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École des chartes » thèses » 2009

Recueil des chartes de l’abbaye Sainte-Geneviève de Paris ([996-1016]-1200)


Première partie
L’abbaye Sainte-Geneviève de Paris
et son chartrier ([996-1016]-1200)


Sainte-Geneviève de Paris est l’une des plus vieilles et prestigieuses abbayes de la capitale. Située au cœur du quartier latin, elle est intimement liée à la vie de la ville, dont l’histoire ne pourrait se faire sans prendre en compte celle de cet établissement. Malgré l’importance du sujet, les études générales consacrées à l’abbaye Sainte-Geneviève au Moyen Âge sont assez anciennes et souvent dépassées ; seuls des aspects spécifiques ont été éclairés par des travaux récents. La plus grande lacune, en matière de publications, touche cependant aux sources, puisque aucune édition de quelque ampleur n’a été exclusivement dédiée à Sainte-Geneviève.

Rappel historique.— Au début du vi e siècle, le roi Clovis et la reine Clotilde initient la construction d’une basilique sur le tombeau de sainte Geneviève, et eux-mêmes y trouvent plus tard leur sépulture avec quelques autres membres de la famille royale mérovingienne. La dédicace de l’église fluctue au cours des siècles et ce n’est que vers la fin du xii e siècle que le vocable de Sainte-Geneviève parvient à s’imposer. Des origines de la communauté monastique qui s’installe assez rapidement auprès de la basilique, peu de choses sont connues. L’abbaye souffre des incursions normandes du ix e siècle : les moines doivent fuir à plusieurs reprises avec les reliques de la sainte, qui produisent des miracles sur leur passage, et l’abbaye est incendiée par les Normands. Dès le début du xi e siècle en tout cas, date du premier diplôme royal conservé en sa faveur, l’abbaye, qui abrite désormais des chanoines séculiers, bénéficie de la protection royale, ce qui lui vaut de nombreux avantages, particulièrement visibles à l’époque du doyen Étienne de Garlande, familier de Louis VI. Les papes, auxquels Sainte-Geneviève, en tant qu’abbaye exempte, est directement soumise, ne cessent également de manifester leur attention et intérêt pour cet établissement, comme le prouvent les nombreux actes pontificaux qui lui sont destinés. àla suite du miracle des ardents de 1129, les pouvoirs attribués à sainte Geneviève gagnent encore en ampleur et la châsse qui conserve ses reliques est souvent menée à travers Paris pour préserver ses habitants de dangers et de catastrophes naturelles. En 1148, l’abbaye est réformée par les soins du pape Eugène III, du roi Louis VII et de Suger, qui y installent les chanoines réguliers de Saint-Victor. L’abbatiat d’Étienne de Tournai (1176-1192) est une période particulièrement faste pour l’abbaye. Deux grands procès marquent la fin du xii e siècle et le début du siècle suivant : celui avec l’évêque de Paris au sujet de la juridiction sur la paroisse du Mont, et celui avec les serfs de Rosny-sous-Bois qui remettent en question leur condition servile, signe avant-coureur du mouvement d’affranchissement des serfs de l’abbaye au milieu du xiii e siècle. Peu d’événements spectaculaires sont à signaler pour les derniers siècles du Moyen Âge, mais le prestige de l’abbaye se maintient. àl’époque moderne, il faut surtout évoquer la réforme mise en œuvre par le cardinal François de la Rochefoucauld, qui vaut à l’abbaye de devenir la maison-mère de la Congrégation de France. La Révolution française met un terme au fonctionnement de l’abbaye.

Les chartes et leur tradition. — Les cent neuf actes édités pour la période [996-1016]-1200 existent actuellement sous plusieurs formes. Dans le meilleur des cas, ils ont traversé les siècles sans trop de dommages et sont parvenus jusqu’à nous en original. Il en est ainsi pour un peu moins de la moitié des documents du corpus ; ces originaux sont conservés de nos jours dans les séries K, L et S des Archives nationales. Au dos des originaux, et parfois aussi sur leur face avant, se trouvent des annotations variées, médiévales et modernes, effacées ou intactes, en latin ou en français. Ces mentions sont surtout intéressantes pour l’histoire du chartrier, puisqu’elles constituent des indices des traitements archivistiques dont ont bénéficié les chartes et de leur classement matériel et intellectuel. Toutefois, elles sont souvent difficilement lisibles et de datation incertaine ; les interprétations quant à leur sens exact peuvent faire totalement défaut ou se limiter à des hypothèses. De plus, aucun inventaire médiéval d’archives, qui pourrait fournir des clés de compréhension, n’existe plus pour Sainte-Geneviève. Il n’y a donc pas assez d’éléments certains sur lesquels l’on pourrait s’appuyer pour esquisser les grandes lignes de l’histoire archivistique du chartrier et des différentes campagnes d’annotation. En revanche, il est possible de dresser la liste des annotations les plus fréquentes (chiffres romains, analyses médiévales, lettre R, simul, chiffre du folio du cartulaire, chiffre de l’inventaire du xvii e siècle, « cotté… », analyses brèves de l’époque moderne, longues analyses du xviii e siècle) et d’en donner les caractéristiques principales.

