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Le ballet de l’Opéra de Paris sous le Second Empire


Introduction

Du Second Empire, on ne conserve aucune œuvre chorégraphique originale. Le ballet de l’Opéra de cette période souffre d’une mauvaise image dans l’historiographie, qui le considère en déclin par rapport au ballet romantique des années 1830-1840. Pourtant, force est de constater que le ballet du Second Empire a été très peu étudié par les historiens de la danse.

La période est introduite par les retraites successives des grandes étoiles romantiques telles que Marie Taglioni ou Carlotta Grisi et par le départ d’Arthur Saint‑Léon, qui quitte son poste de premier maître de ballet en 1852, laissant la place à Joseph Mazilier. Elle se termine avec les événements de 1870 qui bouleversent complètement l’organisation de l’Opéra. Le ballet sera ensuite mis de côté sous la Troisième République, avant que le centre européen de la danse se déplace de Paris vers Saint‑Pétersbourg grâce aux réadaptations de ballets de la période par Marius Petipa.

Il a fallu, dans un premier temps, poser les bases institutionnelles du théâtre afin de saisir avec plus de justesse le fonctionnement du ballet. Un second temps fut dédié à l’étude du groupe humain qui constitue le ballet, à savoir la troupe des danseurs et danseuses. Enfin, une analyse du répertoire des créations chorégraphiques de l’Opéra sous le Second Empire a permis de dégager les spécificités propres au ballet de cette période. Cette analyse finale s’est vue complétée par l’élaboration d’un répertoire de tous les livrets des ballets créés entre fin 1851 et 1870.


Sources

La grande majorité des sources utilisées pour cette étude est constituée par les très riches archives de l’Opéra conservées dans la sous‑série AJ/13 des Archives nationales. Elles regroupent des documents très nombreux et divers : traités et contrats, documents officiels, mais aussi notes de services, rapports internes, correspondance très abondante, listes de matériel, parfois croquis et photographies, etc. L’autre partie des sources est constituée d’écrits et de témoignages d’époque, publiés ou manuscrits, notamment des personnages importants comme le maître de ballet Arthur Saint‑Léon ou le professeur Léopold Adice. Ces ouvrages sont conservés dans plusieurs départements de la Bibliothèque nationale de France, tout comme l’iconographie illustrant ces travaux, accessible grâce aux ressources numérisées de la BNF.


Première partie
La gestion administrative du ballet de l’Opéra de Paris


Chapitre premier
L’administration du Théâtre impérial de l’Opéra sous le Second Empire

Le Second Empire est une période de remaniements permanents de l’administration des théâtres au niveau étatique. Pourtant, excepté le rétablissement de la censure en 1850, ces bouleversements demeurent très superficiels et ne changent en réalité pas grand-chose à la gestion des théâtres des décennies précédentes. Dans l’organisation du Second Empire, l’Opéra fait partie des théâtres subventionnés par le pouvoir impérial, auquel il sert d’ailleurs de vitrine. À ce titre, la gestion de l’Opéra est très encadrée par son ministre de tutelle, qui garde un œil attentif sur tout ce qui se passe au Théâtre impérial et revêt de son autorisation toutes les décisions de son directeur.

La direction de l’Opéra connaît deux types de régime au cours du Second Empire : le régime de la régie directe, dans lequel l’État gère directement l’Opéra grâce à un directeur qu’elle emploie et qu’elle rétribue, et le régime de la régie intéressée, dans lequel la gestion de l’Opéra est concédée à un directeur‑entrepreneur, responsable sur ses propres deniers des déficits et des bénéfices du théâtre. Dans les deux cas, l’Opéra conserve sa subvention gouvernementale et sa tutelle ministérielle très prégnante. Même en cas de régie intéressée, le directeur ne peut agir comme il l’entend, car il doit répondre aux exigences précises d’un cahier des charges imposé par l’administration des théâtres.

Ces cahiers des charges sont des documents très précieux qui donnent de nombreux renseignements sur l’organisation de l’Opéra, ses différents services et fonctions, mais également sur les vues de l’administration en matière artistique. Le peu de clauses concernant le ballet comme leur faible niveau d’exigence est, de ce point de vue, révélateur de l’intérêt moindre que l’on porte à l’art chorégraphique, déjà relégué au second plan derrière le spectacle lyrique.

