« »
École des chartes » thèses » 2006

La mécanographie et ses répercussionsau sein de l’administration française

L’exemple du ministère des Finances (1930-1970)


Introduction

L’on parle souvent de l’ère de l’information. Le monde vit dans un réseau planétaire et dans une période où l’information est devenue omniprésente et omnipotente. Le degré de démocratie des sociétés, la nature des régimes, la qualité des personnes, la possession du pouvoir se mesurent à l’aune de l’information. Toute organisation, quelles que soient sa taille, sa mission, sa sphère d’activité, a besoin d’information pour exister, pour fonctionner et pour se développer. Sa gestion est donc l’un des enjeux les mieux partagés par les différents secteurs de l’activité humaine.

La mécanographie est née pour répondre à ce besoin croissant de traitements automatisés de masses énormes d’information. Le principe des cartes perforées est appliqué pour la première fois par le Français Joseph-Marie Jacquard, en 1805, à la commande de sa machine à tisser. En 1833, le mathématicien Charles Babbage invente une machine capable d’effectuer une suite de calculs sans intervention humaine. La première machine statistique à cartes perforées est inventée par Hermann Hollerith en 1884. Elle est l’ancêtre de toutes les machines mécanographiques, qui se développent très vite aux États-Unis et connaissent un véritable succès, en conquérant de nouveaux domaines et en envahissant plusieurs secteurs. La mécanographie est à l’origine de l’apparition et du développement de plusieurs entreprises.

La présente recherche porte sur l’introduction de la mécanographie dans l’administration française au travers de l’exemple du ministère des Finances. Tant l’histoire de la technique que celle du ministère des Finances ont fait déjà l’objet de nombreux travaux, mais aucun n’a envisagé l’impact qu’a eu cette technique sur le fonctionnement de cette administration. L’objectif de cette étude est d’analyser l’introduction des procédés mécanographiques, leur généralisation et les traces qu’ils ont laissées dans une institution et de mesurer les mutations administratives qu’ils ont impliquées.


Sources

La présente étude s’appuie, pour l’essentiel, sur les archives de l’administration centrale du ministère des Finances, des services et des établissements centraux qui y sont rattachés. Les archives sont gérées par le Service des archives économiques et financières qui est localisé sur deux sites : une antenne parisienne, à Bercy, collecte les documents, qui sont conservés et communiqués à Savigny-le-Temple. Les dix-huit fonds existants reflètent la diversité des activités du ministère des Finances depuis la fin du xixe siècle : environ un tiers concerne le fonctionnement du ministère, alors que les deux autres tiers proviennent du travail des différents services. Cette source a été complétée par le recours à des documents imprimés.


Premiere partie
L’impact de l’introduction de la mecanographie
Sur l’organisation des structures


Chapitre premier
Des debuts timides
Le rôle pionnier de l’administration de la statistique

L’introduction de la technique mécanographique au ministère des Finances. — Les répercussions de l’application d’une technologie nouvelle peuvent être grandes et même gigantesques, comme elles peuvent être minimes et sans importance. Les services du ministère des Finances commencèrent à utiliser la technique mécanographique dans les années 1930. Le dépouillement de l’Annuaire général des Finances et des Bottins administratifs de 1930 à 1970 montre que les trente premières années d’application des procédés mécanographiques ne semblent pas avoir eu de grandes conséquences sur les structures administratives.

L’administration de la statistique : un service pionnier. — À partir du milieu du xxe siècle, l’administration française de la statistique a connu une période de progrès importants, rendus possibles grâce aux innovations techniques en matière mécanographique, puis informatique, et qui expliquent le rôle sans équivalent joué par l’Institut de la statistique et des études économiques (INSEE) après la seconde guerre mondiale. La création de cet organisme en 1946 marque la volonté des pouvoirs publics de coordonner, d’unifier les travaux aussi bien statistiques que économiques et tire son origine de la mise en place quelques années plus tôt d’un Service national des statistiques (SNS). En effet, le SNS fut créé par la loi du 11 octobre 1941 à partir de la réunion de deux services : d’une part, la Statistique générale de la France, qui était rattachée au ministère des Finances et était dotée d’un institut de conjoncture ; d’autre part, le Service de la démographie, fondé en 1940 à l’initiative du contrôleur général René Carmille.

