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École des chartes » thèses » 2013

Le Garde-Meuble sous la Révolution et l’Empire (1792-1815)

Une institution royale en contexte républicain puis impérial


Introduction

La réouverture de la galerie des Gobelins en 2007 et les polémiques autour de la destination de l’hôtel de la Marine ont récemment attiré l’attention générale sur l’institution culturelle qu’est le Mobilier national. Son histoire, très ancienne, est intimement liée à la monarchie. Elle puise ses sources dans les fonctions de gestion du mobilier royal dévolues à un simple valet de chambre de l’Hôtel du Roi au Moyen Âge. C’est Henri IV qui en fait une institution, à laquelle Louis XIV donne une ampleur sans précédent. On trouve peu d’équivalents en Europe. La Government Art Collection britannique, par exemple, n’a qu’un siècle d’existence. Ce lien très fort qui existe avec la monarchie pose la question du devenir du Garde-Meuble lorsque celle-ci s’effondre. De même, que se passe-t-il lorsqu’une nouvelle dynastie, celle des Bonaparte, se met en place ? Ces travaux s’attachent à l’étude du fonctionnement concret du Garde-Meuble pendant ces années, sous les aspects pragmatiques que sont l’emplacement, le personnel et la gestion de l’institution. Les différents dysfonctionnements, sans arrêt pointés du doigt pour la période révolutionnaire, sont à remettre en perspective dans le contexte d’activité redoublée dont a su faire preuve le Garde-Meuble avant sa suppression en 1798. En ce qui concerne le travail accompli par le Mobilier impérial, en plus de décrire l’ampleur des efforts consentis, cette étude aborde ce qu’il en reste aujourd’hui, en prenant l’exemple de trois palais impériaux de la région parisienne. Le thème de la restitution historique, d’actualité depuis un demi-siècle, laisse aujourd’hui encore peu de conservateurs de châteaux-musées indifférents.


Sources

Les archives du Garde-Meuble des périodes révolutionnaire et impériale se trouvent aux Archives nationales de France, dans la série O², où elles représentent un total de quatre cent dix-huit cartons. Un inventaire en a été dressé en 2005, favorisant ainsi les démarches d’échantillonnage. Le Mobilier national ne conserve quant à lui que deux journaux d’entrées et de sorties de meubles et quelques copies de correspondance. Ajoutons les différents recueils de loi, qui permettent de préciser les aspects institutionnels de l’existence du Garde-Meuble. Les estampes conservées à la Bibliothèque nationale de France donnent un aperçu des bâtiments successivement occupés par l’institution. Enfin, les productions écrites et iconographiques des premiers directeurs reflètent l’atmosphère de cette période mouvementée.


Première partie
Le Garde-Meuble sous la Révolution (1792-1798) : efforts d’adaptation et liquidation


Chapitre premier
Le départ de la place Louis XV

Lorsque le roi revient sur Paris à la suite des journées des 5 et 6 octobre 1789, les différents ministères le suivent et quittent également Versailles pour Paris. C’est ainsi qu’une ordonnance du 26 décembre 1789 établit que le ministère de la Marine sera désormais logé dans les bâtiments du Garde-Meuble de la place Louis XV. Au départ, le ministère de la Marine n’occupe que quelques pièces de l’hôtel. Mais, puisque le bâtiment est destiné à être totalement cédé à la Marine, le Garde-Meuble doit trouver de nouvelles solutions pour se loger. On envisage successivement un déménagement vers les Menus-Plaisirs, qui ont été rattachés au Garde-Meuble, puis vers le palais Bourbon, enfin aux numéros 807 et 808 de la rue du Regard, mais toujours sans succès. Lorsque le consensus finit par se faire autour des maisons Ferdinand, de Croÿ et de Robecq, elles aussi situées rue du Regard, il n’est déjà plus question d’un déménagement, mais d’une suppression pure et simple de l’institution. Les annexes du Garde-Meuble à Paris et auprès des principaux châteaux royaux se font plus nombreuses en raison des nationalisations, mais elles sont en même temps sans arrêt menacées d’occupation par des sections et sociétés diverses.

