« »
École des chartes » thèses » 2010

La reconfiguration du latin mérovingien sous les Carolingiens

Étude socio-linguistique des diplômes royaux et des réécritures hagiographiques (viie-ixe siècle)


Introduction

Du latin mérovingien, les romanistes avaient, au cours du xixe siècle, fait un objet d’études où se mêlait une forme de fascination et de mépris qui constituait un écho direct aux conceptions positivistes appliquées à cette période dans le domaine de l’histoire politique et culturelle. Des études pionnières ont finalement, à partir de la seconde moitié du xxe siècle, suscité un intérêt croissant pour une approche transdisciplinaire des innombrables faits linguistiques qui, trop à l’étroit dans des classifications commodes mais artificielles, s’avèrent des témoignages aussi précieux que délicats à interpréter sur l’oralité des « siècles obscurs ». Le latin carolingien apparaissait inversement comme le parallèle linguistique des évolutions religieuses, politiques, culturelles et institutionnelles : à l’exception notable de quelques diplomatistes, les savants voyaient dans la langue latine reconfigurée le symbole d’une unité perdue depuis longtemps.

C’est l’apparition du concept d’« Antiquité tardive » qui, appliqué à une période historique dorénavant autonome, a contribué par ricochet à dégager le latin tardif de la comparaison écrasante avec le latin littéraire d’époque classique, jusque-là rétrospectivement considéré comme un modèle de plus en plus mal imité. En tenant compte de cette vision plus nuancée du système langagier pratiqué dans la Romania des ive-viiie siècles, il est aussi tentant que légitime de s’interroger sur le fonctionnement de l’écrit et de l’oral jusqu’au milieu du ixe siècle, c’est-à-dire au-delà de la prise de conscience d’une séparation entre le latin et le protofrançais, que l’on appelait lingua rustica romana. À cet effet, il est indispensable de dégager des niveaux de langue plus ou moins marqués par une interférence latine ou romane.


Première partie
Comment appréhender les textes ?


Chapitre premier
Grille de lecture : la « sociolinguistique diachronique romane »

Étudier les fluctuations quantitatives et qualitatives du langage en fonction de la situation d’énonciation implique la mise en œuvre d’une méthode rigoureuse où s’articulent de multiples disciplines au sein d’une problématique transversale : l’histoire est associée à la linguistique ; la philologie latine à la philologie romane ; l’étude de l’hagiographie à la diplomatique. Les apports complémentaires de la codicologie, de la paléographie, de la dialectologie, de l’anthropologie, de l’histoire du droit et de l’art interviennent ponctuellement.

La grille de lecture choisie, la « sociolinguistique diachronique romane », offre un cadre conceptuel dont les éléments se sont mis en place progressivement depuis une trentaine d’années, le premier travail de référence étant celui de Roger Wright, en 1982. La démarche consiste à expliquer les faits de langue par une comparaison régulière avec les différents registres de variations, à savoir le temps (« diachronie »), l’espace (« diatopie »), l’insertion sociale (« diastratie ») et l’usage (« diaphasie »). Pour éviter les risques liés à des concepts très controversés comme celui de « latin vulgaire », il semble opportun de recourir à un métalangage.

Chapitre II
La latinité des viie-viiie siècles : bilan des connaissances

Le latin mérovingien forme une entité au sein du latin tardif (iiie-viie siècle) dont il constitue, pour l’espace où apparaîtront les parlers de langue d’oïl, l’ultime grande étape (vie-viie siècles) avant l’apparition du protofrançais, phénomène devenu suffisamment net au cours du viiie siècle. Le latin mérovingien se caractérise par une grande variété des possibilités d’expression, dont les registres de variation se brouillent avant de se restructurer : c’est ce que l’on appelle le « polymorphisme ». La restructuration donne lieu à une langue structurellement nouvelle quoique organiquement proche : l’ancien français, appelé protofrançais tant qu’il revêt une apparence plus ou moins latine. Les réformes liturgiques lancées par Pépin et Carloman dans la décennie 740 marquent traditionnellement l’effacement du latin mérovingien et le début du renouveau de la langue.

Le latin carolingien, perçu comme une langue savante, devient de ce fait le premier latin médiéval. La restitution d’une norme orthographique et phonétique ancienne, destinée à enrayer les évolutions séculaires de plus en plus visibles à l’époque mérovingienne, creuse un fossé entre la langue des lettrés et celle qui était naturellement parlée par des milliers de locuteurs illettrés. Les exigences de réforme dans la prédication se heurtent à l’incompréhension du grand public ; le concile de Tours entérine en 813 la résignation à prêcher en lingua romana rustica.