La mission de coordination du SNS. — Par décret du 31 mai 1943, les attributions du SNS sont étendues à la coordination de l’emploi des machines à cartes perforées dans les administrations publiques et les organismes privés d’intérêt général. Afin d’exercer ces nouvelles missions, est créé, au sein de ce service, le service de la coordination mécanographique. Du fait de l’importance et de la diversité de leurs travaux, le SNS et, à sa suite, l’INSEE disposent d’importants moyens mécanographiques, un atelier central et un atelier par direction régionale, et de personnels qualifiés qui en font les structures les mieux dotées de l’administration française. Le SNS met ses moyens à la disposition des autres services publics chaque fois qu’il en a la possibilité. De ce fait, il est appelé à jouer un rôle majeur de coordination dans le domaine de l’emploi des machines à cartes perforées et à devenir, en la matière, le conseiller technique de toute l’administration publique et des organismes privés d’intérêt général. Son action de coordination s’étend aussi bien à l’organisation des ateliers et à l’emploi des machines qu’aux modèles de cartes et aux rendements d’exploitation.

La réorganisation de l’INSEE. — Créé le 27 avril 1946, l’INSEE regroupe plusieurs services dont l’activité s’exerce, sans direction commune, sur des domaines connexes. Parmi ces services figure le service mécanographique qui est considéré, au début, comme un simple outil technique au service de la statistique et des inventaires, sans que l’on cherche à l’utiliser pour transformer les méthodes de travail. Puis, au cours des années, ce service prend une ampleur considérable et acquiert une expérience précieuse dans le domaine de la coordination mécanographique. Toutefois, la réorganisation de l’INSSE au début des années 1970 remet en cause ce développement, en entraînant la suppression de plusieurs centres mécanographiques.

Chapitre II
Mécanisation, organisation et rationalisation :
Trois concepts indissociables

La création de nouvelles structures : un besoin réel de mécanisation. — L’application de la technique mécanographique offre à l’administration des possibilités diverses : elle lui permet d’effectuer mécaniquement des travaux exécutés auparavant à la main. Son introduction massive dans l’administration des Finances entraîne une mutation qui transforme d’une manière sensible les structures du ministère : des ateliers et des centres mécanographiques se multiplient dans les services ; de nouvelles instances sont créées pour prendre en charge ces techniques.

Les ateliers mécanographiques : tendance à l’exclusivité. — En effet, la plupart des services du ministère des Finances ont des masses énormes d’informations à exploiter. Au début, le traitement de ces données était confié à l’INSEE, avant que certaines administrations financières n’envisagent la création de leurs propres services. Pour justifier ces créations, elles avancent deux raisons majeures : le retard des travaux exécutés dans les ateliers de l’INSEE, comme la quantité des informations dont elles disposent, qui les conduisent à souhaiter exécuter elles-mêmes d’une manière mécanique des travaux de masse et répétitifs. Au-delà de ces justifications, la multiplication des ateliers mécanographiques révèle dans un certain sens la volonté et la tendance des administrations financières à s’isoler et à travailler en vase clos.

De l’emploi des machines, l’on peut attendre le meilleur et le pire. Les résultats bénéfiques escomptés tiennent à l’accroissement de la productivité : augmentation du rendement, gain de temps, économie de travail se conjuguent pour favoriser une réduction des effectifs. Par ailleurs, la mécanisation augmente la précision et la sûreté dans l’exécution des tâches concernées et démultiplie les capacités de calcul, permettant de résoudre des problèmes nouveaux et d’entreprendre des traitements jusque-là impossibles. En revanche, un mauvais usage entraîne des conséquences néfastes, notamment financières.

