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École des chartes » thèses » 2005

La légation du cardinal Francesco Barberini en France en 1625


Introduction

Entre le temps des grandes paix catholiques de la fin du xvie siècle et du début du xviie siècle conclues par l’entremise de Rome et les traités de Westphalie, il est aujourd’hui établi que la diplomatie romaine, sans parler de déclin, dut néanmoins s’adapter aux nouvelles conditions politiques et religieuses pour ne pas sortir totalement de la « grande diplomatie ». Au cours de ce demi-siècle, la question de la Valteline marque un temps fort d’affirmation, de doute et de remise en cause de la place du Saint-Siège dans le concert des grandes puissances européennes.

Il a semblé intéressant à ce sujet de mettre l’accent sur la double nature de la diplomatie pontificale, qui est l’une des expressions les plus visibles de la monarchie pontificale. Représentant à la fois le successeur de saint Pierre et le chef d’un État italien, les diplomates romains doivent en effet sans cesse prendre la meilleure voie, à défaut une voie moyenne, parmi des intérêts parfois contradictoires. La légation en France en 1625 du cardinal Francesco Barberini, qui se solda par un échec retentissant, semble l’un de ces moments privilégiés où les contradictions du pouvoir romain éclatent au grand jour.


Sources

éparpillées entre Paris et Rome, les sources de l’histoire de la légation Barberini ne souffrent que de rares lacunes. Jusqu’ici peu étudiée, la riche correspondance du légat Francesco Barberini avec le surintendant de l’État ecclésiastique Antonio Barberini senior est intégralement conservée à la biblioteca apostolica Vaticana (Barberiniani latini 7964-7968). Elle a été exploitée avec le plus grand profit. Parallèlement, les relations de Cesare Magalotti (Barb. lat. 5687) et de Cassiano dal Pozzo (Barb. lat. 5688-5689) donnent des renseignements indispensables pour retracer l’environnement des négociations. Aussi complètes sont les correspondances des autres agents du Saint-Siège que l’on retrouve à l’archivio segreto Vaticano dans les fonds de la Segreteria di Stato (Nunziatura di Francia, Nunziatura di Savoia, Nunziatura di Spagna, Nunziatura di Venezia). Les fonds de l’archivio di stato di Roma (Camerale II, Nunziature 6) quant à eux rendent compte des aspects financiers de la légation. L’étude de l’activité spirituelle, pastorale et juridictionnelle de Francesco Barberini est également envisageable grâce aux registres de bulles et de suppliques conservés à la bibliothèque de l’Institut de France (Godefroy 1 et 45). L’archivio Doria Pamphili (Archiviolo Aldobrandini 197) enrichit notre connaissance de la chancellerie du légat. D’autres institutions, enfin, ont été mises à profit : les archives du Château de Chantilly, les archives du Ministère des affaires étrangères, les archives municipales de Lyon, les Archives nationales et surtout la Bibliothèque nationale de France (mss. français, nouvelles acquisitions françaises, Cinq-Cents de Colbert, Mélanges Colbert, italiens).


Partie liminaire
La question de la Valteline


La Valteline, cette haute vallée de l’Adda qui relie l’Italie à l’Empire, peuplée de catholiques mais sujette à la domination des Grisons protestants et alliés de la France, concentre sur elle, à partir de 1620, l’attention de l’Europe entière. L’enjeu, il est vrai, est de taille : privés de leurs voies traditionnelles par le traité de Lyon en 1601, les Espagnols furent contraints de trouver une autre route pour acheminer leurs troupes du duché de Milan vers l’Empire, nécessité d’autant plus impérieuse à partir de 1618. À la faveur d’un soulèvement des Valtelins contre les Grisons en 1620 connu sous le nom de « Sacro Macello », les Espagnols s’arrogèrent le droit de passage par la vallée, provoquant successivement le mécontentement de la France, la médiation du souverain pontife puis l’intervention des armées de Louis XIII en 1624. La Valteline est ainsi le théâtre d’un conflit larvé, symbolique et militaire opposant les Couronnes catholiques et mettant en jeu deux politiques. L’Espagne veut maintenir sous son autorité l’espace légué par Philippe II. La France, quant à elle, ne peut la laisser instaurer une monarchie universelle, mais ne veut toutefois entrer dans une confrontation directe.

Dans cette « guerre fourrée » avant l’heure, le pape ne pouvait pas adopter une attitude d’indifférence : la défense de l’Italie, la sauvegarde du catholicisme et la paix entre ses fils Très Chrétien et Catholique, quoique depuis longtemps émancipés, sont en effet en jeu. Face à ce triple défi, le souverain pontife s’employa, en vain, à différentes reprises à promouvoir un accord entre les puissances en présence. La légation en France en 1625 du cardinal Francesco Barberini est l’une de ces tentatives, la plus démonstrative, qui inaugure le pontificat d’Urbain VIII (1623-1644). Reprenant le modèle des ambassades extraordinaires héritées du Moyen Âge, la légation du cardinal Francesco Barberini est la dernière solution à la disposition du pape pour perpétuer l’illusion d’une Chrétienté dont il se veut le père commun.


