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École des chartes » thèses » 2013

L’érudition héraldique au XVIIe siècle

La question des origines des armoiries


Introduction

L’héraldique, ou science du Blason, est prospère au xviie siècle. La plupart des auteurs héraldistes en ont traité pour la période médiévale, souvent pour des raisons esthétiques, mais très peu pour la période moderne. Il existe donc un certain vide bibliographique pour cette période pourtant foisonnante. L’érudition héraldique naquit au xvie siècle, qui vit la publication de nombreux manuels de Blason, mais c’est au siècle suivant qu’elle se structura et fit sa véritable apparition dans le monde du livre. La nature même des armoiries est à prendre en considération. En effet, elles sont une image abstraite, imposant des couleurs et des motifs graphiques abstraits, sans norme de stylisation. Elles sont donc une image immatérielle, en ce que le Blason définit une image dans sa globalité, mais sans en imposer les modalités de représentation. En fait, le blason réside moins dans sa matérialisation graphique que dans sa définition, le « blasonnement » : il est donc une image « parlée », abstraite, universelle et mentale. Ainsi, de nombreux auteurs du Grand Siècle, souvent jésuites, chanoines, ou gens de robe, ont construit un édifice érudit pour tâcher de comprendre d’où étaient venues les armoiries, à quelle époque elles étaient apparues, dans quelles circonstances, et pour quelles raisons. L’enjeu était de dresser un tableau des origines de ce marqueur social et individuel important dans les sociétés d’Ancien Régime. Un érudit, à cet égard, se distingue de ses confrères par ses vastes connaissances, sa rigueur extrême, et l’ampleur de ses intuitions comme de ses conclusions. Il s’agit du Père Claude-François Ménestrier (1635-1705), un jésuite érudit et polygraphe actif à Lyon et à Paris, qui, outre ses œuvres – plus connues – sur les fêtes royales, les programmes symboliques des festivités officielles, ou les devises, a écrit nombre de traités très riches sur les armoiries et leur origine. Son œuvre fut sur ce plan à ce point complète et profonde que l’on peut penser qu’elle tua toute tentative d’érudition héraldique au xviiie siècle, qui reste respectueux de son enseignement. L’héraldique, science mouvante et évolutive, est donc mise en ordre et structurée par le Grand Siècle. Deux enjeux principaux paraissent dès lors s’imposer dans une étude sur l’érudition héraldique au xviie siècle : il s’agit d’abord de comprendre les ressorts et la genèse de cette érudition, à travers ses manifestations iconographiques et livresques, mais de comprendre également les rapports paradoxaux entre les armoiries, images abstraites, et l’héraldique, image matérielle, dessinée ou gravée. L’origine des armoiries, grand souci intellectuel du Père Ménestrier, est une question qui sert de support aux recherches les plus raffinées en matière d’érudition héraldique : il importe d’envisager les moyens iconographiques et historiques que prend ce dernier pour rendre compte d’une question érudite, peu connue et mystérieuse au xviie siècle. La problématique d’une « image érudite » se dessine alors. Il s’agit enfin d’étudier un réseau intellectuel, où les idées, les connaissances, et aussi les ignorances, se mêlent, s’empruntent, se plagient, se contredisent et se complètent.


Sources

Ce sont d’abord des sources manuscrites qui permettent de développer cette étude. D’une part, de nombreuses pièces de correspondance entre divers érudits, conservées à la bibliothèque Mazarine, permettent de dessiner un réseau de savants communiquant entre eux. Certains livres imprimés annotés par des intellectuels comme Charles d’Hozier permettent également de mettre en perspective l’érudition manuscrite et l’érudition publiée. Mais c’est surtout le manuscrit 6150 de la bibliothèque municipale de Lyon qui est intéressant dans ce cadre. Il s’agit d’un vaste album de notes rassemblées par le Père Ménestrier, contenant des dessins, des croquis ou des notes prises sur le terrain, mais aussi des gravures découpées ou des lettres de confrères collées sur l’album. C’est un véritable laboratoire de l’érudition héraldique de cette époque, et l’on peut constater que toutes ces notes, encore embryonnaires, se retrouvent dans l’œuvre imprimée de Ménestrier, sous forme d’illustrations ou bien de développements savants. D’autre part, de nombreuses œuvres publiées au xviie siècle constituent également de précieuses sources d’information pour le chercheur. Un catalogue complet des œuvres héraldiques du Père Ménestrier, mais également de celles de tous ses collaborateurs ou contradicteurs, a été fait, dans l’ordre alphabétique des titres, chaque édition se trouvant placée dans l’ordre chronologique de publication, ce qui permet d’avoir une vue d’ensemble sur un siècle d’érudition et de controverses. On y trouve des manuels pratiques destinés à un large public, très friand de ce genre de livre, et des traités détaillés et savants, souvent plus riches pour le chercheur, le tout abondamment illustré, comme l’exige leur matière même. Presque tous ces ouvrages se trouvent conservés à la Bibliothèque nationale.


