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École des chartes » thèses » 2003

Édition de 23 sermons du manuscrit autographe d’Adémar de Chabannes, BNF lat. 2469, ff. 1-76 ( ca.1030)

Martial et Adémar.


Introduction

Adémar de Chabannes (989-1034).  — Moine de Saint-Cybard d’Angoulême et de Saint-Martial de Limoges où il fit ses études, Adémar de Chabannes est un personnage bien connu des historiens, car son œuvre la plus célèbre est une Chronique en trois livres dont le livre III est très précieux pour notre connaissance de l’Aquitaine au xe  siècle et au début du xie  siècle. Il fut un inlassable copiste ­ plus de mille feuillets de sa main ont été conservés ­, pourvu d’une bonne culture, et s’intéressa aussi bien à la musique qu’aux fables de Phèdre.

L’engagement de sa vie fut la défense acharnée de l’apostolicité de saint Martial, premier évêque de Limoges, envoyé selon Grégoire de Tours par le pape au iiie  siècle pour évangéliser cette ville, et dont les moines de l’abbaye de Saint-Martial décidèrent, probablement pas avant les années 1020, de faire un apôtre, contemporain du Christ, présent à la résurrection de Lazare comme à la Cène, ayant reçu comme les autres apôtres l’Esprit saint au jour de la Pentecôte, cousin de saint Pierre et parent du premier martyr, le diacre Etienne. Il s’agissait pour les moines de Saint-Martial de glorifier leur patron, de faire s’accroître la dévotion des fidèles à son égard, afin d’attirer l’argent nécessaire à la construction d’une nouvelle église abbatiale, plus grande, et de contrer la concurrence d’autres saints de cette région, comme saint Front à Périgueux. C’est ainsi que fut réélaborée une Vie de saint Martial, au début des années 1020, que les moines voulurent attribuer à Aurélien, successeur supposé de Martial à la tête de l’évêché de Limoges : c’est la « Légende aurélienne ». Et il semble que ce soit Adémar lui-même qui ait été à l’origine d’une nouvelle version de celle-ci, encore plus apostolique, vers 1027-1028, la Vita prolixior.

Toute une nouvelle liturgie célébrant Martial comme apôtre et non plus comme confesseur fut alors préparée par Adémar et devait être inaugurée le 3 août 1029. Mais l’intervention d’un moine piémontais, Benoît de Cluses, qui démontra le caractère apocryphe de cette Vie et nia que Martial pût être de quelque façon apôtre du Christ, fit tout échouer : ce fut une profonde humiliation pour Adémar, un grave échec qui le conduisit à élaborer entre 1029 et 1033 tout un dossier de faux, voulant prouver l’apostolicité de Martial. Ce fut pendant cette période qu’il composa ses sermons, œuvre de combat contre ses détracteurs. En 1033, il partit pour la Terre sainte en laissant tous ses manuscrits à l’abbaye de Saint-Martial ; il y mourut l’année suivante.

Les sermons du manuscrit BnF 2469.  — Quarante-six sermons sont contenus dans les ff. 1-97 du manuscrit BnF lat. 2469. Le seul autre manuscrit comportant autant de sermons d’Adémar de Chabannes est le manuscrit Phillipps 1664 de la Staatsbibliothek de Berlin, qui fut partiellement édité en 1999 par Bruno Bon dans le cadre d’une thèse de l’Ecole des chartes.

Les érudits ont commencé par relever dans ces sermons des détails d’archéologie et d’histoire locales ; puis les historiens du mouvement de la Paix de Dieu s’y sont intéressés, car l’on peut y trouver maintes allusions à la Paix. Mais le thème de la défense de l’apostolicité de saint Martial n’a en revanche été que peu étudié jusqu’à présent.


Chapitre premier
Objet des sermons


Saint Austriclinien.  — Trois sermons sont consacrés à la fête du compagnon de saint Martial (15 octobre), qui, selon la Vita prolixior, l’a suivi depuis l’Orient jusqu’en Aquitaine ; mort en Toscane, sur la route de l’Aquitaine, il fut ressuscité par saint Martial grâce au bâton que saint Pierre lui avait donné. Dès lors, il fut en Gaule un inlassable prédicateur et fut enterré auprès de son maître à Limoges.

