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École des chartes » thèses » 2009

L’ambassade de Caulaincourt à Saint-Pétersbourg (1807-1811)

Représentation et négociations politiques durant l’alliance franco-russe


Introduction

Cadre de la politique européenne des années 1807-1812, l’alliance franco-russe ne peut se comprendre sans l’étude de l’ambassade d’Armand-Louis de Caulaincourt à Saint-Pétersbourg, de décembre 1807 à mai 1811. Envoyé par Napoléon auprès du tsar Alexandre, Caulaincourt, duc de Vicence, aide de camp de l’empereur, grand écuyer de la cour impériale et général de division des armées françaises, symbolise l’importance accordée à l’alliance conclue à Tilsit, en juillet 1807, entre la France et la Russie. Toutes les négociations diplomatiques de la période, tous les événements de politique internationale se rapportent à cette alliance qui, peu à peu, se délite et aboutit à la campagne de 1812, qui provoque, à terme, la chute du Premier empire et de l’hégémonie française en Europe.

Les études sur l’alliance franco-russe, provoquées pour la plupart par la nouvelle alliance conclue à la fin du xix e siècle, tendent toutes à ne présenter que les questions de politique extérieure et à se focaliser sur la figure des deux empereurs, qui éclipsent les autres acteurs de la période, notamment les diplomates, dont l’action et la pensée ne parviennent pas à se distinguer de celles de leurs maîtres. Caulaincourt, figure majeure de la fin de l’Empire, se voit ainsi réduit au rôle d’intermédiaire entre les deux souverains, sans que soient jamais visibles son bilan et ses conceptions diplomatiques. Connu avant tout pour ses mémoires, témoignage unique sur la campagne de 1812 et sur les dernières années de l’Empire, il n’a jamais fait l’objet d’une biographie scientifique ou d’une étude consacrée à son action politique. L’ambassade à Saint-Pétersbourg, peu abordée dans ses mémoires et dans l’introduction à ceux-ci par J. Hanoteau est pourtant fondatrice dans la carrière de Caulaincourt : celui-ci, tout en mettant en place une représentation diplomatique unique à cette époque et en participant aux négociations de l’alliance franco-russe, développe sa pensée et son image personnelles.


Sources

Les Mémoires de Caulaincourt sont une des principales sources imprimées disponibles, renseignant sur la campagne de 1812 et sur l’action du duc de Vicence en 1813 et 1814, mais éludant en grande partie l’ambassade de Saint-Pétersbourg. Cependant, dans la mesure où ils renseignent sur la pensée et sur le caractère de l’ambassadeur, les Mémoires sont un outil indispensable à toute étude sur le duc de Vicence. Des mémoires de personnalités impliquées dans l’alliance, comme Savary, duc de Rovigo, ceux de Français émigrés en Russie et ceux d’aristocrates russes, évoquent l’ambassade de Caulaincourt et permettent d’appréhender l’image qu’elle renvoie. La correspondance de Joseph de Maistre est, dans cette optique, le meilleur témoignage d’un contemporain présent dans la capitale russe à la même époque que l’ambassadeur de France.

La source principale de cette étude est le fonds 95 AP des Archives nationales, notamment les cartons 4 à 25, qui réunissent les papiers d’Armand de Caulaincourt, ses notes, sa correspondance (originaux et copies) et le manuscrit de ses mémoires. Les archives de la secrétairerie impériale (AF IV) conservent les rapports de l’ambassadeur et ses notes sur la société de Saint-Pétersbourg (les « nouvelles et on dit »). Les archives du ministère des Affaires étrangères sont également essentielles dans le cadre d’une étude sur la diplomatie : la correspondance politique, les dossiers personnels et la comptabilité du ministère permettent de comprendre le fonctionnement de l’ambassade et les moyens mis à sa disposition. Les archives des postes diplomatiques, à Nantes, complètent ces sources, avec notamment les papiers des consulats français en Russie.


Première partie
L’ambassade de Caulaincourt à Saint-Pétersbourg
une mission de représentation diplomatique


Chapitre premier
Les origines du choix de Caulaincourt :
expériences et profil de l’envoyé de Napoléon (1796-1807)

Le choix de l’ambassadeur est, pour Napoléon en 1807, d’une importance fondamentale pour la réussite et la pérennité de l’alliance franco-russe et pour apprivoiser la société pétersbourgeoise. Caulaincourt s’impose, du fait de son profil et de ses antécédents diplomatiques.

