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École des chartes » thèses » 2002

Louis d’Orléans (1703-1752), premier prince du sang et mystique érudit


Introduction

Louis d’Orléans naît le 4 août 1703 au sein de la famille royale. Petit-fils de Louis XIV par sa mère Françoise-Marie de Bourbon et son petit-neveu par son père Philippe d’Orléans, le Régent, il est appelé naturellement à intervenir sur la scène politique, à défaut de jouer un rôle d’envergure dans la conduite des affaires. Premier prince du sang, il est héritier présomptif de la couronne à partir de 1723, en vertu des renonciations du traité d’Utrecht, et devient titulaire, à cette date, de l’apanage le plus important du royaume, le duché d’Orléans, qu’il restaure et enrichit.
Cependant, après avoir nourri quelques ambitions, la volonté du prince se soumet à celle de Dieu, et le duc se retire à l’abbaye de Sainte-Geneviève, à Paris, pour assurer son salut. Il n’en faut pas plus pour le condamner dans l’esprit de son siècle, bien prompt à oublier l’immense œuvre de bienfaisance accomplie par le prince. L’intérêt de ce destin, curieux en soi, est accru par les goûts de Louis d’Orléans dans les domaines des arts et des sciences, pour la physique, la botanique, la chimie, mais aussi pour les plus austères langues orientales, et par son penchant pour l’exégèse. Au contraire d’un esprit brouillon et dispersé, la ligne de conduite de Louis d’Orléans est claire : il s’intéresse à ce qui peut prouver l’historicité de l’Écriture sainte, montrer la vérité du christianisme contre les attaques du doute systématique, et il n’hésite pas pour cela à rassembler une bibliothèque considérable, qui alimente sa propre œuvre théologique.


Sources

La vie de Louis d’Orléans est éclairée par des sources abondantes, mais dispersées. Une partie importante se trouve aux Archives nationales, dans la série K, la sous-série R4  (apanage d’Orléans), le Minutier central (étude CXV) et, bien sûr, dans les archives privées de la maison d’Orléans (300 AP). Le Service historique de l’armée de Terre et les Archives du ministère des Affaires étrangères ont livré des documents importants, alors que les Archives municipales de Grenoble ont permis d’étudier l’activité de Louis d’Orléans comme gouverneur du Dauphiné. Tous les départements spécialisés de la Bibliothèque nationale de France ont été mis à contribution, en particulier le département des manuscrits qui conserve les trente-et-un volumes des œuvres de Louis d’Orléans. Outre les bibliothèques parisiennes ­ la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, où sont conservés les comptes de la maison d’Orléans de 1730 à 1770 ; la Bibliothèque Sainte-Geneviève ; la Bibliothèque de l’Arsenal ; la Bibliothèque de l’Institut de France, qui détient les “ Mémoires de Louis d’Orléans ” ­, celles de province ont également été sollicitées, notamment la bibliothèque universitaire de Poitiers, riche du fonds d’Argenson.
Parmi les sources imprimées traditionnelles pour ce genre d’étude (Saint-Simon, Barbier, Marais, Narbonne…), les Mémoires de d’Argenson se révèlent les plus riches, le marquis comme son frère, le comte, ayant été chanceliers de Louis d’Orléans. L’abbé Ladvocat est un témoin privilégié de la vie de Louis d’Orléans, comme la plupart des auteurs des nombreuses oraisons funèbres imprimées.


Première partie
Le premier prince du sang


Chapitre premier
Le temps du duc de Chartres (1723-1742)