Première partie
Héraldique et iconographie chez le Père Claude-François Ménestrier


Chapitre premier
La pédagogie des images

C’est d’abord l’archéologie des armoiries qui est aux sources de la réflexion héraldique des érudits de ce temps. Ces armoiries se voient à chaque instant sur les monuments, les objets précieux ou quotidiens, sur les documents administratifs. Il s’agit donc d’en faire une archéologie, pour permettre au public de se familiariser avec ce système, correspondant aux logos actuels, en en faisant des relevés manuscrits, d’après la peinture ou l’architecture, par exemple. Cette archéologie constitue la source de la réflexion héraldique à cette époque. C’est aussi l’Église qui joue un rôle dans la science des armoiries ; ces dernières ont toujours une portée morale : elles entretiennent le souvenir des hauts faits des ancêtres, le souvenir de la vertu de la lignée, et imposent le respect de cela aux nouvelles générations. Ce n’est pas un hasard si beaucoup des héraldistes de cette époque sont des religieux, car ils justifient ainsi leur intérêt pour une discipline a priori mondaine. La pédagogie de ces images s’exprime aussi dans le système des hachures, qui transpose dans la gravure les couleurs utilisées dans le dessin, en instituant une sorte de code : dessin (ou peinture) et gravure se répondent et se complètent ainsi dans les œuvres héraldiques. Enfin, chez les jésuites, la pédagogie héraldique s’enrichit d’une culture de l’exploit de la mémoire, pour mémoriser un maximum d’informations.

Chapitre II
L’esthétique héraldique et symbolique de Ménestrier

Cette esthétique prend forme dans le cadre d’un véritable programme de recherche dressé par Ménestrier. Il développe dans la préface de certaines de ses publications un programme détaillé et organisé de recherches sur les armoiries, leur contexte, leur utilisation, prenant en compte leur évolution et leurs problématiques particulières. Ce programme prend place dans une vaste réflexion sur l’image en général, toujours élaborée par Ménestrier, qui a donc eu une vision globale de la philosophie des images : c’est sans doute la première fois qu’un intellectuel élabore la structure d’une véritable somme sur l’image, et il est intéressant que ce soit un jésuite. Il est également à remarquer que Ménestrier a une connaissance internationale des armoiries s’étendant à toute l’Europe ainsi qu’aux colonies africaines ou brésiliennes. Contrairement à la plupart de ses confrères héraldistes, Ménestrier a voyagé en Allemagne, aux Pays-Bas, en Italie, et a un réseau de correspondants dans toute l’Europe, souvent structuré autour des collèges jésuites. Dans cet ordre d’idée, il maîtrise les différentes langues qui permettent de dire le blason, comparant leurs mérites respectifs (condamnant par exemple l’imprécision des Espagnols dans ce domaine), et conclut que le français reste la langue par excellence du blason. Il est aussi intéressant de remarquer qu’il a une connaissance intuitive mais approfondie des caractéristiques héraldiques régionales et nationales, discernant, sans disposer des actuelles bases de données, les modes et les usages géographiques concernant le choix des armoiries, à l’échelle de l’Europe.

Chapitre III
De la miniature à la gravure

L’étude détaillée du manuscrit 6150 de la bibliothèque municipale de Lyon, attribué à Ménestrier, a apporté la découverte de deux miniatures inédites représentant les princes et les princesses de la maison de Bourbon : le manuscrit du Dénombrement de la comté de Clermont, rédigé sur la commande du duc Louis II de Bourbon au xive siècle, a été étudié par Ménestrier, qui en a copié de nombreuses miniatures, et en particulier deux d’entre elles, dont les originaux ont disparu dans un incendie. Ces miniatures représentent d’une part l’hommage du duc Louis II au roi Charles V, sous le regard des princes et des vassaux de sa maison, et d’autre part les princesses de la maison de Bourbon, avec leurs suivantes, dans le décor du bois du château de Clermont. Tous ces personnages sont représentés d’une façon caractérisée, ce qui fait de ces miniatures des portraits collectifs ; ces personnages sont identifiables grâce à leur vêtement de cour héraldique, des robes longues à leurs armoiries, et ont fait l’objet d’une identification héraldique permettant également de dater au mois près ces images. C’est ici que l’on voit l’utilité de l’héraldique pour l’histoire de l’art, mais il faut aussi remarquer que ces copies de miniatures ont fait l’objet de gravures dans une publication du Père Ménestrier : cela permet ainsi d’étudier en détail le passage du dessin à la gravure, exécutée par un artiste malheureusement inconnu. On y décèle les problématiques liées à la reproduction d’images archéologiques dans la production culturelle du xviie siècle.


