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École des chartes » thèses » 2012

Entre diplomatie et administration des pays conquis

Édouard Bignon, du Directoire aux Cent-Jours


Introduction

Depuis le xixe siècle, le Consulat et le Premier Empire génèrent une très abondante bibliographie où le genre biographique possède une place privilégiée. Pourtant, seuls les grands acteurs ministériels ou militaires y sont étudiés, occultant les autres personnages. Parmi eux, le diplomate Édouard Bignon (1771-1841) offre une carrière riche d’enseignements. Issu de la petite bourgeoisie provinciale, il intègre la Carrière en 1797 et y demeure jusqu’à la chute de Napoléon Ier en 1815. Pendant dix-neuf ans, il exerce des fonctions diplomatiques d’importance croissante ainsi que des charges administratives exceptionnelles, représentant un cas unique dans l’histoire impériale. En effet, outre les missions à Bâle, Milan, Berlin, Cassel, Karlsruhe et Varsovie, il occupe le poste d’administrateur de pays conquis en Prusse de 1806 à 1808, puis en Autriche en 1809 et en Lituanie en 1812. Joint à son ascension professionnelle continue, rare pour un membre du Tiers État, cet excursus administratif justifie une étude approfondie de ses activités. L’analyse de ses nombreux postes permet autant d’approfondir l’histoire des relations bilatérales entre la France et ses pays d’affectation que d’appréhender l’institution de l’administration civile des pays conquis, encore peu connue des historiens. Un troisième aspect de la personnalité de Bignon motive une telle entreprise ; le choix de Napoléon en 1821 de le désigner pour écrire l’histoire de la diplomatie de son règne. Bignon y acquiert une stature durable dans le monde politique comme dans celui des belles-lettres. Définitivement lié au mythe impérial, il n’en développe pas moins une pensée politique originale sur la conduite des affaires extérieures, visible dans sa monumentale Histoire de France et dans ses autres écrits fustigeant l’Europe du Congrès de Vienne.


Sources

Les sources archivistiques se révèlent particulièrement nombreuses et se scindent en plusieurs ensembles. Le fonds principal est celui d’Édouard Bignon, conservé aux Archives nationales sous la cote 136 AP. Composé de dix-huit cartons, il comporte des documents éclairant les postes diplomatiques de Bignon depuis Cassel jusqu’aux Cent-Jours, ses fonctions administratives ainsi que ses travaux préparatoires d’historien. Les archives de la secrétairerie impériale (AF IV) ainsi que celles émanant du fonds privé Daru (138 AP) apportent des perspectives fertiles, notamment pour les activités à Berlin et à Vienne entre 1806 et 1809. Primordiales pour la compréhension de la carrière d’un diplomate, les archives du ministère des Affaires étrangères disposent d’une abondance de documents. À la Courneuve, ils se divisent entre la Correspondance politique, les Acquisitions extraordinaires, les Mémoires et documents, les dossiers personnels et les comptes d’ambassades. Disponibles à Nantes, les archives des postes complètent les fonds parisiens, en fournissant des correspondances absentes des registres centraux.

Outre les archives publiques et privées, des sources imprimées ont été consultées. Elles concernent avant tout la totalité des ouvrages composés par Édouard Bignon de 1799 à sa mort, en 1841. L’œuvre la plus imposante, l’Histoire de France, présente un tableau complet de la politique française depuis le coup d’État de Bonaparte jusqu’à la fin des Cent-Jours. Divisée en trois ensembles, elle forme un total de quatorze tomes, publiés entre 1829 et 1850, les quatre derniers étant posthumes. Édouard Bignon rédige une dizaine d’autres livres, tous relatifs à la politique internationale européenne de 1799 aux années 1830. Outre les écrits du diplomate, les mémoires de ses contemporains permettent d’appréhender le milieu dans lequel il évolue durant dix-neuf ans. Pour le poste polonais, ils offrent une intéressante perception des relations difficiles entre le diplomate et les Polonais.


Chapitre premier
Les jeunes années d’Édouard Bignon : un apprentissage fructueux (1771-1802)


Né le 6 janvier 1771 à la Mailleraye-sur-Seine, Édouard Bignon est issu d’un milieu provincial, étranger à toute carrière militaire ou diplomatique. Or il choisit successivement ces deux voies à compter de 1793. Journaliste inquiété par la Terreur, il s’engage dans l’armée pour échapper aux poursuites. La reconversion diplomatique se veut plus mûrie : la maîtrise de plusieurs langues européennes, les solides études accomplies à Paris et les nombreuses requêtes adressées au Directoire à partir de 1796 plaident en ce sens.

