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École des chartes » thèses » 2008

« En pur et vray don »

Donateurs et donations pieuses aux Célestins de Paris à la fin du Moyen Âge


Introduction

Le couvent des Célestins de Paris et, plus généralement, l’ordre des Célestins, présente ce paradoxe difficilement compréhensible d’être à la fois en mal d’histoire tout en livrant au chercheur des sources relativement abondantes et variées. Dernière maison monastique à s’être implantée dans la capitale du royaume de France au Moyen Âge, les Célestins méritent pourtant une étude détaillée, tant parce qu’ils présentent un certain nombre de traits originaux que parce qu’ils ont occupé une place importante dans le paysage religieux et politique, au moins pour les xive et xv e siècles.

Face aux méandres d’un chartrier difficile à appréhender et en l’absence quasi-totale d’études sur le sujet, il a fallu choisir des angles d’attaque précis pour aborder le sujet. Pierre angulaire de l’édifice, l’étude prosopographique des donateurs des Célestins de Paris a été une étape indispensable, l’objectif clairement assigné étant de déterminer au mieux la place occupée par les Célestins dans le Paris de la fin du Moyen Âge, notamment en ce qui concerne les relations des frères avec la royauté et la vaste nébuleuse des officiers royaux et serviteurs de l’État. Pour ce faire, le maximum de sources disponibles a été croisé afin de recenser le plus grand nombre de noms possible d’une part et de pouvoir critiquer ces sources en les confrontant les unes aux autres d’autre part.

Au vu du matériau rassemblé pour l’étude prosopographique, le chartrier célestin est ensuite rapidement apparu comme un substrat approprié à l’étude des pratiques de la donation pieuse à la fin du Moyen Âge. La conception d’une base de données englobant également cette partie du sujet a permis de montrer que la donation pieuse est d’une part encore un phénomène bien vivant à la fin du Moyen Âge et que celle-ci se décline d’autre part en une multitude de pratiques, variant non seulement en fonction du profil social de l’individu mais également selon la raison pour laquelle il donne.


Première partie
Le substrat


Chapitre premier
Repères historiques sur les Célestins de Paris

L’ordre des Célestins naît autour de Pierre de Morone, ermite des Abruzzes (Italie centrale) dans la première moitié du XIII e siècle. La réputation de sainteté entourant Pierre ainsi que son élection au Saint-Siège sous le nom de Célestin V permettent à l’ordre de connaître un premier essor remarquable dans la péninsule, notamment sous la protection des rois de Naples. L’arrivée des frères dans le royaume de France est quant à elle due à Philippe le Bel, projet s’inscrivant peut-être dans sa politique contre Boniface VIII. Les débuts de l’ordre en France ne sont pas exceptionnels : les frères sont installés en forêt d’Orléans et reçoivent peu de donations. En fait, il faut attendre le règne de Charles V pour que l’ordre prenne véritablement son envol.

Il semble que c’est Robert de Jussy, ancien novice célestin, qui se trouve à l’origine de l’arrivée des frères dans la capitale, motivée par les notaires et secrétaires du roi qui cherchaient un lieu d’implantation pour leur confrérie. En 1352, les premiers frères s’installent donc dans l’ancien couvent des Carmes, rive droite, à proximité du futur hôtel Saint-Paul. Charles V prend très vite la fondation à son compte tandis qu’il ne cesse, tout au long de son règne, de combler de bienfaits un ordre qu’il semble exceptionnellement chérir. Sur le modèle royal affluent alors les donations.

Il est cependant difficile de déterminer avec précision les revenus du couvent. Les Célestins semblent vivre essentiellement du revenu des donations et de leurs ressources agricoles. Ils sont implantés en divers points du Bassin Parisien (Attainville au nord, la Brie à l’est et aux alentours de Versailles au sud-ouest). Ils possèdent en outre plusieurs maisons à Paris dont ils perçoivent les loyers. Quant à la vie intellectuelle du couvent, elle ne semble pas avoir beaucoup rayonné, quoique la bibliothèque ait été assez riche et réputée.

L’organisation des couvents célestins est assez classique, bien que présentant quelques traits originaux, notamment l’importance du chapitre général, qui arbitre toutes les décisions importantes. À la faveur du Schisme, la province de France est devenue indépendante de la province d’Italie, ce qui explique qu’elle vive sur des constitutions spécifiques, plusieurs fois rédigées. La vie des frères, très sévère, est essentiellement consacrée à la prière pour les morts et, dans une moindre mesure, au soin des malades.