Chapitre II
Valse des directeurs, marche au pas des employés

Les responsables du Garde-Meuble, inspecteurs provisoires, inspecteurs et directeurs, se succèdent à un rythme rapide : après le peintre Jean-Bernard Restout (20 août 1792 - 22 avril 1793), on trouve le négociant François-Louis Bayard (10 mai 1793 - 1er brumaire an V), qui laisse momentanément la place à Louis François Dubois (11 frimaire - 14 fructidor an II), avant de retrouver son poste où il se fait supplanter par Nicolas Auguste Villette (22 frimaire an IV - 26 vendémiaire an VI). Ce mouvement contraste avec la stabilité du personnel subalterne. Tous les employés ont en revanche en commun leur dépendance stricte au pouvoir exécutif, ministre de l’Intérieur, commission des Revenus nationaux, puis à nouveau ministre de l’Intérieur, qui exercent sur eux une tutelle sévère. Ils partagent également un certain nombre de droits et de devoirs : retraite, logement et ameublement – que certains oublient de restituer –, avantages en nature, mais aussi prestation de serments et zèle républicain nécessairement affiché. On assiste aux balbutiements de la fonction publique.

Chapitre III
D’institution dépensière à institution productrice

À la veille de la Révolution, la gestion de l’intendant Thierry de Ville-d’Avray, qui réussit à affranchir largement le Garde-Meuble du contrôle de la Chambre des comptes, est très critiquée, malgré sa volonté d’engager plusieurs réformes. C’est sans doute dans le domaine de la gestion financière du Garde-Meuble que la rupture avec l’Ancien Régime se fait le plus sentir. Dans le mode de fonctionnement d’abord, la bipartition entre dépenses ordinaires et dépenses extraordinaires est dépassée, puisque l’on assiste à l’apparition d’un troisième type de dépenses, les dépenses urgentes, qui sont les seules à être prises sur un fonds d’avance versé à l’institution par la Trésorerie nationale. Mais surtout, un impératif d’économies domine toute action entreprise par le Garde-Meuble, qui doit désormais rendre des comptes de façon particulièrement stricte. Rapidement, la réduction du personnel et des frais de fonctionnement, à laquelle s’ajoute la limitation des dépenses d’ameublement, ne suffit plus. Le Garde-Meuble doit générer des profits.

Chapitre IV
Les missions du Garde-Meuble : acquérir, fournir et conserver le mobilier de la nation

Traditionnellement, le Garde-Meuble se fournit en mobilier et textile en passant des commandes et en faisant travailler ses ateliers ; il s’attache aussi à réutiliser d’anciens meubles. Ces acquisitions lui permettent ainsi de meubler ses destinataires attitrés, dont le nombre est démultiplié sous la Révolution : en plus des tenants de l’exécutif, de nombreuses administrations et des établissements publics en tout genre font valoir leur droit à être meublés aux frais de la nation. Si la sobriété est de mise sous la Convention, la somptuosité fait sa réapparition avec le Directoire, chez les directeurs du moins. Dans ce contexte de guerres et de troubles intérieurs, le ministère de la Guerre et les diverses agences qui en dépendent bénéficient d’un statut privilégié. Leurs réclamations sont immédiatement suivies d’effets, au point de négliger la rédaction des inventaires et de constater en fin de compte d’importantes disparitions de mobilier. La conservation des meubles reste une préoccupation majeure durant l’ensemble de la période, mais l’apposition de scellés sur les demeures du ci-devant roi et des émigrés multiplie les démarches administratives.

Chapitre V
La disparition de l’institution

Le contexte politique ne joue pas en la faveur du Garde-Meuble. La nouvelle mentalité d’austérité républicaine, que seules des fêtes citoyennes viennent rompre, s’accorde mal avec les missions originelles de l’institution. Le climat d’insécurité favorise le vol et les dégradations. La création d’institutions concurrentes, à commencer par le Muséum, fait perdre au Garde-Meuble certaines de ses fonctions, sa fonction d’exposition des trésors de la royauté notamment. Le contexte économique ne lui est pas favorable non plus. Les nationalisations de biens d’émigrés et de condamnés tarissent les commandes. Il est de plus demandé au Garde-Meuble de vendre certains effets, d’en brûler ou d’en faire fondre d’autres, ainsi que de participer au paiement des créanciers de la République et à l’organisation de loteries en se dépossédant de mobilier. Ces défis sont difficiles à relever, mais le Garde-Meuble réussit dans une large mesure à se transformer. Ce qui le condamne en fin de compte, c’est l’absence de soutien continu et de vision d’ensemble au niveau politique. Après une période très active de mise en liquidation, qui débute le 1er messidor an V (19 juin 1797), l’institution s’éteint le 30 floréal an VI (19 mai 1798).