Ce ne sont cependant pas les originaux qui constituent la source primordiale de l’édition, mais le seul cartulaire médiéval de l’abbaye encore conservé (Bibliothèque Sainte-Geneviève, ms. 356) ; par exemple, le texte de la quasi-totalité des bulles des papes antérieures à 1200 n’est connu que grâce au cartulaire. De plus, ce manuscrit semble être presque exhaustif pour les chartes antérieures à 1200. Très peu de chartes du corpus de l’édition ne comportent pas de copie dans le cartulaire. Ce dernier, ouvrage volumineux de plus de deux cents feuillets de parchemin et soigné dans sa réalisation graphique, bien que peu orné, est composé de trois sections principales qui ont été écrites par plusieurs mains, vraisemblablement au milieu du xiii e siècle pour le noyau central (p. 1-292) et entre le milieu et la fin du xiii e siècle pour les deux autres sections principales (p. 293-336 et 337-379) ; diverses additions et tables, tant du Moyen Âge que de l’époque moderne, viennent s’ajouter à ces trois parties principales. Le classement des actes n’est pas chronologique ni même strictement thématique ou hiérarchique, mais l’on remarque quelquefois des regroupements, par exemple par auteur, affaire ou lieu (bulles des papes, actes royaux ou épiscopaux, procès des serfs de Rosny-sous-Bois…). La qualité des copies dans le cartulaire semble être assez bonne. Le soin des copistes a parfois été poussé jusqu’à une imitation des caractères externes des chartes ( rota, monogramme royal, caractères allongés…), qui, sans être forcément exacte, est néanmoins très suggestive. Dans les marges figurent assez fréquemment des annotations, portées à des dates variables par diverses mains. Une catégorie d’annotations marginales est particulièrement intéressante, parce qu’elle semble comporter des références archivistiques. Elle est peut-être le fait de plusieurs mains, mais est en tout cas ancienne, vraisemblablement aussi du xiii e siècle, du moins pour partie. Cette catégorie se présente sous huit formes différentes pour les actes antérieurs à 1200 : in scrinio pape, r[egum], ep[iscoporum], ab, ba et no, ca, no– tous suivis de chiffres romains – et enfin des chiffres romains isolés ; la  comparaison avec les mentions dorsales des originaux n’a pas révélé des parallèles assez certains.

Un inventaire détaillé en cinq volumes du xvii e siècle (Archives nationales, LL 1445, S *1622 à S *1625) livre des éléments de connaissance supplémentaires sur le chartrier avant le démembrement du fonds à la Révolution. Ces cinq registres sont consacrés respectivement à l’abbaye en général, aux possessions à Paris et dans les faubourgs de Paris, ainsi qu’aux possessions extérieures qui occupent deux volumes. À l’intérieur des registres, l’organisation se fait par catégories thématiques – « hommes de corps », « bulles des papes »… pour LL 1445, noms de rues ou de lieux pour S *1622-1625 – elles-mêmes plus finement subdivisées grâce à l’ajout de précisions (« primordiaux », « donations », « fondations »…). L’ordre des actes analysés à l’intérieur de ces subdivisions est grossièrement chronologique. Les cinq volumes se ressemblent aussi par leur mise en page et par la forme de leurs analyses françaises : numéros rouges précédant les analyses – ces chiffres se retrouvent aussi au dos des originaux –, titres courants, date à la fin de chaque analyse… Environ deux tiers des documents édités sont analysés dans l’inventaire et presque tous les documents originaux actuellement conservés y figurent. Ces chiffres, compte tenu des pertes qui sont certainement survenues dans les siècles précédant la rédaction de l’inventaire, de même que l’organisation globale des cinq registres, laissent à penser que ce dernier donne une bonne vue d’ensemble du contenu du chartrier au xvii e siècle.