Deuxième partie
Les origines des armoiries, réseaux et théories


Chapitre premier
Claude-François Ménestrier et Claude Le Laboureur : une querelle érudite portant sur les origines des armoiries

La question des origines des armoiries, traitées de façon historico-textuelle et étymologique, soulève des désaccords profonds entre les deux auteurs. À travers eux, deux logiques s’affrontent : une, traditionnelle, défendue par Le Laboureur, considère que les armoiries sont apparues dans le monde antique, et même dans le monde biblique, l’autre, novatrice, défendue par Ménestrier, donne une date beaucoup plus récente au phénomène héraldique, correspondant assez bien à celle qui est retenue aujourd’hui. Les armoiries seraient apparues au xie-xiie siècle, lors des premiers tournois et des croisades, pour permettre des signes de reconnaissance entre les combattants, dans une mêlée. La version d’une origine médiévale des armoiries prend éclipse donc les versions plus anciennes, remontant souvent aux rêveries des hérauts d’armes du xve siècle. Les deux auteurs n’ont pas non plus les mêmes sources. Ménestrier est vivement critiqué par son contradicteur pour puiser ses réflexions dans des romans médiévaux, et chez des auteurs étrangers, que Le Laboureur ne considère pas comme fiables. Un essai de tableau comparatif des bibliothèques des deux auteurs cités montre à l’évidence l’ouverture d’esprit de Ménestrier et la qualité encyclopédique de son savoir, par rapport au traditionalisme de son contradicteur. Par ailleurs, le port des armoiries exclusivement par la noblesse, ou par la bourgeoise et le clergé, pose également problème à Le Laboureur, contre Ménestrier, qui, en raison de son grand effort de définition de l’héraldique, prouve que l’héraldique s’applique à tous les corps de la société, et étend ainsi ses enjeux moraux à l’ensemble des citoyens.

Chapitre II
Aperçu général des origines des armoiries dans l’érudition du xviie siècle.

Certains érudits, comme Pierre Palliot ou Claude Le Laboureur, trouvent des armoiries dans la Genèse, dans les prophéties de Moïse concernant l’avenir et la nature des tribus d’Israël. On trouve donc bien souvent l’idée d’un blason biblique, qui légitime l’ancienneté et l’illustration de cette forme de signalétique sociale. Mais de nombreux auteurs fouillent également les textes de l’Antiquité gréco-romaine et y trouvent des passages, souvent guerriers, permettant, pensent-ils, de prouver l’existence d’armoiries dès cette époque. Les mentions de boucliers, de cimiers, de signes de reconnaissance dans les batailles nourrissent cette hypothèse. Mais une approche médiévale des origines des armoiries séduit également le monde érudit des héraldistes du xviie siècle, centré autour de Ménestrier. Il est clair pour tous que les lis, par exemple, trouvent leur origine dans le Haut Moyen Âge, mais la question est de savoir si les vieilles légendes se rapportant à leur adoption par les rois de France sont exactes ou bien artificielles. C’est l’équipement guerrier médiéval et les vêtements de cour qui intéressent beaucoup de ces érudits, qui y voient le point de départ des motifs géométriques de l’héraldique ; Ménestrier développe sa datation des premières armoiries du début du xie siècle, se référant à des pierres tombales ornementées aujourd’hui disparues, et aux récits guerriers de cette époque. Sa recherche, très poussée, des premières attestations d’armoiries le conduit à établir cette hypothèse avec certitude et même avec agressivité. Mais de très nombreux érudits contemporains de Ménestrier donnent au blason des origines exclusivement nobles, pour faire de l’héraldique une science nobiliaire, préjugé encore prégnant aujourd’hui pour beaucoup : l’héraldique structure les ordres dès son origine, dans la perspective de l’érudition du Grand Siècle.

