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À la découverte de l’art khmer

Louis Delaporte, fondateur du Musée indochinois et organisateur des missions scientifiques aux ruines khmères (1866-1900)


Introduction

Louis Delaporte, fondateur du premier musée d’art khmer en France, est un personnage méconnu de l’histoire de l’exploration archéologique de la péninsule indochinoise. Les ouvrages consacrés à cette question développent assez peu la période s’étendant de la « redécouverte » des sites d’Angkor par Henri Mouhot, en 1860, à l’inventaire systématique des monuments khmers mené par Étienne Lunet de Lajonquière, entre 1900 et 1909.

Deux raisons contribuent à ce manque d’informations. La première a trait au caractère inédit des archives personnelles de Louis Delaporte. La seconde intéresse l’absence de reconnaissance portée, depuis ses débuts en 1873-1874, à l’œuvre entreprise par Louis Delaporte. Formé à l’École navale, c’est un autodidacte dans les domaines de l’archéologie, de l’histoire de l’art et de l’architecture. Ses travaux apparaissent donc très confus en comparaison de ceux menés, plus tard, par les membres de l’École française d’Extrême-Orient. Par ailleurs, les méthodes souvent illégales employées par Louis Delaporte pour importer en France les spécimens destinés à former puis enrichir ses collections ont sans doute contribué à ce silence.

L’étude de l’œuvre de Louis Delaporte s’avère pourtant particulièrement importante. Elle permet en effet d’éclairer un aspect généralement méconnu de l’histoire de la colonisation française en Indochine : l’exploration scientifique des territoires progressivement soumis à l’influence de la France. Elle éclaire également les circonstances de la fondation de la première collection française d’objets d’art khmers, noyau du département d’art de l’Asie du Sud-Est du musée Guimet.

Louis Delaporte a contribué à l’étude et à la diffusion de l’art khmer en France pendant une cinquantaine d’années, entre 1873 et 1924. Le présent travail porte sur les trois premières décennies de cette période, entre la première mission aux ruines khmères dont Delaporte prit la tête, en 1873-1874, et la préparation de l’Exposition universelle de 1900, considérée par Louis Delaporte comme l’apogée de son œuvre. Il se concentre principalement sur les mécanismes ayant présidé à la collecte, à l’organisation et à la diffusion de l’image des collections rassemblées par Louis Delaporte.

Il a été jugé important de revenir, dans une première partie, sur le contexte politique, scientifique et culturel dans lequel Louis Delaporte a évolué.

Ensuite, pendant la période séparant les deux missions archéologiques dirigées par Louis Delaporte, entre 1873 et 1882, se mettent en place des mécanismes que Louis Delaporte développera et perfectionnera plus tard : engagement de sa famille et ses amis proches, et création d’importants réseaux officieux au sein de l’administration française pour servir à l’avancement de ses projets. Cette dizaine d’années correspond à la durée d’existence du musée de Compiègne, première vitrine de l’art khmer en France.

Enfin, lors des deux dernières décennies du xixesiècle, l’installation définitive à Paris des collections rassemblées par Louis Delaporte, au sein du Musée indochinois, marque la reconnaissance publique de l’art khmer. Louis Delaporte abandonne alors tout projet de réflexion théorique et se concentre sur l’organisation et l’enrichissement de son musée, pour en faire un ensemble cohérent, destiné à devenir le point de départ de toutes les recherches à venir.


Sources

Cette thèse s’appuie dans un premier temps sur des sources publiques. Les deux principales ont été les dossiers individuels concernant les missions organisées par Louis Delaporte et l’ensemble de ses collaborateurs, conservés dans la sous-série F17 des Archives nationales, ainsi que les archives des deux institutions fondées par Delaporte, le Musée khmer et le Musée indochinois (sous-série F21 aux Archives nationales). Des documents complémentaires ont été mis à profit, provenant des archives du Service historique de la Marine, et de celles des Musées nationaux. Un éclairage particulièrement intéressant a été conféré par la consultation des archives personnelles de Louis Delaporte. Divisées en deux ensembles (correspondance et documents de travail), elles sont aujourd’hui conservées par deux branches de la famille Delaporte.