L’enfance et l’éducation d’un prince. ­ Les premiers temps de Louis d’Orléans sont déterminés par son entourage familial. Son père, Philippe d’Orléans, le Régent, réserve son affection pour ses filles, sans négliger pour autant d’initier son fils aux affaires. À partir de 1719, Louis commence à suivre le mode de vie déréglé de son père. Le rôle éducatif de sa mère, Françoise-Marie de Bourbon, est plus marqué et durable, comme celui de sa grand-mère la princesse Palatine. Parmi ses six sœurs, la plus proche de Louis d’Orléans est Louise-Élisabeth, ensuite reine d’Espagne ; son demi-frère, le chevalier d’Orléans, plus tard Grand Prieur, entoure aussi de son affection le prince. Après avoir été quelque peu négligée, l’éducation du jeune duc est attentivement dirigée par le très compétent abbé Nicolas-Hubert Mongault, qui donne instruction et principes moraux à son élève.
Les débuts politiques du duc de Chartres. ­ Né au sein de la famille royale, le duc de Chartres est appelé dès son enfance à participer aux cérémonies qui ponctuent la vie de la cour. Il apparaît comme le troisième personnage officiel du royaume, après le roi et le Régent. Son rang et son âge, proche de celui de Louis XV, lui permettent même de vivre dans une certaine familiarité avec le souverain. Louis d’Orléans commence tôt sa carrière politique : effet particulier de la toute puissance du Régent, il est admis au Conseil de régence le 30 janvier 1718, et à celui de la guerre, le lendemain. Sans la moindre velléité de prendre la tête d’un parti d’opposition, Louis d’Orléans combat à plusieurs reprises les décisions paternelles, notamment dans l’affaire Le Blanc en 1723. Les altercations avec Philippe d’Orléans sont causées par une opposition beaucoup plus franche et marquée à l’endroit de son fidèle ministre, le cardinal Dubois. En 1723, le duc de Chartres s’est donc bien affirmé comme un interlocuteur avec qui il faut compter, n’hésitant pas au besoin à prendre position contre son père et le cardinal.
Les charges de Louis d’Orléans.­ En 1719, le duc de Chartres devient gouverneur du Dauphiné. Bien qu’il existe une grande part de convenance dans les relations honorifiques qui lient un gouverneur du xviiie  siècle à sa province, l’abondance des marques de politesse révèle la réalité d’un rapport privilégié, une relation de civilité, entre le duc d’Orléans, qui ne manque pas une occasion de secourir la province et sa capitale, et ses interlocuteurs, les consuls de Grenoble et des autres villes, l’évêque de Grenoble, le premier président du Parlement. Louis d’Orléans a bien rempli sa tâche de gouverneur et a su s’entourer de personnes compétentes, qui le secondent de manière efficace lorsqu’il commence à se retirer des affaires. Il conserve le gouvernement du Dauphiné en 1742, alors qu’il se retire à l’abbaye Sainte-Geneviève, car il croit pouvoir être toujours utile à ses administrés en plaidant leur cause auprès du roi. Ce n’est qu’en 1747, à l’occasion de la naissance de son petit-fils, qu’il démissionne en faveur de son fils Louis-Philippe.
En 1720, Louis d’Orléans devient grand-maître de l’ordre de Saint-Lazare et de Jérusalem, qui traverse alors une période de déclin. Il entreprend des réformes pour restaurer l’éclat de l’ordre, puis s’en désintéresse après 1742.
En 1721, la charge de colonel général de l’infanterie, supprimée en 1661, est restaurée pour Louis d’Orléans. Il est instruit des affaires militaires par le comte de Bombelles et travaille avec le secrétaire d’État de la guerre, Claude Le Blanc. Mais il perd l’exercice de sa charge à partir de 1723, avant d’en démissionner en 1730.

Chapitre II
A la tête de la maison d’Orléans (1723-1742)

