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École des chartes » thèses » 2014

Rapporter, discuter, diffuser

Information et opinion à Saint-Affrique en Rouergue à la fin du Moyen Âge (c. 1380-c. 1480)


Introduction

L'information au Moyen Âge, c'est « l'instruction à laquelle on procède pour la recherche ou la constatation de faits » (Claude Gauvard). Ces deux actions ne sont possibles, avec régularité et efficacité, que dans un cadre où l'organisation politique a atteint un certain niveau de développement, et où les intérêts poussent les autorités à chercher à acquérir et à diffuser l'information. Il semble donc intéressant de s'intéresser à la diffusion de l'information au sein des villes et de leurs gouvernements, émancipés par l'action des communes ou consulats.

L'information est en effet vitale dans ce contexte urbain, celui de l'universitas, c'est-à-dire la communauté des habitants. Les administrations consulaires font une large place à la diffusion de l'information ; elle leur est nécessaire pour gouverner, pour prévoir, pour répondre aux exigences de plus en plus fortes du pouvoir royal. Et les administrés eux-mêmes l'attendent de leur gouvernement urbain : ne pas informer, c'est ne pas répondre aux attentes des habitants, c'est oublier que cette administration est d'abord, en théorie, l'émanation de la volonté de la communauté tout entière.

L'opinion des populations semble donc être prise en compte ; il reste cependant à définir ce que l'on entend alors par le terme « opinion ». Le mot n'existe que pour désigner l'avis d'une personne ; mais c'est bien leur « opinion » et celle de leur ville que délivrent les députés aux États provinciaux, lorsque ce rôle, pris à cœur, passe de l'obligation du consentement à l'impôt au devoir de conseiller le roi et ses représentants. Cette évolution semble s'opérer au cours du règne de Charles VI, censé être le moment de la « naissance de l'opinion publique » dans le royaume de France. C'est ce règne et ceux de ses successeurs immédiats qui servent de cadre à la présente étude, les sources permettant de distinguer cette évolution et la naissance de cadres qui, sans peut-être être entièrement nouveaux, voient néanmoins leur présence s'affirmer et s'institutionnaliser au cours des derniers siècles du Moyen Âge.

Saint-Affrique est une ville assez petite, mais insérée dans un réseau urbain : les méthodes et moyens de communication, ainsi que la capacité à donner son opinion et à la faire entendre sont donc primordiales. Il est intéressant de s'interroger à ce sujet et d'observer les mécanismes employés et les problèmes posés par cette organisation, que ce soit avec les autres villes ou dans la façon dont ce réseau s'insère dans le gouvernement de la sénéchaussée et plus largement du royaume.

La communication politique a longtemps été considérée comme embryonnaire au Moyen Âge. Mais elle est bien vivante et surtout ne connaît pas de réel changement de nature à la fin du Moyen Âge : son évolution débute assez tôt, puisqu'elle remonte au moins au début du règne de Charles VII, quand la communication était indispensable pour garder une cohérence dans un royaume menacé de dissension.


Sources

C'est à partir du cas de Sainte-Affrique qu'il a été décidé d'étudier la circulation de l'information dans le Rouergue, donc principalement à travers les sources du gouvernement urbain de la ville. Il s'agit d'abord des registres de délibérations, ainsi que de quelques pages de comptes conservées et du cartulaire de la ville. Afin de compléter cette étude et de considérer le contexte du gouvernement de la sénéchaussée, les registres de comptes de la sénéchaussée ont également été exploités. Les sources présentées ici ont pour particularité de toutes provenir d'institutions de gouvernement. Leur nature politique et donc d'expression du pouvoir – quel qu'il soit – est prépondérante et doit toujours être gardée en mémoire, puisqu'elle influe fortement sur les types d'informations obtenues, mais aussi dès le départ sur les questionnements possibles.