Deuxième partie
Le Garde-Meuble sous l’Empire (1804-1815) : restructuration et résultats


Chapitre premier
Une courte éclipse

À la suppression du Garde-Meuble, le mobilier restant a été partagé entre le ministère des Finances, qui en a vendu une partie et en a restitué une autre, et le Directoire, c’est-à-dire le palais du Luxembourg. C’est dans ce dernier lieu que subsiste ce qui ressemble le plus à l’ancien Garde-Meuble, à savoir un service et des ateliers préposés à l’ameublement du palais. Les Menus-Plaisirs, devenus Menus puis dépôt des fêtes, continuent quant à eux leur activité après la suppression de leur institution de rattachement, à laquelle ils se substituent dans une certaine mesure. L’avènement du Consulat provoque la création d’une Maison du Premier Consul, au sein de laquelle huit personnes sont chargées des questions de mobilier, qui ne concernent que deux palais, les Tuileries et Saint-Cloud. Le budget étant restreint, l’ameublement consiste essentiellement en remplois d’objets du Luxembourg, des musées nationaux et des manufactures nationales. Lorsque l’Empire se met en place et que naît la Maison de l’Empereur, le rétablissement d’un Garde-Meuble digne de ce nom n’est pas immédiat. C’est seulement en brumaire et frimaire an XIII (novembre-décembre 1804), après une période de réflexion marquée par plusieurs enquêtes sur l’ancien Garde-Meuble, que le service du Mobilier impérial se constitue.

Chapitre II
Une succession de déménagements

Dépossédé d’un hôtel qui avait été construit spécialement à son intention, puis supprimé, le Garde-Meuble se cherche un emplacement lorsqu’il renaît. Pendant le Consulat, il s’installe dans l’hôtel de Coigny, à l’angle de la rue Saint-Nicaise et de la rue des Orties, à proximité des Tuileries. Cet hôtel étant voué à la destruction, le service n’a d’autre choix que de se partager entre l’hôtel de la Loterie, rue des Orties, où se situent ses bureaux et son dépôt de meubles, et l’hôtel de Croÿ, rue du Regard, où sont regroupés ses tapis et tapisseries. Cependant, des travaux doivent être faits à l’hôtel de la Loterie, et le Garde-Meuble ne peut par conséquent y demeurer. Un déménagement au Louvre est envisagé, mais la disposition des lieux n’est pas propice aux missions du Garde-Meuble. L’hôtel de Lassay, rue de l’Université, est la seconde hypothèse avancée, mais cette fois c’est l’état de délabrement général qui fait obstacle au projet. Finalement, c’est le couvent de l’Assomption, qui a servi de caserne à la Garde impériale, qui est choisi, et le Garde-Meuble s’y installe au début de l’année 1807, après une série de travaux dirigés par Fontaine. La grande humidité qui y règne rend les conditions de travail difficiles pour les employés. Dès 1816, le Garde-Meuble connaîtra un nouveau déménagement.

Chapitre III
Le personnel : hiérarchisation et rationalisation

À la tête du Mobilier impérial se trouve un administrateur. Cette place est occupée par Alexandre-Jean Desmazis, après un bref passage d’Étienne-Jacques Calmelet. Ces responsables ne sont plus en lien direct avec le pouvoir comme c’était le cas sous l’Ancien Régime, et même sous la Révolution. Dépendants de l’Intendant général de la Maison de l’Empereur, ils doivent également soumettre leurs projets au grand maréchal du Palais. C’est évidemment l’empereur qui a le dernier mot, mais son implication ne se fait sentir que dans les aspects pratiques et financiers. On constate une réelle continuité chez ces responsables qui sont tous des officiers. Au niveau du personnel subalterne, le nombre d’employés croît de façon notable jusqu’en 1811, mais sans jamais atteindre les chiffres du Garde-Meuble royal ni national. La hiérarchisation est forte. Elle se fait sentir dans les salaires, les gratifications et le remboursement des frais de voyage, mais aussi dans le vocabulaire et l’habillement, où l’on constate un retour aux traditions monarchiques. Toutes les pratiques sont codifiées, à l’exemple du système des retraites, désormais versées au sein de la Maison de l’Empereur à partir d’un fonds des pensions de retraite alimenté par les retenues sur traitements.

