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École des chartes » thèses » 2011

« Après qu’il s’est assemblé marchands fripiers, tapissiers, revendeurs et autres citoyens »

Étude institutionnelle des ventes révolutionnaires du mobilier royal

Versailles, Marly, Saint-Cloud, Bellevue (1793-1795)


Introduction

Dès le 20 octobre 1792, la vente du mobilier garnissant les résidences royales, dit « de la liste civile », est officiellement entérinée ; elle ne fait toutefois l’objet d’un véritable décret d’application que le 10 juin 1793. Tout s’organise alors très vite. Quinze jours plus tard, les députés chargés d’encadrer l’aliénation sont élus. Le mois de juillet est occupé à ajuster le dispositif législatif, puis les membres de cette « Commission des Dix » quittent Paris pour la Seine-et-Oise où ils se répartissent dans trois résidences royales, Rambouillet, Versailles et Marly. Les huissiers choisis, le mobilier récolé, certaines pièces distraites et les ventes publiées, elles sont respectivement lancées les 20, 25 août et 6 octobre 1793. Au printemps 1794 puis 1795, c’est au tour de l’ameublement de Saint-Cloud et de Bellevue d’être dispersé. Ce sont, de Versailles à Bellevue, plusieurs dizaines de milliers de lots qui passent alors sous le feu des enchères.

L’apparente banalité de cet événement, considéré rétrospectivement comme un dysfonctionnement administratif majeur, resté dans les esprits comme une erreur manifeste – pour ne pas dire un traumatisme patrimonial – a totalement occulté la réalité de sa préparation et de son déroulement. La possibilité d’un écart entre l’ordinaire d’un « encan pur et simple » dont le modèle a émaillé l’histoire des confiscations révolutionnaires et les options adoptées pour vendre le mobilier royal méritait d’être questionnée, comme d’ailleurs le topos de la participation des amateurs étrangers à la liquidation qui, a posteriori, n’avait fait qu’amplifier le sentiment de perte.


Sources

Le premier impératif a été d’élargir la focale, donc de renoncer à n’étudier qu’une dispersion. Cet élargissement était d’autant plus nécessaire que les sources sont très disparates et qu’il faut bien souvent se résoudre à ce que certains points essentiels ne soient documentés que pour une seule vente. Les ventes versaillaises étant strictement contemporaines de celles de Marly, cette dernière étant considérée par l’administration comme un préambule à la dispersion des meubles de Saint-Cloud puis de Bellevue, nous tenions là un corpus cohérent. Bien qu’irrégulières, les sources sont abondantes. Les archives départementales des Yvelines, à Saint-Quentin, en conservent la majorité, répartie dans une quinzaine de sous-séries révolutionnaires regroupant des extraits du corpus législatif, la correspondance des administrations pour l’organisation des ventes, les comptes rendus des représentants du peuple en mission et de leurs successeurs et, bien entendu, les registres de vente (2Q70 à 2Q75). Les possibilités offertes par ces imposants cahiers avaient jusqu’ici étaient largement sous-estimées.

Quelques sous-séries des Archives nationales, rassemblant des documents produits par l’administration du Garde-meuble maintenue dans ses attributions sous la Révolution (O2), complètent efficacement les fonds du département.

Enfin, les registres paroissiaux puis d’état-civil des grandes localités de Seine-et-Oise pour la période 1770-1850, entièrement numérisés et mis en ligne, permettent l’identification des adjudicataires de mobilier royal.


Première partie
« Un encan pur et simple » ?


Chapitre premier
La Convention en ses ventes

Le trait sans doute le plus caractéristique des ventes du mobilier de la liste civile, rarement commenté, est sans aucun doute l’implication directe dans les premières d’entre elles de membres de la Convention, représentants élus du pouvoir législatif, « représentants du peuple » détachés de son sein pour l’occasion. Cette particularité suffit seule, lorsqu’on s’attarde sur les différents motifs qui ont conduit l’Assemblée nationale à députer ses membres dans les départements, à témoigner de l’importance que le pouvoir central accordait à l’aliénation des meubles du roi. Ce sont, de fait, les chevilles ouvrières des ventes, qui président activement à leur organisation et dont ils garantissent tout à la fois la régularité et la réussite financière. Leur rappel subit et général, en novembre 1793, et leur remplacement par des commissaires du Conseil exécutif provisoire pour exercer des fonctions identiques, consacrent finalement ce qui avait été à la source de l’envoi des députés en mission, à savoir le souhait d’une forte représentation du pouvoir central dans ces ventes : jamais la tutelle de l’État dans les processus d’aliénation révolutionnaires ne fut aussi forte.