Il a été également jugé intéressant d'examiner la façon dont les sources sont en elles-mêmes un vecteur de communication et surtout la donnent à voir – lettres copiées ou conservées en original, résumés de délégués faits à l'oral et retranscrits, dialogues ou débats au sein du conseil notés, etc. Les textes conservés ne donnent pas à voir une image réelle des relations entre les différents acteurs politiques, mais une représentation idéale. De plus, ils ne permettent de relever qu'une partie des relations, les autres, trop habituelles ou fréquentes, n'étant pas notées. Ainsi, les relations avec certaines villes sont quotidiennes ou presque – et il en va de même avec le sénéchal –, ce qui fait qu’elles ne sont pas toujours notées. Lorsqu'elles le sont, elles montrent des échanges de deux types : entre la ville – ou du moins le gouvernement urbain – et un acteur extérieur, ou bien au sein de la cité elle-même.


Première partie
La ville, lieu central de l'information


Chapitre premier
La ville

La ville est de fait un lieu privilégié de l'information au Moyen Âge. Ses institutions, développées à partir d'une représentativité réelle ou imaginée, sont tout à la fois lieux de parole et lieux d'écoute. La cité au cœur de la présente étude, Saint-Affrique en Rouergue, possède ainsi un certain nombre de traits qui en font un terrain intéressant pour une étude sur l'information : un consulat fort et actif, un conseil très présent, une population tenue informée et disposant de la possibilité, même rare, de participer au gouvernement ou du moins de s'y faire entendre… Cependant, les sources de cette même ville montrent également qu'en son sein s'est développé un contrôle dans la diffusion de l'information, très inégale, à la fois selon les sujets et dans la mesure où seule une partie de la population – celle qui compose le gouvernement urbain – dispose réellement du pouvoir de s'informer comme celui de participer – phénomènes qui sont inextricablement liés, puisque l'information et l'expression de l'opinion sont deux facettes du même problème, celui du dialogue politique.

Chapitre II
Une brève histoire de l'affirmation urbaine

On distingue clairement, à la fin du Moyen Âge, une personnalité politique des consulats et des gouvernements urbains. Elle vient bien sûr, à l'intérieur des enceintes, du plus grand raffinement des institutions et de la spécialisation poussée qui en découle, créant deux espaces politiques, l'un public – accessible dans une certaine mesure à l'ensemble des habitants – et l'autre privé – réservé à une élite urbaine qui est moins celle de l'argent que celle de la parole. Elle vient aussi des contacts avec l'extérieur, qui font de chaque ville et des groupes qui la représentent des personnes morales dotées de sceaux, de statuts, de coutumes, d'une memoria propres.

Dans ce contexte, l'information et l'opinion ont un poids indéniable, leur maîtrise et leur création distinguant les élites politiques du reste de la population, qui n'a accès qu'à une partie des informations et dont l'opinion n'est que rarement considérée pour elle-même – ce qui entraîne parfois des révoltes vouées à l'échec tant que la parole reste aux mains du même groupe restreint. Ce dernier connaît parfois un élargissement relatif, toujours contrôlé cependant, et qui reste dans l'ensemble très limité, les occasions de son expression étant rares et cette dernière n'ayant rien de libre ou de spontané.

L'institution du consulat se définit elle-même comme la représentante de l'universitas, ensemble de la population en l'occurrence d'une ville, bien que ce terme puisse désigner d'autres types de communauté. Les consulats méridionaux s'organisent à partir de la légitimité de cette universitas, dans un processus d'affirmation de leur autonomie par rapport au pouvoir du seigneur local ou de l'administration royale, par l'acquisition progressive du droit de se réunir pour délibérer aboutissant à la mise en place de gouvernements autonomes. Leur légitimité leur est conférée par leur représentativité, selon le principe du Quod omnes tangit ab omnibus approbari et tractari debet : ce qui concerne tout le monde doit être approuvé et discuté par tous. Cette maxime illustre et justifie le rôle premier du consulat, qui est de délibérer au nom de la communauté.