Caulaincourt à Constantinople : une première expérience diplomatique (1796-1797). — Militaire de formation, Armand de Caulaincourt suit son mentor, le général Aubert Dubayet, nommé ambassadeur du Directoire à Constantinople. Le rôle de Caulaincourt, aide de camp de l’ambassadeur, est faible, mais lui permet de découvrir le monde diplomatique. Chargé d’accompagner l’ambassadeur ottoman jusqu’à Paris, il fait preuve de grandes qualités d’intendance qui le signalent à l’attention des hommes politiques du Directoire, et notamment à celle de Talleyrand. S’il poursuit, après 1797, la carrière des armes, il a connu une expérience dans la diplomatie et, surtout, il a attiré l’attention de personnalités influentes.

La première mission de Caulaincourt à Saint-Pétersbourg en 1801. — Caulaincourt est choisi par Talleyrand, en 1801, pour une mission à Saint-Pétersbourg, auprès du tsar Alexandre Ier qui vient d’accéder au trône après l’assassinat de son père. L’envoyé du Premier consul découvre la capitale russe, le tsar et retrouve des connaissances dans l’aristocratie russe. Chargé simplement de porter une lettre de Bonaparte à Alexandre, il n’a pas de réel bilan politique, mais il a désormais acquis l’expérience de Saint-Pétersbourg. À son retour, il devient aide de camp du Premier consul, dont il suit les destinées à partir de cette époque.

La reconnaissance diplomatique de Savary et la désignation de Caulaincourt comme ambassadeur (1807). — En juillet 1807, Napoléon envoie son aide de camp, Savary, duc de Rovigo, en mission de préparation diplomatique, à Saint-Pétersbourg, afin de déterminer le profil du futur ambassadeur. L’alliance franco-russe, qui suit les guerres de 1805 et 1807, est encore récente et la mission de Savary s’en voit compliquée. Il conclut néanmoins que l’ambassadeur de France doit avant tout marquer les esprits par son faste et ses manières. Napoléon, considérant ces recommandations et l’expérience de Caulaincourt, nomme celui-ci ambassadeur, malgré les réticences du personnage. Caulaincourt, grand écuyer de l’empereur, symbolise l’importance accordée à l’alliance et, du fait de sa noblesse et des liens qu’il a avec la Russie, correspond parfaitement au profil de l’ambassadeur que conseille Savary.

Chapitre II
Caulaincourt en Russie :
moyens, fonctionnement et prestige d’une ambassade extraordinaire

Le choix de l’ambassadeur est essentiel mais ne suffit pas pour conquérir la société de Saint-Pétersbourg qui doute du bien-fondé de l’alliance. Tout est donc fait pour assurer le prestige et le faste de l’ambassade, et fonder par là la représentation diplomatique.

Les moyens de l’ambassade : les instruments du prestige. — Les moyens de l’ambassade sont de différentes sortes. Le personnel de qualité et d’expérience, et notamment les trois secrétaires, participent des ambitions de l’ambassade. Le faste matériel qui accompagne Caulaincourt doit impressionner les Russes et refléter la gloire de l’Empire français. Un faste qui s’accompagne, par ailleurs, d’un sens du détail et d’une préparation qui montrent les qualités d’organisateur du duc de Vicence, essentielles pour diriger une ambassade. Les finances, enfin, sont à la mesure des enjeux de représentation de l’ambassade de France à Saint-Pétersbourg : les sommes octroyées à Caulaincourt sont les plus élevées de la diplomatie napoléonienne et sont destinées à la représentation diplomatique qui doit fasciner Saint-Pétersbourg.

Le fonctionnement d’une ambassade extraordinaire. — Le fonctionnement de l’ambassade est aussi la preuve de l’importance particulière qu’elle suscite. Caulaincourt, qui développe une correspondance abondante, est ainsi directement lié à Napoléon. L’importance donnée à l’ambassade du duc de Vicence l’est aussi par le tsar Alexandre qui reçoit régulièrement l’ambassadeur en privé. Celui-ci est donc en lien direct avec les deux empereurs qui marquent tous les deux, aux yeux du public, le crédit unique dont jouit Caulaincourt, crédit qui fonde aussi le prestige de son ambassade.

Le prestige de l’ambassadeur extraordinaire : les relations avec le personnel diplomatique napoléonien. — Le duc de Vicence occupe, au sein du personnel diplomatique napoléonien, une place particulière. Supervisant le travail des consuls français en Russie, il s’impose comme le dernier recours auprès du gouvernement russe. Représentant Napoléon, il domine aussi les envoyés des nations européennes dans la mouvance de l’Empire français et se pose en ambassadeur des alliés de l’empereur auprès d’Alexandre. Dans ces conditions et dans le contexte de l’alliance franco-russe, les autres ambassadeurs français en Europe reconnaissent le prestige particulier de Caulaincourt et de son ambassade qui s’affirme comme la première d’Europe.