L’organisation : première étape de tout programme de mécanisation. — De ce fait, dès le début du XX e siècle, si la mécanisation contribue à résoudre une part importante des obstacles auxquels se heurtent les différents services publics ou privés, elle crée aussi de nouveaux problèmes. Pour que l’opération de mécanisation remplisse, à un coût acceptable, ses objectifs en matière de gain de productivité, il faut que l’équipement choisi convienne mieux que tout autre à l’application envisagée. L’organisation et la mécanisation sont deux opérations différentes, mais étroitement liées. En effet, toute installation de machines doit être précédée par une étude générale scientifique, qui doit définir au préalable les objectifs recherchés et en mesurer l’impact sur le fonctionnement du service. Cet aspect est relativement négligé au ministère des Finances et c’est seulement à la fin des années 1940 que cette administration commence à prendre conscience de l’importance de l’organisation.

La réforme administrative, pourquoi et comment ? — Plusieurs facteurs sont à l’origine du changement de la physionomie de l’administration publique. L’évolution du rôle de l’État et par conséquence de l’administration et des services publics, la mécanisation, la modernisation et la productivité du secteur public contribuent, au cours des années 1950, à faire sentir la nécessité de réformer l’administration. Cette nécessité justifie la création de plusieurs organismes qui réfléchissent à des mesures rationnelles et efficaces favorisant la mise en œuvre d’une politique générale de réforme.

Chapitre III
Une multiplication de commissions et de comites specialises

La Commission consultative permanente de la mécanographie. — L’achat des machines à cartes perforées étant d’un coût très élevé, leur utilisation doit se justifier par des besoins réels, d’autant plus que la création et l’aménagement des ateliers et des centres mécanographiques nécessitent des investissements très importants. L’administration publique se soucie de la bonne gestion de ses ressources financières et matérielles et devient de plus en plus consciente de la nécessité de la coordination mécanographique. Afin d’harmoniser les efforts de mécanisation des administrations publiques, plusieurs commissions sont mises en place telles que la Commission consultative permanente de la mécanographie.

Cette commission interministérielle est créée le 28 février 1949 auprès de la Présidence du conseil et dépend du secrétariat d’État chargé de la fonction publique et de la réforme administrative. Son décret de création précise sa composition et ses missions relatives à l’utilisation des machines à cartes perforées. Son champ de compétence est important mais son action demeure limitée pour diverses raisons.

Les commissions internes de l’INSEE. — L’INSEE crée ses propres commissions de coordination, qui sont de deux sortes : des commissions administratives et des commissions d’études. Parmi elles figure la Commission permanente des affaires immobilières, mise en place en 1947. Cet organe consultatif est chargé d’éclairer le directeur général de l’INSEE sur les décisions à prendre en matière d’aménagement des locaux afin d’améliorer le rendement et les conditions de travail du personnel. À cette fin, elle a pour mission permanente d’étudier les conditions optimales de construction et d’aménagement intérieur des directions régionales, spécialement en ce qui concerne les ateliers des fichiers et les ateliers mécanographiques ; elle propose, lors de l’établissement du projet de budget, un programme immobilier provisoire ; après le vote des crédits, elle établit le programme définitif et en suit la réalisation.

La Commission d’étude technique des procédés mécanographiques a, elle, pour mission de suivre les innovations techniques en matière mécanographique et d’en étudier les adaptations possibles aux travaux de l’INSEE ; elle est saisie par le directeur général de toute étude technique particulière relevant de sa compétence. Elle comprend des membres permanents mais les directeurs et les chefs de service peuvent être invités à participer à ses travaux, lorsque l’ordre du jour appelle l’examen des possibilités mécanographiques nouvelles se rapportant aux activités dont ils ont normalement la charge.

