Les Elle « Ferdinand », la peinture en héritage
Un atelier parisien au Grand Siècle (1601-1717)
Introduction
Les Elle, dits « Ferdinand », sont une famille de peintres d’origine flamande actifs à Paris de 1601 à 1695, puis à Rennes de 1696 à 1717. Le premier d’entre eux, Ferdinand Elle (v. 1580-1637), apparaît au tout début du xviie siècle à Fontainebleau puis dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés. Protestant, probablement originaire de Malines, dans les Pays-Bas espagnols, il se fait connaître sous son prénom à défaut de pouvoir utiliser son patronyme, qui se confond en français avec le pronom personnel féminin de la troisième personne du singulier. Ses fils, Louis Elle le Père (1612-1689) et Pierre Elle (1617-1665) se font également appeler « Ferdinand », tout comme leur fils et neveu, Louis Elle le Jeune (1649-1717). Le premier enjeu de ce sujet consistait donc à redonner une identité propre à chacun de ces peintres, confondus dès le xviiie siècle. Pour des raisons de clarté, le prénom de « Ferdinand » a été réservé, dans le corps de la thèse, à Ferdinand Elle, le fondateur de la lignée. Son fils cadet, Pierre, possède un prénom permettant de le distinguer des autres. Son frère, Louis Elle, est systématiquement appelé « Louis Elle le Père » afin d’éviter toute confusion avec son propre fils, « Louis Elle le Jeune ». Toutefois, ces commodités onomastiques ne doivent pas faire oublier que c’est sous le seul nom de « Ferdinand » que les Elle ont fait carrière : celui-ci a donc été maintenu, entre guillemets, dans le titre de cette thèse. La connaissance des Elle, famille de bourgeois parisiens protestants du xviie siècle, ne présente saveur et intérêt que parce qu’elle éclaire celle des Ferdinand, peintres actifs spécialisés dans le portrait.
Malgré cette nécessaire individualisation, il nous a paru inopportun de séparer les peintres les uns des autres en les étudiant artiste par artiste. À l’exception de Ferdinand Elle, dont la vie est parfaitement inconnue avant 1601, tous les Elle ont été formés par leurs pères. À plusieurs reprises, deux générations ont cohabité dans l’atelier familial. Autour d’elles gravitent d’autres figures : gendres – comme Jean Cassiopin, qui peint à quatre reprises les membres du Bureau de la Ville de Paris –, frères, cousins, apprentis, miniaturistes… C’est ce groupe, au sens large, qui est ici qualifié d’« atelier. » Cette notion ne revêt donc pas la signification du xixe siècle, mais désigne plutôt la capacité des Elle à « fabriquer des peintres » sur trois générations, hors de tout cadre strictement formel, suivant l’évolution du portrait et s’essayant à d’autres genres avec plusieurs réussites extrêmement brillantes.
Plusieurs phases peuvent être distinguées dans cette longue carrière, qui ne coïncident pas toujours avec la disparition d’une génération. Ferdinand Elle semble surgir du néant en 1601. Il s’installe à Saint-Germain-des-Prés, quartier d’élection de la famille pour un siècle, acquiert la nationalité française et connaît une belle ascension sociale, remportant des commandes prestigieuses. Les jeunes carrières de ses deux fils sont favorisées par cette installation réussie. En 1648, l’accession de Louis Elle le Père à l’Académie royale de peinture et de sculpture, parmi les membres fondateurs, marque pour l’atelier le début d’une période brillante, qui culmine avec l’accession de Louis Elle le Jeune à l’institution, en 1681. Celle-ci s’interrompt avec la révocation de l’édit de Nantes, en 1685. La résistance de la famille conduit à l’exil d’une partie de ses membres, les autres, comme Louis Elle le Jeune, faisant l’objet d’une très étroite surveillance policière jusqu’à leurs conversions au catholicisme. Le partage de la succession de Louis Elle le Père, en 1690, affaiblit financièrement ses enfants, ce qui entraîne cinq ans plus tard le départ de son fils et successeur pour la Bretagne. À Rennes, Louis Elle le Jeune fait valoir son statut retrouvé d’académicien pour obtenir les plus belles commandes disponibles, dont celles d’un plafond au parlement de Bretagne. Il disparaît en 1717 après une vieillesse obscure, sans laisser, semble-t-il, d’enfants ou d’élèves susceptibles de prolonger le parcours de cette famille flamande arrivée à Paris au début du xviie siècle.