Chapitre IV
La gestion : rationalisation, rigueur et relance

Le budget du Mobilier impérial se divise en quatre secteurs de dépenses. Le premier concerne le personnel, le second les gratifications et l’habillement, et le troisième l’entretien des palais impériaux : ils constituent les dépenses ordinaires. Le quatrième secteur regroupe l’ameublement et les nouveaux achats, et constitue les dépenses extraordinaires. Le système binaire de dépenses continue d’être employé, alors qu’il ne correspond plus à leur organisation effective. Cette nouvelle gestion des débours du Garde-Meuble est révélatrice d’un phénomène plus profond et plus révolutionnaire : l’apparition d’une réflexion à long terme sur les finances de l’institution, qui sont désormais envisagées plusieurs mois à l’avance, conçues sur une durée d’un an, et rectifiées en cours d’année si le besoin s’en fait sentir. On peut désormais parler véritablement de l’existence d’un budget. De plus, pour la première fois de son histoire, le Garde-Meuble est officiellement placé sous le contrôle financier de personnes étrangères à la fois à l’institution et à son département de rattachement. La comptabilité du Mobilier impérial, après avoir été soumise dans un premier temps au Comité de consultation des Bâtiments de la Couronne, est placée par le décret du 17 octobre 1807 sous la surveillance d’auditeurs du Conseil d’État, parmi lesquels se trouve Henri Beyle. La rigueur de la mesure a souvent pour contrepartie la lenteur des procédures, et donc la mise en difficulté des divers fournisseurs, même des plus importants. Enfin, les sommes consacrées au Garde-Meuble sont en hausse, et elles atteignent des sommets lors des crises de 1807 et de 1810-1811, au cours desquelles Napoléon fait passer d’importantes commandes par l’institution dans le but de relancer l’économie du pays. Ces commandes sont toujours orientées par les intérêts politiques de l’empereur. En plus de contribuer à asseoir la dynastie des Bonaparte, elles doivent s’adapter à la conjoncture internationale du moment, et notamment au blocus continental.

Chapitre V
Un travail considérable

Nous avons assisté à l’explosion numérique des bénéficiaires des travaux du Garde-Meuble sous la Révolution. Les choses changent sous l’Empire. En plus du souverain et de sa famille, seuls quelques organes de gouvernement très liés à l’empereur sont meublés par le Mobilier impérial. Cela ne signifie pas pour autant que le travail de l’institution se trouve réduit, car les palais impériaux sont nombreux, à Paris déjà, mais aussi en province et dans les limites sans cesse repoussées du Grand Empire. L’Étiquette y a pour but de sacraliser le souverain, mais aussi de hiérarchiser les courtisans : les sièges auxquels ils ont droit en présence de l’empereur et l’ameublement dont sont dotés leurs appartements sont des domaines codifiés. Pour se procurer mobilier et étoffes, le Mobilier impérial, qui ne dispose plus d’ateliers comme l’ancien Garde-Meuble, fait appel à des fabricants extérieurs, artisans et manufactures. Les entrepreneurs, parisiens dans la grande majorité des cas, sont actifs principalement dans les champs de l’ébénisterie et de l’orfèvrerie. Leur liberté de création est grande et leurs efforts sont récompensés par l’attribution de brevets. Les industries, réparties dans l’ensemble de la France, se spécialisent dans les secteurs du textile et de la céramique. Les commandes animent de façon décisive le marché du meuble et du textile, dont le cadre institutionnel est renouvelé au même moment sous l’impulsion de l’empereur. Dans le domaine de la conservation des effets, le sérieux et la régularité avec lesquels sont tenus les inventaires et le retour à l’ordre facilitent les choses. Une seule vente, d’objets de peu de valeur, a lieu durant la période.

Chapitre VI
Les entreprises du Mobilier impérial aujourd’hui

Où peut-on trouver aujourd’hui des exemples du travail considérable fourni par le Garde-Meuble impérial ? Si l’on souhaite seulement admirer des meubles dont la création a été suscitée par les nombreuses commandes de l’institution, cela n’est pas bien difficile. Rares en revanche sont les musées qui se sont lancés dans la restitution des états historiques du Premier Empire. Cette entreprise, très exigeante, a été initiée au milieu du xxe siècle par les réflexions et les recherches de Pierre Verlet. Compiègne, Trianon et Fontainebleau y ont répondu chacun à leur manière. Les conservateurs de Compiègne ont précisé puis dépassé la théorie formulée par Pierre Verlet, pour l’appliquer avec une rigueur, parfois excessive, dans des appartements qui avaient pour certains été largement dépecés. C’est également avec rigueur que les restitutions ont été menées à Fontainebleau, palais où, en raison de la permanence des meubles, les spécialistes ont pu mettre en œuvre des projets ambitieux dans le domaine des textiles. Au Grand Trianon en revanche, où le lien avec Versailles se fait sentir, et où les collections du Premier Empire avaient largement disparu, restitution et remeublement visant à créer une atmosphère cohabitent encore. Ces divergences de points de vue sur un sujet aussi central pour des châteaux-musées ne sont pas sans créer tensions et passes d’armes entre les institutions.