Chapitre III
Caulaincourt et la société de Saint-Pétersbourg :
représentation diplomatique et visées politiques

Le choix de l’ambassadeur et les moyens mis à sa disposition permettent la mise en place d’une représentation diplomatique destinée à conquérir une société russe qui juge avec sévérité l’alliance et son principal représentant.

Saint-Pétersbourg, sa cour, sa société : un objectif pour Caulaincourt. — Saint-Pétersbourg est, en 1807, une ville en plein développement. C’est le siège de la cour impériale russe, une cour marquée avant tout par la domination de l’impératrice mère, ainsi que le lieu où l’aristocratie russe entre en contact avec l’Europe. Le ministre des Relations extérieures, Champagny, et Napoléon à travers lui, font de la cour impériale et de la société petersbourgeoise un objectif pour l’ambassadeur de France qui doit ainsi consolider l’alliance et la fonder durablement.

La représentation diplomatique de Caulaincourt : la mise en avant de l’ambassadeur de France comme symbole de l’alliance de Tilsit. — C’est par la représentation diplomatique que Caulaincourt doit conquérir la société russe. Alexandre participe de cette volonté en donnant la première place à l’ambassadeur dans les fêtes et les manifestations publiques. Le duc de Vicence affirme cette position, sans concessions, réduisant ses rivaux, tel l’ambassadeur d’Autriche, et éblouissant la capitale russe au moyen de fêtes somptueuses que décrit Joseph de Maistre, par exemple. Caulaincourt tente de s’attacher l’aristocratie russe mais, malgré des amitiés solides comme celle de l’amiral Tchitchagov ou du grand-duc Constantin, les réseaux qu’il organise restent sujets aux mouvements de l’opinion.

La vision de Caulaincourt par la société de Saint-Pétersbourg. — Les nombreuses rumeurs et les nouvelles qui circulent, récoltées par l’ambassadeur dans les « nouvelles et on dit », montrent la précarité de la position de l’ambassadeur à Saint-Pétersbourg. Les mémoires des contemporains comportent des jugements sévères à son égard, voire des oppositions sans compromis. Joseph de Maistre est le meilleur exemple de ces réticences face à l’ambassadeur de France. Mais derrière ces jugements, s’impose avant tout, au sein de la société petersbourgeoise, le refus de l’alliance et de la politique de Napoléon. Caulaincourt n’est finalement vu que comme la créature de son maître.

Malgré la trace qu’elle laisse dans les esprits, la représentation diplomatique de Caulaincourt échoue à consolider une alliance qui dépend trop des événements politiques et des décisions des deux empereurs.


Deuxième partie
Caulaincourt et l’alliance franco-russe


Chapitre premier
Napoléon, Alexandre et Caulaincourt,
l’ambassadeur entre les deux empereurs

Intermédiaire entre les deux empereurs, Caulaincourt, s’il ne parvient pas à sortir du cadre imposé par son maître, développe une relation privilégiée avec Alexandre et élabore, durant son ambassade, une pensée personnelle qui diverge de celle de Napoléon.

Caulaincourt et Napoléon : l’ambassadeur face à son maître. — Napoléon entend donner un cadre rigide à l’ambassade du duc de Vicence, et ne permet aucun écart à celui-ci. Caulaincourt, tenu par une fidélité inébranlable, accepte les instructions et les ordres mais refuse toute remise en cause de sa fidélité et de son honneur. Sans pouvoir développer une relation d’amitié avec Napoléon, le duc de Vicence témoigne à son maître une profonde admiration qui répond à l’estime que l’empereur lui porte. L’action politique de l’ambassadeur s’inscrit dans ce cadre où dominent les notions de service et de reconnaissance des bienfaits reçus.

Caulaincourt et Alexandre : les dangers d’une amitié. — À la fidélité qui lie Caulaincourt à Napoléon, répond l’amitié entre le duc de Vicence et le tsar Alexandre. Il est difficile de déterminer le degré de cette relation, mais l’amitié entre les deux hommes semble sincère et contribue à brouiller le jugement de Caulaincourt, qui n’est cependant pas dupe de la complexité du caractère de son ami. Leur relation va être, pour le duc de Vicence, d’une importance cruciale dans la suite de sa carrière, ses contemporains reconnaissant son amitié avec le tsar, qui lui donne une envergure particulière. Napoléon, conscient de cette relation, s’en sert mais, parfois aussi, en prend ombrage, d’où la complexité des relations entre les trois hommes.