Sources
Compte tenu de la longueur de la carrière des Elle à Paris, les fonds du Minutier central des notaires de la capitale ont été, sans surprise, les plus précieuses sources de cette thèse, avec près de deux cents actes conservés. Les études les plus fréquentées portent les numéros VI (de 1625 à 1668) et XLIV (de 1667 à 1719), mais certaines pièces importantes, comme les inventaires après décès de Louis Elle le Père (1690) ou de Jean Cassiopin (1651), sont isolées dans les fonds de notaires plus rarement représentés (études XLV et CV). Les années 1685-1687, qui voient la famille se convertir au catholicisme, sont particulièrement bien connues grâce aux archives de la Maison du roi (AN, sous-série O1) et aux cinq recueils de correspondance des agents de Gabriel-Nicolas de La Reynie concernant la révocation de l’édit de Nantes à Paris (BNF, mss., Fr 7050 à 7055). Les comptes de la Ville de Paris copiés au xviiie par le procureur Moriau (AN, série KK) ont permis de documenter les portraits, aujourd’hui perdus, du prévôt des marchands et du bureau de la Ville peints par Ferdinand Elle et Jean Cassiopin. Toujours aux Archives nationales, les séries S (contenant les déclarations au terrier du quartier de Saint-Germain-des-Prés), Y et Z ont été ponctuellement utilisées.
La difficulté de la disparition de l’état-civil parisien, registres protestants compris, a pu être contournée grâce aux copies partielles d’Eugène Haag que conserve la bibliothèque de la Société de l’histoire du protestantisme français (ms. 66). Le fichier Laborde (BNF, ms.), également consulté, s’est lui révélé assez pauvre. De même, la documentation des années bretonnes de Louis Elle le Jeune, de 1696 à 1717, a été difficile. Les sondages effectués dans le minutier des notaires de Rennes, conservé aux Archives d’Ille-et-Vilaine (sous-série 4 E), n’ont rien donné, tout comme ceux faits dans les fonds des juridictions seigneuriales (sous-série 4 B). Seuls les registres de la capitation (sous-série 1 C) ont donné quelques maigres informations sur le peintre. L’un de ses tableaux, aujourd’hui conservé au musée des beaux-arts de Rennes, est mentionné dans le catalogue des œuvres saisies en 1793 dans cette ville (1 Q 664). Les registres paroissiaux, numérisés par le service des archives municipales de Rennes (série GG), se sont révélés utiles.
Quelques documents concernant la famille Elle sont également conservés aux archives départementales de Charente-Maritime, de Loire-Atlantique, de Seine-et-Marne et des Yvelines, ainsi qu’aux archives municipales de Nantes et de La Haye (Pays-Bas), dans les bibliothèques de l’Arsenal et du musée Condé, à la bibliothèque municipale de Versailles et à la bibliothèque royale du Danemark.
Le catalogue des gravures a été établi à partir des collections du département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale de France, et de celles de Jacques Doucet à la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art. Enfin, la documentation du département des peintures du musée du Louvre, de la Witt Library à Londres, des châteaux de Versailles et de Trianon, du musée des Beaux-Arts de Rennes et du musée Condé à Chantilly ont été exploitées pour réaliser le catalogue des peintures certaines des Elle.
Première partieL’établissement d’un atelier parisien (1601-1648)
Chapitre premierLe choix de Saint-Germain-des-Prés, un quartier spécifique, ouvert aux protestants
Originaire de Malines selon André Félibien, Roger de Piles et Pierre-Jean Mariette, Ferdinand Elle est mentionné pour la première fois à Avon, la paroisse de Fontainebleau, le 25 février 1601. Il doit donc avoir passé quelques semaines, ou mois, sur le chantier d’embellissement du château. Il se trouve toutefois à Paris dès le 24 novembre suivant. Comme de nombreux étrangers à la ville, il s’installe hors des murs, dans le faubourg de Saint-Germain-des-Prés, où se reconstitue une petite communauté protestante. Mais, malgré la présence d’une grande foire, les artistes flamands n’y sont pas encore prédominants. Vivre dans ce quartier permet à Ferdinand Elle de rejoindre la maîtrise de Saint-Germain-des-Prés, et non celle de la capitale. Peut-être communautaires – les protestants y sont plus nombreux qu’à Paris – les raisons de ce choix semblent en tout cas assumées et réfléchies : en 1629, Ferdinand Elle fait rentrer son gendre, Jean Cassiopin, dans la même communauté de métier que la sienne. Né à La Haye vers 1602, ce dernier illustre la persistance des liens entre la famille Elle et l’Europe du Nord. Bien que naturalisé français le 16 mars 1623, Ferdinand Elle enseigne le hollandais à ses descendants, qui entretiennent des relations épistolaires avec les Provinces-Unies et n’hésitent pas à quitter la France, temporairement ou, après 1685, définitivement.