Première partie
Contexte de l’œuvre de Louis Delaporte


Chapitre premier
Contexte politique : l’Indochine

L’Indochine est une construction politique complexe. Au moment où Louis Delaporte dirige ses missions archéologiques, la péninsule indochinoise est composée de cinq entités politiques, disposant chacune d’un système de gouvernement spécifique. La Cochinchine est une colonie française, qui englobe les provinces les plus méridionales de la péninsule indochinoise ; créée en deux temps, en 1862 et 1866, elle est entièrement soumise à l’administration envoyée de métropole. Royaume qui conserve son administration propre, le Cambodge est placé sous protectorat en 1874, et l’autorité française y est essentiellement représentée par le résident installé à Phnom Penh. L’Annam, partie septentrionale du Vietnam actuel, tout en conservant son administration traditionnelle, est aussi soumis par la France à un régime de protectorat dans le courant des années 1880. Le Tonkin, partie centrale du Vietnam actuel, dans lequel les Français cherchèrent à s’installer à partir de 1873, fut détaché de l’empire d’Annam et placé sous protectorat dix ans plus tard. Enfin, le Laos entre dans la sphère d’influence française en 1895.

Outre la France, trois autres autorités étrangères exercent une influence importante sur ces territoires : le Siam, la Chine et l’Angleterre.

Cette mosaïque d’autorités n’est pas sans conséquences sur les voyages scientifiques commandés par des ressortissants français. La progression irrégulière de la colonisation française dans la péninsule indochinoise peut ralentir l’avancée des explorateurs. De nombreuses campagnes ont ainsi dû s’arrêter en raison des conflits opposant l’armée française aux puissances locales.

Chapitre II
Contexte scientifique

L’avancée scientifique française en Indochine occupe une place peu importante dans l’espace public français dans la seconde moitié du xixe siècle. Les articles qui lui sont consacrés, aussi bien dans la presse grand public que dans les publications spécialisées, sont peu nombreux comparés à ceux qui relatent les campagnes lancées dans le même temps sur le continent africain. Les informations auxquelles les Français ont accès ne sont par ailleurs pas toujours complètes. Les rédactions des journaux populaires et de vulgarisation préfèrent mettre en avant l’aspect événementiel des missions, mieux à même d’attirer l’attention des lecteurs, plutôt que de développer les résultats recueillis par les explorateurs.

Le même phénomène s’observe lorsque l’on se concentre spécifiquement sur les fouilles archéologiques des monuments khmers. Ainsi, seuls les orientalistes connaissent la chronologie réelle de la découverte par les Européens de ces édifices et savent qu’Henri Mouhot n’est pas le premier à les avoir dévoilés. Malgré tout, l’Indochine fait l’objet en France, à partir des années 1860, d’un intérêt grandissant. En effet, son exploration constitue un moyen de retrouver un certain prestige international dans les domaines du commerce ou de la recherche scientifique.

Chapitre III
Les missions aux ruines khmères

L’organisation des missions archéologiques aux ruines khmères est particulièrement complexe. Issu le plus souvent de l’initiative d’hommes travaillant ou ayant travaillé dans les territoires indochinois soumis à l’influence française, le projet d’exploration doit d’abord être validé par la commission des Voyages et Missions, au sein du ministère de l’Instruction publique. Ensuite, le financement et l’organisation matérielle du voyage exigent la collaboration de plusieurs instances : ministères de l’Instruction publique et de la Marine et gouvernement de la colonie de Cochinchine. En effet, les voyageurs dépendent administrativement des deux ministères et demandent au gouverneur de leur fournir une aide matérielle sur place. Or ces trois autorités ne s’accordent pas toujours sur la nature et le niveau exact de la participation à apporter à une campagne de fouilles.

Cette difficile conciliation a des répercussions directes sur le déroulement des missions aux ruines khmères. Les explorateurs rencontrent ainsi des difficultés pour obtenir le personnel dont ils ont besoin, comme pour percevoir rapidement les fonds promis lors de l’acceptation de leur projet.

Pour pallier ces difficultés, les voyageurs scientifiques développent des réseaux parallèles, destinés à les soutenir en cas de blocage administratif. Dans un premier temps, ils s’appuient sur leur cercle familial et amical, chargé de mener à Paris les démarches qu’ils ne peuvent effectuer en raison de leur éloignement. Ensuite et surtout, ils se créent des soutiens dans les bureaux des ministères et cultivent des liens très forts avec les membres de l’administration française les mieux à même de plaider leur cause.