Sainte Valérie.  — Quatre sermons célèbrent sainte Valérie, fêtée le 10 décembre, qui apparaît dans la Vita prolixior comme une noble demoiselle de Limoges, qui reçut saint Martial dans sa maison à son arrivée dans cette ville et fut baptisée par lui. Elle s’engagea à demeurer vierge sa vie durant ; apprenant cela, son fiancé, le duc Etienne, qui gouvernait toute l’Aquitaine, de l’Océan au Rhône et des Pyrénées jusqu’à la Loire, la condamna à la décollation. Une fois décapitée, elle porta sa tête entre les mains jusqu’à saint Martial, et la trace de ses pas apparut dans la pierre : cet épisode n’apparaît nullement dans la Vita prolixior, mais il est abondamment célébré par Adémar dans ses sermons.

La dédicace de l’église Saint-Pierre de Limoges.  — A la fin de sa vie, le 2 mai 68, saint Martial consacra à Limoges une église dédiée à son « cousin » saint Pierre, dont il venait d’apprendre la mort. Cette consécration est racontée en détails dans la Vita prolixior et Adémar a écrit quatre sermons pour l’anniversaire de cette dédicace (2 mai).

La dédicace de l’église Saint-Etienne de Limoges.  — Peu après son arrivée à Limoges, après que vingt-deux mille hommes ont été convertis et baptisés, saint Martial fit d’un temple païen, détruisant les idoles, une église dédiée à son « parent » saint Etienne, le premier martyr ; il fit de cette église son siège, le siège de l’évêché de Limoges. L’anniversaire de cette consécration (3 août) est célébré dans cinq sermons.

La translation et la chaire de saint Martial.  — Il s’agit là de la translation des reliques du saint qui eut lieu le 3 août 1028 : celles-ci ont été portées de Saint-Pierre à Saint-Etienne, puis ramenées le jour même à Saint-Pierre. L’anniversaire de cette translation est en fait fêté le 4, car il fut décidé, écrit Adémar, de célébrer saint Etienne le 3 (consécration par saint Martial de l’église à lui dédiée et invention de ses reliques en 415 à Jérusalem) et de célébrer saint Martial le 4 (chaire, c’est-à-dire début de son épiscopat à Limoges, et translation de ses reliques de 1028). Adémar consacre à cette fête trois sermons.

La première translation de saint Martial.  — L’anniversaire de deux translations des reliques du saint, pour lequel Adémar a écrit quatre sermons, est célébré le 10 octobre. La première translation intervint en 832 entre l’église Saint-Pierre et l’église récemment construite en l’honneur du Sauveur et qui fut consacrée à cette occasion comme nouvelle église abbatiale. La seconde célèbre le retour peu avant 848 à Saint-Pierre des reliques de saint Martial, qui avaient été portées à l’abbaye de Solignac, au sud de Limoges, à cause des raids normands.


Chapitre II
Résumé analytique


La présentation de saint Martial et des principaux personnages de la « Légende aurélienne » par Adémar de Chabannes.  — Martial est un Hébreu, de la tribu de Benjamin, qui a suivi le Christ. Après la Passion, il annonça la parole du Christ avec son cousin saint Pierre en Judée, puis à Antioche, puis à Rome, et enfin en Gaule ; il est donc l’une des colonnes de l’Eglise occidentale. Il apporta aux Aquitains la lumière, construisit des églises dans toute la province, où il plaça évêques et prêtres. Intermédiaire entre Dieu et les Aquitains, il sera l’un des Juges dont parle l’Apocalypse. Adémar de Chabannes le compare à saint Jean (ils ne moururent pas martyrs, mais dans la paix de l’Eglise), à saint Paul, à Joseph, fils de Jacob (Martial a sauvé les Aquitains comme Joseph a sauvé les Hébreux), au prophète Elisée (leurs reliques furent à l’origine d’une résurrection), à saint Pierre, et surtout à Moïse et à Salomon : la consécration de l’église Saint-Pierre de Limoges, amplement décrite dans la Vita prolixior, rappelle à la fois l’autel consacré par Moïse et le Temple de Salomon.

Quant à sainte Valérie, elle est présentée comme la première vierge et la première martyre des Gaules, donc le pendant occidental du diacre Etienne. Son fiancé, qui l’a condamnée à la décollation, le duc Etienne, est pour Adémar comme un roi des Gaules, le plus grand souverain de l’Occident au milieu du Ier  siècle après l’empereur de Rome. Austriclinien et Alpinien, les deux disciples de saint Martial qui l’ont accompagné depuis l’Orient, sont quant à eux comparés à Lin et Clet, disciples de saint Pierre.

