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École des chartes » thèses » 2010

De l’or, des hommes et des notaires

épargne et crédit en Moyen-Poitou au xvie siècle


Introduction

« Nature n’a créé l’homme que pour prester et emprunter », dit Panurge à Pantagruel, dans un passage du Tiers Livre de Rabelais où il fait l’éloge du prêt et de l’emprunt. S’il n’y a pas de synthèse d’ensemble sur la question, de nombreuses études l’ont en effet montré depuis longtemps : à l’époque moderne, le crédit irrigue la société tout entière et « la dette est partout dans les dépôts d’archives, comme la poussière » (Pierre Goubert). Néanmoins, l’historiographie traditionnelle et les grandes thèses d’histoire rurale se sont longtemps bornées à souligner la rareté de la monnaie dans les campagnes françaises de l’époque moderne et l’endettement des paysans. Depuis une dizaine d’années, plusieurs études ont remis en cause ces topoï et ont replacé le crédit dans un système plus large de circulation de l’argent.

En parallèle, un engouement pour l’histoire du notariat a renouvelé l’utilisation de ce type de sources écrites et a été au fondement d’une réflexion sur la place de l’écrit notarié dans le marché de l’acte privé. Il s’agit, dès lors, de s’inscrire dans ces deux courants historiographiques pour mener un travail sur l’épargne et le crédit à partir d’un ensemble de sources notariales jusqu’ici largement sous-exploitées, dans une région et à une époque où les bouleversements économiques et religieux sont nombreux.


Sources

Les précieuses archives des notaires royaux de Saint-Maixent pour le xvie siècle constituent les principales sources de cette étude. Ce corpus documentaire, exceptionnellement bien conservé pour l’époque et pour la région, représente environ 250 registres de minutes, répartis entre la série E et la sous-série 3 E des archives départementales des Deux-Sèvres et, pour quelques registres, la sous-série 4 E des archives départementales de la Vienne. Les plus anciennes minutes remontent à 1507 ; les minutes des vingt premières années sont cependant mal conservées et il n’est pas certain que l’on dispose, pour cette période, de toutes les minutes passées dans l’année pour un notaire étudié. C’est au final la deuxième moitié du siècle qui est la mieux couverte (environ 215 registres) ; elle offre de belles séries continues : sur onze notaires en exercice à la fin du siècle, nous avons conservé l’intégralité des minutes de quatre d’entre eux en moyenne, ce qui offre la possibilité de suivre au plus près l’évolution de la production notariale.

Un dépouillement par échantillonnage a été mené sur ce corpus : une année tous les dix ans de 1528 à 1558, une année tous les cinq ans à partir de 1563. Parallèlement, les séries continues de tables en tête des registres de certains notaires ont été exploitées de manière systématique de 1559 à 1600 pour mesurer les variations de l’activité notariale et du marché du crédit sur cette période. Une base de données, dont l’élaboration est développée en appendice, a été mise au point pour dépouiller ces sources et traiter statistiquement ces informations sérielles.

En complément de ces sources notariales ont été mis à profit les registres de baptême de la paroisse Saint-Saturnin de Saint-Maixent, qui couvrent surtout les vingt dernières années du siècle, et le journal de Michel Le Riche, avocat du roi à Saint-Maixent, témoin prolixe sur la vie locale, surtout pour les années 1572 à 1586. Les papiers des érudits Louis Merle et Octave Hipault (archives départementales des Deux-Sèvres) et la collection d’Alfred Richard (archives départementales de la Vienne) ont également livré des renseignements intéressants. Enfin, un recensement des trouvailles monétaires du xvie et du début du xviie siècle dans un rayon de cent cinquante kilomètres autour de Saint-Maixent, établi à partir d’un dépouillement de publications numismatiques, a permis d’enrichir les éléments obtenus à partir de ces archives écrites.


Première partie
Le marché et ses rouages


Chapitre premier
La circulation monétaire en Moyen-Poitou au xvie siècle

La composition de l’épargne dans la région ne se laisse pas étudier aussi facilement qu’on le souhaiterait : les inventaires après décès, qui nous permettraient d’avancer des estimations chiffrées de l’épargne moyenne, sont quasiment inexistants dans les archives notariales. Il faut donc se limiter à une description des espèces monétaires en circulation ; l’indication par les notaires, à partir des années 1550, des espèces utilisées dans les paiements nous permet d’apprécier cette réalité. Ces précieuses mentions monétaires, corroborées par les trésors monétaires de l’époque, montrent que, contrairement à la vision historiographique traditionnelle, l’or est largement répandu dans les campagnes jusqu’au début des années 1580 et représente, dans les paiements de plus de dix livres, entre le tiers et la moitié de la somme. On trouve aussi dans les bourses beaucoup d’espèces d’or étrangères, espagnoles avant tout et, dans une moindre mesure, portugaises. Cet or disparaît en revanche de la circulation dans les deux dernières décennies du siècle et ce sont les monnaies françaises d’argent (quart d’écu et franc d’argent surtout) qui dominent alors.