L’entrevue d’Erfurt : développement de la pensée de Caulaincourt. — L’entrevue d’Erfurt, en 1808, représente la diplomatie directe qui lie Napoléon et Alexandre et au sein de laquelle la place du duc de Vicence est inexistante. Pourtant, c’est lors de cette entrevue, où il cotoie l’empereur, qu’il montre pour la première fois – dans les conversations reproduites dans ses mémoires – ses convictions personnelles et sa pensée sur l’alliance et sur l’Europe. Tenu par sa fidélité à Napoléon et par son amitié pour Alexandre, et sans trahir son maître, il développe, dès cette époque, une pensée d’équilibre et de paix européenne qui va s’épanouir jusqu’à la fin de son ambassade et fonder son rôle à la fin de l’Empire.

Chapitre II
Caulaincourt et les grandes négociations de l’alliance franco-russe

L’ambassadeur de France participe aux négociations qui se développent entre la France et la Russie. Mais, quelle que soit l’ampleur de ses pouvoirs de négociateur, des facteurs qui lui sont extérieurs font échouer les projets qui auraient pu consolider l’alliance.

Les conférences sur le partage de la Turquie : un négociateur sans pouvoirs. — Le projet de partage de l’empire ottoman s’inscrit dans la continuité du xviii e siècle et des ambitions russes vers la Méditerranée. Malgré les réticences de Napoléon, les négociations s’engagent entre Caulaincourt, le ministre russe des Affaires étrangères, Roumiantsov, et Alexandre. Malgré l’ambition du projet, auquel s’ajoute celui d’une expédition commune vers les Indes, les négociateurs ne parviennent pas à s’entendre sur ses modalités et notamment sur le futur statut de Constantinople. Le duc de Vicence qui n’a aucun pouvoir réel, si ce n’est celui de discuter avec les Russes, renvoie le projet à l’entrevue d’Erfurt, Napoléon ayant seul le pouvoir de décision. Mais, les alliés se posent plus comme des rivaux et le projet échoue.

Les pleins pouvoirs du négociateur : le mariage russe de Napoléon. — Napoléon, qui cherche une nouvelle impératrice capable de procréer, charge Caulaincourt de demander à Alexandre la main de sa sœur, la grande-duchesse Anne. L’ambassadeur dispose des pleins pouvoirs pour conclure l’affaire mais il a un impératif de temps et, de plus, la demande doit rester officieuse afin de ne pas discréditer Napoléon en cas d’échec. Alexandre doit obtenir l’accord de sa mère mais le refus de celle-ci est en réalité le reflet des réticences russes. Caulaincourt, qui espérait donner une épouse à son maître et consolider l’alliance, doit admettre l’échec du projet, et le mariage de l’empereur avec une archiduchesse autrichienne. Mais cet échec, qui lui est encore une fois étranger, est aussi un signe des difficultés de l’alliance.

Caulaincourt négociateur. — Les deux négociations étudiées sont un échec mais Caulaincourt n’en est pas responsable. Bien que n’étant pas diplomate de formation, ou justement parce qu’il n’est pas diplomate, il mène les discussions avec efficacité, à l’inverse souvent de ses interlocuteurs : il vise les résultats plus que les grandes élaborations diplomatiques. Ces négociations lui donnent l’expérience qui permettra sa participation aux congrès de 1813 et 1814 comme représentant de Napoléon. En ce sens, l’ambassade de Saint-Pétersbourg influence la suite de sa carrière.

Chapitre III
Caulaincourt et l’échec de l’alliance franco-russe

Le duc de Vicence est acteur et témoin des crises que traverse l’alliance et qui aboutissent à la reprise de la guerre entre la France et la Russie, malgré ses efforts pour rechercher des accommodements.

La guerre de 1809 et la question polonaise. — La guerre contre l’Autriche, en 1809, est à l’origine d’une crise aux formes multiples. La mollesse de l’intervention russe en Galicie montre à Napoléon les faiblesses de l’alliance, tandis que la paix de Schönbunn, qui ne donne qu’une portion minime de la Galicie à la Russie, vexe Alexandre et fait renaître la question polonaise, du fait de l’accroissement du grand-duché de Varsovie. Caulaincourt négocie, début 1810, une convention franco-russe à ce sujet, mais il est désavoué par son maître qui refuse des concessions qui iraient à l’encontre de l’honneur de la France. Critiqué par l’empereur, le duc de Vicence perd une grande partie de son crédit à Saint-Péterbourg et ne peut que constater le délabrement progressif des relations franco-russes.