Limoges : nouvelle Rome, nouvelle Jérusalem ; les Aquitains : successeurs des Hébreux, peuple élu.  — L’Aquitaine est une terre élue de Dieu, elle qui n’a pas été convertie par n’importe quel sauveur, mais par un apôtre du Christ. C’est une nouvelle Judée, le duc Etienne est un nouveau Salomon. L’église de Limoges, écrit Adémar, est calquée sur le modèle de l’église primitive de Jérusalem (vie commune, partage des biens, selon les Actes des apôtres) : elle est vraiment l’héritière des principes apostoliques. Pour Adémar, l’Aquitaine a même précédé dans le royaume de Dieu toutes les autres provinces… Limoges était alors en quelque sorte la capitale des Gaules : c’était au Ier  siècle la ville la plus peuplée des Gaules, et le duc Etienne y avait son palais, Jocondiac (aujourd’hui Le Palais-sur-Vienne, à sept kilomètres de Limoges). Pour Adémar, Limoges est tout simplement la plus ancienne église de Gaule et mériterait donc le titre de primatie.

L’obsession de l’apostolicité.  — Certes le nom de Martial n’apparaît pas dans les Ecritures, mais, écrit Adémar, tous les personnages qui y sont mentionnés ne sont nécessairement nommés, car la loi de Moïse ne recensait que les hommes de plus de vingt ans, et partant seuls les plus de vingt ans sont nommés dans la Bible. Et d’ailleurs, tout n’est pas écrit, les évangélistes n’ont abordé que le nécessaire, par souci d’économie. En outre, il n’existe pas d’épître aux Gaulois : si saint Pierre ou saint Paul en avaient écrit une et que le nom de saint Martial n’y avait pas figuré, alors l’on serait en droit de se poser des questions, mais ce n’est pas le cas ! Martial a reçu du Christ le pouvoir de lier et de délier les péchés des hommes. Il est apôtre à part entière, parfaitement, sur tous les plans, à tous les titres, non inférieur aux autres apôtres, et si le Christ n’avait pas voulu qu’il fût apôtre, il ne lui aurait pas concédé ce pouvoir... Il ne peut être qu’apôtre, puisqu’il est un Hébreu, puisqu’il est venu de Jérusalem jusqu’en Aquitaine, puisqu’il a accompagné saint Pierre et converti toute la Gaule. La célébration de l’apostolicité de saint Martial, enfin, est un acte absolument nécessaire, il est inévitable de le reconnaître comme apôtre.

Les pères et la tradition : unanimité, obéissance.  — Pour faire accepter l’idée que saint Martial a nécessairement été un apôtre du Christ, Adémar de Chabannes prétend à longueur de sermon que cette apostolicité a été reconnue, montrée, célébrée, vénérée de toute éternité par les pères de l’Eglise, par les Grecs, par les érudits et les sages, et ce depuis les tout débuts du christianisme ­ rappelons que nous ne connaissons aucun manuscrit antérieur à l’époque d’Adémar attribuant le nom d’apôtre à Martial. Il est sans cesse question sous sa plume de sagesse, d’érudition, d’application et de bon sens. Il n’est que de suivre les traces des anciens ! Et puisque ceux-ci ont toujours célébré saint Martial comme apôtre, lui dénier ce titre serait les faire mentir... Or nul ne peut échapper à la vérité, à laquelle le sage ne peut qu’adhérer, et Adémar pourrait mourir pour elle : rien ne pourra jamais l’en détourner. En outre, l’important est pour lui que Dieu est le seul juge de nos cœurs, de notre piété et de nos desseins.

Les ennemis d’Adémar, de saint Martial et du Christ.  — Les détracteurs de l’apostolicité sont omniprésents dans la quasi totalité des sermons. Verbes, noms, adjectifs, expressions sans équivoque viennent nous en dresser un portrait saisissant : ce sont des hommes jaloux, mauvais, rusés, bavards, ignorants et obstinés ; ce sont des blasphémateurs, des hérétiques, des réprouvés, des pécheurs, des serpents et des menteurs, dangereux pour notre santé mentale. Pour désigner ceux qu’il vomit tant, Adémar ne cesse d’utiliser la Bible : d’innombrables qualificatifs appliqués à ses ennemis proviennent des Psaumes, des livres prophétiques ou du Nouveau Testament.

Ces hommes peuvent bien haïr Adémar, c’est en réalité le Christ qu’ils haïssent ; en s’en prenant à saint Martial, c’est en fait tous les saints qu’ils offensent, et la sainte Trinité. Et Adémar donne véritablement l’impression au lecteur qu’il s’agit d’une controverse l’opposant au monde entier ; cerné par l’ennemi, il préfère plaire et obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes, quitte à être abandonné par la société des hommes.

