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École des chartes » thèses » 2006

Le féminisme de Cécile Brunschvicg (1877-1946)


Introduction

Ces dernières années, portées par le développement de l’histoire des femmes et par une demande sociale et politique forte, les études en histoire du féminisme se sont multipliées, nées de la volonté de rendre visible le rôle des femmes dans l’histoire, qu’ont manifestée les féministes des années 1970, dans leur recherche d’une identité et d’une légitimité pour leur mouvement, même si on peut déplorer qu’aujourd’hui encore ces études soient victimes d’une certaine méfiance des institutions et remises en cause dans leurs présupposés. De fait, les fonds d’archives privées de militantes féministes sont encore nombreux à n’être pas accessibles et mis en valeur dans des institutions publiques, et il arrive qu’on en redécouvre peu à peu seulement l’existence. Ce fut le cas des archives privées, revenues en 2000 de Russie, de Cécile Brunschvicg (1877-1946), dont l’importance au sein du mouvement féministe réformiste, qui milite, avec un grand légalisme, pour l’amélioration progressive de la condition des femmes et concentre ses efforts sur les réformes juridiques, n’est plus à démontrer. Les principales étapes de sa vie sont bien connues : de nombreuses notices biographiques sont parues dans différents dictionnaires et la biographie de Juliette Aubrun qui date de 1992 a permis d’apporter un éclairage décisif sur ses origines. Cécile Kahn, née dans une famille de riches bourgeois parisiens juifs, épouse du philosophe Léon Brunschvicg, a en effet été la secrétaire générale à partir de 1909 de l’Union Française pour le Suffrage des Femmes (UFSF), puis sa présidente à partir de 1924 ; membre de la section Travail du Conseil National des Femmes Françaises (CNFF), ayant pour but l’obtention pour les femmes de conditions de travail identiques à celles des hommes, elle en assure à partir de 1916 et jusqu’à sa mort la présidence. Cécile Brunschvicg a aussi cherché à militer en faveur des idées féministes et d’une meilleure intégration des femmes dans la Cité dans tous les milieux et par tous les moyens : dans les partis politiques, en entrant au Parti radical en 1924, où elle concentre son activité auprès de la Commission sociale dont elle est la vice-présidente et qui lui vaut d’être appelée en juin 1936 au sous-secrétariat à l’Éducation nationale, lorsque Léon Blum décide pour la première fois d’appeler des femmes au gouvernement ; dans les institutions sociales en créant l’École des surintendantes en 1917 ; par la presse en reprenant la direction à partir de 1926 de l’hebdomadaire féministe La Française.

Cette étude a pour but de donner une vision transversale et thématique des engagements de Cécile Brunschvicg, de voir comment ceux-ci se sont développés à partir d’un cadre de pensée nourri du féminisme, qui lui confère une vision sexuée des problèmes de la société française de son époque, qu’ils soient politiques, économiques, sociaux. En cela, Cécile Brunschvicg mérite le qualificatif d’intellectuelle, tel que le définissent Michel Winock et Jacques Julliard dans leur Dictionnaire des intellectuels français, puisqu’elle a acquis une notoriété dans sa lutte en faveur du suffrage des femmes et s’est servie de cette activité pour proposer « à la société toute entière une analyse, une direction, une morale que ses travaux antérieurs [la] qualifient pour élaborer ». Si le féminisme est quasiment omniprésent dans tous les engagements de Cécile Brunschvicg et se construit au sein de la mouvance réformiste, dans un perpétuel dialogue avec ses autres membres, son action est dictée aussi par l’appartenance à un courant moralisateur, républicain, à la « nébuleuse réformatrice » (Christian Topalov), dont elle intègre les propositions au sein de ses revendications féministes. Si cette étude du féminisme de Cécile Brunschvicg ne se veut donc pas biographique, une approche chronologique y sera présente aussi, car elle est primordiale pour expliquer les origines et l’évolution de l’engagement féministe de celle-ci, ainsi que l’influence de son milieu et de ses origines bourgeoises.