Chapitre III
La diffusion de l'information, du conseil à la ville

Il est difficile de savoir qui prend la parole à Saint-Affrique, en dehors des membres du conseil, qui sont les seuls dont nous pouvons percevoir les voix. Ce sont les consuls qui ont la maîtrise première de l'information. Celle que reçoit le conseil est de seconde main, transmise par les consuls qui reçoivent lettres et messagers. Les discours que nous possédons sont toujours un résumé des paroles effectivement prononcées, ou plus exactement un discours, fait par un rapporteur, à partir d'un dialogue antérieur.

Ce qui est en jeu, c'est non seulement la capacité à s'informer, mais aussi la possibilité de vérifier les nouvelles et de les diffuser. Il s'agit d'un pouvoir d'information qui ne semble appartenir qu'à l'institution consulaire : c'est pour cette raison que lorsqu’un acteur politique du Rouergue cherche à obtenir des informations, c'est vers les consulats qu'il se tourne. Cependant, les populations ne dépendent pas exclusivement de l'institution pour obtenir des nouvelles : des réseaux personnels existaient pour les membres du consulat comme pour d'autres habitants de Saint-Affrique. Il ne faut pas non plus négliger le rôle de la rumeur dans la connaissance des nouvelles : les consuls en tirent des informations, comme le reste de la population. Les membres du gouvernement urbain ont cependant des moyens de contrôle que leurs administrés ne possèdent pas. Ils cherchent d'ailleurs à contrôler la rumeur, à la fois pour s'assurer de sa fiabilité et pour obtenir un droit de regard sur sa diffusion. Le conseil de ville se trouve en effet dans la nécessité de s'affirmer en tant qu'autorité ; dans ce contexte, la maîtrise de l'information, la capacité à la vérifier et la possibilité, voire l'obligation, de la faire circuler, sont des enjeux importants.


Deuxième partie
Les mécanismes de l'information


Chapitre premier
Les modalités de diffusion de l'information

La circulation de l'information participe au fonctionnement normal des institutions. Ce dernier crée sans cesse des occasions de s'informer ou de faire parvenir des nouvelles. Les échanges entre institutions, mais aussi au sein de ces dernières, sont constants. Il a donc semblé utile d'étudier les distances et les temps de trajets, ainsi que les voyages les plus régulièrement effectués, qui peuvent être regroupés en trois catégories : les distances courtes, de moins d'une journée, ne sont pas toujours notées mais sont probablement très fréquemment parcourues – sans doute quotidiennement à certaines périodes –, et ne sont pas sujettes à des précautions particulières. Les distances moyennes, de moins d'une semaine, sont celles qui permettent de relier les villes de la sénéchaussée entre elles. Les voyages qui parcourent ces distances sont toujours mentionnés comme étant effectués « à la dépense et au danger de la ville ». Enfin les missions de longue distance sont beaucoup plus rares : elles permettent de relier des villes comme Paris ou Avignon, et ne sont effectuées que par des personnes disposant d'une délégation d'autorité. C'est le voyage de « mission » – c'est-à-dire d'ambassade, réalisé dans le but d'obtenir une faveur – par excellence.

La communication médiévale, on le sait, se fait non tant par l'écrit que par le geste, l'image et la parole. En effet, pour la majeure partie de la population, elle ne saurait être qu'orale ou visuelle. Cependant, trop insister sur le côté oral des communications médiévales serait sans doute en partie un contresens en ce qui concerne la communication politique, puisque cette dernière use tout autant de l'écrit, complété ou relayé, par la suite, par des proclamations orales. Pour les gouvernants, les principaux moyens de s'informer ou de faire parvenir une information, au Moyen Âge, sont la lettre, le voyage ou la réception de grands personnages, moyens qui ne sont pas exclusifs mais complémentaires.