Chapitre II
Le ballet au Théâtre impérial de l’Opéra, un dispositif au service du spectacle chorégraphique

Jusqu’au décret de 1864 instaurant la liberté des théâtres, l’Opéra dispose de l’exclusivité sur certains genres théâtraux, ainsi que sur son répertoire, grâce au système du privilège qui régit les entreprises théâtrales depuis le début du xixe siècle. Il possède ainsi le monopole des « ballets du genre noble et gracieux », mais avec l’évolution du ballet‑pantomime et la place de plus en plus importante prise par la danse de demi‑caractère, cette définition ne suffit pas à le protéger de la concurrence. Pourtant, contrairement à la première moitié du siècle, sous le Second Empire l’activité chorégraphique semble s’y concentrer plus que jamais. Même après l’instauration de la liberté des théâtres en 1864, aucune scène ne se risque à exploiter le ballet tel qu’on le fait à l’Opéra : le genre de ballets‑pantomimes à grand spectacle qu’on y représente demande, en effet, trop de moyens financiers comme humains. Le Théâtre impérial en conserve donc de fait le monopole tout au long de la période.

Le ballet à l’Opéra est l’affaire non seulement d’une troupe, mais également d’une foultitude de personnels qui mettent tout leur savoir‑faire en œuvre pour produire des spectacles chorégraphiques dignes du théâtre. Danseuses, danseurs, élèves, figurants, maître de ballet, professeurs, régisseur de la danse, surveillants, etc. sont répartis dans des services propres à la danse : le service de la danse et le service du ballet. Ces services travaillent en étroite collaboration avec le reste des personnels de l’Opéra, dont les fonctions ne sont pas spécifiquement dédiées au ballet : décorateurs, machinistes, habilleuses, musiciens de l’orchestre, personnel administratif, etc. concourent eux aussi à la production et à la bonne marche des ouvrages chorégraphiques.

Être à la tête du ballet de l’Opéra n’est pas chose aisée sous le Second Empire. Le directeur de l’Opéra, chef de toute la hiérarchie du théâtre, est très sollicité : il reçoit beaucoup de recommandations et de demandes de la part de son ministre de tutelle et est très sollicité par les abonnés, les journalistes, les auteurs et les artistes eux‑mêmes. Sa gestion du ballet doit donc répondre à des attentes multiples et parfois contradictoires. Dans son travail, il peut s’appuyer sur les figures d’autorité que constituent le maître de ballet, le régisseur de la danse ou encore le professeur de la classe de perfectionnement, qui le secondent et accompagnent parfois ses décisions.

Chapitre III
La place du ballet à l’Opéra : entre absence de politique et considérations financières

Sous le Second Empire, le rôle du directeur de l’Opéra est essentiel dans la production de spectacles chorégraphiques : il prend toutes les décisions relatives à la mise ou à la remise d’ouvrages. Pourtant aucune politique claire et globale, aucun projet volontariste n’est mis en œuvre pour le ballet. La création chorégraphique est principalement confiée au maître de ballet en titre ou ponctuellement à des chorégraphes habitués de l’Opéra. La distribution est soumise aux promesses faites par la direction à tel(le) ou tel(le) artiste lors de la négociation de son contrat. Pour la programmation elle‑même, on se préoccupe davantage de contenter à la fois les exigences du cahier des charges et le public – grâce à des nouveautés régulières – que de constituer des saisons cohérentes et étudiées. La politique des directeurs en matière de ballet se résume donc bien souvent à des considérations d’ordre logistique et à des négociations avec des artistes exigeants, même s’ils ne manquent pas de surveiller avec attention les spectacles chorégraphiques de leur théâtre.

Le ballet demeure quand même la portion congrue de la programmation de l’Opéra car on l’utilise exclusivement pour constituer des soirées mixtes aux côtés d’ouvrages lyriques. Il est ainsi un spectacle presque accessoire, un intermède distrayant à l’image du « divertissement » d’opéra. L’omniprésence de petits ballets divertissants, pourtant peu valorisante, a pour but principal de plaire aux abonnés, qui représentent une manne financière essentielle pour l’Opéra. Car le ballet en lui‑même n’est pas plus lucratif que l’opéra en termes de recettes. Les écarts de recettes constatés tiennent plutôt au taux d’ancienneté des œuvres représentées, à leur succès auprès du public, et à leur distribution. Se procurer les ballerines les plus en vue sur les scènes étrangères constitue donc un enjeu important pour l’Opéra.

La moindre valeur accordée au ballet se retrouve également dans la rémunération de ses auteurs. Les droits d’auteur, comme les pensions, sont, en effet, toujours plus minces pour les œuvres chorégraphiques que pour les œuvres lyriques, et les chorégraphes trouvent difficilement leur place dans la grille des droits à faire valoir.


Deuxième partie
La troupe du ballet de l’Opéra de Paris


Chapitre premier
Constituer la troupe : des prescriptions aux réalités

La troupe du Ballet de l’Opéra de Paris est divisée, sous le Second Empire, entre les sujets de la danse, qui regroupent les artistes de rang supérieur, et le corps de ballet, qui forme le gros de la troupe. Le corps de ballet est lui‑même organisé en une pyramide hiérarchique stricte, allant des figurants aux coryphées en passant par les différents niveaux de quadrilles. La composition de ces deux ensembles est en théorie strictement encadrée par les textes réglementaires, mais l’insuffisance des effectifs prescrits entraîne un net écart entre ceux‑ci et les effectifs réels.