Ses premiers pas en diplomatie sont décisifs pour la suite de sa carrière. Secrétaire de légation à Bâle en 1798, puis à Milan en 1799 et à Berlin de 1799 à 1802, Bignon y observe avec attention la vie politique intérieure de ses pays comme leurs relations avec la France. Il enrichit d’autant plus son expérience qu’il la fonde sur des pays en pleine crise révolutionnaire ou internationale. À plusieurs reprises, il y remplace, avec les honneurs, ses supérieurs absents, s’attirant les faveurs de Talleyrand. Lors de la vacance de la légation française de Berlin en 1802, le ministre français le promeut ainsi chargé d’affaire.

Durant ces cinq années initiatiques, Bignon ébauche également un premier système historique. Il se fonde, d’une part, sur la permanence historique, assurée par la connaissance des relations internationales passées et, de l’autre, sur la nécessité d’une politique internationale morale. Visible dès les rapports composés en Suisse, cette pensée se développe plus profondément au lendemain de l’expérience italienne dans un opuscule intitulé Du système suivi par le directoire exécutif relativement à la République cisalpine. Deux rapports portant sur la situation internationale depuis Berlin démontrent à Talleyrand la profondeur des notions historiques de son agent.


Chapitre II
Bignon dans le monde germanique : un accroissement des responsabilités (1802-1806)


Devenu chargé d’affaires à Berlin au mois de février 1802, Bignon conserve ses fonctions jusqu’à l’arrivée de son nouveau supérieur en mai 1803. Pendant seize mois, il représente la France et ses intérêts en Prusse à une époque où toute l’Europe est provisoirement pacifiée. Les observations du chargé d’affaires sur le milieu germanique dans lequel il évolue sont de première qualité : elles portent aussi bien sur la Diète de Ratisbonne que sur l’évolution des relations européennes. Leur pertinence explique sa promotion comme ministre plénipotentiaire à la cour de Cassel en 1803. Toutefois, il est délicat d’évoquer un quelconque bilan diplomatique de Bignon à Berlin : il n’a pas de marge de manœuvre, et ses ordres lui enjoignent de ne prendre aucune initiative.

Nommé le 11 juin 1803, il arrive dans l’électorat deux mois plus tard et y demeure jusqu’au 21 octobre 1806. Ces trois ans constituent une étape décisive pour sa carrière. Il y expérimente les joies et les vicissitudes d’un poste de moindre importance après celui de Berlin. Il s’en plaint à plusieurs reprises à Talleyrand, bien qu’il participe à la genèse de la Confédération du Rhin via l’élaboration de deux mémoires. Grâce à son expérience berlinoise, il distingue rapidement la prégnance des influences prussienne et anglaise à Cassel. L’importante position accordée à l’envoyé anglais, Taylor, au détriment du Français illustre ainsi la dégradation des liens entre la France et la Hesse-Cassel, à une époque où les hostilités ont repris entre les empires français et britannique. Les avertissements du diplomate français ne modifient pas l’attitude de l’électeur dont le territoire est supprimé après Iéna. Durant les mois précédant la campagne de septembre-octobre 1806, Bignon est également amené à se familiariser avec les autorités militaires françaises. Il noue des contacts précieux qui expliquent, en partie, sa brusque mutation dans l’administration civile en octobre 1806.


Chapitre III
Bignon administrateur en Allemagne : appréhension d’une institution naissante (1806-1808)


En novembre 1806, devenu commissaire impérial au sein de l’administration des pays conquis, Édouard Bignon est chargé de faciliter l’installation temporaire des Français en Prusse ainsi que de procéder aux levées et aux réquisitions financières ordonnées par Napoléon. Unique diplomate dans ce milieu, il doit sa présence à sa connaissance du milieu berlinois et des mécanismes du gouvernement prussien. Sa promotion à l’automne 1807 au poste d’administrateur général des finances et des domaines prouve sa réussite. Entre 1806 et 1807, Bignon multiplie en effet les activités. Il participe aux cérémonies officielles dirigées par le gouverneur de Berlin – Clarke –, remplit les attributions inhérentes à sa fonction de commissaire, s’acquitte de nombreuses missions pour l’administration militaire et s’implique aux côtés de Daru dans les négociations avec la Prusse.