Première partie
La légation du cardinal Francesco Barberini en France en 1625 : hommes, finances, symboles


Chapitre premier
Moyens humains de la légation

Le choix de Francesco Barberini (1597-1679), neveu d’Urbain VIII, comme légat a latere aux deux Couronnes, avait une valeur symbolique forte. Cardinal-neveu et surintendant de l’État ecclésiastique depuis 1623, il tenait la seconde place après le pape dans le gouvernement de l’église. La légation fut pour lui une occasion de renforcer sa position auprès de son oncle. Ce dernier n’hésita pas à mettre l’ensemble du Saint-Siège au service de sa politique de médiation. La famiglia du cardinal légat, en premier lieu, comprenait plus de deux cents membres et non des moindres. Elle comptait en son sein Lorenzo Azzolini, évêque de Ripatransone, futur secrétaire d’État, Giovanni Battista Pamphili, auditeur de rote et ancien nonce à Naples, futur pape Innocent X, le P. Giovanni de Guevara, général des Minimes, le banquier Matteo Sacchetti, le collectionneur Cassiano dal Pozzo, Girolamo Aleandro il Giovane, le poète Panfilo Persico parmi tant d’autres. La légation était en outre structurée par deux types de rapports, celui d’un cardinal avec sa maison et celui d’un padrone avec sa famiglia. Ainsi, le personnel de la légation offrait une image représentative de la Curie et de la République des Lettres.

Chapitre II
Finances et vie matérielle de la légation

Des moyens considérables financèrent cette légation. Le pape consentit à prélever extraordinairement 12 000 doublons d’or sur les fonds secrets du château Saint-Ange et décida que l’ensemble des frais occasionnés par la légation serait à la charge de la Chambre apostolique. 3 000 écus furent ainsi envoyés chaque mois au légat. Au total, plus de 70 000 écus furent dépensés par le Saint-Siège lors des légations de Francesco Barberini en France, puis en Espagne.

L’argent était acheminé par lettres de change. Le proveditore Francesco Covoni, agent de la Chambre apostolique, l’attribuait ensuite par mandats. Six grands types de dépenses se dessinaient nettement : par ordre décroissant, les voyages, le logement, les frais de bouche, le courrier, les œuvres de charité, les achats personnels du légat. Au retour de Barberini à Rome, la Chambre apostolique contrôla le registre des mandats afin de solder les comptes de la légation. en dépit des imperfections des documents fournis, la Chambre fit preuve d’une grande bienveillance. La légation Barberini fut pourtant un véritable gouffre financier pour le Saint-Siège.

Chapitre III
La réception du cardinal Francesco Barberini dans le royaume de France

Le voyage du légat en France fut ponctué par de nombreuses fêtes officielles et cérémonies liturgiques. Il est vrai que sa venue était particulièrement attendue. En effet, les occasions de recevoir un légat, alter ego du pape, étaient rares et le faste attaché à la dignité de ce prince de l’église ne pouvait qu’attirer les curieux. Ses entrées solennelles dans les bonnes villes du royaume rendent compte de la ferveur populaire. Bien loin de souligner une quelconque défiance, elles donnèrent lieu à des manifestations de liesse pouvant se transformer en un désordre général, qui contribuait à exprimer le sens de la cérémonie.

L’accueil réservé par les collèges jésuites au légat est aussi significatif. La représentation théâtrale donnée au collège jésuite d’Avignon le 21 avril 1625 en est l’illustration parfaite. Francesco Barberini est dépeint sous les traits d’Aristée qui, sollicité par sa tante Amphitrite, mère des fleuves, éteint la colère de l’Èbre et du Rhône en répandant le miel des abeilles de Jupiter... Derrière cette métaphore récurrente se dessine nettement l’image d’un médiateur, ange de paix, dont tous espèrent qu’il va apporter la concorde.

Le séjour du légat à la cour de France, notamment au château de Fontainebleau, témoigne enfin de la faveur royale. Banquets, messes solennelles et visites installèrent le représentant d’Urbain VIII au centre de la vie de cour pendant plusieurs mois. Les conditions matérielles de sa mission étaient donc des plus satisfaisantes.