Pour le corps de ballet, le nombre réel de danseurs et danseuses dépasse en effet largement les prescriptions des cahiers des charges et règlements. Au sein de la troupe, les danseuses sont significativement plus nombreuses que les danseurs, dont le contingent est bien fragile.

Les danseurs souffrent en effet du peu d’estime que le public du Second Empire leur accorde : on attend d’eux qu’ils remplissent correctement leur rôle, sans toutefois se faire trop remarquer sur la scène. Car l’Opéra du Second Empire est assurément marqué par le règne de la ballerine, qui domine aussi bien la scène que l’imaginaire collectif : les œuvres font la part belle aux héroïnes et le public des abonnés est friand de ce spectacle de corps féminins court vêtus et en mouvements. La troupe présente donc un important contingent de danseuses.

Chapitre II
Pourvoir la troupe : recrutements et contrats

La troupe de l’Opéra regroupe des artistes divers aux formations et aux origines différentes. S’il existe à Paris des cours privés suivis par les meilleurs artistes ou les plus fortunés, le Conservatoire de danse reste le réservoir naturel de la troupe et surtout du corps de ballet de l’Opéra. Son organisation est repensée en 1860, grâce à l’aide notable de ses professeurs. On tente, entre autres, de lutter contre la désertion des élèves qui vont se faire engager dans les théâtres secondaires après avoir profité partiellement d’une formation gratuite au Conservatoire.

Les élèves sont appelés très tôt à participer aux représentations et à faire partie de la troupe, et l’Opéra engage ainsi très souvent des artistes mineurs. L’avancement dans la hiérarchie du corps de ballet se fait sur concours, jusqu’aux potentiels débuts des artistes parmi les sujets de la danse. L’engagement des danseurs et danseuses les soumet à un règlement très strict qui conditionne leur service : obligation d’exclusivité, règles disciplinaires, nécessité de disponibilité, possession obligatoire d’un domicile fixe, etc. Le droit aux congés comme les rémunérations témoignent de l’immense disparité entre les sujets de la danse, surtout les premières ballerines, et le reste de la troupe.

La présence constante de danseuses étrangères parmi les sujets de la danse constitue l’une des caractéristiques principales du ballet sous le Second Empire. Pour leur grande majorité issues de La Scala de Milan, certaines de ces danseuses sont recrutées par l’intermédiaire d’agences théâtrales. Mais le star system qui pousse à leur engagement n’est pas uniquement le résultat d’un manque de talents parmi les françaises. Au contraire, il semble bien qu’il soit lui‑même cause du manque de formation d’excellence pour ces dernières, par principe reléguées au second rang. Les années 1860 marquent toutefois un ralentissement du système, et l’Opéra se tourne plutôt vers un recrutement de jeunes étrangères prometteuses, qu’il forme lui‑même, et qui deviennent donc des vedettes de la maison.

On engage également, au cours des années 1860, des maîtres de ballet attachés à des théâtres étrangers pour chorégraphier ponctuellement des ouvrages. Arthur Saint‑Léon, figure emblématique de la période, vient ainsi régulièrement produire des œuvres pour l’Opéra.

Chapitre III
Faire danser la troupe : une question de niveau ?

Les danseurs sont une denrée rare à l’Opéra sous le Second Empire : peu nombreux, souvent âgés, beaucoup cumulent l’emploi de danseur avec une fonction de surveillant, de régisseur, de professeur ou de maître de ballet. Déconsidérés dans l’esprit de l’époque, on leur attribue surtout le rôle de partenaire de la ballerine, et on ne les forme pas à devenir des artistes de premier plan.

Chez les premières danseuses, on distingue trois écoles aux styles marqués : l’école française, qui privilégie la grâce et le ballon ; l’école italienne, dans laquelle priment la virtuosité et le taqueté ; et l’école russe, qui développe des nouveautés techniques tout en ne perdant pas de vue l’essence du style français, importé par les maîtres de ballet français. Ces différentes écoles, et notamment les deux premières, s’affrontent à l’Opéra sous le Second Empire, à travers les étoiles successives qui paraissent sur la scène, même si l’école italienne prédomine grâce aux recrutements d’artistes formées à La Scala.


Troisième partie
Le répertoire chorégraphique de l’Opéra


Chapitre premier
De l’imaginaire à la mémoire : création, représentation et reprise des œuvres chorégraphiques

Pour la création de nouveaux ballets, l’administration de l’Opéra dispose de partenaires privilégiés avec lesquels elle a l’habitude de travailler, que ce soit pour les livrets, les partitions ou les chorégraphies. La réadaptation d’œuvres déjà produites à l’étranger reste, elle, une pratique assez minoritaire. Les créations passent par la censure, mais celle‑ci s’attarde peu sur les ballets de l’Opéra, qu’elle autorise sans jamais la moindre difficulté. Les spectacles chorégraphiques du théâtre font également toujours l’objet de critiques dans la presse, même si les comptes rendus ne se valent pas tous.