Chapitre III
Des appels à études

La langue des diplômes mérovingiens a été l’objet de multiples études dont Jeanne Vielliard a publié la plus fameuse en 1927. Très descriptive, comme le voulait la tradition, elle a longtemps semblé régler la question. Néanmoins, si elle permet de faire ici l’économie des aspects phonétiques, elle laisse le champ libre à une étude pragmatique des faits de langue. Les diplômes carolingiens n’ont quant à eux guère intéressé les linguistes, insensibles aux intuitions et aux appels des diplomatistes.

La langue des Vitae mérovingiennes a bénéficié d’un attrait plus tardif, lié à l’accession longtemps compromise de l’hagiographie au corpus des sources historiques. La piste est désormais balisée par des études variées qui orientent la recherche vers les Vitae carolingiennes, principalement dans la perspective des réécritures où le matériau sociolinguistique est nécessairement riche.

Croiser deux types de sources traditionnellement cloisonnées – si ce n’est opposées – au sein d’une problématique commune permet une vision plus prudente des faits langagiers. Les questions que l’on peut se poser sur la situation d’énonciation de ces textes (qui les émet ? pour qui ? comment ?) entraînent un certain nombre d’interrogations relatives à la réception des textes (qui comprend quoi ? comment se fait l’interface entre le document et les auditeurs, entre l’écrit et la parole ?). La méthode de recherche porte sur les aspects morphologiques, lexicaux, syntaxiques et topologiques des phrases, qui sont placées sur une échelle reliant le pôle latin (état traditionnel de la langue) au pôle roman (état innovant).

Chapitre IV
Présentation du corpus

Par nécessité de cohérence et de prudence, les diplômes royaux ont été choisis dans le corpus des originaux de l’abbaye de Saint-Denis, qui permet un échantillonnage de bonne qualité remontant jusqu’au milieu du viie siècle. Les diplômes de jugement, qui mettent en scène des débats juridiques impliquant des membres de l’aristocratie, ont été tout particulièrement retenus pour leur richesse linguistique de premier ordre. Les éléments qui influent de plus ou moins près la genèse des actes, comme les pratiques notariales de l’écrit ou l’influence du bénéficiaire sur leur rédaction, sont examinés au préalable.

Les couples de Vitae comportent un premier texte écrit aux alentours de l’an 700 et un second (même deux dans le cas de la Vita Galli) reconfiguré dans le premier tiers du ixe siècle. Les auteurs mérovingiens, spécialistes de l’écrit, s’adressent aux foules à instruire, alors que leurs successeurs carolingiens réécrivent à l’intention d’un public aristocratique : c’est une donnée essentielle pour l’étude pragmatique de leur langue.

Les éditions suivies, pour les Vitae, sont celles que produisit jadis Bruno Krusch pour les Monumenta Germaniae Historica. Les diplômes bénéficient généralement d’éditions beaucoup plus récentes : pour les diplômes mérovingiens, celle des Chartae Latinae Antiquiores (qui incluent les documents de Pépin et Charlemagne), et celle de Theo Kölzer pour les Monumenta Germaniae Historica, s’imposent comme autant de références récentes et incontestées. Les diplômes de Charles le Chauve ont quant à eux fait autrefois l’objet des soins attentifs de Georges Tessier. Il n’a pas été possible de consulter les fiches préparatoires de la toute prochaine édition des diplômes de Louis le Pieux, préparée par l’équipe de Theo Kölzer ; l’établissement des textes a été fait à partir des fac-similés des Diplomata Karolinorum.


Deuxième partie
La langue des diplômes royaux (viie-ixe siècle)


Chapitre premier
Introduction

Les diplômes mérovingiens sont étudiés selon un plan type qui enchaîne les éléments suivants : le texte et sa traduction en regard ; la présentation de la situation d’énonciation (objet et protagonistes) ; l’étude de tous les syntagmes nominaux (sauf régime direct et sujet) mis en perspective avec l’emploi ou non des prépositions ; l’étude des syntagmes verbaux ; celle du lexique ; celle des épidictiques ; la stylistique et microsyntaxe ; l’étude du phrasé intra- et extrapropositionnel, et de la macrosyntaxe ; une conclusion sur le ou les niveaux de langue du texte. Pour alléger l’analyse, les diplômes ultérieurs ne reçoivent pas un traitement aussi systématique, mais les détails qui les singularisent des textes mérovingiens sont commentés. La comparaison avec l’ancien français, limitée par le caractère très « littéraire » des grammaires disponibles, a été rendue possible par l’édition des Chartes en langue française antérieures à 1271, coordonnée par Jacques Monfrin.

Chapitre II
La constance mérovingienne (660-717)

Les sept jugements royaux étudiés s’échelonnent de 660 à 717, date au-delà de laquelle on n’a plus d’originaux. Structurellement, la langue latine s’y révèle de bonne tenue : les fluctuations de niveaux sont faibles ou limitées ; les éléments traditionnels de la langue latine tardive se raréfient sans pour autant laisser trop le champ aux structures nouvelles (protoromanes).