Une succession difficile à assumer. ­ À la mort du Régent en 1723, Louis d’Orléans est le seul héritier mâle du prestigieux apanage d’Orléans. Il est appelé par son rang et par sa participation aux affaires à conserver le rôle politique de son père, mais est évincé - sans résister - de la première place du gouvernement par le duc de Bourbon. Il se consacre dès lors à rétablir l’importance de la maison d’Orléans, assisté dans cette tâche par le fidèle comte d’Argenson, devenu un ami de confiance. Son mariage en 1726 avec Auguste-Marie-Jeanne de Bade, alors qu’il est l’héritier présomptif de la couronne en cas de décès du jeune Louis XV, revêt une grande importance politique, notamment par les conséquences qu’il suscite. Cet événement conduit en effet à hâter le mariage du jeune roi : à cette fin, le duc de Bourbon renvoie l’infante d’Espagne et rompt l’équilibre politique mis en place par le Régent.
Une place politique prééminente mais contestée.­ Le premier prince du sang conserve une place politique de choix, qu’il se fait un devoir d’honorer, à défaut de jouer un rôle déterminant : il siège dans tous les conseils, auxquels il manque rarement, émettant des avis politiques comme lors de l’affaire des ambassadeurs d’Espagne en 1739 ou celle des princes légitimés. Louis XV entretient avec son “ oncle ”, qui lui reproche en particulier sa vie dissolue, des relations tendues, parfois adoucies par quelques marques de bienveillance. La reine, Marie Leszczynska, témoigne beaucoup de sympathie pour le duc d’Orléans, qu’elle connaît depuis le mariage par procuration célébré à Strasbourg en 1725. L’hostilité maniaque du duc de Bourbon envers son cousin ne se dément jamais et alimente de nombreuses querelles de protocole, dans lesquelles le roi est parfois obligé d’intervenir. Louis d’Orléans est en revanche très proche du premier ministre, le cardinal de Fleury. Après le refus du roi en 1740 d’accorder la main de Madame Seconde à son fils, le duc d’Orléans se retire de la vie publique : il renonce à briguer la succession de Fleury, que lui promettent certains soutiens, sans toutefois entrer dans un quelconque parti d’opposition - il n’est ni dévot, ni janséniste.
Une maison qui requiert tous les soins du duc d’Orléans.­ Constitué en 1661, enrichi par la suite, l’apanage du duc d’Orléans procure des revenus importants. À part quelques interventions directes, le duc en confie la gestion courante à son chancelier, le comte d’Argenson, qui mène une habile politique d’acquisitions et gère les relations difficiles des officiers de la maison, membres de la clientèle des Orléans. Au départ du comte d’Argenson de la chancellerie en 1742, les finances sont florissantes. Louis d’Orléans s’attache plus particulièrement à entretenir et embellir l’important patrimoine immobilier à sa charge : il rénove les jardins du Palais-Royal en 1730, en faisant appel à Blaise Desgots, et ceux de Saint-Cloud en 1735, où Lambert-Sigisbert Adam crée des statues pour la cascade ; il restaure les pavillons de Versailles, sans oublier les résidences de Bagnolet et de Villers-Cotterêts. Louis d’Orléans doit aussi s’occuper des questions familiales comme l’éducation de son fils Louis-Philippe, né en 1725, surveillée de près, ou le règlement du conflit politico-conjugal de sa sœur, la princesse de Modène.
Faste et religiosité. ­ Louis dispose de tous les moyens financiers pour satisfaire ses goûts d’amateur d’art. Prince religieux, ses entreprises sont parfois inspirées par sa foi, comme le choix d’un reposoir magnifique commandé à Servandoni pour la Fête-Dieu de 1736, mais ses convictions religieuses ne le font jamais agir en vandale : la légende de la destruction des tableaux du Palais-Royal est fausse. Au contraire, Louis d’Orléans enrichit sa collection de tableaux et surtout rassemble un prestigieux ensemble de médailles et de pierres gravées, rachetées à la Palatine et à Pierre Crozat. Il fait travailler de nombreux artistes, en particulier son portraitiste officiel, Charles Coypel, le peintre Alexis-Simon Belle, l’ébéniste Charles Cressent et l’orfèvre Thomas Germain.

Chapitre III
Un prince qui aspire à la sainteté (1742-1752)