Chapitre II
Les notaires de Saint-Maixent au xvie siècle

Même s’il ne s’agit pas de dresser un portrait complet et exhaustif de l’institution notariale saint-maixentaise, il n’est pas inutile de resituer les sources dans leur contexte de production. Le notariat français est en effet loin d’être unifié au xvie siècle et les différences d’une région à une autre sont grandes. L’exemple des notaires royaux de Saint-Maixent montre que ce milieu social, issu du monde des marchands, resté catholique dans une très grande majorité, est largement lié par diverses alliances matrimoniales. Membre d’une petite communauté, le notaire est cependant aussi une personne publique fréquemment sollicitée pour être parrain d’enfants.

L’étude de la pratique notariale révèle un soin important accordé, dès la première moitié du siècle, à la conservation des minutes. L’édit d’Angoulême (1542), par le système du tabellionnage qu’il met en place, bouleverse la pratique traditionnelle en introduisant un nouvel acteur, le tabellion. Cet édit est cependant scrupuleusement respecté comme en témoignent, entre autres, les registres de tabellion qui nous sont parvenus. L’ordonnance d’Orléans de 1561 met fin à ce système qui semble avoir entraîné une hausse des tarifs des actes notariés et, partant, une baisse de l’activité notariale.

Par la suite, dans les décennies suivantes, les notaires de Saint-Maixent ne chôment pas : même si l’activité globale varie d’un praticien à un autre, tous passent entre 300 et 900 actes par an, voire plus exceptionnellement. De manière générale, on peut raisonnablement estimer que les onze notaires royaux de Saint-Maixent établissent, dans le dernier tiers du xvie siècle, environ 6 000 à 7 000 actes par an, pour une population de 10 000 à 12 000 habitants pour la ville et les campagnes environnantes.

Chapitre III
Crédit et instruments écrits

Parmi les instruments notariés disponibles sur le marché du crédit, l’obligation domine largement. Il est alors légitime de consacrer un développement conséquent à cet outil qui peut servir à coucher par écrit tous types de dettes, mais, en pratique, surtout des prêts (la moitié des contrats en moyenne) et des paiements échelonnés de marchandises (un tiers des actes en moyenne). Ces obligations, qui représentent entre 20 % et 30 % de l’activité des notaires dans la seconde moitié du siècle, portent sur des sommes comprises entre dix et cinquante livres en moyenne. Elles peuvent être assorties de diverses garanties ; la garantie personnelle (cautionnement) revient le plus fréquemment (jusqu’à 10 % des obligations dans les années 1570).

Il s’agit de crédits à court terme (un an maximum) mais qui, en pratique, deviennent des crédits à long terme car la très grande majorité des dettes ne sont acquittées qu’avec retard, voire jamais remboursées. Quant à la question des intérêts, il n’est pas évident d’y répondre car les obligations n’en font pas mention. Du reste, même si l’on peut déceler un taux d’intérêt (le denier 12 le plus souvent) dans certains contrats, cet élément ne semble pas déterminant dans la conclusion des prêts. Un tel constat amène donc à minimiser cet aspect du sujet et la rentabilité économique de la dette : son rôle est essentiellement social.

L’historiographie traditionnelle a insisté sur l’utilisation de la rente constituée, autre instrument de crédit de l’époque qui permettait en particulier de contourner l’interdiction du prêt à intérêt. L’outil, sans être totalement inconnu des notaires saint-maixentais, est cependant d’une utilisation extrêmement marginale dans la région au xvie siècle : il ne représente pas plus de 0,5 % des actes de crédit. Cette absence semble s’expliquer par le caractère inadapté de cet outil, davantage utilisé pour des prêts conséquents, à un marché du crédit insuffisamment développé, et des pratiques différenciées entre les villes et les campagnes peuvent alors être invoquées.

D’autres types d’actes notariés, comme les ventes à réméré ou les achats anticipés (aussi appelés marchés), sont aussi des opérations de crédit déguisées. Au final, on estime que, sur les 6 000 à 7 000 actes passés annuellement par les notaires royaux de Saint-Maixent, un acte sur trois est un acte de crédit.