Les comités du ministère des Finances. — La mécanisation s’est faite progressivement dans les directions du ministère des Finances, au gré des initiatives de chaque directeur, parfois sous la pression de la nécessité. Aucun plan d’ensemble, aucune idée directrice, aucun souci d’unité n’ont guidé les choix d’équipement. Chaque directeur gère ses centres et ses ateliers mécanographiques d’une manière complètement autonome, sans aucune coordination avec les autres directions ; aucun contact effectif ne permet de coordonner l’équipement et les travaux ou de répartir de manière équilibrée la charge de travail entre les différents ateliers. Cette situation ne traduit aucune mesure d’organisation rationnelle, ni l’élaboration d’une doctrine commune. Une telle disparité dans les méthodes, un tel éparpillement des moyens conduisent à une situation préjudiciable à l’ensemble du ministère des Finances. La création d’un Comité de coordination mécanographique, au sein du ministère, tend à pallier ces inconvénients.


Deuxieme partie
Organisation du travail mecanise
Et mobilisation des moyens


Chapitre premier
La preparation des travaux mecanises

Les cartes perforées : un support d’information. — La carte est un support d’information, sur lequel sont reportés, sous forme de perforations, des renseignements numériques ou alphabétiques. Ces renseignements sont soit quantitatifs, soit qualitatifs. Les renseignements quantitatifs sont numériques ; ce cas ne pose pas de problème puisque ces renseignements numériques peuvent être « directement transformés » en perforations. En revanche, il n’en est pas de même pour les renseignements qualitatifs : ces derniers sont transcrits sur les documents par un ou plusieurs termes. D’où l’importance de la codification : cette étape doit être bien préparée car elle conditionne toute la suite du travail.

Avant de perforer les informations quantitatives et les données qualitatives codifiées, il faut aménager le document de base de façon à permettre tout à la fois une perforation facile et la saisie de toutes les indications, notamment des codes. Cette opération est appelée le chiffrement et doit toujours s’accompagner d’une vérification, dans la mesure où toute erreur risque de fausser le processus ultérieur. La perforation de la carte est la dernière étape dans la préparation des informations qui seront exploitées par la suite par le biais des machines ; elle est le travail de base en mécanographie.

L’organisation des ateliers mécanographiques. — Les différentes machines mécanographiques sont installées dans des centres ou des ateliers qui doivent offrir de bonnes conditions de travail. Dans la plupart des cas, l’organisation des ateliers tient compte de l’enchaînement du travail. Les ateliers de perforation ou d’exploitation sont certes au service des différentes structures administratives mais ils doivent avoir une certaine indépendance, notamment en ce qui concerne leur organisation interne, compte tenu de la particularité de leurs tâches.

La collaboration entre les ateliers mécanographiques et les services administratifs est nécessaire : il faut donc créer un climat de confiance entre eux. Par ailleurs, la localisation du centre mécanographique au sein de l’administration doit prendre en compte les relations de celui-ci avec les autres structures. Ces liaisons se manifestent, notamment, par la transmission des documents de base, par le retour des travaux effectués et par des mesures de contrôle. Le service administratif fournit au service mécanographique des renseignements que ce dernier reporte sur les cartes. Trois questions essentielles doivent être prises en compte par les deux parties : la codification, s’il y a lieu ; une présentation commode des documents de base ; le respect des délais de remise des travaux mécanisés aux services administratifs.

Discipline de travail mécanographique. — Toute l’activité des ateliers mécanographiques repose sur une organisation rationnelle : les machines imposent en effet une discipline de travail rigoureuse. Les mesures de contrôle au sein des centres sont diverses et chaque atelier choisit celles qui lui semblent les plus efficientes. À cet égard, l’élaboration et la tenue d’un planning apparaissent comme des mesures indispensables : tout le travail doit être planifié. Le planning est nécessaire aussi bien pour l’organisation des tâches que pour le contrôle des rendements ; c’est une méthode qui permet la prévision et le contrôle.