Le bilan de ces encadrements inédits et proprement extraordinaires dans l’histoire des aliénations révolutionnaires est très positif. Plus que de simples épouvantails exerçant une vigilance passive, les représentants du peuple se sont révélés les agents actifs et indispensables du succès des ventes du mobilier royal. Initiateurs des récolements, électeurs des huissiers et rédacteurs des affiches, acteurs des sélections, leur intérêt pour le produit des enchères, leitmotiv de leur correspondance avec les instances centrales, ne doit pas masquer – sous les dehors d’une vénalité étatique prête à tous les sacrifices – leur réelle implication dans la conduite efficace des dispersions. Conscients des écueils d’une aliénation irréfléchie, ils ont été tout à la fois les outils et les garants d’une aliénation maîtrisée ; et l’une des pièces les plus convaincantes, avec les huissiers-priseurs, au dossier de l’organisation au cordeau des ventes du mobilier royal.

Chapitre II
Les responsabilités des huissiers-priseurs

Confrontés sur ce point au silence de la législation, les représentants en mission réemploient, dans les fonctions mêmes dont ils avaient, avant 1793, le monopole (l’estimation et l’adjudication des biens meubles), des officiers d’Ancien Régime. À bien des égards d’ailleurs, les ventes mobilières nationales sont restées tributaires, dans le détail de leur procédure, des formalités auxquelles étaient précédemment soumis les huissiers-priseurs. Choisis pour être à la hauteur de l’enjeu, ces huissiers d’expérience, versaillais ou parisiens, jouent un rôle de premier plan dans la dispersion.

Outre leur rôle d’appréciateur et de vendeur, les huissiers-priseurs doivent assumer, pour le compte de la Nation, de lourdes responsabilités – concernant le versement des deniers des ventes notamment. Bien que non intéressés, d’un point de vue financier, à la réussite des enchères, ils n’hésitent pas à prendre certains risques pour améliorer le rendement des liquidations. Qualifiés et aguerris, à la différence de certains commissaires ayant dirigé des ventes mobilières de seconde origine, ils étayent à leur niveau l’idée d’une aliénation sous contrôle, consciencieuse.

Chapitre III
Préparer l’encan

La publication des ventes du mobilier royal a été le préalable indispensable à leur lancement. Le dépouillement des circulaires administratives, comme celui de la correspondance des commissions et de leurs comptes rendus, a permis de cerner les enjeux de la formalité et les modalités de son application (rédaction, contenu, diffusion des affiches). Instruments élémentaires de la publicité des ventes, les affiches se doublent de la publication d’annonces, accueillies dans le Journal général de France, qui en reprennent d’ailleurs le texte et permettent d’en décupler l’efficacité – sur la place parisienne notamment. On expérimente du reste la publication, pour les ventes mobilières versaillaises, d’un catalogue diffusé sur place et à Paris par l’huissier-priseur chargé d’en disperser le contenu, et qui en assure la rédaction. Cette anomalie dans l’histoire publicitaire des ventes peut apparaître comme la forme de réclame la plus aboutie, mais n’a jamais fait partie, pour des raisons pratiques, des procédures ordinaires, son usage s’étant limité au mobilier issu des sélections commerciales. Quoi qu’il en soit, loin de se contenter d’expédier l’affichage, représentants du peuple et commissaires du Conseil exécutif se sont véritablement appliqués à ce que les ventes connaissent une publicité suffisante.

Chapitre IV
Le théâtre des dispersions

L’étude du contexte dans lequel s’est adjugé le mobilier royal fait partie de l’histoire matérielle des ventes de la liste civile. Les commissaires, préférant à la formule de la vente en plein air la délimitation d’un cadre strict, choisissent d’aménager dans chacune des résidences une salle des ventes éphémère dont on peut reconstituer la physionomie. Prenant le contre-pied d’huissiers-priseurs militant pour une certaine forme de désordre, les organisateurs insistent ainsi sur le caractère officiel des liquidations : la salle des ventes est le lieu d’application de la loi, loi qu’ils y incarnent, qui y est affichée, et qu’y font encore respecter les volontaires des gardes nationales locales.


