jacques de Voragine

Actuellement, on ne sait pas dater précisément tous les textes de Jacques de Voragine. Sa première œuvre, la Légende dorée, a été rédigée en deux versions (1260 et après 1272) ; à l’opposé, le Liber Marialis et la Chronique de Gênes datent des années 1290, peu avant sa mort. Entre les deux, la place des Sermones de Sanctis et festivis, Sermones de Tempore, Sermones Quadragesimales, n’est pas connue (ils ont peut-être été composés dans cet ordre). Concernant le De Sanctis, l’analyse des manuscrits, du style et de la construction permet de formuler une hypothèse : il semble bien que la version longue soit postérieure à la tradition principale et qu’il s’agisse d’une «  dilatatio ».  De rares incohérences dans la construction de F confirment cette conclusion et indiquent qu’il a été construit à partir de P (BnF, ms lat. 15949) et non l’inverse. En outre, la version longue semble plus proche du Liber Marialis que P. Mais dans l’état actuel des recherches, il est difficile de se prononcer plus précisément.

Chapitre III
La construction de cette version par rapport à P

La question de la construction du recueil long ne peut trouver de réponse par la seule étude du témoin F. L’analyse d’un témoin N (Nürnberg, Stadtbibliothek, Ms Cent. II, 53), encore plus long que F malgré de larges lacunes, est indispensable. En effet, si l’on se fie uniquement à F, il semble que Jacques de Voragine ait écarté certains sermons et certaines idées présents dans P. Mais cette impression est remise en cause par N dans lequel, pour autant qu’on puisse en juger, tous les sermons de P sont repris. Certains sermons de F sont manifestement des réécritures de P : l’auteur y a ajouté des annonces de plan, des transitions, des citations mais aussi des sous-parties entières et des commentaires. On trouve aussi dans F des sermons entièrement nouveaux, qui ne reprennent aucun élément de P.

Chapitre IV
La destination de cette version longue

Pourquoi Jacques de Voragine a-t-il composé une version longue de ses sermons De Sanctis ? Est-ce simplement pour y ajouter le fruit de ses nouvelles recherches, ou avait-il un but précis ? Quelques caractéristiques de la version longue émergent dans F. Elle semble moins hagiographique, car elle s’attarde moins sur les faits et gestes merveilleux des saints, mais s’en sert pour instruire l’auditoire, l’impliquer davantage. Plus globalement, on détecte le souci de rejoindre davantage les laïcs, d’ancrer son propos dans la vie courante, par exemple en utilisant des dictons ou des images du quotidien. D’autres sermons concernent un auditoire de religieux, tout spécialement les prélats et les prédicateurs. Enfin, la version longue semble plus savante, plus érudite : Jacques de Voragine la concevait peut-être aussi comme une sorte de somme de connaissances dans tous les domaines de la religion (théologie, hagiographie, morale, spiritualité…).


Édition partielle

Édition de sermons sélectionnés dans le manuscrit F. Ils sont précédés du plan détaillé de l’exposé et, pour les plus significatifs, d’une comparaison synoptique avec le sermon parent dans la tradition courte du De Sanctis.


Annexes

Tables des matières du De Sanctis dans les manuscrits de Florence et de Nuremberg et dans la version courte. — Illustrations tirées du manuscrit F. — Index des sources citées.