Administrateur général, Bignon concentre ses efforts sur les problèmes financiers. Il tente d’endiguer la dévaluation de la monnaie prussienne et d’augmenter les recettes de l’État. Dans le même temps, il élabore le bilan des deux ans d’occupation française en Prusse. Enfin, il continue de seconder Daru, notamment lorsque les autorités prussiennes refusent de se soumettre à l’administration française. L’ancien diplomate devient ainsi un rouage indispensable, interlocuteur des Prussiens ainsi que des intendants et des commissaires français placés sous ses ordres, sur la quasi-totalité du territoire prussien.

L’étude des deux fonctions de Bignon à Berlin permet ainsi d’appréhender la formation d’une nouvelle institution, l’administration civile des pays conquis. Ébauchée durant la campagne d’Austerlitz, elle ne fonctionne réellement qu’à partir de 1806. Implantée en Prusse pendant deux années, elle s’y développe et se confronte aux réalités d’un pays asservi. Encore mal définis en 1807, ses contours s’affinent lors de l’administration générale de Bignon. La clarification et la qualité du travail qu’il effectue expliquent son rappel en 1809 lors de la conquête autrichienne.


Chapitre IV
Édouard Bignon, administrateur général des finances et des domaines en Autriche, (1809)


Nommé à Karlsruhe après sa mission berlinoise, Bignon n’y demeure que de février à juin 1809 : le 31 mai, Napoléon lui ordonne de le rejoindre à Vienne. Maître de la capitale autrichienne et des terres des Habsbourg, l’Empereur entend employer les mêmes hommes qu’à Berlin afin de profiter de leur expérience et de faciliter l’installation d’une administration provisoire. Administrateur général pendant six mois, Bignon tire un excellent parti des leçons des événements prussiens. Il surveille ainsi beaucoup plus les intendants lors du versement des impôts et des contributions dans les caisses françaises et veille à l’élaboration de notices statistiques des pays occupés. Très proches des statistiques demandées aux préfets de l’Empire français, ces notices deviennent autant des outils de gestion que les instruments justificatifs du travail des intendants et des directeurs d’administration. Connus par les archives privées d’Édouard Bignon, ces intendants et ces directeurs font l’objet d’une étude prosopographique inédite. Les résultats montrent l’homogénéité des premiers, issus de la même génération et aux parcours similaires. Les seconds présentent en revanche des différences notables.

Outre la connaissance du pays occupé, Bignon gère également les affaires financières et monétaires du pays, héritant d’une situation catastrophique. S’il réussit à remplir les exigences de Napoléon, ce succès comporte quelques aspérités. De fait, l’administrateur a été plusieurs fois confronté à une mauvaise organisation des intendants, et le pays occupé s’est révélé plus difficile à gérer qu’escompté. Toutefois, il semble que les autorités autrichiennes renâclent moins que les prussiennes à collaborer avec les Français. Prônée par Bignon, une attitude ferme permet aux intendants de se faire obéir localement. L’administration civile se montre un outil solide dans la main de l’Empereur.


Chapitre V
Bignon dans le grand-duché de Bade : vers une complexification des fonctions diplomatiques (1809-1810)


À la fin de sa mission d’administrateur général en Prusse, Bignon réintègre la Carrière comme ministre plénipotentiaire près le grand-duc de Bade, Charles-Frédéric Ier. Arrivé à Karlsruhe en février 1809, il n’y demeure que quelques mois puisque Napoléon l’appelle à Vienne en juin 1809. Lorsque les armées françaises quittent la capitale autrichienne, Bignon retrouve son poste badois jusqu’en 1811. Les dix-neuf mois passés dans un pays de la Confédération du Rhin convainquent Napoléon des multiples capacités de son agent. Il y déploie en effet les qualités diplomatiques et administratives attendues dans un tel poste. La proximité géographique de la France et sa tutelle institutionnelle via le lien de la Confédération nécessitent une grande souplesse puisque le diplomate doit adopter une attitude ferme sans être dominatrice. En outre, Napoléon lui a confié le soin de veiller sur le couple héritier dont il a organisé le mariage en 1806. Cette mission entraîne le diplomate dans une vie sociale très développée où il œuvre pour le rapprochement des deux époux.