Deuxième partie
Pratiques de vente, pratiques d’achat


Chapitre premier
L’estimation

D’abord réduite au rang d’option qu’aucune loi, dans le cadre des premières nationalisations mobilières, ne prescrivait véritablement, l’estimation s’est progressivement imposée dans l’arsenal législatif pour devenir non seulement le préalable indispensable à toute dispersion, mais surtout le gage de sa validité et de sa légalité, ainsi qu’un critère déterminant dans la définition des modalités de son déroulement. Son importance, décisive, trouve sa justification dans la crainte révolutionnaire de la dilapidation dont elle doit, par sa justesse, préserver l’encan. Cette dernière repose sur la qualité des agents en charge des appréciations : elle a, sur notre terrain, l’occasion de se vérifier. Les commissions en charge de l’aliénation du mobilier royal, venant sanctionner le rôle décisif de la formalité, y apportent un soin tout particulier dont l’illustration la plus flagrante est, alors que rien ne les y contraint, le recours à des experts subsidiaires pour l’estimation de certains effets échappant pour partie à leurs compétences – pourtant éprouvées.

Les huissiers-priseurs, à qui il est défendu d’adjuger un effet en-deça de son estimation, peuvent toutefois jongler avec la prisée pour l’adapter à la réalité des enchères : il s’agit alors de profiter de leur dynamisme (réévaluation de la prisée en cours de vente) ou de ruser, a contrario, pour faire vendre sans jamais sabrer l’estimation initiale. Qu’il les ait conduit à réviser une prisée à la hausse ou à la mettre entre parenthèses pour se jouer des circonstances qui avaient pu conduire à des retraits, le réalisme des huissiers leur a semble-t-il permis de composer avec cette double exigence : susciter la concurrence entre adjudicataires en formulant des offres attractives sans pour autant consentir à sacrifier la valeur des objets.

Chapitre II
Acheter dans les ventes révolutionnaires

Comparés à la masse législative qui a réglé le détail de l’organisation administrative des ventes, défini les responsabilités des commissaires-vendeurs ou statué sur les prérogatives des huissiers-priseurs, les articles destinés à rappeler les obligations du public enchérisseur représentent un ensemble bien modeste. Globalement, ces dispositions se sont concentrées sur deux points principaux : l’élaboration d’une police des ventes garantissant l’intégrité et la régularité du jeu des enchères, ainsi que l’énonciation de règles relatives au paiement des adjudications. Outre ces questions législatives, il y a la réalité du terrain, ce que vit concrètement l’acheteur à partir de son arrivée sur le lieu de la dispersion. Les registres permettent de reconstituer le déroulement d’une session de vente, depuis le rappel du public au son du tambour jusqu’à la présentation des lots et leur adjudication, avec l’assistance du crieur ; ils témoignent d’une grande variété dans les modalités de la mise à l’encan des lots (ordre, rythme, etc.) et surtout dans les cadences des vacations – non seulement d’une vente, mais encore d’une session à l’autre. Si les contenus semblent parfois aléatoires, dans certains cas quelques impulsions insensibles leur ont été données ; un panachage efficace, associé à quelques artifices, a ainsi pu participer d’une stimulation de l’adjudicataire et contrecarrer ponctuellement les effets d’un encan engourdi par son abondance.

Les ventes-fleuves de la liste civile n’échappent au « trouble naturel » qui caractérisaient déjà les encans mobiliers d’Ancien Régime. Elles sont le théâtre d’incidents, de tensions, d’altercations entre enchérisseurs, parfois entre les adjudicataires et les adjudicateurs. C’est surtout la concurrence entre marchands qui contribue à échauffer l’ambiance, engendre du trouble, mais aussi s’en nourrit. Elle est bien le moteur du jeu des enchères et, de fait, les huissiers-priseurs avouent que c’est de cet « état presque naturel et nécessaire […] que vient la plus grande quantité d’enchères ».