Les conditions de travail. — L’influence du milieu sur le travailleur est certaine. Les ateliers d’exploitation renferment de « grosses machines », qui exigent un espace suffisant pour permettre les déplacements du personnel et offrir des conditions de travail décentes. La température, le bruit des machines, l’éclairage affectent le comportement de l’employé. Afin de réduire au maximum les répercussions du machinisme, les ateliers doivent répondre à un certain nombre de normes, qui ne sont pas toujours suivies au sein du ministère des Finances.

Chapitre II
Des travaux mecanises divers

Les travaux mécanisés des premiers services statistiques. — Les travaux des premiers services statistiques ont connu des modalités très différentes du fait de la diversité des missions confiées à ces organismes. À leur début, les machines à statistiques sont introduites afin d’exécuter des travaux ayant un caractère comptable. Au cours des années, la nature des activités du SNS, ainsi que leur diversité, obligent les mécanographes à adapter les moyens aux besoins et à trouver de nouvelles solutions : ainsi, la seconde guerre mondiale et la présence de l’occupant sur le territoire français affectent-elles d’une manière considérable les travaux du service. Il mobilise la quasi-totalité de ses moyens au bénéfice des services de l’armement et de la guerre : ses travaux portent sur le recensement des prisonniers de guerre, des troupes, des officiers ou encore sur un recensement professionnel des hommes.

Les travaux mécanisés de l’INSEE. — Les efforts d’adaptation des outils de traitement aux besoins se développent à la suite de la création de l’INSEE. Si l’on excepte les services des colonies, les ateliers mécanographiques des dix-huit directions régionales et de l’établissement central constituent une machine puissante, dont les moyens sont employés à deux fins : l’exécution des missions propres à l’institut et la réalisation de travaux pour le compte des différentes administrations publiques. À sa création, la principale tâche de l’institut est le dépouillement et l’exploitation du recensement de 1946. Les méthodes de l’administration des statistiques deviennent plus scientifiques et rationnelles. Une grande partie des travaux des différents ateliers mécanographiques est consacrée à la constitution des fichiers et des répertoires.

L’INSEE est à l’origine d’un fichier électoral automatisé. Les premiers résultats de ce travail sont satisfaisants : il a permis de déceler plusieurs inscriptions irrégulières et joue un rôle dissuasif, plusieurs personnes renonçant à la fraude par crainte d’être repérées. Malgré ce succès technique, le fichier électoral est critiqué pour son coût, jugé excessif par certains.

L’INSEE continue à servir les administrations publiques. Il réalise plusieurs travaux pour la Sécurité sociale, les chambres de commerces et d’autres administrations, mais c’est le ministère de l’Intérieur qui apparaît comme le client privilégié de l’institut.

Les travaux des différentes administrations financières. — La plupart des grandes directions du ministère des Finances ne se contentent plus de confier leurs travaux à l’INSEE ; elles se dotent de leurs propres ateliers qui sont chargés d’effectuer tous les traitements de masse. La quantité des expériences ainsi menées ne permet pas d’envisager un examen complet : une sélection a dû être établie. La direction de la comptabilité publique crée des ateliers qui sont en charge des opérations relatives aux pensions. Le centre mécanographique de la rue des Pyrénées exécute toute une série de traitements pour le compte des administrations financières ; d’ailleurs, la diversité de ses travaux ainsi que l’importance de ses moyens posent le problème de ses attributions et de son statut.

La mécanographie et la production des documents administratifs : étude diplomatique. — Le but est d’analyser les répercussions de l’introduction de la technique mécanographique sur les caractères mêmes des documents ; cette analyse est faite à partir de quelques états mécanographiques.