Chapitre IV
Louis Delaporte

Louis Delaporte naît à Loches le 17 janvier 1842. Élevé dans une famille de notables, il intègre l’École navale de Brest dans le courant de l’année 1856. Il commence à servir dans la Marine en 1861, puis est envoyé en 1865 en poste dans la colonie de Cochinchine. Un an plus tard, en 1866, il rejoint l’état-major de la mission de reconnaissance du cours du Mékong, dirigée par Ernest Doudart de Lagrée. C’est pendant les deux années de ce voyage scientifique que Louis Delaporte prend goût à l’exploration scientifique et se familiarise avec les monuments khmers.

Après le retour en France des membres de la mission, Louis Delaporte participe, sous la direction de Francis Garnier, à la rédaction du récit de la campagne et à la mise en forme des résultats. Alors que sa carrière dans la Marine le satisfait de moins en moins, ce travail lui fait entrevoir une possibilité de reconversion dans le domaine de la recherche scientifique.


Deuxième partie
La mise en route (1873-1882)


Chapitre premier
Le premier voyage dirigé par Louis Delaporte

Louis Delaporte réapparaît dans les archives en juillet 1872. Il formule alors un projet de reconnaissance du fleuve Song-Coï et de la région du Tonkin. L’idée d’explorer les monuments khmers situés sur les territoires du Cambodge et du Siam se fait jour quelques mois plus tard, en avril 1873, au moment où Louis Delaporte apprend qu’il sera dépêché en Cochinchine dès le mois de juillet, alors que le climat ne sera favorable à sa campagne au Tonkin qu’en novembre. Financé conjointement par les ministères de l’Instruction publique et de la Marine, la colonie de Cochinchine et la Société de géographie de Paris, Louis Delaporte quitte Saigon, capitale de la Cochinchine, dans le courant du mois de juillet 1873. L’exploration des édifices khmers se déroule de juillet à la mi-octobre. De retour à Saigon, malades, Louis Delaporte et ses collaborateurs abandonnent le projet d’exploration de la région du Tonkin. Malgré cet inachèvement, Louis Delaporte rapporte à Paris cent quarante objets d’art, originaux aussi bien que moulages.

Chapitre II
La mission de 1881-1882

Malgré le rapatriement de Louis Delaporte en France dès la fin de la mission de 1873, les fouilles qu’il a engagées ne s’arrêtent pas. Pendant trois ans, Félix Faraut, conducteur des Ponts et Chaussées, membre de la campagne de 1873, continue de faire de fréquentes excursions pour compléter les résultats obtenus par Delaporte. Cet auxiliaire se révèle indispensable, car Louis Delaporte, préoccupé en priorité par l’installation des collections rassemblées en 1873 au sein du palais de Compiègne, reste plusieurs années sans pouvoir retourner en Indochine.

Il faut attendre 1881 pour le voir concrétiser un nouveau projet de mission. Contrairement au voyage précédent, cette campagne a pour objectif unique l’étude des monuments khmers. Une nouvelle fois, cependant, Louis Delaporte est obligé de rentrer en France avant la fin de sa mission et ses collaborateurs continuent, jusqu’en avril 1882, le travail entamé en octobre de l’année précédente.

Chapitre III
Typologie et fonctions des collaborateurs de Louis Delaporte

L’étude des missions de 1873 et 1881-1882 met en évidence l’importance du rôle joué par les membres de l’état-major constitué par Louis Delaporte. Ceux-ci peuvent être classés en trois groupes différents. Le premier est composé d’hommes aux compétences multiples, capables de travailler indépendamment de Louis Delaporte. Cette capacité se révèle très utile sur les chantiers de fouilles, car elle lui permet de déléguer un grand nombre de tâches et d’étudier simultanément plusieurs sites archéologiques. Cependant, les résultats des travaux de la mission sont, dans ce système, éclatés en différents ensembles, ce qui ralentit à terme le travail effectué par Louis Delaporte au retour de la mission. Pour pallier ces inconvénients, Louis Delaporte recrute, à partir de 1881, un second groupe de collaborateurs, disposant de connaissances moins poussées, mais entièrement dévoués à lui et suivant ses ordres. Enfin, les récits rédigés à la suite des missions, ainsi que la correspondance privée de Louis Delaporte et de certains de ses collaborateurs, font apparaître, sur les chantiers de fouilles, un troisième ensemble de travailleurs, européens comme indigènes, le plus souvent anonymes et chargés d’exécuter des tâches subalternes.