Les raisons de la retraite.­ À partir de la mort prématurée de sa femme en 1726, Louis d’Orléans se préoccupe avant tout de son salut éternel : il adopte une règle de vie stricte, qui ne l’empêche pas de participer à la conduite des affaires jusqu’en 1740. A cette date, des raisons privées - le désir contrarié de se faire prêtre, l’entourage du Palais-Royal, une santé faible ­ et ses échecs politiques le conduisent à se retirer complètement des conseils pour vivre à l’abbaye de Sainte-Geneviève. Il réalise son projet en 1742, après avoir établi son fils, et s’installe dans un petit appartement coincé entre les deux églises Sainte-Geneviève et Saint-Étienne du Mont.
Les relations avec les chanoines de l’abbaye de Sainte-Geneviève.­ Pour les religieux de Sainte-Geneviève, appréciés pour leur observance de la règle de Saint-Augustin, le choix de leur maison comme lieu de retraite n’est pas sans conséquences, et les relations avec un hôte de ce rang et de cette exigence sont parfois difficiles. Mais les enrichissements sont bien réciproques, tant du point de vue spirituel et intellectuel que temporel : le duc fait restaurer le cloître et donne à l’abbaye ses collections de pierres gravées et de médailles. Le témoignage le plus éclatant de la fécondité de cette cohabitation demeure la construction de l’hôtel destiné à abriter les collections ducales, l’actuel presbytère de l’église Saint-Étienne du Mont, qui associa les architectes Vigny et Cartaud.
Un ermite dans sa thébaïde­ Loin de l’image d’un reclus, le duc déploie à Sainte-Geneviève une grande activité : ses comptes témoignent d’un train de vie modeste, mais laissant place néanmoins aux dépenses “ somptuaires ”. Les devoirs de son rang, réduits au minimum certes, l’obligent à se présenter au monde. Il sort de Sainte-Geneviève en de nombreuses occasions, reçoit des visites de la famille royale, de celle d’Orléans, des officiers de sa maison et des savants du quartier latin. Il n’est pas indifférent non plus aux affaires de son temps, ni à la conduite de sa maison grâce l’aide de ses chanceliers, le marquis d’Argenson, Bidé de La Grandville et Étienne de Silhouette : il augmente ainsi l’apanage par l’acquisition du comté de Soissons et du domaine de Vermandois, et fait réaliser des travaux dans les communs du Palais-Royal. Sa conduite est plus critiquable lorsqu’il refuse de reconnaître le duc de Montpensier comme son petit-fils. Le reste de son emploi du temps se partage entre l’étude, les conversations avec des savants, et une œuvre de bienfaisance, qui lui vaut le surnom de “ père des pauvres ”. Les circonstances de sa mort résument avec éloquence ces années où Louis d’Orléans tempère sa dévotion par l’éclat d’une science et d’une prodigalité dignes du premier prince du sang.


Deuxième partie
Louis le Pieux, mystique érudit


Chapitre premier
Le “ père des pauvres ” : l’action charitable de Louis le Pieux

Les diverses formes de la charité.­ Louis d’Orléans partage avec d’autres princes du xviiie  siècle, comme le duc de Penthièvre, le souci de bienfaisance, mais son action charitable étonne par son ampleur. Elle comprend des pensions et des gratifications, dont les sommes sont décidées avec l’un de ses aumôniers, l’abbé Onic, et consignées dans des états, ainsi que des soutiens plus ponctuels aux victimes des inondations de la Loire en 1733 ou de l’hiver de 1740. Sa réputation de prodigalité lui vaut des requêtes de la France entière.
Les bénéficiaires.­ La générosité du duc se tourne d’abord vers les serviteurs de la maison d’Orléans. Il apporte un soutien apprécié aux gens de lettres en leur procurant une charge dans sa maison (Mongault, Augustin Belley, Paradis de Moncrif, Jean-Baptiste de Mirabaud, Jacques Dortous de Mairan, Vivien de Chateaubrun), en particulier celle de bibliothécaire, confiée à dom Anselme Banduri, puis à l’abbé Houtteville. D’autres bénéficient d’une gratification, comme Fontenelle, Ignace Le Mère, Jean-Baptiste Ladvocat. Dans ses choix, Louis d’Orléans est toujours attentif à encourager la propagation de la foi catholique et de la morale, en encourageant les conversions des juifs, des païens et des hérétiques par le séminaire des Missions-Etrangères, en soutenant les vocations religieuses, en soulageant les misères par le biais d’aides aux Incurables à Paris et aux hôtels-Dieu de province ou de pensions aux comédiens retirés.
Une action soutenue en faveur de l’enseignement.­ Son attention pour l’enseignement, d’abord théorique, est liée au désir de répandre les lumières de la foi. Elle donne lieu à la création de bourses au bénéfice d’écoles de charité situées dans son apanage, de séminaires (Trente-Trois à Paris, Québec) et de collèges. Son œuvre la plus importante demeure la dotation du collège de Versailles en 1740, qui aurait dû assurer la pérennité de sa mémoire sous le nom de collège d’Orléans. Mais l’établissement fondé par le curé Jomard végète jusqu’à sa disparition, à la Révolution.