Chapitre III
Le monde de l’érudition héraldique

Claude-François Ménestrier a également dressé un plan d’études, visant à créer une encyclopédie de l’héraldique. Il s’agit de tout dire sur cette matière, pour élaborer un discours définitif sur le sujet et régler la question qui est pourtant alors très incertaine, vue la diversité des opinions des différents auteurs à ce propos. Les érudits héraldistes de ce temps prennent leurs renseignements dans des manuscrits qu’ils découvrent ou qu’ils se communiquent mutuellement, comme on l’a vu pour Ménestrier ; ils lisent toutes les publications à ce sujet, qu’ils citent abondamment, ce qui d’ailleurs nous permet d’avoir un tableau approximatif de leurs bibliothèques respectives. Ils se prêtent des livres, qu’ils se font passer par leurs proches en voyages ou par les agents de leurs éditeurs, avec des annotations, des lettres souvent très pertinentes qui permettent de dresser un tableau détaillé de leurs modes de communication, par le conflit ou par la collaboration. Ces personnages ont également des liens personnels d’amitié entre eux, comme Ménestrier et la dynastie des d’Hozier. Ils ont des profils sociaux assez variés : beaucoup de gens d’Église, des gens de robe, mais également quelques gens du livre (éditeurs, illustrateurs), et quelques artisans qui, curieusement, se sentent légitimes pour tenir un discours érudit, malgré le mépris que leurs rivaux leur font sentir. Ils se plagient, se contredisent, ou se corroborent abondamment. Le plagiat est dans ce système un véritable mode d’écriture : le grand succès de cette littérature héraldique incite aux plagiats de toutes sortes, qui permettent d’éditer régulièrement des nouveautés très prisées du public. Ce dernier, pour autant qu’on puisse se rendre compte, voit dans la littérature héraldique comme une littérature d’évasion. Ces ouvrages sont moins lus dans les collèges jésuites, où le Blason est enseigné comme une matière indépendante, que dans les foyers, où l’on se distrait intelligemment en se constituant une culture héraldique.


Troisième partie
L’érudition héraldique par la légende


Chapitre premier
L’érudition scientifique au service de la légende héraldique

Différentes disciplines scientifiques servent à étayer des légendes héraldiques fantaisistes mais flatteuses pour la famille qui portent ces armoiries légendaires. La géographie, la généalogie, la philologie, ainsi que, curieusement, la géologie, servent à nourrir ces légendes ; ces dernières, presque toujours issues des récits imaginaires et faussement érudits des hérauts d’armes des xive et xve siècles, se colportent jusqu’au xviie siècle par le biais des publications et des manuscrits de ces hérauts, mais aussi par les traditions orales familiales, comme en attestent de nombreux auteurs héraldistes qui relatent les circonstances de leur découverte de ces légendes. Ces dernières expliquent la nature des motifs héraldiques des armoiries des familles par un système assez simple d’analogies plastiques. Ainsi, des bandes horizontales sur un écu pourraient par exemple rappeler un fleuve, une disposition géographique ou une anecdote le plus souvent flatteuse sur les origines de la famille concernée. Une attention particulière a été ici apportée au cas de l’hermine de Bretagne, expliquée par plusieurs légendes mobilisant l’histoire antique, ou des récits romanesques concernant des princes bretons. L’examen détaillé de ces dires montre une véritable érudition, fondée sur l’imagination ou la réputation, qui se met au service des connaissances héraldiques.

Chapitre II
La fable aux origines des armoiries

Les érudits du xviie siècle, même Ménestrier, dans une certaine mesure, rapportent volontiers des prodiges, des concessions fabuleuses, ou des exploits aussi fabuleux, aux origines de certaines armoiries. Il existe de très nombreux exemples d’armoiries de familles dont l’origine est réputée être un exploit guerrier remarquable ou extraordinaire, au cours d’une bataille, d’une chasse ; cet exploit fait parfois lui-même référence au motif de l’écu, mais il peut aussi s’agir d’une concession royale accordée suite à cet exploit. Il existe aussi des histoires de miracles, souvent liés à un événement mystique, faisant par exemple allusion à la vision de Constantin au pont Milvius, ou à un miracle eucharistique.  Il est intéressant de constater que le xviie colporte un grand nombre de ces légendes, mais en exclut certaines, comme la légende des armes de la famille de Lalaing, pourtant célèbre : ce travail ne concerne donc que les légendes rapportées au xviie siècle ; les autres sont en général redécouvertes au xixe siècle, friand de ces récits flatteurs pour la noblesse, ou les nations.