Cet inventaire des outils notariés disponibles ne doit cependant pas faire oublier l’océan d’actes sous seing privé, aujourd’hui disparu, dont les archives notariales ne nous révèlent que d’infimes mais précieuses traces. Une estimation d’une cédule pour quatre obligations notariées est avancée.


Deuxième partie
Les dynamiques du marché


Chapitre premier
Le temps du crédit

Sur le marché du crédit, l’influence du temps n’est pas négligeable : le partage de l’épargne entre thésaurisation et prêt est déterminé par la perception de la conjoncture économique. Certaines lignes de force et constantes peuvent cependant être dégagées : ainsi, si la répartition des actes de crédit au cours de l’année n’est pas linéaire, un rythme cyclique annuel du crédit peut être mis en évidence. Fortement influencé par l’activité notariale générale, il se caractérise toutefois par deux pics : l’un correspond aux mois de février à mai et l’autre, plus réduit, peut être repéré dans les dépouillements quantitatifs entre les mois d’octobre et de décembre. Le premier correspond aux difficultés à faire face aux échéances à la fin du cycle annuel ; quant au second, il pourrait s’expliquer par la nécessité de se procurer des vêtements chauds avant l’hiver.

Il convient aussi de noter certains temps forts du crédit comme les foires. Celles-ci se répartissent, dans la région, de manière à peu près égale sur toute l’année. Les sources montrent que le notaire arpente les champs de foires et qu’il réalise environ 10 % de son activité annuelle en l’espace de douze rencontres commerciales de ce genre. Parmi cette production d’actes, près de la moitié concerne des transactions de crédit.

Les crises de subsistance, telle celle de l’année 1573 étudiée en détail, ne sont pas, contrairement à ce que l’on pourrait croire de prime abord, des moments de repli du crédit : un véritable essor du marché peut être relevé dans les sources en de telles circonstances. Il se traduit en particulier par le recours plus important à certains types d’instruments de crédit secondaires comme les ventes à réméré.

Chapitre II
Les soubresauts du marché du crédit à l’époque des guerres de religion (1559-1600)

Dans une région qui n’a pas été épargnée par les guerres de Religion, la question des conséquences des troubles politiques et religieux sur le marché du crédit mérite d’être posée. La majeure partie des actes notariés ayant trait à des transactions économiques, les mouvements de la réalité socio-économique, telle qu’elle est en fait ou telle que les contemporains se la représentent, se répercutent très rapidement et de manière très révélatrice sur l’intensité et la nature de l’activité notariale. Ces variables peuvent donc être appréhendées comme un intéressant indicateur de la situation socio-économique. La conservation de belles séries continues de minutes notariales et l’existence de chroniques locales offrent la possibilité de mettre en résonance, sur une période de quarante ans, ces deux sources.

Les relevés quantitatifs permettent de mettre en évidence cinq types de situation : les périodes de calme, avant l’éclatement des guerres de Religion ou après le retour à la paix, durant lesquelles le marché du crédit notarié est peu développé ; les périodes de répit, après les premiers troubles religieux, que l’on repère par une activité notariale plus importante (elle double presque) ; les périodes de crise, comme les mois suivant les prises de la ville, correspondant à une très forte désorganisation du marché du crédit (diminution brutale du nombre total d’actes notariés et en particulier du nombre d’actes de crédit) et à une vague de thésaurisation ; les périodes de reprise, après de tels événements, caractérisées par une soudaine et forte augmentation du nombre d’actes notariés ; les périodes d’inquiétude enfin, lorsque la guerre menace mais n’atteint pas la région, qui se distinguent par une forte augmentation de la proportion d’actes de crédit dans l’activité des notaires.

La démarche met surtout en lumière l’importance de l’information sur la situation du royaume dans l’appréciation de la conjoncture. Cette dernière détermine le choix entre acte notarié et acte sous seing privé, et le recours au notaire est alors lié aux fluctuations politiques. C’est une conséquence directe du délitement des rapports sociaux qui résulte des guerres civiles.


Troisième partie
Le crédit dans la société


Chapitre premier
Créanciers et débiteurs

L’objet de l’étude nécessite de jouer sur les échelles d’analyse et de combiner les différentes approches. Une étude sociologique des participants au marché du crédit est capitale car la dette a un rôle fondamentalement social. Les sources notariales ne permettent pas d’étudier le crédit familial qui échappe largement à l’écrit notarié. Elles montrent que, sur le marché du crédit, les marchands et, dans une moindre mesure, les officiers de justice et les bourgeois et échevins de Saint-Maixent sont les prêteurs les plus importants, tandis que les paysans représentent plus de la moitié des emprunteurs. Pour autant, rien n’indique un endettement massif de ces derniers : ils empruntent souvent mais il s’agit le plus souvent de petites sommes. La place des femmes et des domestiques, qui apparaissent comme des prêteurs importants sur ce marché du crédit, mérite aussi d’être relevée.