Chapitre II
Le prince savant

L’intérêt pour les langues.­ Philologue averti, Louis d’Orléans maîtrise le latin et le grec, peut-être des langues vivantes (anglais, allemand, italien) et s’intéresse aux langues régionales. Pour prouver l’historicité de la Bible, Louis d’Orléans apprend les langues orientales, à commencer par l’hébreu avec l’abbé Claude Sallier, ainsi que le chaldéen, le syriaque, l’arménien et l’hindou. Il donne à leur enseignement un élan nouveau, en fondant la chaire hébraïque en Sorbonne en 1751, confiée à l’abbé Ladvocat.
La collaboration avec les savants.­ Louis d’Orléans fréquente de nombreux savants, qui lui dédient plusieurs livres, et soutient les recherches qui se développent dans tous les domaines des connaissances du premier xviiie  siècle. Son intérêt pour la géographie est illustré par une collaboration fructueuse avec le géographe Jean-Baptiste Bourguignon d’Anville, à qui il commande plusieurs cartes. Sa curiosité le porte à percer les mystères de la botanique en compagnie de son naturaliste Guettard, garde de son cabinet d’histoire naturelle et de son jardin botanique, avec qui il se livre à des expériences de chimie et de physique.
Une curiosité insatiable.­ Prince généreux, Louis d’Orléans profite d’un quartier particulièrement riche en institutions savantes pour attirer de nombreux auteurs et érudits, qui s’empressent de mettre leurs lumières à son service. Beaucoup n’ont laissé aucune trace, mais quelques noms peuvent être relevés, comme ceux des théologiens Augustin Gouault et Ignace Le Mère, janséniste convaincu. Louis d’Orléans fréquente beaucoup les Dominicains des rues Saint-Jacques, Saint-Honoré - le Père Jouin, en particulier - et Saint-Dominique, où se trouve le noviciat. L’abbé Guéret, curé de Saint-Paul, et son vicaire Jean Omelane participent aux corrections des œuvres du duc. Enfin, Louis d’Orléans bénéficie bien sûr des lumières des savants pères de Sainte-Geneviève : le Père Gillet lui apprend l’hébreu, le Père Bernard s’entretient fréquemment avec lui, le Père Prévost, bibliothécaire de l’abbaye, s’occupe également des ouvrages de la collection du duc. Louis d’Orléans participe activement à deux grands débats théologiques de son temps : il défend les miracles du Christ contre l’abbé Houtteville et l’authenticité du fragment de l’ Histoire phénicienne de Sanchoniathon, ce qui le met en relation avec des membres de la congrégation de Saint-Maur, comme dom Jacques Martin. Enfin, même les sciences exactes ne le rebutent pas, y compris l’horlogerie qui requiert de grandes connaissances mathématiques.