Conclusion

En définitive, l’érudition héraldique au xviie siècle se montre polymorphe. Elle favorise une nouvelle façon de considérer l’iconographie dans l’érudition, appliquant les méthodes archéologiques au Blason. Le Père Ménestrier a en particulier prouvé sa maîtrise de ces questions et son utilisation intensive au service de ses recherches scientifiques. Sa supériorité scientifique se manifeste très vite, également quand on analyse en profondeur le contenu des textes héraldiques de ses contemporains, parfois collaborateurs et souvent rivaux. Mais les auteurs se différencient vraiment lorsqu’ils traitent des origines de l’héraldique. Par exemple, lorsqu’ils mobilisent la philologie pour extraire des éléments d’histoire du vocabulaire héraldique, ou lorsqu’ils passent au crible le corpus de textes de l’Antiquité ou de la Bible pour y trouver des origines profondes, et pour ainsi dire divines, aux armoiries telles qu’ils les connaissent. Nous savons aujourd’hui que ces considérations ne sont guère que des illusions, mais elles sont révélatrices d’une attitude déférente de ces savants vis-à-vis de l’Antiquité. Il est clair que cette érudition se construit par des références prestigieuses au passé, et conclut toujours à l’avantage du Blason dans ses origines, dans sa pratique et dans son utilisation au combat. Le professeur Pastoureau avait autrefois lancé l’idée que la littérature héraldique de cette époque constituait en réalité une littérature d’évasion. Lorsque les érudits héraldistes du Grand Siècle rapportent, par des anecdotes, la façon dont ils vivent le Blason au quotidien, au cours d’une conversation ou d’une rencontre, par exemple, il se déploie toujours une sorte de civilité de bon ton. Par ailleurs, il est manifeste que les auteurs héraldistes apportent du soin à publier de beaux livres, avec une typographie soignée et des illustrations plaisantes. La genèse de l’érudition héraldique est simple ; elle puise ses sources directes dans les hérauts d’armes des xive et xve siècles, puis les manuels encore embryonnaires du xvie siècle, très encombrés d’une érudition non prouvée et concentrée surtout sur l’aspect pédagogique du Blason, dont ils veulent apprendre les rudiments au public. Ces deux héritages de l’érudition héraldique du xviie siècle l’ont amené à cultiver pour ressort la preuve : textuelle ou iconographique, la preuve devient alors essentielle pour soutenir une affirmation héraldique. Cette manifestation, qui participe de l’esprit général de mise en ordre du Grand Siècle, consolide et légitime les érudits dans leurs œuvres. Un réseau se crée, qui partage ses publications, entretient des correspondances, fait des envois de livres, mène des stratégies éditoriales ; des maîtres se distinguent, comme Ménestrier, qui servent de référence pendant tout le xviiie siècle. Enfin, de façon plus générale, il apparaît qu’à cette époque le Blason, image abstraite, est mieux connecté aux armoiries, images matérielles : le lien organique entre les deux aspects de l’héraldique se précise et se fixe, sans doute en lien avec la généralisation de la pratique de la gravure héraldique. Le Blason se fixe dans le temps et dans l’espace, de même qu’il se standardise dans ses représentations et dans le discours érudit qui s’y réfère, à l’échelle européenne.


Pièces justificatives

Pièces de correspondance polémique entre le Père Ménestrier et Charles d’Hozier au sujet des armoiries du duc de Bourgogne. — Correspondance choisie entre le Père Ménestrier et Samuel Guichenon (1659-1660). — Préface de L’art du blason justifié, ou les preuves du blason…, Lyon, Benoist Coral, 1661, in-12, du Père Claude-François Ménestrier. — Les origines des armoiries de Bretagne et de Coucy. — Lettre d’Imhof à d’Hozier au sujet de sa Généalogie. — Notice nécrologique du Père Claude-François Ménestrier. — Lettres au Père Claude-François Ménestrier, de la province jésuite de Lyon.


Annexes

Portrait du Père Claude-François Ménestrier. — Portrait de Samuel Guichenon. — Portrait de Pierre Palliot. — Plan détaillé du projet intellectuel du Père Claude-François Ménestrier. — Plan détaillé du projet iconographique du Père Claude-François Ménestrier. — Catalogue détaillé des sources du Père Claude-François Ménestrier, avec notices biographiques des auteurs. — Index général des noms de failles ou d’institutions dont les armoiries sont illustrées dans l’œuvre imprimée du Père Claude-François Ménestrier.