La « hiérarchie » ecclésiastique : les définitions d’Adémar de Chabannes.  — Son propos principal tournant autour de la définition d’un mot, apostolus, Adémar livre, dans une démarche très pédagogique mais très orientée, ses interprétations de quelques termes de la « hiérarchie » religieuse. Si certaines définitions sont reprises de ses lectures (Augustin, Jérôme, Isidore en particulier), d’autres distinctions semblent être le fruit de sa propre réflexion. Il s’agit des termes apôtre, confesseur, martyr, évêque, prêtre, pontife, etc.

L’or et l’argent dans les églises et la représentation du divin.  — Adémar de Chabannes se tourne, l’espace de quelques feuillets, vers d’autres adversaires que les détracteurs de saint Martial. Il s’agit pour lui de défendre l’Eglise de ce début du XI e  siècle contre ceux qui refusent qu’elle soit couverte d’or et d’argent et qui exhortent les fidèles à rejoindre une Eglise dépouillée. Adémar, lui, justifie l’or et l’argent des églises. Il écrit que les paysans sont ignares, qu’il est aisé de les convaincre et que c’est bien là un très grand danger : avait-il donc peur que les fidèles ne soient entraînés dans les mouvements de pauvreté de son temps ? D’autres hérétiques proscrivaient toute représentation de Dieu, du Christ et des saints ; mais David, écrit Adémar, approuvait la représentation du sacré dans le Temple de Dieu.

Adémar et la chronologie.  — Adémar date le plus souvent les événements du Ier  siècle par les années de règne des empereurs romains. Son principal objectif est de parvenir (en utilisant en particulier l’Expositio Actuum apostolorum de Bède le Vénérable) à dater les événements de la vie de saint Paul (conversion, arrivée à Jérusalem, début de l’apostolat, voyage à Rome, martyre) et surtout de saint Pierre, puisque saint Martial l’a suivi, selon la Vita prolixior, de Jérusalem jusqu’à Rome en passant par Antioche. Ce qu’il tente de démontrer, c’est que Martial a converti les Gaules très tôt, au début des années 40. A partir du raisonnement d’Adémar en années de règne des empereurs romains, l’on peut conclure que pour lui la consécration de l’église Saint-Pierre eut lieu le jeudi 2 mai 68, la mort de saint Pierre, en juin 67, et celle de saint Martial, le jeudi 30 juin 71.


Chapitre III
Etude des sources


La Vie de saint Martial.  — Cette Vita est la source principale des sermons d’Adémar. Son auteur supposé, l’évêque de Limoges Aurélien, successeur de Martial, est pour Adémar comparable aux évangélistes Marc et Luc, car ils furent tous trois disciples des apôtres et consignèrent par écrit ce que ceux-ci leur ont raconté du Christ. Cette Vie est d’ailleurs mise à plusieurs reprises sur le même plan que les Evangiles ; ses détracteurs l’accusaient d’être apocryphe, mais cette accusation est sacrilège, écrit Adémar.

Adémar de Chabannes introduit dans ses sermons quelques éléments absents de la Vita prolixior(en particulier, concernant sainte Valérie, l’épisode de la céphalophorie). Selon lui, tout n’y est pas dit, seulement le nécessaire, et beaucoup d’informations y sont omises. Il montre en tout cas au fil de ses sermons que son esprit ressassait toujours les mêmes idées, dans un univers mental véritablement monomaniaque.

Les autres sources.  — Adémar utilise la légende de l’invention de la sainte Croix par un dénommé Cyriaque ou Judas  : celui-ci aurait dévoilé son lieu de conservation à sainte Hélène, mère de l’empereur Constantin. Il l’aurait, d’après cette légende, connu par son père, Simon, fils de Zachée ; Zachée aurait enterré la Croix pour la soustraire aux Juifs. Zachée est ce riche publicain de Jéricho qui apparaît dans l’Evangile de Luc (19, 1-10). Il est mentionné dans la Vita prolixior comme ayant reçu le baptême en même temps que saint Martial et ses parents. Cette légende fait en outre de Zachée un parent du premier martyr, le diacre Etienne ; or la Vita prolixior affirmant à trois reprises que Martial et Etienne étaient liés par le sang, cette légende de l’invention de la Croix par Judas-Cyriaque sert à Adémar pour suggérer que Zachée est peut-être un parent de Martial, ce qui expliquerait pourquoi il est mentionné dans la Vita.

Quant aux sources patristiques, Adémar de Chabannes utilise surtout Bède, ainsi qu’Isidore de Séville, saint Augustin et saint Jérôme ; il recopie en outre dans un sermon des passages de plusieurs collationes de Jean Cassien, sans le citer.


Chapitre IV
Style et langue


Le style d’Adémar.  — Certains sermons sont emplis de démonstrations passionnées usant de phrases longues et ne craignant pas la répétition des mêmes idées. Mais les quatre sermons pour la fête de sainte Valérie sont caractérisés par un style bien différent : l’on y trouve un jeu de phrases courtes, souvent nominales, de rimes, de parallélismes, et Adémar n’est pas dépourvu d’un certain talent littéraire.