Géographiquement, ce marché se déploie dans un rayon de l’ordre de dix à douze kilomètres autour de Saint-Maixent. Cette organisation dans un espace restreint, comparativement aux marchés du crédit étudiés pour les époques postérieures, s’explique en partie par le maillage notarial dans la région qui permet de couvrir de manière complète des zones d’une telle étendue.

Les dépouillements et le recours aux statistiques (test du χ² en particulier) font également ressortir de forts cloisonnements sur ce marché : on fait surtout crédit à son voisin, à celui qui est de la même condition sociale que soi et/ou de la même communauté villageoise. Il est ainsi significatif de constater qu’aucun habitant de Niort, pourtant situé à une vingtaine de kilomètres de Saint-Maixent, n’emprunte ni ne prête de l’argent sur le marché du crédit saint-maixentais.

L’analyse de l’utilisation de la rente constituée entre les années 1520 et la fin du siècle, même si elle n’est pas évidente en raison du faible nombre d’instruments de ce type (seule une trentaine de rentes constituées différentes a pu être glanée), confirme d’ailleurs cette démonstration : l’instrument n’est, dans la pratique, utilisé que par les plus aisés, nobles et marchands importants surtout, qui, par ce biais, se prêtent de l’argent entre eux.

L’étude des ventes à réméré, d’une part, et des ventes d’immeubles pour rembourser des dettes, d’autre part, montre par ailleurs que le marché de la terre, dont les revenus ont une position dominante dans l’économie de l’époque moderne, est fortement lié à celui du crédit.

Chapitre II
Crédit et réseaux : étude de quatre figures de prêteurs

Le recours à la notion de réseau pour l’étude du crédit permet d’appréhender les stratégies mises en place par différents créanciers et l’utilisation qu’ils font du crédit. Quatre portefeuilles de créances sont successivement examinés : ceux de Michel Le Riche, avocat du roi et bourgeois et échevin de Saint-Maixent ; de la famille Dumestayer, famille de noblesse ancienne ; d’André Boiceau, marchand important, bourgeois et échevin lui aussi ; et de Louis de Harlay, gentilhomme protestant. La mise en parallèle de ces différents cas de figures met en évidence la coexistence, sur le marché du crédit, de deux systèmes de valeurs opposés. D’un côté, une économie du don (Michel Le Riche et la famille Dumestayer). Dans cette conception, faire crédit aux plus nécessiteux est un devoir moral et participe à une logique du lien de clientèle. Le crédit fait alors partie intégrante de relations sociales plus larges, fondées en particulier sur le commerce ou l’exploitation de la terre. De l’autre, une économie capitaliste naissante (André Boiceau) selon laquelle il faut faire de l’argent avec du temps et de l’argent. Le crédit est alors un mécanisme à plusieurs détentes : sans être nécessairement rentable économiquement, il permet d’entrer à son avantage dans d’autres marchés, comme celui de la terre, et d’agrandir un patrimoine foncier. L’exemple de Louis de Harlay, très spécifique, laisse enfin apparaître un réseau de crédit fondé en grande partie sur l’appartenance religieuse.

Chapitre III
Le crédit, une affaire de confiance

L’étymologie du mot le montre bien : le crédit est intimement lié à la confiance et il est impossible de bâtir une réflexion sur cette notion sans y rapporter intrinsèquement celle de crédit personnel, d’honneur et de réputation. L’étude des prêts consentis par certains créanciers montre ainsi que le choix de tel ou tel type d’instrument de crédit et des garanties, plus ou moins importantes, qui l’accompagnent varie en fonction du débiteur et de la confiance qui lui est accordée.

L’examen de l’identité des personnes sollicitées pour se porter caution de dettes permet d’apporter des éléments de réponse sur la construction sociale de la confiance. Les statistiques montrent que ces individus interviennent aussi comme prêteurs dans d’autres affaires. Surtout, ils font office de ponts entre des débiteurs et des créanciers de niveaux sociaux différents ou appartenant à des communautés villageoises distinctes, et acquièrent donc ainsi un réel rôle d’intermédiaires sur un marché fortement cloisonné.