Ces auxiliaires scientifiques ne sont pas les seuls à être mis au service de l’entreprise d’étude et de diffusion de l’art khmer en France menée par Louis Delaporte. L’explorateur se crée également deux autres réseaux, indispensables pour pouvoir concrétiser ses projets de voyages scientifiques. Le premier réunit des employés de l’administration française, particulièrement des fonctionnaires du ministère de l’Instruction publique, et le second des membres de plusieurs institutions scientifiques.

Chapitre IV
Le Musée khmer de Compiègne

Au retour de sa mission de 1873, Louis Delaporte ne pensait pas devoir prendre en charge les objets qu’il avait collectés. Au contraire, il avait prévu de confier cette collection au musée du Louvre. Cependant, par manque de place et d’intérêt pour l’art khmer, cette institution refuse de l’accueillir. Après une présentation temporaire au sein de l’Exposition permanente des colonies, à Paris, les œuvres rejoignent, en avril 1874, le château de Compiègne. Installé dans un premier temps dans la Salle des colonnes, le Musée khmer occupe bientôt deux autres pièces du château.

Durant les quatre années d’existence du musée de Compiègne, Louis Delaporte ne cesse de craindre sa fermeture. Pour éviter cette situation, Delaporte mène deux actions conjointes : prouver à l’administration des beaux-arts l’utilité de ses collections, et les faire connaître du grand public, en vue de susciter un intérêt véritable. L’ampleur de la tâche pousse Delaporte à déléguer à sa famille proche et ses amis une partie de son travail de rédaction. Cependant, ce système se révèle assez rapidement insuffisant et Louis Delaporte choisit alors de faire appel à un rédacteur professionnel, mieux à même d’adapter son discours à ses différents publics.

Grâce à cette stratégie, Louis Delaporte gagne un véritable succès d’estime. Après avoir été primée lors du Congrès international de géographie de 1875, la réussite de ses entreprises au service de l’art khmer est couronnée par la présentation de la presque totalité des collections réunies à Compiègne à l’Exposition universelle de 1878.


Troisième partie
Louis Delaporte, au cœur de l’étude de l’art khmer en France (1882-1900)


Chapitre premier
Le Musée indochinois du Trocadéro

Malgré le succès des objets d’art khmers présentés à l’Exposition universelle de 1878, leur destinée reste, jusqu’en 1882, incertaine. Louis Delaporte voudrait voir sa collection définitivement installée à Paris, mais l’administration des beaux-arts peine à trouver une solution adéquate. Ce n’est donc finalement qu’en 1884 que commencent les travaux destinés à aménager un nouveau musée d’art khmer, dans les locaux du palais du Trocadéro.

Le Musée indochinois prend rapidement, comme son prédécesseur, une ampleur imprévue. Jusqu’en 1900, l’institution fondée par Louis Delaporte ne cesse d’être en travaux. Cette activité incessante est une conséquence directe de la muséographie imaginée par Delaporte. Voulant se mesurer au musée de Sculpture comparée, il décide d’implanter des ensembles de sculpture et d’architecture d’une ampleur de plus en plus importante. Parallèlement, sa volonté de se distinguer du musée d’Ethnographie, qui conserve des objets similaires à ceux formant sa collection, aboutit à plusieurs révisions de l’organisation des espaces d’exposition, de manière à créer un ensemble cohérent, présentant au mieux les spécificités de l’art khmer.

Chapitre II
Arrêt sur image : typologie des objets rapportés par les missions aux ruines khmères

Les collections rassemblées par Louis Delaporte et ses collaborateurs conservent cinq types de documents différents : notes manuscrites, dessins, plans et relevés, photographies, pièces originales, moulages. Le plus souvent, Louis Delaporte lui-même définit la nature et le nombre des résultats à rapporter de chacune des missions qu’il dirige ou commandite. Cependant, les bailleurs de fonds des campagnes de fouilles aux ruines khmères peuvent également orienter ce choix. Ce chapitre détaille, pour chacune des catégories énoncées ci-dessus, les techniques adoptées par Delaporte et ses collaborateurs pour recueillir les documents, ainsi que l’utilisation qui en est faite pour servir à l’étude de l’art khmer.