L’adjudication, qui sanctionne la redistribution de l’effet nationalisé, lie contractuellement l’acquéreur, soumis à un devoir de paiement, à la Nation. Pour éviter toute complication, la loi révolutionnaire est restée fidèle à la règle d’Ancien Régime du paiement comptant. Pourtant, rapidement, la simplicité de la loi se trouve confrontée à la réalité des dispersions : impossible de vendre cher si l’on ne procure quelques facilités de paiement à l’acheteur. Des crédits temporaires sont alors accordés : ils conduisent parfois à des situations de folle enchère. Par ailleurs, sans revenir sur le principe du paiement comptant mais toujours dans le but de favoriser l’investissement, les législateurs élargissent l’éventail des possibilités offertes aux adjudicataires pour s’acquitter de leurs achats. Le paiement en assignats démonétisés, notamment, est autorisé, sur proposition des commissaires encadrant la vente de Versailles.

Chapitre III
Des adjudicataires des meubles du roi

L’étude du public des ventes royales constituait assurément l’un des enjeux du sujet ; elle devait passer par l’identification de nouveaux acheteurs, objectif qui s’annonçait, vue l’indigence des informations contenues dans les procès-verbaux, très difficile à atteindre. L’exploration des registres d’état civil des grandes villes de Seine-et-Oise s’est pourtant avérée fructueuse : elle a permis de confirmer l’identité de dizaines d’acheteurs jusqu’ici inconnus et qui, dans certains cas, complète notre connaissance du parcours de certains meubles. Ces identifications confirment l’hypothèse d’une résonance essentiellement locale, puisant ses effectifs dans le milieu marchand des fripiers, tapissiers, revendeurs de meubles, chaudronniers, drapiers et tabletiers versaillais, saint-germinois ou parisiens. Ces acteurs du monde de la revente, liés par les affaires ou par les alliances, sont bien les premiers « profiteurs » directs de l’adjudication du mobilier de la liste civile. L’examen comparatif des registres d’une quinzaine de ventes contemporaines de biens de première ou de seconde origine documentent par ailleurs leur mobilité et le caractère « gyrovague » de leur participation au mouvement d’aliénation ; ils fréquentent la plupart des encans contemporains, complétant leur stock, modulant leurs acquisitions, intégrant en tout cas visiblement l’achat en ventes aux enchères à leur pratique professionnelle révolutionnaire.

Chapitre IV
Les visages de l’investissement

Ce chapitre est l’occasion de compléter le précédent en approfondissant l’analyse du parcours et de la participation de certains adjudicataires pour délimiter les contours de leurs investissement. Il interroge, à partir des portraits de quelques gros acheteurs et de l’étude de leurs pratiques d’achat, ce qui a pu être le moteur de leur participation. Les biographies qui ont pu être – du moins partiellement – reconstituées révèlent que la participation à l’aliénation du mobilier royal est tour à tour l’occasion d’une reconversion (les frères Couilbeaux), la condition de la survie révolutionnaire d’un négoce particulier (le tabletier Gorez, le drapier Trufet, le miroitier Bouclier), l’opportunité de réaliser un investissement de crise (l’éditeur strasbourgeois Treuttel) ou, dans un cas d’exception, de tenter de spéculer (le cas J.-H. Eberts). Quant aux grands marchands-fripiers, comme Louis Dutil ou la citoyenne Marie-Félix Rougé, leur participation constitue simplement le prolongement naturel de ce qui est à la base de leur profession : racheter pour revendre.