À défaut de sources judiciaires locales conservées pour l’époque, un relevé d’une trentaine de procès pour des dettes non remboursées, mentionnés dans des procurations ou des accords amiables devant notaire, permet enfin d’évoquer le volet contentieux du sujet. Il montre que le recours à la prison pour dettes, moyen pour faire pression sur le débiteur récalcitrant, est fréquent. Dans ces affaires, l’honneur et la réputation sont aussi en jeu : accorder un délai pour le paiement d’une dette signe le pouvoir sur les hommes.

Chapitre IV
Le notaire au sein du marché du crédit : greffier ou entremetteur ?

Au final, c’est le travail du notaire et son rôle dans ce marché qu’il faut scruter. Contrairement à ce que de récentes études ont démontré pour les xviiie et xixe siècles, le notaire du xvie siècle n’apparaît pas, dans la région en tout cas, comme un intermédiaire ou un courtier de l’épargne. Tout indique que les transactions qu’il couche par écrit se décident en dehors de son étude et que prêteurs et emprunteurs n’ont pas besoin des services du notaire pour se rencontrer. Son rôle est donc réduit et minime et se limite à celui d’un greffier.

Sans doute le développement de l’institution notariale et le passage du notariat médiéval au notariat moderne, que l’on discerne dans les minutes notariales, sont-ils encore trop récents. L’augmentation de l’activité des notaires dans la seconde moitié du siècle et, surtout, les conséquences de celle-ci sur la méthode de travail et la pratique notariale laissent d’ailleurs entrevoir une lente évolution du rôle du notaire : plusieurs indices dans les sources montrent que, plus qu’un simple greffier qui n’interviendrait qu’une seule fois et ne se tiendrait pas informé de la suite des affaires traitées, le notaire devient peu à peu présent à chacun des moments du crédit. Après avoir couché par écrit la dette, il en conserve, par le biais de la minute, une et bien souvent la seule trace (en moyenne, 60 % des obligations ne font ainsi pas l’objet d’une expédition) et, sitôt la dette acquittée, il reporte cette information dans ses minutes. L’institution notariale peut alors être qualifiée de « proto-institution » de crédit et ces premiers signes semblent annoncer le rôle accru que joueront les notaires des siècles postérieurs.


Conclusion

Le crédit est assurément un mécanisme qui laisse de nombreuses traces dans la documentation mais dont, dans le même temps, les formes sont diverses et les logiques difficiles à décrypter. Aussi abondantes et aussi riches en informations soient-elles, les sources notariales ne nous permettent de prendre la mesure de ces phénomènes qu’au prix de variations sur l’échelle d’analyse.

Surtout, ces archives ne peuvent livrer qu’une image incomplète de l’épargne et du crédit. L’acte notarié n’est, en matière de crédit, qu’une solution parmi d’autres et les sources notariales ne peuvent donc renvoyer qu’un spectre réduit du marché de l’acte privé. Il faut alors éviter de survaloriser la source notariale et ne pas perdre de vue le dialogue entre l’écrit notarié et l’acte sous seing privé. Dans cette optique, les sources à notre disposition ne représentent que la partie émergée d’un ensemble plus large et c’est la variation de la ligne de flottaison qu’il convient alors d’interroger.

Au final, c’est le recours aux services du notaire qui semble être la donnée la plus changeante et dont les variations sont les plus palpables ; les structures du marché du crédit, l’identité de ses participants ou encore son déploiement géographique apparaissent au contraire beaucoup plus figés. Même la question des conséquences de l’implantation de la foi réformée, qui mérite d’être posée dans la mesure où cette dernière atteint toutes les couches de la société dans la région, n’a pas lieu d’être car l’évolution religieuse ne semble pas avoir modifié les pratiques en matière de taux d’intérêts ou induit une fracture au sein des participants au marché.


Appendice

Exploitation informatique des archives notariales – Le caractère sériel des actes notariés a été à l’origine d’une réflexion sur l’encodage des informations contenues dans les actes de crédit. La construction de la base de données mise au point pour le dépouillement des sources est détaillée.


Pièces justificatives

Édition critique d’une sélection de vingt actes.


Annexes

Liste des cinquante-quatre notaires royaux de Saint-Maixent recensés pour le xvie siècle, avec reproduction de leur signature et indication des sources les concernant. — Catalogue des trésors monétaires du xvie siècle et du début du xviie siècle retrouvés dans un rayon d’environ cent cinquante kilomètres autour de Saint-Maixent, avec évaluation de leur valeur lors de l’enfouissement (cinquante-sept trésors étudiés). — Données brutes et tableaux statistiques. — Glossaire des principales monnaies rencontrées et cours officiels de celles-ci au xvie siècle. — Liste des principaux édits et ordonnances du xvie siècle et du début du xviie siècle relatifs au crédit et à l’usure. — Index nominum et locorum.