« Arripui calamum… »
Les épîtres métriques latines de Giovanni Moccia
Édition et traduction
Introduction
De l’humaniste napolitain Giovanni Moccia, actif et renommé en Avignon aux temps du Schisme dans les cercles proches de l’anti-pape, presque rien n’a été conservé à l’exception d’une copie de son épistolier à la Bibliothèque nationale de France, et assez peu a été dit dans l’historiographie récente. Si les grandes lignes de la vie de ce poète sont connues, de son emploi auprès du cardinal Orsini puis de la reine Jeanne Ire de Naples, à celui de secrétaire apostolique en Avignon, son œuvre est largement inédite et a le plus souvent suscité un intérêt historique plutôt que littéraire. Ce travail a donc pour double objet de présenter une édition critique complète du recueil d’épîtres latines légué par Moccia et conservé dans le manuscrit BNF, lat. 8410, et de fournir, grâce à un apparat des sources soigné, les moyens d’une étude de l’œuvre de ce poète sous l’angle de sa pratique poétique, et notamment de sa conception de l’épître métrique.
Aspects codicologiques du manuscrit. — Le manuscrit BNF, lat. 8410 comporte quatre-vingt-sept pièces, toutes en vers sauf une, pour la plupart des épîtres latines ainsi que qu’une dizaine d’épitaphes et quelques épigrammes ; à l’exception d’un court poème, toutes les pièces sont de Moccia. L’examen approfondi des erreurs de copie relevées dans le manuscrit ainsi que des notes marginales permet d’établir que l’exemplaire est l’œuvre d’un copiste – ce que confirme l’analyse paléographique du manuscrit, écrit avec soin dans une lettre de forme française contemporaine de la fin du xive siècle –, mais qu’il a été relu et annoté par l’auteur lui-même.
Analyse de la composition du recueil. — On ne peut que formuler des hypothèses au sujet des motivations qui ont présidé au choix de certaines épîtres plutôt que d’autres, car on connaît par ailleurs plusieurs poèmes qui ne figurent pas dans le manuscrit, soit qu’ils aient été retrouvés dans des manuscrits composites, soit qu’ils soient mentionnés dans la correspondance de Moccia ou de ses interlocuteurs. Le prestige de certains destinataires qui désignent l’humaniste comme un homme introduit, ou, surtout, la qualité des pièces et leur diversité qui donnent la mesure du talent du poète, semblent avoir constitué les principaux facteurs de sélection. Quoi qu’il en soit, l’étude permet de démontrer que l’ordre des pièces dans le recueil obéit à un classement chronologique, avec des épîtres datées entre 1379 et 1397.
Édition et traduction du manuscrit
Les textes de l’épistolier sont présentés dans l’ordre du manuscrit BNF, lat. 8410 ; ils sont munis d’un apparat critique à la fin de chaque lettre explicitant les erreurs de copie, ainsi que d’un apparat des sources. Celui-ci met en lumière l’inspiration largement antique de Moccia, qui puise chez des auteurs variés qu’il mentionne d’ailleurs en plusieurs endroits comme ses modèles : les grands poètes Virgile, Horace et Ovide, Cicéron bien sûr, ainsi que Lucain et Sénèque – le Sénèque tragédien – sont régulièrement invoqués par Moccia, et de fait, font l’objet de fréquentes citations. On relève également des emprunts plus ponctuels à Stace, Silius Italicus ou encore Juvénal. L’épistolier de Moccia étant dans son ensemble encore inédit à ce jour en France, il a semblé nécessaire d’accompagner l’édition d’une traduction française en regard. Celle-ci tente de rendre la variété de tons et l’élégance des poèmes de Moccia. L’édition est précédée d’une note compilant les singularités graphiques et orthographiques du copiste.