Sources

Les principales sources manuscrites de cette étude sont constituées par le fonds Brunschvicg, conservé au Centre des archives du féminisme d’Angers. Ces archives font partie des archives d’institutions et de particuliers français, pillées par les Allemands durant l’Occupation, puis récupérées par les Russes, qui les considérèrent comme des réparations de guerre en 1945 et les conservèrent à Moscou. Ces fonds, dits « fonds russes », ont été rendus à leurs ayants droit en février et novembre 2000, à la suite de négociations entre le gouvernement russe et le gouvernement français. Ce fonds n’a donc pas rencontré, par son histoire particulière, les aléas habituels des archives privées : ces papiers nous sont parvenus dans leur intégralité, sans que Cécile Brunschvicg ait eu le temps de les trier, et constituent ainsi une source importante (10,5 ml) et unique pour l’histoire du féminisme réformiste. Ce fonds ne comprend cependant que peu de documents relatifs à sa vie privée ; il s’agit essentiellement des archives qu’elle a produites dans le cadre de ses activités les plus importantes, à partir du moment où elle devient une actrice majeure du mouvement féministe. Au sein de ces documents essentiellement associatifs, la correspondance reste majoritaire et est intéressante en ce qu’elle nous renseigne sur le réseau de relations de Cécile Brunschvicg, qui sont les vecteurs de son action et qui conditionnent aussi sa façon de militer. En outre, la lecture de cette correspondance est riche de renseignements, si on la confronte avec celle des articles qu’elle écrit dans le journal La Française, de sa fondation en 1909 jusqu’en 1940, puis lors de sa reparution en 1945 et 1946.

Les archives de la section Travail du CNFF, elles aussi conservées au Centre des archives du féminisme ont aussi été consultées, de même que plusieurs fonds d’archives privées de féministes ayant échangé de la correspondance avec Cécile Brunschvicg : les nombreux fonds qui constituent les archives Marie-Louise Bouglé à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, le fonds Marcelle Legrand-Falco au Musée social, le fonds Jane Misme à la Bibliothèque Marguerite Durand.


Première partie
La doctrine de l’égalité des sexes :
aux origines d’un engagement public


Il convient en premier lieu de s’attarder sur les origines et les fondements de l’engagement féministe de Cécile Brunschvicg. Il existe en effet différentes façons d’être féministe. Cela implique d’étudier tout d’abord la façon dont elle a été amenée à adhérer au mouvement, comment elle a adopté et orienté les principes d’action et les moyens de propagande qui étaient ceux du féminisme réformiste. Tout engagement féministe présuppose par ailleurs l’adhésion à la doctrine de l’égalité des sexes et il est important de comprendre la façon dont Cécile Brunschvicg concevait les relations entre les sexes au sein de la société pour saisir la portée de ses autres revendications.

Chapitre premier
Les racines d’un engagement féministe durable

Les origines sociales et l’éducation traditionnelle de Cécile Brunschvicg ne la destinaient pas à adhérer au mouvement féministe. C’est son expérience philanthropique et sa prise de conscience des difficultés particulières rencontrées par les femmes qui l’amènent à se rallier au suffragisme et à adhérer à l’UFSF lors de sa création en 1909, après plusieurs années passées à militer en faveur de la syndicalisation des femmes et pour la défense de leur travail au CNFF. Son parcours n’a pourtant rien d’exceptionnel : il est celui de beaucoup de féministes appartenant à ce même mouvement féministe réformiste dont les dirigeantes sont issues le plus souvent des classes bourgeoises. Son adhésion répond aussi à son peu d’intérêt pour la vie mondaine et à une grande volonté d’action qui fait de son investissement féministe un investissement existentiel. Ce dernier s’explique enfin par le milieu dans lequel elle évolue : Léon Brunschvicg, son époux, l’a introduite dans le réseau des réformateurs ; ses origines juives, son attachement au modèle intégrateur du franco-judaïsme, sa culture politique marquée par l’Affaire Dreyfus font de cet engagement féministe un engagement avant tout républicain et patriote, qui n’est pas antithétique avec une forte conscience internationale, élaborée au sein des associations féministes internationales comme le Conseil International des Femmes et l’Alliance Internationale des Femmes pour le Suffrage des Femmes.