L'information est donc diffusée par des vecteurs de trois natures : lettres, messagers et chargés de mission. La différence entre les deux derniers vient principalement du type de mission qui leur est confiée : les messagers sont de simples porteurs de lettres ou de messages oraux, alors que les chargés de mission portent la voix de la ville. Ils ont une capacité de négociation et de prise de décision, certes très contrôlée mais bien présente. Ils sont d'ailleurs choisis surtout d'après les qualités politiques qu'ils peuvent manifester au sein du conseil de la ville dont ils sont systématiquement issus. Ils sont donc porteurs tout à la fois d'informations et d'opinions, qu'il leur revient de faire parvenir aux autorités de la sénéchaussée.

Chapitre II
L'information et son contrôle

Le conseil devient au cours du xive siècle une autorité dont le pouvoir s'affirme par la maîtrise de l'information, du moins de l'information politique, accaparée par le consulat de Saint-Affrique. Les conseillers eux-mêmes y participent surtout en tant qu'auditeurs et très peu en tant qu'acteurs, sauf en cas de compte rendu d'un voyage effectué au nom du consulat. Les informations dont les registres font mention sont révélatrices de ces aspects, puisqu'elles se concentrent exclusivement sur les nouvelles politiques, sans presque évoquer les détails de la vie quotidienne – qu'ils soient gérés par les consuls ou par les officiers consulaires, eux-mêmes issus du conseil. En ce sens, les registres sont le miroir de la façon dont le consulat devait lui-même se considérer, comme acteur politique important de la vie de la sénéchaussée et non simplement comme le gouvernement de l'une des cités s'y trouvant.

Chapitre III
Opinion et information

Il est impossible de dissocier les institutions de l'information de celles qui sont des lieux politiques d'expression de l'opinion, même s'il ne s'agit que des avis d'une sanior pars, comme les conseils de ville ou les États provinciaux. Cependant, les délégués qui participent à ces deux institutions accaparent l'expression de l'opinion par rapport aux individus qu'ils représentent, à savoir dans les deux cas l'universitas. L'opinion de cette dernière n'a de possibilité de s'exprimer que dans des cadres très précis, comme les assemblées des habitants, ou par la révolte.


Troisième partie
La sénéchaussée du Rouergue


Chapitre premier
La patria du Rouergue

Il s'agit ici d'étudier la place et le rôle de Saint-Affrique au sein des institutions permettant la circulation de l'information dans la sénéchaussée du Rouergue ; en effet, la ville ne se définit dans le domaine de l'information que par rapport aux autres acteurs de la province. Ces derniers sont principalement les agents de la sénéchaussée – en premier lieu le sénéchal –, mais il faut également insister sur le rôle prépondérant du trésorier du roi en Rouergue ainsi que sur celui des juges, qui par leurs fonctions sont amenés à devenir des agents de transmission de l'information. Si le juge mage est assez peu présent dans les sources à notre disposition, les juges particuliers des villes s'affirment en revanche comme des acteurs importants tant dans l'exercice du pouvoir que dans les relations avec les autorités de la sénéchaussée et les autres cités rouergates.

Chapitre II
Les villes du Rouergue

Les villes du Rouergue sont les destinataires principales des relations nouées par le consulat de Saint-Affrique, dans le cadre d'une vie de relation particulièrement riche : aucune des villes ne disposant d'un poids suffisant pour s'affirmer comme capitale régionale incontestée, les différentes cités forment un réseau dense qui leur permet de peser dans la vie politique de la sénéchaussée.

Chapitre III
Les États provinciaux

Ce poids obtenu par les villes est tout particulièrement perceptible au sein des États provinciaux, importants lieux de débat, dont il faut également évoquer le rôle particulier dans la diffusion de l'information, qui fait partie de leurs attributions. Ces différents ensembles, en permettant la diffusion de l'information et de l'opinion, deviennent pour la ville de Saint-Affrique des facteurs d'intégration à l'espace de la sénéchaussée.