Plusieurs observations peuvent être faites sur les cent neuf chartes antérieures à la fin du xii e siècle qui forment le corpus édité. Le meilleur témoin de ces cent neuf textes est constitué dans quarante-six cas par un ou plusieurs originaux, dans cinquante-neuf cas par une ou plusieurs copies dans le cartulaire et dans deux autres seulement par des copies modernes ; enfin, deux actes ne nous sont parvenus que par l’intermédiaire d’analyses de l’inventaire. À cet ensemble s’ajoutent peut-être deux chartes connues exclusivement par des mentions dans d’autres chartes, mais dont l’existence n’est pas prouvée, raison pour laquelle elles n’ont pas été incluses dans le corpus. À supposer que l’inventaire reflète sans trop de distorsions l’état du chartrier médiéval au xvii e siècle, tout comme le cartulaire celui du xiii e siècle, et en comparant ces états au nombre d’originaux encore conservés, on peut prudemment avancer qu’il pourrait y avoir eu environ 60 % de pertes entre la fin du xiii e siècle et le début du xix e siècle, réparties en environ 35 % pour la période allant du xiii e au xvii e siècle et environ 25 % pour la période entre le xvii e et le début du xix e siècle. Toutes les chartes sont rédigées en latin. Quant à la tradition écrite, elle commence tardivement à Sainte-Geneviève, au tournant du x e et du xi e siècles, alors que la fondation de la basilique est intervenue cinq siècles plus tôt. Ce sont essentiellement pour les trois dernières décennies du xii e siècle que l’on conserve le plus de documents. La majorité des chartes ont comme auteur des ecclésiastiques, à l’exclusion du pape et des évêques ; les auteurs les plus fréquents sont ensuite les papes, puis les évêques et les rois, et enfin les comtes et seigneurs. Les ecclésiastiques de divers rang l’emportent donc, puisque 70 % des chartes sont intitulées en leur nom, contre 30 % qui sont dues à des laïcs. En revanche, le découpage par tranches chronologiques de cinquante ans montre la prédominance des chartes royales pour les cent cinquante premières années de l’histoire de la tradition écrite de Sainte-Geneviève. L’immense majorité des chartes font référence à des possessions extérieures à Paris ; les chartes concernant Paris sont peu nombreuses jusqu’à la fin du xii e siècle.


Deuxième partie
Édition et catalogues


Méthode de travail et constitution du corpus . —À la Révolution française, les archives de l’abbaye Sainte-Geneviève ont été saisies et transférées aux Archives nationales, où le fonds de l’abbaye a été réparti dans différentes séries du cadre de classement : il s’agit, pour les chartes médiévales, des séries K, L et S. Pour reconstituer le chartrier médiéval de Sainte-Geneviève, il convenait donc tout d’abord de repérer les chartes à éditer dans les cartons des Archives nationales, en original ou en copie. L’inventaire du xvii e siècle permettait en plus d’avoir un aperçu global du chartrier au xvii e siècle. Le cartulaire médiéval de Sainte-Geneviève s’est également révélé très riche et constitue la troisième source utilisée. Le corpus de l’édition s’est donc formé autour de ces trois sources principales : fonds de Sainte-Geneviève aux Archives nationales, cartulaire et inventaire, qui paraissaient les plus prometteuses. L’édition rassemble tous les documents antérieurs à 1200 dont la trace a pu y être retrouvée. Elle n’a toutefois pas la prétention d’être exhaustive, même si elle réunit certainement la plus grande partie des chartes antérieures à 1200 : il existe sûrement encore quelques chartes contenues dans des sources qui n’ont pu être prises en compte dans le cadre limité de ce travail.

Conventions adoptées pour l’édition. — Les principes suivis tout au long de l’édition sont globalement ceux qui sont énoncés dans les Conseils pour l’édition des textes médiévaux publiés par l’École des chartes (fasc. I-II, Paris, 2001).

Édition des actes jusqu’à la fin du xiie siècle. — L’édition comprend cent neuf chartes latines antérieures à 1200. Le texte de chaque acte est précédé d’un numéro d’ordre, de la date de temps et de lieu, d’une analyse en français, d’un tableau de la tradition, et accompagné, le cas échéant, d’un apparat critique et d’une annotation historique.

Actes non datés, peut-être antérieurs à 1200 . —Trois actes non datés n’ont pu être attribués à une fourchette chronologique précise et restreinte ; ils pourraient être éventuellement antérieurs à 1200. Le texte de ces trois actes n’est pas édité. Ils sont simplement présentés avec la date, une analyse en français, le tableau de la tradition et l’exposé des arguments touchant à leur datation.

Catalogue des actes de 1201-1222.— Les trente années de l’abbatiat de Jean de Toucy à Sainte-Geneviève s’achèvent en 1222, date qui avait initialement été retenue comme limite chronologique pour l’édition. Les actes du chartrier émis sous son abbatiat sont cependant trop nombreux pour être édités ; c’est pourquoi l’édition s’arrête au terme arbitraire de 1200 et le résultat des dépouillements pour la période 1201-1222 est donné sommairement sous forme de catalogue. Celui-ci comporte quatre-vingt-seize actes et fournit pour chacun d’eux la date, l’auteur, les cotes des originaux et copies des Archives nationales, les références au cartulaire et à l’inventaire du xvii e siècle. En fin de catalogue se trouvent quelques actes sans date qui pourraient remonter à l’abbatiat de Jean.


Annexes

Photographies : un original, un dos d’original, une page du cartulaire et une page de l’inventaire. — Graphiques relatifs à la nature du meilleur témoin des actes édités, à leur répartition chronologique et à leurs auteurs. — Carte des possessions de Sainte-Geneviève. — Index nominum et index rerum.