Troisième partie
Les chemins parallèles de l’aliénation


Chapitre premier
Ne garder que l’unique. Un aperçu des politiques de sélection

La Révolution est, d’un point de vue patrimonial, le moment du choix. Les vagues de nationalisation successives viennent gonfler la masse du mobilier destiné à l’aliénation et, en contrepoint, donnent aux révolutionnaires l’occasion de patrimonialiser un certain nombre de monuments finalement conservés. L’exercice de la vente s’est donc accompagné de celui du tri, de la distraction, d’autant plus délicat à saisir que les contours en sont toujours restés flous et que ses critères n’ont jamais été clairement définis. Au-delà donc du caractère nécessairement arbitraire de ces sélections (« Les œuvres d’art avaient leur tribunal révolutionnaire », disait Louis Courajod), des tendances générales ont été à l’œuvre que les soustractions opérées lors des ventes des meubles des résidences royales, organisées entre 1793 et 1795, permettent de restituer. Elles relativisent l’idée de distractions uniquement typologiques et mettent en exergue le principe implicite qui y a présidé : ne garder que l’unique, que ce qui échappe au sériel – même dans le champ des beaux-arts. Face à la richesse quantitative de ce mobilier, les distractions patrimoniales révolutionnaires se font inévitablement sélectives ; le refus de l’accumulation apparaît alors comme la donnée essentielle des réflexions sur la constitution des collections nationales. On comprend aisément, à cet égard, le problème que posaient les meubles meublants, même d’exception : si les commissions préposées aux distractions affirmaient explicitement qu’ils avaient bien leur place dans les sélections, la règle tacite qu’elles appliquaient condamnaient majoritairement ces productions, issues de commandes en série, à l’aliénation. Des objets ont pourtant suscité, dans le cours du processus de sélection, questionnements et hésitations. Une solution intermédiaire put alors être adoptée, et ce qui ne justifiait pas totalement une distraction patrimoniale fit néanmoins l’objet d’une sélection commerciale soustrayant temporairement le meuble à la vente. Le cas des tables en pétrification de Marie-Antoinette ou du guéridon de la Du Barry se ressentent de ces inflexions et donnent un ultime éclairage sur la position des meubles à l’heure de la sélection patrimoniale, car si la singularité de certains ne faisait aucun doute, leur plus grand défaut était d’être non seulement multiples, mais duplicables.

Chapitre II
La tentation de l’exportation. Nécessité ou opportunité ?

À partir de 1794, une solution subsidiaire d’aliénation est envisagée : il s’agit de sélectionner les meubles susceptibles « de procurer à la République des moyens d’échange » et de les négocier avec l’Étranger contre des fournitures. Bien qu’elle réponde d’abord à des impératifs financiers, cette tentation de l’exportation n’est pas sans lien avec le terreau idéologique qui a, explicitement, justifié la liquidation de l’ensemble du mobilier nationalisé, en particulier royal. Que le problème décisif ait été, pour le législateur, que les meubles de luxe n’eussent plus leur place dans l’architecture matérielle de la nouvelle société révolutionnée (« le riche mobilier dont l’austérité républicaine vous commande le sacrifice »), ou que, pour cette raison même, le marché national n’eût pas permis – aux adjudicataires comme à l’État – de tirer le meilleur parti financier de ce mobilier (quelle clientèle pour acquérir des effets dont on ne pouvait assumer la possession ?), sa « déportation » put apparaître comme la solution la plus adaptée.


Conclusion

La vente des meubles de la liste civile, l’une des aliénations décrétées le plus tardivement, est un hapax fascinant de l’histoire des confiscations révolutionnaires. Alors que le pouvoir central avait la possibilité, comme pour les biens de première et de seconde origine, de s’en décharger entièrement sur les administrations locales, elle a bénéficié de toute son attention et de sa tutelle directe : l’investissement étatique a été, dans ces ventes, complet.

Lorsque les ventes royales débutent, le marché est déjà parasité par l’aliénation de milliers de meubles de toutes origines. Cette redoutable inflation de l’offre, bien entendu, ne pouvait qu’avoir des conséquences dommageables sur la réussite des ventes. Pourtant, à l’issue de l’analyse du travail des commissions, des initiatives prises par les huissiers-priseurs et les représentants du peuple, des pratiques de vente, il faut se résoudre à ce bilan : en 1793-1795, on n’aurait pas pu mieux vendre. Du reste, les écarts constatés entre estimations et adjudications, contredisant l’axiome que les enchères n’auraient pas décollé, empêchent toute conclusion hâtive : c’est bien le portrait en contraste d’une dispersion délicate qui est esquissée, délicate car pléthorique, où il faut ruser pour que le nombre ne dissipe pas les enchères mais d’où la réussite n’est pas absente.

Enfin, les nouvelles identifications permettent de dresser un portrait de groupe inédit du public des ventes révolutionnaires. D’après ces résultats, il est indispensable de replacer ces enchères dans leur contexte local. Ils contredisent rigoureusement l’idée d’un exode direct, massif et organisé du mobilier royal vers l’Étranger, et permettent de démontrer que les ventes du mobilier royal n’ont pas attiré un public foncièrement différent de celui qui avait fréquenté les autres encans révolutionnaires.


Annexes

Chronologies. — Cartes. — Identifications d’acheteurs de mobilier royal.


Catalogue iconographique

Affiches des ventes, annonces, fac-similés de feuillets des registres d’adjudication. — échantillon de meubles aliénés dans les dispersions de la liste civile ou distraits à l’issue d’une sélection patrimoniale ou commerciale.