La sénéchaussée reste le lieu par excellence de la circulation de l'information pour la ville de Saint-Affrique : les sujets évoqués et les techniques employées font de ce ressort proche le cadre idéal, tout comme la présence d'institutions et d'hommes qui servent eux-mêmes par la suite de relais vers des cercles plus lointains. À l'intérieur de ce cadre, négociations et contractualisations forment la majeure partie des échanges, du moins de ceux qui sont notés et conservés. Cette mise par écrit est destinée à une postérité – sans doute conçue d'abord comme les successeurs des différentes institutions en place – tout autant qu’aux contemporains, dans un objectif de contrôle – comme dans le cas des registres de comptes portés deux fois l'an à Paris, Carcassonne ou Toulouse, en fonction de la venue de commissaires en Languedoc. Tout semble concourir à mettre en avant et obtenir un plébiscite sur la politique du roi, voire sur sa personne, et de là une intégration au royaume.


Quatrième partie
Une insertion dans le royaume ?


Chapitre premier
Le royaume, un espace connu ?

La conscience nationale se fait en partie jour au cours du xve siècle : d'abord par la relation à la personne du roi – évoqué pour lui-même et plus seulement comme le dispensateur de grâces attendues –, puis par l'intérêt suscité par les faits qui se déroulent dans le reste de la France. Si la ville reste toujours la préoccupation première des délibérations et donc des sources à notre disposition, elle commence à s'intéresser à des faits qui préoccupent le royaume entier et plus seulement la patria du Rouergue, même si le règne de Charles VI ne voit que l'origine, encore timide, de ce phénomène. L'opinion publique est surtout visible dans la méfiance face aux Anglais, confondus avec les routiers, lors des contestations de l'impôt. L’attitude des habitants comme des consuls de Saint-Affrique fait plutôt penser à une volonté d'autarcie mêlée à une indifférence calculée : on ne se préoccupe du royaume que lorsque cela peut apporter quelque chose à la ville.

La question se pose donc de l'insertion dans le royaume à travers l'information et sa diffusion, principalement en ce qui concerne les impôts, les nouvelles de la guerre et l'opinion concernant le roi et son gouvernement ; et tout d'abord, il semble nécessaire d'insister sur la façon dont les sources de Saint-Affrique montrent le royaume et la ville en son sein.

Chapitre II
Les relations avec le pouvoir royal

Les envoyés du roi ne sont pas dissociés du reste des réseaux. Ils forment un seul et même lien entre la population – ou du moins les éléments de la population qui ont des charges politiques ou religieuses – et le gouvernement du royaume. Ces agents sont des envoyés directs du roi, qui peuvent être dotés du titre prestigieux de lieutenants-généraux, mais aussi de commissaires du roi.

Le roi est en effet l'un des acteurs principaux de l'information. Si elle ne dépend pas uniquement de lui, il en maîtrise cependant une partie : celle qui se rapporte au royaume. C'est par son intermédiaire uniquement que sont vues les étapes de la guerre dans les sources de Saint-Affrique ; c'est de lui qu'émanent les convocations aux États qui ont pour objet, quel que soit leur résultat fiscal, d'informer les délégués et les institutions dont ils émanent des impôts et surtout des raisons de leur levée.

Les sources donnent à voir une perspective toujours tronquée, puisque seuls les éléments demandant délibération sont évoqués dans les registres du conseil. Les contacts qui sont indiqués ne sont que la partie émergée des relations de Saint-Affrique. Il y en avait sans doute plus chaque année que ceux qui sont rapportés dans les registres, mais le fait est que le nombre de mentions – et la manière dont elles sont présentées – montre un regain d'intérêt envers le gouvernement du royaume. La réception de lettres closes envoyées par le roi ou son conseil est ainsi mentionnée de plus en plus fréquemment. Ces lettres contiennent pratiquement la totalité des informations touchant les événements du royaume que mentionne le conseil de Saint-Affrique. Il semble pourtant évident qu'il ne devait pas s'agir du seul biais par lequel ces événements étaient connus, puisque les détails n'en sont pas donnés dans les documents.