Chapitre II
Un féminisme intégrateur et consensuel

Les réseaux de relations où figurent en bonne place les plus hauts dirigeants de la République et les méthodes de propagande prudentes et légalistes, le refus de toute action directe de Cécile Brunschvicg sont en parfaite adéquation avec un mouvement féministe réformiste, soucieux de respectabilité et d’intégrer les femmes à la République. Cette volonté d’intégration est aussi à la base même du recrutement des associations féministes : la neutralité statutaire, religieuse et politique de ces dernières — que Cécile Brunschvicg a toujours défendu malgré les dissensions qui se faisaient jour à ce sujet au sein du mouvement —, est tactique mais constitue surtout pour Cécile Brunschvicg un des éléments constitutifs du projet éducatif féministe.

Chapitre III
Construire une nouvelle identité féminine

La conscience de genre est au fondement même de tout engagement féministe. La nouvelle identité féminine souhaitée par Cécile Brunschvicg est porteuse à la fois de changements susceptibles de bouleverser l’organisation de la société, mais aussi de représentations traditionnelles. De manière logique, la défense d’une certaine conception naturaliste de la différence des sexes, où la féminité et la maternité gardent une place centrale et qui s’appuie sur l’idée de la complémentarité des sexes, amène Cécile Brunschvicg à se revendiquer d’un mouvement féministe encourageant non pas la séparation, mais la collaboration entre les sexes, permise notamment par l’élaboration d’une école complètement mixte. La vision traditionnelle de la cellule familiale légitime qu’elle revendique doit être l’image même de cette collaboration, qui ne sera permise que si la famille bénéficie de la réforme du Code civil, réclamée par toutes les féministes, mais aussi de changements moraux en ce qui concerne les questions sexuelles. Ces revendications impliquent certains changements importants pour les femmes qui doivent aussi être formées à leur nouveau rôle : Cécile Brunschvicg s’est particulièrement investie dans cette éducation auprès des militantes en tant que présidente de l’UFSF, mais aussi en tant que directrice de La Françaiseà partir de 1926.


Deuxième partie
Accéder à la citoyenneté sociale


Les revendications sociales de Cécile Brunschvicg ont aussi directement été influencées par la doctrine féministe. Le mouvement féministe et le mouvement social entretiennent en effet des rapports très étroits. La conquête des droits sociaux par le développement d’une législation spécifique, par la défense du droit au travail des femmes ou par l’amélioration des conditions de travail, a été au cœur même des revendications féministes. Puisque les droits politiques leur étaient inaccessibles, l’acquisition ou la préservation de leurs droits sociaux étaient une manière pour les féministes d’atteindre la citoyenneté sociale, une des trois composantes de la citoyenneté. Le féminisme réformiste était porteur d’un véritable programme, par lequel les féministes comptaient s’intégrer à une société qu’elles voulaient dans le même temps réformer. Pour elles comme pour Cécile Brunschvicg, cette intégration passait à la fois par la conquête de droits sociaux, comme celui du droit au travail, l’élaboration d’une législation sociale à même d’aider et de protéger les femmes, mais aussi par la conquête d’un champ d’action : celui de la lutte contre les fléaux sociaux. L’engagement pacifiste enfin de Cécile Brunschvicg obéit à la même volonté de proposer à la société une nouvelle orientation et constitue une forme d’accès à la sphère publique.

Chapitre premier
Défendre la liberté économique des femmes :
le droit au travail

La défense du droit au travail des femmes est une des revendications centrales du féminisme de Cécile Brunschvicg. En tant que présidente de la section Travail du CNFF, elle a été amenée à définir les rôles respectifs des associations féministes et des organisations syndicales, avec lesquelles elle s’est efforcée de collaborer. Ses revendications en matière de travail sont celles du mouvement féministe réformiste dans son ensemble : égalité des salaires et de l’avancement, accès à toutes les professions, refus de toute entrave au travail des mères. Ses revendications égalitaires ne sont cependant pas opposées à son soutien, dans le grand débat qui secoue les associations féministes, à une législation protectrice du travail féminin, à condition que celle-ci ne constitue pas une atteinte à la liberté du travail.