Chapitre III
Un prince lettré

Bibliothèque princière et bibliothèque de travail.­ Louis d’Orléans constitue vraisemblablement le fonds de sa bibliothèque de 1720 à 1730, ne cessant de l’enrichir ensuite jusqu’à sa mort : elle comprend près de 3500 titres en 1752. Il fait travailler les imprimeurs-libraires Coignard, d’Houry et Desaint pour la réalisation des Semaines saintes distribuées chaque année à sa maison. Son but est avant tout de disposer des outils de travail nécessaires à ses recherches. Mais il n’est pas simple érudit, et sa qualité de prince à la tête de la maison d’Orléans transparaît dans certains aspects bibliophiliques de sa collection : les estampes ; les reliures, dont il confie notamment la réalisation à Lemonnier ; les ouvrages rares et les livres des Estienne. La collection est mise au service des savants avant d’être léguée par testament, avec les manuscrits, aux Dominicains. L’exécution de ce legs, duquel le roi retranche les œuvres écrites par le duc, divise l’ordre pendant longtemps, avant que la bibliothèque ne soit finalement attribuée au couvent de la rue Saint-Jacques en 1786.
Une œuvre à découvrir.­ La bibliothèque se prolonge naturellement dans l’œuvre littéraire inédite de Louis d’Orléans, qui est plus variée que celle d’un simple apologiste. Il traite de sujets aussi divers que les belles-lettres ­ il traduit en vers de l’ Antilucrèce du cardinal de Polignac et rédige des “ Georgiques chrétiennes ” ­, la littérature antique, l’histoire et la géographie de la Bible. Son intérêt prononcé pour les langues se manifeste par des projets de grammaire hébraïque. Dans un domaine plus privé, le prince rédige des méditations pieuses et des projets de sermons. Il est enfin un critique attentif et s’emploie à commenter des livres controversés, comme l’ Abrégé de l’Ancien testament du janséniste Mésangui.
En des traités moraux et doctrinaux plus rédigés, Louis d’Orléans expose sa pensée sur des problèmes de morale chrétienne ou de théologie : il se pose en bon pasteur lorsqu’il écrit sur la componction et l’humilité ou condamne les spectacles, voire en docteur de l’Église dans ses traités sur l’Église, les juifs ou la véracité de Sanchoniathon.
Mais ce sont surtout les écrits théologiques du prince qui retiennent l’attention : il commente les Écritures et les grands théologiens, comme saint Augustin et saint Thomas d’Aquin. L’étude du commentaire du premier chapitre de la Genèse permet d’illustrer les qualités d’écriture de Louis d’Orléans : rigueur scientifique dans les sciences exactes (chimie, physique, sciences naturelles), richesse du sens littéral de la Bible, clarté du style, exhaustivité des problèmes abordés. Louis d’Orléans reste très orthodoxe dans ses conclusions et son mérite est de rendre accessible au commun des mortels une réflexion théologique sur la création. Pourtant, Louis XV crut bon de soustraire ces manuscrits aux Dominicains, pour les enfermer dans sa propre bibliothèque et les priver de toute diffusion.


Conclusion

Premier prince du sang et mystique érudit, Louis d’Orléans concilia difficilement les devoirs de ces deux états antinomiques aux yeux du monde. Mais la mort consacra enfin tous les efforts de ce pieux duc, et les hommages funèbres d’usage, réservés aux grands de ce monde - souvent conventionnels -, s’unirent pour célébrer celui que d’aucuns considéraient déjà comme un saint. S’il n’a pas joué un rôle politique déterminant dans l’histoire du xviiie  siècle, Louis d’Orléans n’a pas non plus été le prince iconoclaste et misanthrope trop souvent décrit. Il manifesta au contraire une piété et une curiosité d’esprit qui seraient louées chez un homme du commun, mais sont trop écartées de l’idéal du prince des lumières.


Pièces justificatives

Mémoires de Louis d’Orléans. ­ Lettres de provisions de la charge de colonel général de l’infanterie. ­ État des officiers de la maison d’Orléans (1748) . ­ Actes notariés de fondations et de donations. ­ Procès-verbal de visite de l’appartement et du bâtiment neuf de l’abbaye de Sainte-Geneviève. ­ Testament de Louis d’Orléans. ­ Acte de fondation de la chaire hébraïque en Sorbonne. ­ Inventaire après décès à Sainte-Geneviève. ­ Chapitre premier du “ Commentaire sur quelques endroits de la Genèse ”. ­ Correspondance de Louis d’Orléans avec le comte d’Argenson, Philippe V d’Espagne, les abbés Sallier, Omelane, Houtteville, Boudeilles, etc


Annexes

Tableau généalogique. ­ Liste de pensions. ­ Tableau de l’évolution du conseil d’Orléans.


Dossier iconographique

Portraits de Louis d’Orléans, d’Auguste Marie Jeanne de Bade, de Louis-Philippe d’Orléans. ­ Grand sceau de la chancellerie d’Orléans. ­ Dessins de Louis d’Orléans. ­ Médaillier et pierres gravées. ­ Plans et photos du Palais-Royal. ­ Plaque du collège d’Orléans à Versailles. ­ Plan et photographies du bâtiment-neuf de Sainte-Geneviève (actuel presbytère de l’église Saint-Étienne du Mont à Paris). ­ Papiers personnels de Louis d’Orléans. ­ Cartes géographiques de d’Anville.