Le système continental et l’oukase de commerce : le casus belli pour la France. — La politique commerciale de la Russie est l’une des principales causes de la rupture de l’alliance. Alors que Napoléon met toutes ses espérances dans le système continental, afin d’affaiblir l’Angleterre, l’oukase de commerce, adopté par la Russie en décembre 1810, semble détruire ses efforts et ouvrir une brèche dans le système. Caulaincourt ne parvient pas à raisonner Alexandre, ni à montrer à son maître les profondes difficultés de l’économie russe qui rendent cet oukase nécessaire. Du fait des positions des deux empereurs, l’ambassadeur échoue à réduire le différend : l’oukase de commerce est ainsi invoqué par Napoléon comme justification de la campagne de 1812.

L’affaire du duché d’Oldenbourg : le casus belli pour la Russie. — Cause presque simultanée de la rupture de l’alliance, l’annexion du duché d’Oldenbourg par la France est un affront pour Alexandre, parent du duc. La Russie prend l’Europe à témoin des agissements répréhensibles de la France. Caulaincourt tente de montrer que ces petits griefs, d’ordre personnel, ne peuvent avoir leur place dans le cadre de l’alliance franco-russe. Mais ses argments sont dépassés, au moment où les troupes des deux empires se préparent à la guerre. Tout en renseignant son maître sur les déplacements de troupes russes, le duc de Vicence cherche à les minimiser, mais la marche à la guerre semble désormais irréversible.

Le départ de Caulaincourt et son remplacement par le comte de Lauriston. — Depuis Erfurt, Caulaincourt demande son retour, et ses demandes s’accentuent face aux difficultés de l’alliance et à la précarité de sa position. Du fait de la mauvaise santé de l’ambassadeur ou selon des considérations politiques, Napoléon remplace le duc de Vicence par le comte de Lauriston, en mai 1811. Symbole de l’alliance, ami d’Alexandre, Caulaincourt rentre en France en disgrâce mais dans l’espérance de convaincre son maître de stopper la marche à la guerre.


Conclusion

Malgré un bilan politique nul, l’ambassade de Saint-Pétersbourg permet l’affirmation de Caulaincourt comme figure majeure de la fin de l’Empire.

Le retour de Caulaincourt à Paris et sa confrontation avec Napoléon. — Lorsqu’il revient à Paris, et même s’il comprend sa disgrâce, Caulaincourt tente de convaincre Napoléon de sauver l’alliance. Sa conversation avec l’empereur, le 5 juin 1811, est un échec mais elle permet d’énoncer un certain nombre de principes du duc de Vicence. Celui-ci montre son attachement au système de l’alliance et surtout à la paix européenne, qui rend nécessaire la fin des ambitions napoléoniennes. Critiqué par son maître pour ses convictions, Caulaincourt affirme sa fidélité, qui n’est pas celle d’un courtisan et qui tente de préserver l’empereur de lui-même, et prophétise le désastre de 1812. Les arguments de son grand écuyer ne parviennent pas à convaincre Napoléon qui est déjà tourné vers la future campagne militaire.

Caulaincourt et la campagne de 1812 : une expérience diplomatique à l’épreuve des faits. — À tous points de vue, la campagne de Russie est un désastre pour Caulaincourt : son frère meurt à la bataille de la Moskowa, l’alliance est détruite, son maître et son ami se livrent un duel sans merci et, surtout, la prépondérance française en Europe est anéantie. Mais la campagne de 1812, qui confirme les prophéties du duc de Vicence, donne une nouvelle ampleur au personnage, reconnue par ses contemporains et par Napoléon, qui revient à Paris avec lui. Après ces événements, Caulaincourt est devenu une sorte de favori de l’empereur, mais, dans le contexte international, il s’agit d’une position périlleuse.

L’ambassade de Saint-Pétersbourg, fondement du rôle de Caulaincourt à la fin de l’Empire. — L’ambassade de 1807-1811, où il a développé ses convictions, permet finalement un retour en grâce du duc de Vicence qui devient ministre des Relations extérieures en 1813 et qui représente Napoléon à Prague, en 1813, et à Châtillon, en 1814, sans pouvoir enrayer le processus de démembrement de l’Empire français. La relation nouée avec Alexandre, lors de l’ambassade, permet aussi à Caulaincourt de négocier les conditions de l’abdication de Napoléon, et notamment son exil sur l’île d’Elbe. Ses tentatives pour trouver une place dans la société de la Restauration, puis son poste de ministre lors des Cent-Jours, le brouillent respectivement avec Napoléon et Alexandre et entraînent la fin de sa carrière politique.


Annexes

Édition de textes. Cartes. Généalogie. Documents iconographiques.