Représenter la France dans le grand-duché de Bade signifiant des responsabilités bien plus importantes que celles exercées à Cassel, Bignon exerce également une tutelle officieuse sur toutes les affaires du grand-duché. De l’organisation politique à la gestion des finances en passant par la composition des armées et la surveillance économique, aucune décision ne se prend à Karlsruhe sans que le ministre français n’en soit informé. Teintée d’un autoritarisme discret, son attitude remplit les vœux de l’Empereur. Sa réussite comme administrateur à Berlin puis à Vienne ainsi que ses talents de diplomate dans un pays satellite de la France le disposent alors à l’affectation polonaise.


Chapitre VI
Bignon résident à Varsovie : entre diplomatie et administration civile (1811-1812)


Résidant dans le duché de Varsovie de mars 1811 à juillet 1812, Édouard Bignon en est l’unique agent diplomatique. Cet envoi est une marque de faveur de Napoléon qui veut disposer à la frontière de son empire d’un homme de confiance. Cette condition se justifie d’autant plus à une époque où les relations entre la France et la Russie s’étiolent. L’expérience administrative de Bignon constitue alors un réel atout puisqu’il est le seul agent extérieur français à allier connaissances diplomatiques, administratives et militaires.

Or, dans un pays encore instable, marche militaire de l’Empire, sa tâche est protéiforme. Il doit veiller à la surveillance de la Russie, à la mise sur pied de l’armée polonaise, à la fortification du duché ainsi qu’à l’équilibre de ses forces politiques et financières. Perceptible à la fin de l’année 1811, la dégradation des rapports franco-russes accentue les responsabilités militaires de l’envoyé français qui deviennent capitales aux yeux de Napoléon. L’Empereur le charge de presser la défense polonaise et d’établir un réseau d’observation tant sur la frontière du duché qu’à l’intérieur des terres russes. Le traitement et l’analyse des multiples informations et rumeurs, relayées par les agents de Bignon et par des voyageurs polonais, prennent une place de plus en plus conséquente dans les activités du ministre français. Sa correspondance diplomatique témoigne de son intense activité puisqu’en quinze mois, il rédige 291 dépêches. Pourtant, induite par le début de la campagne de Russie, la mutation politique de la Pologne nécessite, selon l’Empereur, l’envoi d’un nouvel ambassadeur, l’archevêque de Malines. Remplacé en juin 1812, Bignon séjourne dans le duché encore quelques semaines jusqu’à sa nomination en Lituanie.


Chapitre VII
Bignon et la Pologne dans la débâcle napoléonienne (1812-1814)


Grâce à ses expériences prussienne et autrichienne ainsi qu’à sa connaissance des mœurs et des hommes politiques polonais, Bignon est choisi par Napoléon pour le représenter auprès de la commission du gouvernement provisoire de Lituanie en juillet 1812. Il demeure à Vilna jusqu’au mois de décembre suivant. Les rudes tâches qui lui sont affectées concernent principalement la levée et le recrutement de Lituaniens, l’organisation du pays, puis la gestion du retour de la Grande Armée à la fin de l’année 1812. La mission se révèle particulièrement ambitieuse car les attentes de Napoléon ne cessent de croître au fil des mois.

L’Empereur se montre satisfait des talents déployés par Bignon. Il le rappelle ainsi à Varsovie au début de l’année 1813, ayant révoqué l’archevêque de Malines. Des mois de janvier à mai, le nouveau ministre plénipotentiaire est confronté à une situation de plus en plus grave. L’évacuation de la Pologne est rapidement rendue nécessaire par l’absence de volonté des Autrichiens de défendre le duché face aux troupes russes. Durant cette lente retraite de quatre mois, Bignon tente de préserver l’unité politique des Polonais face aux manœuvres de séduction des Russes. Il est également l’un des premiers à soupçonner la duplicité des Autrichiens et de leur ministre Metternich.