Chapitre IILes débuts de l’atelier
Les premiers collaborateurs de l’atelier de Ferdinand Elle ne sont que partiellement connus. Celui-ci semble pratiquement en place dès le printemps 1607, lorsque le peintre prend gratuitement en apprentissage un jeune garçon sans doute protestant, Paul Delatre. D’autres figures s’y adjoignent au fil du temps, à l’image de Jean Cassiopin, compagnon devenu gendre après avoir séduit la fille de son maître, en 1627. Cependant, l’historiographie a surtout retenu le passage de Nicolas Poussin dans l’atelier, vers 1613. Selon son premier biographe, Giovanni Pietro Bellori, le peintre serait en effet resté quelques semaines auprès de Ferdinand Elle, à l’âge de dix-huit ans, avant de le quitter pour se former lui-même à l’aide des conseils d’un mathématicien et des gravures de Raphaël et Jules Romain. Ces informations ont été reprises par de nombreux biographes anciens de Poussin, généralement agrémentées de commentaires peu amènes sur la formation proposée par ses différents maîtres. Remises dans le contexte de 1613, elles suggèrent toutefois une réalité différente. Un peu trop âgé pour être apprenti mais trop jeune pour prétendre à la maîtrise après deux ou trois années de compagnonnage, déjà partiellement formé mais dépourvu d’appuis financiers, Nicolas Poussin peut avoir proposé à Ferdinand Elle ses services en qualité d’alloué. Ce statut lui aurait offert une modeste rémunération, et la possibilité de quitter l’atelier à la fin d’un délai déterminé. Le jeune peintre peut avoir espéré profiter des réseaux et de la clientèle de Ferdinand Elle, qui a réalisé, en 1609, le portrait des membres du Bureau de la Ville de Paris. Cet héritage semble plutôt être échu à Jean Cassiopin, qui remporte à quatre reprises cette commande entre 1635 et 1638.
Chapitre IIILes signes de l’aisance financière
Malgré l’absence d’inventaire après décès – la succession de Ferdinand Elle a été partagée par sa veuve entre ses six enfants survivants –, les documents du Minutier central des notaires de Paris révèlent l’ampleur de sa réussite financière. Celle-ci se manifeste par plusieurs achats d’envergure réalisés après la naturalisation de Ferdinand Elle, en 1623. Le 6 novembre 1624, il achète, pour 10 800 livres, une maison située rue de Seine, à Saint-Germain-des-Prés. En 1638, sa veuve en fait construire une seconde sur le même terrain, avec une sortie sur l’actuelle rue Mazarine. Toute la carrière parisienne des peintres de la famille se déroule dans ces deux bâtisses, dont la valeur augmente au fil du siècle, à mesure de la densification du faubourg. En plus de parts dans ces édifices, les six enfants de Ferdinand Elle héritent de 7 000 livres chacun : leur père laisse donc, en 1637, une fortune d’au moins 86 000 livres, tant immobilières qu’en deniers comptants. À titre de comparaison, le peintre François Garnier, qui appartient au même milieu, ne laisse que 6 000 livres à sa famille en 1638, et la fortune de Simon Vouet, environ 102 000 livres, est considérée comme tout à fait exceptionnelle. Cet héritage est définitivement divisé en 1649, à la mort de la veuve de Ferdinand Elle. Il permet à ses deux fils, Louis Elle le Père et Pierre Elle, de commencer leur carrière dans des conditions confortables.
Deuxième partieL’âge d’or d’un atelier parisien (1648-1685)
Chapitre premierL’entrée à l’Académie royale de peinture et de sculpture
Louis Elle le Père figure parmi les académiciens dès le mois de février 1648, vraisemblablement grâce à ses amis protestants : Samuel Bernard, Louis et Henri Testelin ainsi que Sébastien Bourdon en font également partie. Toutefois, il ne semble pas avoir participé aux tractations ayant précédé et suivi la création de l’institution, où il n’est réellement présent qu’à partir du 3 juillet 1659, lorsqu’il y devient professeur. Ce réseau est renforcé par celui des orfèvres protestants, socialement éminent et assidument fréquenté par la famille. Louis Elle le Père épouse ainsi la fille unique, richement dotée, de Raymond Dallemagne.