Chapitre III
Les hésitations carolingiennes (751-868)

La période envisagée marque une évolution en deux temps. Les six diplômes émis entre 751 et 790 étudiés ici seraient presque redevables de la qualification de Chartae romanae antiquiores, tant leur structure s’enrichit d’éléments innovants, en même temps que les quelques archaïsmes de plus en plus manifestes doivent leur présence à leur fonction de marqueurs de légitimité légale. Les textes comportent certes des passages formulaires d’un bon niveau de latinité, mais le cœur des actes marque une tendance nette à rejoindre le pôle roman de la langue. Sauf exception, les fluctuations langagières sont accrues par rapport à la période précédente.

Quand débute la série des huit diplômes de Louis le Pieux et de Charles le Chauve (de 821 à 868 dans le présent corpus), la langue des diplômes se rapproche de façon spectaculaire du pôle latin, tout en maintenant des fluctuations plus importantes qu’à l’époque mérovingienne : le cœur des actes persiste à marquer un décalage avec les formules liminaires. Un texte de jugement émis à Compiègne, et qui fait exception dans ce corpus, présente un état de langue extrêmement évolué, sous un vêtement latin qui semble mal cacher des traits saisissants de phonétique picarde.

Chapitre IV
Conclusion

L’idée d’une amélioration régulière de la langue des chartes à partir de 750 reçoit donc un démenti formel : mieux encore, c’est l’époque mérovingienne qui, malgré un désordre apparent lié à l’assouplissement extrême des normes graphiques traditionnelles, présente la plus grande cohérence structurelle. À partir des premiers Carolingiens, la langue des diplômes est soumise aux influences contradictoires de l’évolution naturelle et d’un souci de correctio. Il a paru possible de répartir au sein des différents niveaux dégagés un échantillon large d’éléments langagiers en fonction de leur fréquence d’apparition. Les conclusions rassemblées ici s’articulent avec les réflexions récentes portées sur la sémiologie graphique des actes, dont elles éclairent la genèse autant que la réception.


Troisième partie
La langue hagiographique (viie-ixe siècle)


Chapitre premier
Les Vitae de saint Riquier

Les Vitae de saint Riquier racontent la vie d’un prédicateur de talent, fils d’humbles paysans de la région d’Abbeville. Entre le texte mérovingien, vraisemblablement écrit à l’époque de Charles Martel, maire du Palais de 717 à 741, et celui d’Alcuin, écrit vers l’an 800, l’écart linguistique et narratologique est manifeste : le premier texte comporte des passages riches en structures protoromanes, que le second ignore. Par ailleurs, le traitement de la sainteté est singulièrement retravaillé lui aussi : tant sur le fond que sur la forme, la reconfiguration carolingienne remplace un texte redevable d’une lecture folklorique par un nouveau texte de référence de tenue nettement plus abstraite et aristocratique.

Chapitre II
Les Vitae de sainte Bathilde

Sur la Vita mérovingienne de celle qui fut régente du royaume franc entre 657 à 664, les pires jugements avaient été formulés. Un examen attentif du texte révèle pourtant un niveau de langue sensiblement conservateur pour l’époque, qui explique probablement la fidélité du correcteur carolingien à sa source, dont il emprunte même certaines tournures innovantes malgré les efforts affichés. La distance chronologique qui sépare la version primitive (fin du viie siècle) de la réécriture (ca. 800-833) n’est guère perceptible d’un point de vue stylistique : loin de signifier une continuité des structures langagière d’un texte adressé aux masses illettrées, l’attitude du réécriveur carolingien plaide en faveur d’un auditoire déjà aristocratique du texte à l’époque mérovingienne.

Chapitre III
Les Vitae de saint Gall

L’originalité du dossier est de comporter deux réécritures, offrant ainsi trois versions successives du même récit. Si la datation des différentes parties du texte primitif restent en débat, on observe un décalage langagier très net avec la première réécriture réalisée vers 820 par Wettinus. Ce dernier, usant d’un style très affecté où les structures désormais archaïques pour un locuteur latinophone sont surreprésentées, a effacé (presque) tous les éléments typiques de la langue mérovingienne. Le caractère artificiel du nouveau texte, jugé insatisfaisant, a justifié la commande d’une deuxième réécriture composée par Walafrid Strabon une quinzaine d’années plus tard. Celle-ci est marquée par une plus grande fidélité à la source, ce qui explique des fluctuations de niveau un peu plus importantes que chez Wettinus.

Chapitre IV
Conclusion sur les trois dossiers

Les dossiers se distinguent d’abord par l’ampleur des fluctuations de niveaux au sein des textes mérovingiens, écrits pour des publics précis ; ensuite, c’est par le degré variable de fidélité des réécritures vis-à-vis de la langue de leur source.