Chapitre III
La personne du roi à l'épreuve de l'opinion

Les relations avec le roi peuvent être directes, par des échanges de lettres notamment ; mais il faut également considérer la façon dont la personne du roi et le gouvernement du royaume sont perçus, puisque ces éléments influent sur le réseau et les informations échangées.

On constate la formation de la conscience politique d'un conseil d'une ville très modeste. Le conseil tout comme la ville ont une assez bonne connaissance des événements du royaume, même quand ils ne les mentionnent pas. On voit au cours du règne de Charles VI se développer un intérêt pour le reste du royaume, qui reste ensuite bien présent, et qui se manifeste notamment à travers l'intérêt pour la personne du roi. Cet intérêt s'amplifie et entraîne par la suite une correspondance continue de la part du souverain, qui semble certes plus nombreuse à l'époque de Louis XI mais qui ne change pas de nature : elle dispose déjà de ses caractéristiques essentielles dès la fin du règne de Charles VI, et avec plus de netteté dès le début du règne de Charles VII.


Conclusion

L'exemple des villes du Rouergue, et plus particulièrement de Saint-Affrique, comme parties prenantes d'une sénéchaussée où chaque universitas garde une certaine indépendance tout en s'intégrant peu à peu à un ensemble plus large – d'abord la patria puis le royaume –, semble particulièrement révélateur de la situation de territoires où ne se détache aucun chef de file, mais qui sont fortement politisés et ce à tous les échelons, de la communauté des habitants aux agents et représentants du roi en mission.

L'information est une forme de pouvoir. Cela a été bien compris dès l'origine par un pouvoir royal qui s'est dès lors attaché à structurer ses réseaux de façon de plus en plus efficace, en les ajoutant ou en les imposant aux relations préexistantes de solidarités locales dans lesquelles la transmission de l'information joue un rôle capital : l'allié est celui qui prévient des dangers ou avec qui l'on s'associe pour faire entendre sa voix, que ce soit au niveau des états provinciaux ou du royaume. Le poids politique ne peut exister que dans la mesure où l'information est transmise, ou l'opinion est donnée. L'information et la capacité à la transmettre sont donc les mécanismes principaux sur lesquels une ville ou un réseau de villes peut agir pour exister politiquement au sein du royaume de France au xve siècle.


Annexes

Cartes : carte du Rouergue au xve siècle ; les messagers de Saint-Affrique vers les villes du Rouergue entre 1430 et 1460 ; les messagers des villes du Rouergue venus à Saint-Affrique entre 1430 et 1460. — Éléments codicologiques : tableau codicologique du registre 2E216 BB2 ; éléments codicologiques généraux concernant les registres de comptes de la sénéchaussée ; répartition des écritures entre 1413 et 1415. — Illustrations : échantillons d'écritures ; seings manuels de notaires. — Éléments prosopographiques : les consuls de Saint-Affrique entre 1379 et 1480 ; les officiers du consulat de Saint-Affrique (trésoriers et notaires) ; les principaux officiers de la sénéchaussée du Rouergue entre 1380 et 1480 (sénéchaux et trésoriers). — Voyages effectués par les envoyés du consulat : voyages en 1383 ; voyages en 1415-1416 ; voyages en 1435 ; voyages en 1460 ; voyages en 1480 ; voyages de France entre 1380 et 1460. — Assemblées des habitants tenues dans la ville de Saint-Affrique entre 1376 et 1480. — Tableau des réunions des États tenues dans la sénéchaussée du Rouergue entre 1380 et 1470.


Pièces justificatives

Édition de trente-quatre pièces, en particulier de délibérations de Saint-Affrique.