Chapitre III
L’acquisition, la gestion et le renouvellement des equipements

L’acquisition du matériel : des formules diverses. — Le matériel désigne à la fois les machines et les cartes. Les fournisseurs des machines offrent à leurs clients plusieurs possibilités, afin d’acquérir le matériel nécessaire, telles que l’achat, la location, la location avec option d’achat et le rachat forfaitaire de la location. Les formules les plus courantes sont l’achat et la location. Dans le premier cas, l’utilisateur est propriétaire de la machine ; il doit en assurer l’entretien ; le fournisseur se charge de cette maintenance moyennant une redevance annuelle de 4% du prix de la machine. Dans le cas de la location, le fournisseur reste le propriétaire de la machine et en assure gratuitement l’entretien. À chacune de ces deux formules, ses avantages et ses inconvénients. Plusieurs critères entrent en jeu pour que le client fasse son choix. Pour des raisons budgétaires, l’administration des Finances opte, dans la plupart des cas, pour la location qui se présente comme une solution souple et commode. L’acquisition des cartes ne pose pas de difficulté à ce département ministériel.

Le renouvellement et le renforcement du matériel mécanographique. — Au cours des années 1950, un problème réel apparaît : le matériel devient ancien et ne permet plus d’assurer tous les travaux demandés. Son renouvellement devient une nécessité. Les fournisseurs soulèvent la question de la durée d’utilisation du matériel : elle est évaluée à sept ans ; or certaines machines ont largement dépassé la durée normale d’utilisation. Les fournisseurs manifestent leur intention de ne plus assurer l’entretien des équipements ayant plus de dix ans d’âge. L’état des machines affecte la qualité et le rendement de travail : le rendement devient médiocre du fait de pannes fréquentes ; les frais de maintenance commencent à devenir très lourds. Or, la masse des travaux mécanisés augmente de plus en plus. Le nombre des machines en service devient donc insuffisant pour répondre à ces besoins croissants.

Le besoin en matériel : un fait constant. — Durant toute la période de l’utilisation des procédés mécanographiques, la question du matériel est au cœur des problématiques mises en jeu par les différents ateliers mécanographiques. Dans un premier temps, les ateliers sont dans la nécessité de se doter en premier équipement pour assurer leurs missions. Quelques années plus tard l’obsolescence du matériel pose la question de son renouvellement dans un contexte de croissance des besoins en travaux. La nécessaire adaptation aux progrès technologiques se pose enfin à l’administration, qui s’efforce de remplacer son matériel ancien et usé par de nouvelles machines plus performantes et plus rapides. La dotation en matériel mécanographique est l’une des questions les plus délicates au sein du ministère des Finances : le coût important des machines ne permet au ministère de renouveler son équipement à un niveau suffisant pour répondre aux besoins d’automatisation de tous les services.


Troisieme partie
Les ressources humaines


Chapitre premier
Le mécanographe : un nouveau metier

Le besoin en personnel. — L’introduction de la technique mécanographique est à l’origine de l’apparition d’un nouveau métier. Afin de faire fonctionner ses ateliers, l’administration des Finances fait appel à un personnel spécialisé. Le personnel mécanographe doit être jeune et motivé : le travail nécessite de bons réflexes et une attention soutenue. La tâche de perforation et de vérification est monotone et nécessite le choix de personnes ayant le sens de l’observation pour réduire au maximum les erreurs. L’administration estime que certaines tâches mécanographiques ne demandent pas un niveau d’instruction élevé, mais une bonne aptitude physique. Le personnel mécanographe doit être choisi avec beaucoup de soin : il doit être intelligent, actif et consciencieux.

Le personnel mécanographe : des qualifications diverses. — Le personnel perforeur vérifieur se charge des tâches d’exécution et n’a pas un niveau d’instruction élevé ; la perforation est un métier féminin. Une formation poussée est exigée en revanche du personnel opérateur, dont l’activité est fatigante, du fait notamment du bruit des machines, des vibrations, de la station debout presque en permanence et de la manipulation des tiroirs des cartothèques, assez lourds. Les agents de contrôle sont les monitrices de perforation et les chefs d’ateliers.