Après la période d’apogée liée au règne de Charles V, les Célestins conservent des liens étroits avec la famille d’Orléans au moins jusqu’à Louis XII. Les relations avec la royauté se distendent ensuite et l’ordre ne connaît plus ni éclat ni dynamisme, ce qui conduit à sa suppression en 1778.

Chapitre II
Le corpus et son exploitation

La majeure partie des sources utilisées se trouve dans les séries S (S 3743 à S 3871), K et LL des Archives nationales, auxquelles il faut ajouter quelques registres de la bibliothèque Mazarine, de la Bibliothèque de l’Arsenal et de la Bibliothèque nationale.

Les sources peuvent se répartir selon la typologie suivante : chartes de donation, testaments, accords délivrés par le couvent à des demandes de donation, inventaires d’archives rédigés par les Célestins et permettant de connaître quelques donations non documentées par ailleurs, livres de comptes, obituaires et nécrologes, liste de bienfaiteurs, réductions de messes et de fondations, décharges de messes. On peut y ajouter un certain nombre de sources imprimées des xviiie et xixe siècles comme les Antiquités nationales de A. L. Millin ou l’Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris de J. Lebeuf et H. Cocheris qui ont permis d’établir une liste des personnes (donatrices ou non) inhumées dans l’église des Célestins de Paris.

L’intégralité des sources a été exploitée au sein d’une base de données appelée « Donations », conçue spécifiquement pour le sujet. Elle comporte six tables principales documentant chacune un aspect de la donation : dossier de donation, document(s), fondation(s), don(s), donateur(s), personnes inhumées dans l’église. Chaque table se divise en champs, au nombre total de 120. La base compte 747 dossiers de donation : 154 sont documentés par un acte (connu intégralement, partiellement ou par allusion) et 593 sont issus de mentions comptables. La base de données a été exploitée à l’aide de requêtes qui, après traitement, ont permis d’obtenir des résultats statistiques, dont la majeure partie a pu être représentée sous forme graphique.

Chapitre III
Bibliographie commentée

La bibliographie et son commentaire s’articulent autour de trois grands axes : l’historiographie des Célestins, le don et la mort (aspects liturgiques et spirituels).


Deuxième partie
Les donateurs


Chapitre premier
Les donateurs des Célestins de Paris, profil

Ce sont 464 donateurs qui ont été recensés au total. Il s’avère donc assez difficile de dresser un portrait-robot de ceux-ci qui ne soit pas réducteur. Cependant, la population des donateurs des Célestins de Paris présente une homogénéité digne d’être remarquée et révèle au final un certain nombre de caractéristiques communes.

Nobles et bourgeois constituent sans aucun doute la majeure partie des donateurs, quand les populations issues de couches sociales moins aisées (monde rural, artisanat, etc.) sont quasiment absentes des sources. La répartition par catégories d’activité montre en outre que beaucoup d’entre eux sont détenteurs d’un office ou au service du roi, ce qui semble faire des Célestins des interlocuteurs particulièrement aimés des serviteurs de l’État. Ainsi, bien que les frères se soient implantés tardivement dans la capitale, ils ont été choisis par une frange socialement élevée de la population parisienne qui, par sa dévotion autant que par ses donations, a probablement été la clé de leur succès. Quant à la répartition chronologique des donateurs sur le siècle et demi étudié, elle est assez homogène même si l’on observe quelques pics difficiles à interpréter. Enfin, il faut remarquer que deux tiers des donateurs environ sont des hommes et que la moitié des femmes donnent au sein du couple alors que ce n’est le cas que de 15 % des hommes, ce qui s’explique entre autres par le statut juridique des femmes à cette période. En lien avec ce constat, les études statistiques ont également montré un poids important des clercs et gens d’Église donateurs, peut-être dû à la forte proportion de clercs dans la population parisienne mais certainement aussi à l’aura spirituelle des Célestins.

Pour nuancer ce portrait trop général, de nombreux exemples de donateurs ont été développés sous l’angle de leur relation avec les Célestins de Paris. Ces portraits sont classés selon le profil socio-professionnel des donateurs : rois et princes (les rois de France, la famille d’Orléans, Anne et Philippe de Bourgogne, les Lusignan, les Stuart), monde de l’office et des serviteurs de l’État (Philippe de Mézières, Jean Budé, les Rochefort), ecclésiastiques (Philippe de Moulins, Jean d’Épinay, Jean Canard). Enfin, quelques figures permettent d’éclairer les catégories de donateurs moins nombreuses et souvent moins prestigieuses : bourgeois de Paris (les Le Comte), paysans, artisans (François Barbier), etc.