La majorité des ballets créés à l’Opéra sous le Second Empire sont aujourd’hui tombés dans l’oubli. L’oralité et l’enseignement qui conditionnent à l’époque la transmission de l’héritage chorégraphique n’ont pas suffi pour conserver la mémoire des œuvres. Les adaptations de Marius Petipa en Russie ont permis de sauvegarder certains ballets, dans des versions néanmoins différentes des originaux, et quelques ballets ont également fait l’objet de reconstitutions au xxe siècle, notamment par le chorégraphe Pierre Lacotte. En l’absence de sources, il est toutefois impossible de connaître la teneur originelle des chorégraphies des ballets créés à l’Opéra sous le Second Empire.

Malgré les obligations réglementaires et le goût du public pour la nouveauté, le ballet occupe par rapport à l’opéra une place bien moindre dans la programmation du Théâtre impérial. Il faut attendre 1861 pour que, pour la première fois, une soirée soit entièrement consacrée à la danse. On compte beaucoup sur les nouveautés chorégraphiques de faible envergure et sur les reprises pour combler les manques ponctuels dans la programmation.

Chapitre II
Les créations chorégraphiques de l’Opéra de Paris sous le Second Empire

Contrairement à ce qu’on a pu dire, les créations chorégraphiques de l’Opéra sous le Second Empire ne reprennent que peu la veine du ballet romantique. Les ballets empruntent plutôt les codes des genres théâtraux légers et populaires à l’époque que sont la comédie et le vaudeville, ou s’inspirent du roman d’aventures qui connaît également un franc succès. Ils conservent cependant le goût pour l’exotisme et le lointain fantasmé, s’inscrivant dans le courant orientaliste qui perdure au xixe siècle.

Le ballet de cette époque porte bien son nom de ballet‑pantomime : cette dernière occupe une place essentielle, car c’est presque exclusivement sur elle que repose l’évolution de l’action. On forme donc les artistes à cet exercice spécifique. La danse elle‑même évolue avec le glissement progressif de la technique vers le demi‑caractère qui permet plus de vivacité et l’introduction d’éléments folkloriques. Le ballet use, enfin, du faste et du spectaculaire que lui permet le prestige de l’Opéra.

Les créations chorégraphiques du Second Empire usent dans leurs thèmes de certains motifs récurrents. Les intrigues amoureuses, les jalousies et le mariage sont ainsi au cœur de tous les ballets, qui emploient aussi régulièrement la mise en abyme de danseuses ou de troupes théâtrales. Ainsi, la figure si importante de la femme évolue dans le ballet : de l’héroïne romantique, surnaturelle et virginale, on passe, sous le Second Empire, à une héroïne séductrice voire érotisée. On utilise également abondamment la « danseuse en travestie », qui plaît tant au public masculin de l’Opéra.


Conclusion

Cette étude a pu mettre en évidence l’absence de politique pour le ballet de la part de l’administration de l’Opéra sous le Second Empire, et pourtant, un passage, dans les années 1860, d’un star system subi par le théâtre à une volonté de former ses propres étoiles, enjeu majeur de l’époque, que l’Opéra peine à relever. Le star system lui‑même change, sous le Second Empire, en même temps que la gestion de leur carrière par les artistes les plus en vue : ces derniers semblent s’attacher davantage à un ou deux théâtres où ils jouent par saisons, et faire de moins en moins de tournées telles que les pratiquaient les artistes romantiques des décennies précédentes.

La veine du ballet romantique est elle‑même de moins en moins utilisée dans les créations, qui investissent plutôt les goûts du temps. Par sa forme, ses thèmes et son esthétique, le ballet de l’Opéra tend vers les nouveaux types de spectacles dansés qui émergent à l’époque dans les nouveaux lieux de divertissements : plus courts et visant surtout la distraction et l’agrément visuel, ils plaisent au nouveau public bourgeois de la seconde moitié du xixe siècle.


Annexes

Douze tableaux. — Sept documents édités. — Dix-neuf illustrations. — Un index.


Répertoire des ballets créés à l’Opéra de Paris entre 1851 et 1870

Le répertoire reprend les livrets manuscrits des cartons AJ13208, 500, 501, 502, 503, 505 et 506 des Archives nationales, ainsi que quelques livrets imprimés conservés à la bibliothèque-musée de l’Opéra. Il regroupe les arguments de vingt ballets, accompagnés d’une notice chacun et de quarante et une pages de planches donnant un aperçu des décors et costumes des ballets du répertoire.