La formation et la création des diplômes. — Pendant plusieurs années, la formation du personnel mécanographe est assurée soit par l’INSEE, qui met son savoir-faire au service des administrations publiques, soit par les constructeurs des machines. La concurrence entre les différentes sociétés fait que ces dernières s’engagent, à l’occasion de chaque livraison d’un nouveau matériel, à former le personnel destiné à le faire fonctionner ; elles contribuent notamment à la formation des opérateurs et du personnel d’encadrement. La création officielle du diplôme de mécanographe remonte à 1944.

Chapitre II
Organisation et gestion des corps de mecanographes

L’organisation du corps des mécanographes. — Créer un statut pour les mécanographes est une nécessité ressentie, pour l’essentiel, par le personnel et par les organisations syndicales. La promulgation du décret portant statut des mécanographes est assez tardive : elle remonte à 1950, alors que l’administration publique avait commencé à introduire la technique dans les années 1930. De plus, l’application des dispositions de ce statut soulève plusieurs difficultés : les mécanographes assurent des tâches fatigantes et mêmes pénibles et leurs conditions de travail ne sont pas toujours satisfaisantes. L’amélioration de leurs conditions de travail constitue donc un objet fréquent de revendication.

Les problèmes du personnel mécanographe. — Les problèmes sont nombreux : les indemnités, les heures supplémentaires, le travail de nuit, etc. Les cadences de travail et le manque en personnel poussent en effet l’administration à faire travailler des équipes la nuit et à multiplier le recours aux heures supplémentaires, au-delà de la durée normale du travail. Cette situation est à l’origine de nombreux conflits entre l’administration et le personnel, dont les autres revendications portent sur l’augmentation des salaires et l’octroi de primes de rendement. En effet, les mécanographes du secteur privé sont mieux payés que ceux du secteur public : les organisations syndicales réclament l’alignement des mécanographes du ministère des Finances sur le secteur privé.

Le reclassement du personnel mécanographe. — Le problème de reclassement du personnel titulaire se pose à deux niveaux différents. Le premier cas de figure découle du constat d’inaptitude du personnel, lorsqu’il atteint plus que trente ans ou qu’il perd ses capacités physiques ; sous certaines conditions, les agents peuvent être alors reclassés dans des emplois d’employés de bureau ou dans d’autres corps administratifs. La seconde situation est la conséquence de l’introduction de l’informatique, qui cohabite une décennie environ avec les dernières machines à cartes perforées, puis les remplace définitivement ; de ce fait, l’administration se trouve dans l’obligation de reclasser son personnel titulaire soit dans les centres de traitement de l’information, soit dans les bureaux administratifs. Les discussions autour de ces mesures de reclassement font souvent l’objet de conflits entre l’administration et les représentants des organisations syndicales et suscitent chez les mécanographes des mouvements revendicatifs, pouvant aller de l’abaissement du rendement jusqu’à l’arrêt de travail.


Conclusion

L’administration publique a pris un grand retard sur ses partenaires privés, mais elle a fini par se montrer ouverte aux nouvelles technologies. Avec ses moyens, elle a tenté de suivre la mise en œuvre des techniques et leur évolution. La mise en place des machines à cartes perforées a toutefois nécessité des investissements financiers importants, en équipement et en personnel, qui ont dépassé les capacités des finances publiques. Par ailleurs, la mécanisation ne s’est pas inscrite dans le cadre d’une politique globale du ministère des Finances : l’autonomie excessive de ses différents services a rendu quasiment inexistants les échanges. Au-delà de ces limites, le cas de la mécanographie confirme toutefois combien l’utilisation d’une technologie nouvelle peut conduire à des transformations radicales, qui touchent l’organisation des structures et les méthodes de travail.


Annexes

Le cadre juridique et réglementaire (lois, décrets et arrêtés). — Notes et correspondances administratives. — Articles de presse. — Organigrammes du ministère des Finances. — Biographie du contrôleur général René Carmille. — Illustrations.