Chapitre II
Des réseaux de donateurs

L’étude des réseaux est un élément essentiel dans la description des individus médiévaux aussi bien qu’un facteur important pour comprendre comment un donateur peut être amené à se tourner vers les Célestins. La démonstration est particulièrement efficace en ce qui concerne la confrérie des notaires et secrétaires du roi, intimement liée au couvent dès son origine. Le monastère est en effet son lieu de réunion, ainsi que son point d’ancrage dévotionnel, puisque les Célestins célèbrent de nombreuses messes pour elle. Plusieurs traces matérielles témoignent de cette symbiose, à commencer par une plaque de marbre commémorative disposée à côté de l’autel. En outre, la confrérie a drainé vers les Célestins nombre de donations faites soit par elle en tant que personne morale, soit par des confrères à titre personnel.

D’autre part, l’étude des réseaux politiques gravitant autour des Célestins de Paris a donné des résultats surprenants : alors qu’au vu du lien particulier entretenu par les Célestins avec la royauté d’une part et avec Louis d’Orléans d’autre part, on aurait pu s’attendre à trouver en masse Marmousets puis Armagnacs, les statistiques n’ont donné aucun résultat probant et, dans le détail, on trouve nombre de figures du parti bourguignon parmi les donateurs des Célestins. Force est de conclure que les frères sont restés très à l’écart des luttes politiques, dans lesquelles ils ne semblent pas avoir pris parti et que la donation aux Célestins de Paris n’est donc pas un geste politique.

Enfin, d’autres réseaux, souvent plus difficiles à délimiter, jouent un rôle essentiel : les réseaux familiaux, amicaux ou professionnels – notamment en ce qui concerne les réseaux constitués par l’appartenance au Parlement de Paris. La famille de Nanterre ou la famille Moulins-Paillard en sont des exemples particulièrement parlants.

Chapitre III
Conserver la mémoire, une sélection

Le grand nombre de sources utilisées et croisées pour l’étude prosopographique a permis de mettre en évidence un certain nombre de discordances entre elles qu’il a paru intéressant d’étudier. Ce biais a d’ailleurs été l’occasion de procéder à une critique approfondie des documents, qui a montré comment chacun d’entre eux était un miroir déformant dont les Célestins, puis les auteurs s’étant intéressés à l’ordre, étaient les artisans. Deux aspects de cette question se sont révélés particulièrement féconds : l’étude du discours des documents liés à la mémoire des dons et des donateurs produits par le couvent d’une part, celle de l’architecture funéraire d’autre part.

Les études statistiques comparatives ont montré que les catégories sociales les plus élevées étaient quasiment les seules à subsister dans les documents consacrés par les moines à la conservation de la mémoire de leurs donateurs. Deux critères qui se recoupent le plus souvent semblent ainsi présider à cette sélection à la fois temporelle et volontaire : le prestige des donateurs, puisque des personnages comme Charles V, Louis d’Orléans, Anne de Bourgogne, Philippe de Moulins, Arthur de Montauban sont ainsi systématiquement mis en avant, même dans des documents de plus de deux siècles postérieurs à leur mort, et le montant des dons. La répartition entre les différentes catégories sociales varie sensiblement d’un type de document à l’autre : par exemple, les ecclésiastiques, très nombreux dans les documents nécrologiques, sont beaucoup moins représentés dans le livre des fondations.

Les sources produites par les Célestins sont un discours qu’il faut analyser comme tel. Celui-ci nous révèle ainsi davantage ce que les Célestins du Moyen Âge et, plus encore, ceux de l’époque moderne, prétendent être – un ordre au service de la royauté et des grands serviteurs de l’État – que ce qu’ils sont réellement, même si l’écart se révèle parfois infime. Au fil des siècles – et de leur déclin –, les frères s’attachent à exhumer et à mettre en avant les traces de leur brillant passé, dans un effort de mémoire généralisé qui se traduit aussi dans la pierre.

L’église du couvent est en effet très tôt réputée pour le grand nombre de sépultures qu’elle abrite. Les Célestins ont eux-mêmes mis en avant cette caractéristique reprise par les érudits du xixe siècle comme Aubin Louis Millin ou Alexandre Lenoir. L’élaboration d’une liste des personnes inhumées dans l’église d’une part et l’étude de cas particuliers d’autre part ont permis de montrer qu’ici encore s’effectue une sélection plus ou moins naturelle ne permettant qu’aux couches sociales les plus élevées de laisser une trace dans l’église après leur mort, ce qui relativise la notion de « démocratisation » de la sépulture dans l’église volontiers mise en avant par les historiens pour cette période, du moins en ce qui concerne les Célestins.