Les procédés de réécriture observés dans les quatre cas étudiés ici sont d’une nature sensiblement identique d’un texte à l’autre : ils contribuent à une unification du genre hagiographique à l’époque carolingienne. D’un point de vue statistique, l’accroissement est manifeste : tous les textes s’allongent, de plus de 17 % dans le cas de la Vita Balthildis à plus de 125 % dans le cas de la Vita Richarii. De la source à la réécriture, les structures permanentes de la langue gardent des proportions identiques. C’est presque aussi le cas des structures neuves, certes très rares dans les textes carolingiens, mais présentes en proportions limitées dans les textes mérovingiens, signe que ces derniers ne reflètent que très partiellement l’évolution de la langue naturelle : ils reflètent les compétences passives du public, telles qu’estimées par les rédacteurs. En revanche, les éléments en cours de disparition, voire définitivement disparus de la langue naturelle, sont largement réintroduits par les auteurs carolingiens.

Les évolutions constatées dans le domaine linguistique trouvent un écho dans le domaine narratologique. En effet, à la distanciation langagière dorénavant consacrée entre les textes et le mouvement naturel de la langue correspond une mise à distance de la sainteté, appuyée par un goût pour les tournures emphatiques. La reconfiguration du récit entre dans le cadre plus large d’évolutions liturgiques qui se retrouvent dans le culte des reliques et dans l’architecture sacrée, comme l’apparition du chancel ; la sphère du sacré, largement articulée aux pratiques populaires à l’époque mérovingienne, est ramenée sous les Carolingiens à une dimension beaucoup plus aristocratique.


Quatrième partie
Confrontation des deux corpus


Chapitre premier
Forces centrifuges et centripètes : rapports et apports

La langue des diplômes royaux et celle des réécritures sont plus proches l’une de l’autre au ixe siècle que précédemment : les réformes contribuent à une plus grande homogénéité des deux corpus. Au niveau des épidictiques et de l’ordre des syntagmes, l’évolution de la langue hagiographique en direction de la langue diplomatique pourrait laisser croire à une influence de cette dernière. S’il subsiste des différences, elles sont simplement liées au contenu des deux sources, d’usages propres. À part cela, les rares points nouveaux sur lesquels la langue diverge concernent surtout des structures nouvelles.

L’impression qui se dégage de la comparaison des deux corpus, pour l’époque mérovingienne, est que la langue hagiographique reflète les compétences passives de la masse des auditeurs illettrés, tandis que celle des diplômes reflète les compétences actives en acrolecte de l’aristocratie neustrienne qu’ils concernent presque exclusivement.

Chapitre II
Vers une modélisation d’ensemble

Modéliser la latinité telle que la laissent entrevoir les textes est une gageure ancienne. Ici, on a choisi d’y placer les fluctuations langagières de chaque texte du corpus, lesquelles s’articulent avec la périodisation sociolinguistique existante : elles mettent en relief la diffraction de la langue à partir de la fin du viiie siècle.

Chapitre III
Plasticité et porosité du diasystème

La notion de diasystème est illustrée par les importantes fluctuations observées, dont le caractère presque naturel n’avait pas particulièrement suscité l’attention. Le brouillage phonétique observable entre certains mots sémantiquement proches contribue même, dans quelque cas, à assurer une apparente continuité graphique et phonétique là où se produisent des changements lexicaux.

Chapitre IV
Typologie contrastive des latinités mérovingienne et carolingienne

Une typologie illustrée par des exemples issus des deux corpus propose finalement une confrontation synthétique des situations avant et après les réformes carolingiennes. Cependant, il serait illusoire d’y voir une liste de procédés de réécriture, car les correcteurs carolingiens ne corrigent pas systématiquement de front les écarts à la nouvelle norme selon laquelle ils sont formés : les contournements sont au moins aussi nombreux.


Conclusion

Débrouiller le fonctionnement du langage du milieu du viie au milieu du ixe siècle ne peut qu’orienter la recherche vers les siècles ultérieurs : l’on songe à la réception de la langue diplomatique mérovingienne dans les cartulaires ou sous la forme de diplômes falsifiés, au texte des nouvelles réécritures hagiographiques en prose qui apparaissent vers le xie siècle, ou encore aux textes épigraphiques encore très peu étudiés dans une telle perspective. Le perfectionnement de ressources informatiques, sous forme de corpus latins et français et de logiciels en licence libre, représente un formidable potentiel en partie d’ores et déjà exploitable. L’étude des niveaux de langue en ancien français constitue une autre voie dans le prolongement naturel du sujet traité ici.


Annexes

Les trois dossiers hagiographiques avec les textes intégraux en regard. — Essai de situation diachronique d’un extrait du jugement de 861. — Carte du domaine picard. — Échantillonnage lexical des Vitae. — Exemples de textes carolingiens en niveau 1 (protoroman direct).