Chapitre II
Améliorer la situation sociale des femmes

Cécile Brunschvicg a montré très tôt un intérêt pour l’action sociale en participant à des œuvres philanthropiques. Son expérience de visiteuse sociale, qui lui a montré la nécessité d’agir de manière plus rationnelle et à l’échelle nationale, lui a rapidement donné la volonté de militer à titre personnel sur un autre plan, celui de la prévoyance et de la législation sociale. Comme beaucoup de féministes, elle a ainsi joué un rôle dans l’élaboration en France d’un État-Providence. Mais parce qu’elle est féministe, son investissement dans les questions sociales procède surtout de la volonté de venir en aide aux femmes. Il s’agit d’améliorer leur condition de travailleuses — ce qu’elle fait en participant à la création de l’École des surintendantes et au développement de service social — ; leur condition de mères, en soutenant le développement d’une législation destinée à protéger la maternité ; leur condition de femmes colonisées, en cherchant à faire progresser la situation de la femme indigène.

Chapitre III
Lutter contre les fléaux sociaux

Lutter contre les « fléaux sociaux » est un des principaux objectifs des féministes à partir du début de la première guerre mondiale. Il s’agit aussi pour elles de démontrer une nouvelle fois ce que pourrait être l’apport des femmes à la vie publique et de mettre en pratique leur programme politique. Cette action a été, dès le départ, au cœur de la stratégie développée par Cécile Brunschvicg pour faire entendre les arguments de l’UFSF dans tous les milieux. Elle s’est elle-même investie dans la lutte contre la dépopulation avant d’évoluer vers un eugénisme modéré, dans la lutte contre l’alcoolisme, l’immoralité et notamment contre la réglementation de la prostitution. L’approche de toutes ces questions traduit l’influence de son féminisme et de ses revendications égalitaires, mais aussi son identité républicaine, en ce qu’elle conçoit la moralité aussi comme une question politique, fondement de la résolution du problème social, inséparable dans les années trente de la défense de la démocratie.

Chapitre IV
Pacifier le monde : une revendication utopiste ?

Ce n’est qu’après la première guerre mondiale que Cécile Brunschvicg s’investit dans le mouvement pacifiste, à partir de juillet 1919 lorsqu’elle participe à la création de l’Union Féminine pour la Société des Nations. Le pacifisme qu’elle y développe, pacifisme prudent et modéré, qui met tous ses espoirs dans l’arbitrage international, dans la construction d’un espace européen économique et qui n’exclut pas le recours à un conflit défensif, est très influencé par les positions défendues par les radicaux et ne manifeste aucune particularité féministe. Son appartenance au mouvement féministe a eu beaucoup plus d’incidence sur son engagement antifasciste. Cécile Brunschvicg s’affirme d’emblée comme une antifasciste réaliste et participe à l’organisation, même si elle s’est elle-même éloignée de la religion juive, de l’accueil des émigrés allemands juifs à Paris dans le cadre d’une action essentiellement philanthropique. Pour autant, son appartenance à un mouvement féministe neutre politiquement, la volonté de ne pas nuire à la cause féministe qui reste sa priorité ne l’incitent pas à s’engager sur le plan politique. Malgré une vision assez réaliste de la nature belliciste de la politique hitlérienne, ce n’est donc véritablement qu’à partir de 1938 qu’elle se résout à une remise en cause profonde de ses revendications pacifistes et à participer à l’organisation des femmes dans l’optique d’un conflit.


Troisième partie
Les droits politiques :
de la revendication à la participation


La conquête des droits politiques est au cœur de l’engagement féministe. En distinguant une citoyenneté sociale et une citoyenneté politique, la Révolution française a contribué à exclure les femmes de cette dernière, phénomène qui s’est accentué en 1848 avec l’instauration du suffrage universel, tandis qu’en contrepartie le rôle social des femmes était de plus en plus reconnu. De ce fait, en raison de cette exclusion, et même si les femmes avaient la possibilité de jouer un rôle politique au sens le plus étroit du terme, dans les partis, aux marges de la décision politique, dans des commissions extraparlementaires, dans des cabinets ministériels ou dans des cercles d’influence, c’est surtout l’engagement féministe, plus que l’adhésion à un parti, qui est apparu le mode d’expression politique le plus naturel pour les femmes. Le parcours singulier de Cécile Brunschvicg l’a amenée à participer à la vie politique française sous trois étiquettes différentes et à tous les niveaux de la vie publique : en tant que féministe, secrétaire générale puis présidente de la plus importante association suffragiste de son époque, en tant que membre du Parti radical à partir de 1924 et en tant que membre du gouvernement de Front populaire de Léon Blum.