Une fois les ministres polonais arrivés à Dresde en mai 1813, le diplomate est chargé par Napoléon de veiller à l’intégration de l’armée polonaise dans le huitième corps de la Grande Armée. Alors que cette mission relève a priori d’un commissaire des guerres, Bignon s’y attelle de concert avec le prince Poniatowski jusqu’à l’automne. Résidant à Dresde, il s’y trouve pendant le siège de la ville par les armées autrichiennes. Libéré après la capitulation du 11 novembre, il retourne en France où Caulaincourt l’enjoint de procéder à la distribution des secours aux Polonais émigrés. L’ancien ministre s’y emploie jusqu’au début de l’année 1814. Bien qu’elle soit postérieure à 1814, la rédaction des Souvenirs d’un diplomate peut être appréhendée comme le bilan final de l’expérience polonaise de Bignon, couvrant tous ses travaux de 1811 à son retour en France.


Chapitre VIII
Les Cent-Jours : l’apogée de la carrière de Bignon


Du mois de janvier 1814 à l’abdication de Napoléon Ier le 6 avril suivant, Bignon reste nominalement ministre plénipotentiaire auprès du duché de Varsovie, sans que son travail ne soit connu. À la Restauration, il est mis en inactivité mais semble se rallier aux Bourbons. Toutefois, lors du retour de Napoléon à Paris le 20 mars 1815, il embrasse la cause impériale en acceptant le poste de sous-secrétaire d’État au ministère des Relations extérieures, le 24 mars. Aidé par Otto, second sous-secrétaire, il assiste Caulaincourt, dans la tâche désespérée que Napoléon leur a assignée ; le maintien de la paix européenne et l’acceptation du retour de l’Empereur à la tête de la France. Il est également chargé de tâches de publiciste, à destination du grand public.

Après l’abdication de Napoléon le 22 juin 1815, la Chambre des représentants et la Chambre des pairs désignent une commission de gouvernement provisoire qui, à son tour, se dote de cinq ministres. Bignon prend la tête du ministère des Affaires étrangères. Sous l’étroite surveillance de la commission, il dirige les opérations de négociations militaires avec les souverains et généraux alliés. Sous la pression des armées anglaises et prussiennes très proches de Paris, il signe lui-même une capitulation avec les généraux Wellington et Blücher à Saint-Cloud, le 3 juillet. Elle suspend les hostilités et relègue l’armée française au sud de la Loire. Les activités de la commission cessent peu de temps après ; sous l’action de Fouché, elle se sépare le 7 juillet.

Si l’action du baron est très courte, elle est fondamentale pour la suite de sa carrière. Employé pendant les Cent-Jours, il ne peut prétendre à des fonctions publiques sous la seconde Restauration. Son implication personnelle dans la signature de la convention détermine également son engagement politique dans l’opposition libérale à partir de 1817 : il entend faire respecter les garanties accordées par Wellington et Blücher qu’il considère bafouées par Louis XVIII, notamment dans les lois de proscriptions de 1815 et 1816. Les Cent-Jours constituent ainsi le point de rupture dans la vie publique de Bignon, à l’instar de tous les autres membres de la classe politique contemporaine.


Conclusion

Le baron Bignon incarne les vicissitudes d’une génération qui traverse, non sans encombre, la Révolution, l’Empire et la Restauration. De l’étude de ses dix-neuf années passées dans la carrière administrative et diplomatique naissent de nombreux enseignements qui touchent autant à la place du diplomate dans le système napoléonien qu’au développement d’une pensée personnelle, différente de celle de Napoléon.

Malgré sa réelle ascension professionnelle ainsi que son intégration au réseau diplomatique, Bignon reste circonscrit par les ordres impératifs de Napoléon. Sa marge de manœuvre est sinon nulle, du moins très faible. Toutefois, cette absence de liberté ne semble pas avoir pesé sur le diplomate, partisan de la politique napoléonienne jusqu’en 1815. Il n’y apporte des nuances et des critiques qu’après la chute de l’Empereur, réfutant alors une politique internationale fondée sur le seul droit du plus fort. Il prône ce nouveau système politique dès les années 1820 à la Chambre des représentants, avant de s’en faire l’apologiste à l’Académie des sciences morales et politiques en 1835. Ce net revirement de pensée s’accompagne pourtant d’un attachement profond à Napoléon : en rédigeant une des premières œuvres synthétiques de l’Empire, l’Histoire de France, Bignon lie définitivement son sort à celui de l’exilé de Sainte-Hélène.


Annexes

Édition de textes. — Cartes. — Document iconographique. — Bibliographie. — État général des fonds.