En outre, l’étude de l’architecture funéraire a montré que les donateurs qui en ont les moyens ont développé des stratégies leur permettant de lutter contre l’oubli en inscrivant leur souvenir dans la pierre  via les chapelles, autels secondaires, plaques commémoratives, emplacements spécifiques des tombes, etc.

Découlant naturellement de cette étude se pose la question de la place du culte des morts chez les Célestins. L’étude de la liturgie et de la prière funéraires développées par les frères montre qu’au final la conservation et la célébration de la mémoire des morts font consensus dans la mesure où elles sont le point de rencontre d’intérêts communs : ceux des donateurs qui veulent assurer leur salut et laisser une trace de leur passage sur terre, ceux des moines qui ont besoin d’un « stock » de donateurs pour assurer leur réputation, alimenter le moulin des donations et ainsi s’efforcer eux aussi de durer.


Troisième partie
Les donations


La troisième partie est consacrée aux pratiques de la donation pieuse que l’on peut observer à travers les documents des XIV e et xve siècles du chartrier célestin. Il est important de souligner qu’on s’intéresse ici aux pratiques dans leurs aspects concrets et non au don en général, phénomène d’interprétation difficile que l’on réservera pour des travaux ultérieurs.

Chapitre premier
La donation en acte, débroussaillage documentaire

En matière de donation pieuse à la fin du Moyen Âge, on pense le plus souvent au testament, forme documentaire alors en plein essor, la charte de donation étant pour la plupart des auteurs définitivement abandonnée au xiiie siècle. Or c’est tout le contraire que nous montre le chartrier célestin, avec une petite quarantaine de chartes de donation conservées pour cette époque. Une rapide étude comparative a ainsi montré que testaments et chartes de donations, loin d’être en concurrence, cohabitent assez bien aux XIV e et xve siècles dans la mesure où l’un et l’autre correspondent à des pratiques sociales ayant un même but – assurer le salut du donateur – mais se situant sur des plans différents : le testament touche à l’intime quand la charte de donation est un marqueur du rang social du donateur et se revendique nettement comme un acte public.

De là, une étude diplomatique de la charte de donation s’est révélée indispensable. En effet, le vocabulaire et le formulaire des actes présentent une homogénéité révélatrice de ce caractère public propre à la charte. Cependant, malgré cette rigidité apparente, les individus médiévaux savaient tout à fait jouer de ces formes et les adapter subtilement, ainsi qu’en témoignent des frontières parfois floues entre donations et ventes ou entre donations et amortissements. Ces cas limites illustrent bien à quel point le don est resté pendant des siècles un modèle qui irrigue ou inspire la forme de bon nombre d’actes.

Chapitre II
Donation perpétuelle

Pour éclairer au mieux la multiplicité des pratiques du don à la fin du Moyen Âge, il a semblé nécessaire d’étudier séparément les donations mises en acte, au caractère perpétuel, des donations que l’on trouve dans les comptes des Célestins, généralement éphémères et ponctuelles (étudiées au chapitre suivant). La donation mise en acte se caractérise en effet par la perpétuité, tant dans sa forme que dans le discours qu’elle développe, inscrits dans le temps long.

La donation mise en acte relève d’un processus se déroulant en amont du passage à l’écrit et faisant intervenir des motifs multiples, que ceux-ci soient explicites et transparaissent dans le vocabulaire – dévotion, amour et affection, augmentation du service divin –, ne soient que rapidement évoqués – préparation du salut, vieillesse – ou demeurent inavoués – dévotion familiale, stratégie sociale, prestige d’un ordre réputé pour sa rigueur voire son ascétisme, publicité du geste, proximité géographique. Le don fait également l’objet d’une négociation entre le donateur et les frères portant aussi bien sur la localisation du don que sur la définition de la fondation. Le don accepté est alors ratifié par le chapitre réuni à cette occasion au son des cloches du monastère. Est alors procédé à la mise en acte par le passage devant notaire. Le contrat mentionne avec précision les parties en présence, les termes de la donation, les engagements et garanties fournis par chacune des parties.