Conclusion

Avec la chute de la monarchie le 10 août 1792, il était nécessaire que l’organisation et les missions du Garde-Meuble évoluent. La première question concernait le fonctionnement concret du Garde-Meuble. Au niveau de l’emplacement de l’institution, on constate la perte du premier hôtel construit spécifiquement à son intention, suivie de nombreux projets de relocalisation et de déménagements successifs, qui témoignent de la difficulté à retrouver un bâtiment adapté. Pour ce qui est du personnel, la stabilité est manifeste aux rangs les plus bas. Aux postes de direction en revanche, d’incessants mouvements ont lieu sous la Révolution, avant que le retour à la continuité ne se fasse sous l’Empire. La période impériale voit par ailleurs se distendre les liens qui existaient traditionnellement entre le responsable du Mobilier et les gouvernants ; celui-ci s’intègre désormais au sein d’une hiérarchie bien définie. Les privilèges dont bénéficiaient les employés sous l’Ancien Régime sont confirmés et s’inscrivent dans un mouvement plus général de mise en place de la fonction publique. Enfin, en ce qui concerne les aspects de gestion, la fin de la monarchie et des relations personnelles avec le souverain provoque un tournant de rigueur sans précédent, d’abord freiné sous la Révolution par le contexte de troubles politiques et économiques, puis mené à bien sous l’Empire à propos de crédits en expansion. La solution alors choisie de combiner rigueur et relance pour affronter les crises n’est pas sans rappeler des débats politiques très actuels. Le second point de la réflexion, à propos de la période révolutionnaire, consistait à se demander quelle avait été l’activité réelle du Garde-Meuble dans ce contexte difficile de sévérité républicaine, de création d’institutions concurrentes, ainsi que de vols et d’aliénations à répétition. Loin de ralentir ses opérations, l’institution voit en fait son travail se multiplier, face à la recrudescence des bénéficiaires à meubler. Bien sûr les meubles royaux sont la proie de vandales, bien sûr les crédits pour la commande de meubles sont taris – la légère éclaircie du Directoire mise à part –, mais il reste l’océan des meubles nationalisés dans lesquels le Garde-Meuble peut toujours plonger la main pour répondre aux attentes de destinataires exigeants. Ce n’est pas l’inaction de l’institution qui la condamne en 1798, car elle a réussi sa reconversion en gestionnaire de meubles sans ambition artistique, c’est plutôt l’absence de ligne directrice au niveau central qui la rend absurde. La troisième interrogation, spécifique à l’Empire cette fois, portait sur l’ampleur du travail réalisé pour l’empereur et sur ses survivances aujourd’hui. Ne disposant que de peu de mobilier ancien à la suite de l’hémorragie de la période révolutionnaire, le Garde-Meuble impérial a dû fournir un effort colossal pour aménager des palais souvent vides, répartis dans l’ensemble du Grand Empire. Beaucoup de mobilier Empire est parvenu jusqu’à nous, mais rarement dans ses dispositions originelles. On remarque depuis le milieu du xxe siècle un effort louable de la part de conservateurs pour restituer les états historiques, et ce principalement à Compiègne, lieu de naissance et d’expérimentation d’un bon nombre de ces théories, à Fontainebleau, qui avait préservé l’essentiel de ses meubles d’origine, et, dans une moindre mesure en raison de la prédominance de priorités autres pendant longtemps, au Grand Trianon.


Annexes

Rapport de Villette sur le travail effectué par le bureau de liquidation du Garde-Meuble national, daté du 26 vendémiaire an VI (17 octobre 1797). — État sommaire de divers objets des magasins du Garde-Meuble susceptibles d’être vendus, transmis par l’administrateur Desmazis à l’Intendant général de la Maison de l’Empereur le 8 juin 1811. — Rapports de la préfecture de Police sur les fabricants de meubles parisiens, adressés à l’administrateur Desmazis, datés des 7 et 9 mai 1811. — Rapport adressé par l’administrateur Desmazis à l’Intendant général de la Maison de l’Empereur pour trouver des substituts au coton, daté du 3 juillet 1811. — Catalogue d’illustrations.