Chapitre IILa consécration de l’atelier
Comment le montrent les gravures d’après les tableaux de Louis Elle le Père, ainsi que les inventaires de son atelier (1678 et 1690), la clientèle du peintre se compose essentiellement de membres de la cour et sa production compte une immense majorité de portraits. Certains, aux estimations basses, paraissent destinés au marché de l’offre, tandis que d’autres sont vraisemblablement des œuvres de commande, tel ce portrait de la Grande Mademoiselle présentée par saint Louis, inventorié en 1678. Une partie des modèles doit avoir posé dans la maison du peintre, rue Mazarine, qui comporte une grande salle pouvant faire office d’antichambre et un atelier éclairé par l’ouverture de la rue de Guénégaud. Louis Elle le Père est entouré d’apprentis, plus ou moins bien connus, d’un probable compagnon, Jean Laurent, et de son fils, Louis Elle le Jeune, présenté à l’Académie royale de peinture et de sculpture le 28 mars 1676 et agréé le 1er août 1681. Son frère, Pierre Elle, exerce des activités de graveurs et de marchand d’estampes et de tableaux. Il est en relations étroites avec les Provinces-Unies, où il se rend en 1642 et d’où il importe des œuvres jusqu’à sa mort, en 1665.
Chapitre IIIUne situation financière en dégradation ?
Si la peinture constitue la principale activité professionnelle des Elle, ce n’est pas leur seule source de revenus. Les documents d’archives ne permettent pas de connaître pleinement sa rentabilité : les œuvres des inventaires appartiennent généralement au fonds d’atelier ou sont destinées au marché de l’offre. Les commandes, infiniment plus rémunératrices, ne sont que rarement documentées. Louis Elle le Père, quoi qu’il en soit, se montre soucieux de diversifier ses activités en achetant avec l’héritage de sa belle-famille, en 1661, un immeuble à Paris et une ferme aux alentours de Fontainebleau. Si ces biens, comme la maison de la rue Mazarine, prennent de la valeur au fil du siècle, ils ne sont souvent que partiellement payés, et grevés de rentes. Ces placements discutables s’ajoutent à un taux d’endettement assez élevé, représentant plus du tiers du patrimoine familial en 1679. Toutefois, cette fragilité financière ne les empêche pas de vivre confortablement, comme le révèle un compte rendu de tutelle extrêmement détaillé. Bien logés, bien nourris, les Elle consacrent une partie de leurs revenus à leur santé, à l’éducation de leurs enfants et à leur pratique religieuse. Ils semblent même en mesure de se déplacer relativement fréquemment. Leurs difficultés financières ne se font réellement sentir qu’après la révocation de l’édit de Nantes.
Troisième partieDépart et mutation d’un atelier parisien (1685-1717)
Chapitre premierLa révocation de l’édit de Nantes : la fin d’une époque ?
Parisiens et académiciens, les Elle semblent échapper, jusqu’au début des années 1680, au durcissement de la politique royale à l’égard des protestants. Ce n’est que le 10 mars 1681 que ses conséquences commencent à se faire concrètement sentir, avec leur exclusion de l’Académie royale de peinture et de sculpture. Louis Elle le Père et son fils n’en continuent pas moins de fréquenter le temple de Charenton jusqu’à la révocation de l’édit de Nantes, le 18 octobre 1685. Huit jours plus tard, ils sont convoqués, avec Samuel Bernard, à la lieutenance générale de police. Samuel Bernard abjure dès le lendemain, suivi, le 30 décembre, par Louis Elle le Père. Louis Elle le Jeune participe à des réunions clandestines et ne se convertit que sous la menace d’un embastillement, en mars 1686. Sa sœur et son beau-frère sont emprisonnés, puis exilés. Malgré leur réintégration immédiate à l’Académie, la résistance des Elle doit avoir eu des conséquences sur leur clientèle, notamment pour Louis Elle le Jeune. Si Louis Elle le Père parvient à obtenir la prestigieuse commande du portrait de la marquise de Maintenon pour la Maison royale de Saint-Cyr, en 1688, son fils n’est pas choisi pour peindre le pendant, représentant le roi, en 1690. Il est fragilisé par la mort de Louis Elle le Père, le 12 décembre 1689.