Chapitre III
Les successeurs de Louis Delaporte

La création du Musée indochinois du Trocadéro marque un tournant dans la carrière de Louis Delaporte. Dès ce moment, en effet, il renonce à continuer lui-même les fouilles archéologiques en Indochine. Il décide dans un premier temps de s’appuyer sur Lucien Fournereau, explorateur ayant dirigé avec succès une première mission scientifique en Guyane. Fournereau se révèle sur le terrain un collaborateur efficace et dirige en 1887-1888 la campagne la plus productive des trois dernières décennies du xixe siècle. Cependant, une fois de retour en France, sa collaboration avec Louis Delaporte est de courte durée. Lucien Fournereau garde en effet pour lui seul une partie des résultats de sa mission et produit rapidement des ouvrages qui concurrencent directement l’œuvre de Delaporte.

Louis Delaporte change alors de stratégie. À partir de 1889, il s’appuie sur des collaborateurs ne disposant pas d’une expérience aussi complète que celle de Lucien Fournereau : Sylvain Raffegeaud et Urbain Basset. Il se charge lui-même de leur formation, en les faisant travailler au sein du Musée indochinois du Trocadéro, mais surtout en leur fournissant avant leur départ un ensemble d’instructions particulièrement détaillées.

Chapitre IV
Louis Delaporte incontournable ?

Le Musée indochinois du Trocadéro s’impose progressivement, dans les deux dernières décennies du xixe siècle, comme la vitrine de l’art khmer en France. C’est à l’institution fondée par Louis Delaporte que s’adressent ceux qui souhaitent exposer des exemples de la production artistique de la péninsule indochinoise. Le musée reçoit également à titre de don de nombreuses pièces présentées lors de différentes expositions. En conséquence, Louis Delaporte devient un personnage incontournable.

Malgré la réputation grandissante acquise par son œuvre, Louis Delaporte doit cependant faire face, à partir des années 1890, à une concurrence naissante. Sur le plan scientifique, tout d’abord, Delaporte n’est plus à la pointe de l’élaboration des théories concernant l’art khmer. Disposant de connaissances lacunaires en histoire de l’art et en architecture, il est rapidement devancé par des hommes plus compétents, notamment par Lucien Fournereau.

Ensuite, d’autres institutions commencent à s’intéresser aux anciens monuments khmers. La Bibliothèque nationale, à Paris, entame ainsi la collecte des inscriptions présentes sur ces édifices. Le musée Guimet, surtout, se place exactement sur le même terrain que le Musée indochinois. Bien qu’ayant fondé son institution autour d’un concept relativement différent, Émile Guimet est, dans les dernière années du xixe siècle, bénéficiaire de deux collections qui auraient tout à fait pu trouver leur place au sein du Musée indochinois : les stèles recueillies par l’épigraphe Étienne Aymonier et, surtout, les fragments recueillis par Lucien Fournereau, lors de sa seconde mission en Indochine.


Conclusion

Le fondateur du Musée khmer de Compiègne, puis du Musée indochinois du Trocadéro, n’est pas un scientifique méconnu. L’étude de l’œuvre de Louis Delaporte, entre 1873 et 1900, ne permet pas d’infirmer les jugements portés par les historiens. La concentration de sa carrière sur l’étude des monuments khmers est totalement fortuite. Louis Delaporte ne sera jamais, en raison des lacunes de sa formation, le fer de lance de l’étude scientifique de l’art khmer.

Cependant, l’importance du travail de collecte et d’organisation mené par Delaporte à Compiègne puis Paris doit être saluée. S’il n’a pas été le précurseur de l’étude des anciens monuments de la péninsule indochinoise, il a néanmoins fourni aux archéologues et historiens de l’art matière à nourrir leur réflexion : les pièces originales exposées au musée du Trocadéro constituent le noyau des collections d’Asie du Sud-Est conservées aujourd’hui au sein du musée Guimet.

Par ailleurs, cette étude soulève un certain nombre de pistes, qu’il serait intéressant d’explorer dans le cadre d’analyses générales, soit de l’exploration scientifique française de la péninsule indochinoise, soit des méthodes de production des textes rédigés au retour des campagnes soutenues par le ministère de l’Instruction publique.


Pièces justificatives

Édition partielle de la correspondance de Louis Delaporte.


Annexes

Itinéraires des missions aux ruines khmères commanditées par Louis Delaporte. — Tables d’équivalence des noms cités dans le texte principal. — Inventaire et exemples des œuvres exposées au Musée khmer de Compiègne. — Accroissements successifs des collections du Musée indochinois du Trocadéro.