Pour le fidèle de la fin du Moyen Âge souhaitant faire une donation, les possibilités de dons sont multiples : rentes, terres, immeuble, espèces, objet liturgique, don de soi, etc. La forme privilégiée du don aux xive et xve siècles est néanmoins sans conteste la rente, que l’on fasse un don en espèces destiné à l’achat d’une rente ou que celle-ci soit donnée directement. La rente possède en effet cet avantage indéniable de fournir un revenu régulier qui correspond bien au caractère répétitif des donations perpétuelles. En effet, la fondation privilégiée des donateurs est de loin la messe célébrée de façon perpétuelle après la mort de ceux-ci, qu’il s’agisse d’anniversaires ou de messes quotidiennes. C’est un type de demande qui semble tout à fait classique pour la fin du Moyen Âge. Néanmoins, on trouve là aussi une assez grande variété de fondations, depuis la sépulture dans l’église jusqu’à la dotation d’un religieux en passant par la simple association aux prières des frères.

La richesse du chartrier célestin permet en outre d’éclairer un aspect méconnu de la donation, son évolution dans le temps, tout en renseignant plus précisément le lien existant entre le don et la fondation. La réduction des messes de 1436 permet ainsi de mettre en lumière la réalité économique de la donation mais également sa délicate articulation avec les exigences initiales des donateurs. Il y a là une tension fondamentale que les Célestins s’efforcent de diminuer par différents processus : réduction des messes, redistribution de fondations sur d’autres couvents de la province, écrits théoriques justifiant ces procédés. Les redistributions sont en outre un moyen d’équilibrer les revenus des différents monastères de la province, nettement dominés par les grands couvents de Paris et d’Avignon.

Chapitre III
Donation éphémère

Les livres de comptes des Célestins de Paris sont quant à eux des révélateurs de pratiques multiformes de la donation : donations personnelles faites à titre individuel, donations anonymes relevant d’offrandes variées, donations effectuées à l’occasion de l’entrée en religion d’un membre de la famille, etc. La donation qui apparaît dans les comptes est surtout caractérisée par son unicité. Beaucoup de donateurs n’apparaissent en effet qu’une seule et unique fois dans les comptes, même si, à cette occasion, la messe ou le service qu’ils demandent peuvent s’étaler sur toute une année.

L’intégralité des dons répertoriés dans les livres de comptes est en espèces, ce qui correspond bien au caractère ponctuel de ces donations. Les fondations sont dans plus des trois quarts des cas des messes, en priorité pour le donateur de son vivant, mais aussi pour un parent ou un ami décédé, ou pour le donateur lui-même lorsqu’il s’agit d’une exécution testamentaire. Quant à la durée des fondations, elle varie : elle dépasse rarement l’année et dans de nombreux cas est de l’ordre d’un mois. Enfin, ces donations sont marquées par un caractère individualiste, puisque le donateur est très souvent le bénéficiaire de sa propre fondation.


Conclusion

Nul doute que, dans le paysage monastique parisien de la fin du Moyen Âge, les Célestins occupent une place particulière. La population des donateurs qu’ils drainent est avant tout celle des grands serviteurs de l’État, appartenant à la noblesse ou à la bonne bourgeoisie. Mais les grandes figures systématiquement mises en avant par les sources ne doivent cependant pas tromper : bien des gens modestes donnent aussi sans nécessairement laisser de trace dans les sources et la faveur qu’ont connue les frères auprès de la royauté semble bien n’avoir eu qu’un temps limité.

Tout en gardant en tête ces particularités, le chartrier célestin se révèle un excellent substrat pour l’étude des pratiques de la donation pieuse aux xive et xve siècles. Celles-ci se dessinent au travers de formes diplomatiques variées, dont la charte de donation n’est pas la moindre. Elles révèlent un certain éclatement des pratiques et des usages de la donation, bien que la préparation du salut par la célébration de messes demeure sans conteste le but premier de la majorité des donateurs. Enfin, il est à noter que ces pratiques ne sont nullement exclusives les unes des autres et se prolongent même parfois, comme dans le cas de Jean Budé qui transforme au seuil de la mort ses donations hebdomadaires habituelles en charte de donation.


Annexes

1. Fiches prosopographiques des donateurs des Célestins de Paris. — 2. Listes nominatives de catégories de donateurs spécifiques : rois et princes ; dignitaires ecclésiastiques et chanoines ; détenteurs d’offices, serviteurs de l’État et notaires et secrétaires ; donateurs du livre des fondations ; personnes inhumées dans l’église des Célestins et non répertoriées comme donatrices. — 3. Dossiers de donations par ordre chronologique. — 4. Présentation détaillée de quelques documents : documents nécrologiques, livre des fondations, livre de comptes. — 5. Éditions de vingt-deux actes. — 6. Index nominum et locorum.