Chapitre IIParadoxes et tentatives d’explication du départ à Rennes
Les dernières années parisiennes de Louis Elle le Jeune demeurent mal connues. Il est acquis qu’il renonce, comme son frère et ses sœurs, à la succession de son père, et qu’il se trouve à Nantes le 12 août 1695 et le 7 avril 1696. Le 1er décembre 1696, il envoie ses compliments depuis Rennes à l’Académie royale de peinture et de sculpture et reste dans cette ville jusqu’à sa mort, en 1717. Les raisons de son choix ne sont pas, à ce jour, parfaitement éclairées. Il est possible que Louis Elle le Jeune ait quitté Paris après les remous provoqués par sa résistance au moment de la révocation. Il retrouve l’un de ses cousins, Josué Gargoulleau, exilé à Rennes depuis 1689. Des considérations financières ont également pu jouer : la raréfaction des commandes royales encourage les peintres à se tourner vers le genre du portrait, très rémunérateur. Dans ce contexte, la concurrence entre les Académiciens est forte, à Paris tout au moins. À Rennes, Louis Elle le Jeune est le seul représentant de l’institution, ce qui lui permet de travailler pour les magistrats et leurs familles. Exilés après la révolte du Papier timbré, les parlementaires se réinstallent dans la ville en 1690, et commandent un grand décor à Jean Jouvenet. Dès 1696, Louis Elle le Jeune espère sans doute s’en voir également confier un.
Chapitre IIIL’atelier-phare d’une capitale régionale excentrée ?
Cette stratégie s’avère efficace puisque le peintre peint, en 1706, le plafond de la chambre des Enquêtes du Parlement de Bretagne. Sa production rennaise semble plus diversifiée que ses commandes en parisiennes : ainsi, en 1702, il exécute le tableau d’autel du couvent des Carmélites de la ville. Tout au long de ses années bretonnes, Louis Elle le Jeune entretient soigneusement ses contacts avec l’Académie royale de peinture et de sculpture, à laquelle il écrit chaque année, conformément aux statuts. Sans doute fait-il valoir son appartenance à l’institution pour remporter les plus belles commandes disponibles à Rennes. Ses dernières années sont malheureusement très mal connues, notamment à cause de grand incendie de 1720. Le peintre disparaît le 5 septembre 1717. Selon un document de 1804, produit lors de la création du musée des beaux-arts de Rennes, il aurait été enterré clandestinement, au bord d’un chemin, en raison de son protestantisme. Son nom ne figure pas, en effet, dans les registres paroissiaux rennais, contrairement à celui de son épouse. Louis Elle le Jeune ne semble avoir laissé ni enfants, ni élèves susceptibles de prolonger en Bretagne l’existence de l’atelier familial.
Conclusion
Largement utilisés pour cette étude, les documents d’archives ont permis de redonner à chacun des Elle une identité sociale et artistique propre, tout en soulignant l’importance de la structure familiale dans leur réussite. Les fils et le petit-fils de Ferdinand Elle font carrière en s’appuyant sur son héritage. Celui-ci leur assure un certain confort matériel, notamment grâce à leur épargne et aux maisons achetées au faubourg Saint-Germain. Louis Elle le Père, Pierre Elle et Louis Elle le Jeune bénéficient également d’une excellente insertion dans le milieu des protestants parisiens, et, dans une moindre mesure, dans celui des artistes. Cet héritage, enfin, est aussi artistique et pictural : quoique formés par leurs pères, les Elle suivent au plus près l’évolution du goût, notamment en ce qui concerne les portraits. La deuxième partie de cette étude, consacrée au catalogue de leurs œuvres certaines, permet de mieux cerner les conséquences artistiques de cette formation familiale.
Catalogue des peintures et dessins certains de l’atelier des Elle Ferdinand
Catalogue des tableaux et dessins conservés des Elle. — Catalogue des tableaux des Elle connus seulement par la gravure. — Catalogue des tableaux des Elle connus seulement par des mentions écrites.
Catalogue des œuvres gravées par Louis Elle le Père (1612-1689)
Gravures d’interprétation éparses. — Livres de portraiture d’après Primatice (1644) et Ribera (1650). — Gravures d’après Louis Testelin.
Annexes
Arbres généalogiques. — Index des titres d’œuvres et des noms de personnes.