Chapitre premier
« De l’opportunité du suffrage des femmes »

Les arguments développés par Cécile Brunschvicg en faveur du suffrage des femmes n’ont rien d’original dans le contexte d’un mouvement féministe réformiste bien implanté et qui s’est plus investi dans l’action que dans le renouvellement de sa doctrine. C’est surtout sur la façon de le concevoir qu’elle est intervenue en jugeant les nombreux projets parlementaires élaborés dans l’entre-deux-guerres : par pragmatisme, Cécile Brunschvicg s’est fait le défenseur du vote par étapes, à condition que ces dernières conduisent finalement à des conditions de vote identiques pour les hommes comme pour les femmes, mais a montré plus de réticence envers le vote familial. Sa revendication du suffrage pour les femmes est aussi à lier à un grand attachement de Cécile Brunschvicg à la République : elle procède d’une volonté d’intégration mais apparaît aussi comme une solution dans le débat sur la réforme de l’État. Tiraillée entre un refus du renforcement de l’exécutif et la constatation d’un certain échec de la démocratie représentative, Cécile Brunschvicg reste cependant fidèle jusqu’à la Libération à la revendication du suffrage universel.

Chapitre II
Féministe dans un parti anti-féministe :
Cécile Brunschvicg au Parti radical

L’adhésion de Cécile Brunschvicg au Parti radical en 1924 obéit surtout à des considérations stratégiques, même si les radicaux constituent sa famille politique naturelle : il s’agit à la fois pour les femmes de faire leur apprentissage politique, mais aussi de convertir aux idées suffragistes les radicaux qui restent leurs ennemis les plus farouches et les plus influents. De ce dernier point de vue, les efforts de Cécile Brunschvicg semblent avoir échoué, malgré la propagande intense et variée qu’elle a menée auprès du Parti. Elle a cependant su, en se consacrant à la politique sociale du parti, démontrer la valeur d’expertise des femmes dans le domaine social. Proche de l’aile gauche du parti dans ses conceptions politiques, Cécile Brunschvicg s’est efforcée pour autant de ne pas nuire à la neutralité de l’UFSF, ce qui lui a souvent été reproché. Au final, la façon dont elle conçoit ses relations avec le Parti, l’indifférence qu’elle montre à l’égard de son succès électoral, les jugements qu’elle porte sur l’inefficacité de l’organisation française des partis montrent que c’est avant tout pour servir la cause féministe qu’elle est entrée au Parti radical.

Chapitre III
Cécile Brunschvicg au cœur de l’État

L’activité de Cécile Brunschvicg au gouvernement, au delà de son action au sous-secrétariat d’État à l’Éducation nationale de juin 1936 à juin 1937, se déploie jusqu’aux premiers mois de la seconde guerre mondiale au sein du Conseil supérieur de la protection de l’enfance et du Conseil supérieur d’hygiène sociale. Désireuse de contribuer à des réformes pratiques et forte d’une expérience sociale importante, Cécile Brunschvicg a surtout pu agir en faveur de l’enfance scolarisée et de l’enfance déficiente. Son action en faveur des femmes et des réformes féministes a été moins importante, ce qui lui avait valu de sévères critiques de la part de ses contemporaines. Ses archives révèlent aujourd’hui ses réticences, les difficultés qu’elle a rencontrées pour mener de front son activité féministe et son activité de ministre.


Conclusion

Absent longtemps de l’histoire institutionnelle, le féminisme l’est à plus forte raison de la mémoire collective. Le cas de Cécile Brunschvicg, relativement méconnue, victime peut être plus que certaines autres militantes de la neutralisation qui a touché le féminisme, est particulièrement symptomatique de ce phénomène. Les raisons de cet oubli sont intéressantes à interroger. Cécile Brunschvicg est certes conformiste dans toute une dimension de son discours, dans la lignée d’un féminisme réformiste dont les revendications portaient surtout sur des mesures d’ordre juridique, mais sa présence, sa voix écoutée, la variété de ses engagements en font une figure importante de la vie politique et sociale de la première moitié du xxe siècle.


Pièces justificatives

Édition de quelques textes de conférence et d’un choix de correspondance de Cécile Brunschvicg.


Annexes

Chronologie. — Liste des associations avec lesquelles Cécile Brunschvicg a collaboré. — Liste exhaustive des articles de Cécile Brunschvicg publiés dans La Française de 1909 à 1946. — Photographies.