La langue d’Adémar.  — Adémar de Chabannes est un lettré, d’une culture assez brillante. Il n’est pas sans utiliser des mots ou des expressions rares ou recherchés ­ il utilise en particulier quelques mots d’origine grecque très rares ­ et semble même créer des mots nouveaux. Certaines formes sont assez étonnantes, comme l’emploi de l’expression causale eo quodà la place du quod complétif. Les fautes d’inattention sont peu nombreuses ; il s’agit en particulier de l’oubli d’une syllabe, à cinq reprises. De manière générale, Adémar ne peut être que très rarement mis en défaut sur le plan de la grammaire ou de l’orthographe ; ceci confirme les observations des éditeurs d’Adémar, qui ont toujours noté le soin qu’il apportait, sur le plan textuel, à ses manuscrits : le moine limousin reste un très bon copiste.


Chapitre V
Histoire et description du manuscrit


Contenu et histoire du manuscrit.  — Le manuscrit BnF lat. 2469 contient quarante-six sermons en l’honneur de saint Martial et de ses compagnons et pour des dédicaces d’églises de Limoges (ff. 1-97). Ils sont suivis d’un compte-rendu des conciles de Limoges et de Bourges (ff. 97-112), tenus en novembre 1031, texte lacunaire de la fin du fait de la disparition du ou des derniers feuillets ou cahiers du manuscrit. En fait, les canons relatifs à l’apostolicité de saint Martial sont des faux, dus à Adémar lui-même.

Le manuscrit date des années 1030-1033 et a dû être exécuté à Saint-Cybard d’Angoulême ou à Saint-Martial de Limoges, avant d’être confié par Adémar à cette dernière abbaye avant son départ pour la Terre sainte, comme tous ses manuscrits. Au xvie  siècle, il quitta Saint-Martial pour la bibliothèque du président Jacques-Auguste de Thou. En 1680, il passe dans la bibliothèque de Colbert. En 1732 enfin, il entre dans les collections de la Bibliothèque royale, au moment même où celle-ci acquiert parallèlement la bibliothèque de l’abbaye de Saint-Martial, mise en vente par les chanoines qui ont remplacé les moines après la sécularisation de l’abbaye en 1535.

Codicologie.  — Le manuscrit, entièrement de la main d’Adémar de Chabannes, contient 112 feuillets de parchemin ; il est constitué de 14 cahiers de 8 feuillets. Le nombre de lignes d’écriture par page, alors même que le système de réglure est identique du début à la fin du manuscrit, permet de se rendre compte du mépris bien connu d’Adémar pour la réglure : de 33 lignes par page dans les premiers feuillets, le moine limousin passe à plus de cinquante à la fin. Il ne respecte pas plus les lignes d’écriture que les marges, tenant à écrire le plus de texte possible sur la page, surtout dans la deuxième moitié du manuscrit. Malgré cela, il faut souligner que le texte reste toujours très lisible, et même d’une lisibilité parfaite compte tenu du module réduit. Adémar utilise des notes tironiennes pour écrire les mots et et amen et écrit ses rubriques en capitales rustiques : ce sont là deux autres caractéristiques maintes fois signalées de son écriture.


Sources et bibliographie

Seuls quelques rares passages des sermons ont déjà fait l’objet d’une édition ; il s’agit surtout des derniers sermons, ff. 86-97, qui ne sont pas édités ici. Par conséquent, ceux-ci ont été jusqu’à présent beaucoup plus étudiés que les sermons contenus aux ff. 1-76.


Annexes

Edition de la Vita prolixior.

La Vie de saint Martial réélaborée vers 1027-1028 par Adémar de Chabannes ou tout du moins sous sa direction étant la base même du propos de l’essentiel des sermons, il a été jugé utile d’en présenter une édition, celle de Lorenz Suhr (dit Laurentius Surius), qui date de 1617, d’autant que cette édition n’a pas été reprise depuis la fin du xixe  siècle.

Indices. — A l’index onomastique et à l’index géographique s’ajoute un index locorum sacrae scripturae.


Édition

Vingt-trois sermons sont édités (ff. 1-76). L’apparat est à deux niveaux : apparat des sources en bas de page et apparat critique en fin de sermon. Dans ce dernier, on a noté en particulier les corrections apportées par Adémar à son texte, les particularités paléographiques (emploi de la dasia par exemple), les nombreuses lettres ou syllabes suscrites, les fautes grammaticales.