Deuxième partie
L’échec d’une légation de paix


Chapitre premier
Chronique des négociations

Les négociations s’annonçaient particulièrement difficiles, car la conjoncture politique était préoccupante. La rumeur de tractations de paix entre le gouvernement et les protestants révoltés du Midi courait en effet à la cour. De plus, l’alliance franco-anglaise conclue lors du mariage d’Henriette-Marie, sœur de Louis XIII, avec Charles Ier Stuart ne portait pas les fruits attendus. Enfin, les Espagnols firent le choix de rester à l’écart des pourparlers.

Depuis son entrée solennelle dans Paris le 21 mai 1625, Barberini ne cessa d’exposer les demandes du Saint-Siège qui se réduisaient à trois points : une exhortation pontificale à la paix, le retour de la Valteline dans l’état dans lequel elle se trouvait avant l’entrée des troupes françaises, une suspension d’armes en Italie du nord. Plus que tout, c’était la restitution des forts valtelins entre les mains du pape, qui les avait précédemment reçus en dépôt, que recherchait le légat. Se heurtant au refus des ministres français, il se décida à proposer des articles de paix excluant la restitution de la Valteline aux Grisons protestants et garantissant la sûreté de la religion catholique. Les représentants de Louis XIII invoquèrent alors la perte de réputation du roi si les alliés grisons étaient privés de leurs droits. Le fil des négociations n’était pas loin de se rompre, d’autant que les théologiens romains réaffirmèrent que le pape ne pouvait accepter en aucun cas la restitution de la vallée aux hérétiques.

Une autre solution commençait néanmoins à se dessiner. ÀRome, l’idée que les Valtelins puissent se gouverner eux-mêmes moyennant le paiement aux Grisons d’un cens recognitif semblait acceptable. La domination de ces derniers existerait toujours mais s’exercerait de façon plus lointaine. C’était une sorte de statut d’autonomie. Mais les Français insistèrent pour que les Grisons ne puissent conclure d’alliance avec aucun autre prince que le roi de France et que le passage de la Valteline soit réservé exclusivement à la France. Barberini affirma qu’il n’avait pas l’autorité suffisante pour exclure les Espagnols.

Dans ces conditions, il décida le 30 août de quitter Fontainebleau pour Paris et de préparer son départ, d’autant qu’il ne souhaitait pas être présent à l’assemblée des notables que le roi avait convoquée pour la fin du mois de septembre. Un autre facteur l’incita à hâter son départ. Le 15 septembre, l’armée royale avait complètement défait les troupes du duc de Soubise près de l’île de Ré. Débarrassé temporairement du problème protestant, Louis XIII se retrouvait en position de force pour agir en Valteline. L’importance de la négociation du légat s’en trouvait forcément diminuée. Il prit congé du roi lors de l’audience du 21 septembre.

Le 31 janvier 1626, Francesco Barberini quitta de nouveau Rome, cette fois pour se rendre à la cour du roi Catholique avec la mission de tenir l’infante sur les fonts baptismaux au nom du pape et de poursuivre les négociations de paix entre les deux Couronnes. Or, lorsqu’il parvint à Barcelone le 18 mars 1626, Barberini apprit à sa grande surprise que le comte-duc d’Olivarès et l’ambassadeur de France en Espagne, Fargis, avaient signé le 5 mars précédent à Monçon, en Aragon, un traité de paix. Celui-ci mettait un terme aux pourparlers directs engagés en octobre 1625 entre les deux puissances après l’échec de la légation du cardinal en France. Il prévoyait le retour de la Valteline sous la domination théorique des Grisons. La religion catholique était seule permise en Valteline. Les Valtelins recevaient le statut d’autonomie envisagé, puis rejeté à Paris. Les forts valtelins devaient être restitués au Saint-Siège qui les ferait détruire. Les belligérants s’engageaient enfin à retirer leurs troupes de la Valteline. Quoique exclu de la négociation et mis devant le fait accompli, Barberini se montra satisfait de l’accord qui sortait le pape d’une situation bien embarrassante. Le règlement était relativement ambigu : aucun paragraphe n’était consacré aux modalités du passage des troupes, ce qui équivalait à le consentir implicitement aux Espagnols. La France devait ainsi s’aligner sur la politique espagnole. L’Espagne remportait là une de ses plus belles victoires diplomatiques du xvii e siècle. Le Saint-Siège quant à lui trouvait une satisfaction relative. Le 9 février 1627, les forts valtelins furent restitués au pape. Le 6 mars, les troupes pontificales et françaises avaient quitté la vallée.

Chapitre II
L’art de la négociation

La chronique des négociations s’accompagne nécessairement d’une analyse des pratiques diplomatiques des parties en présence afin de préciser leur incidence sur l’insuccès de la légation. Le cadre général des négociations méritait ainsi quelques éclaircissements. Les amitiés entre diplomates, l’importance de l’étiquette, la place du secret et du renseignement, la désinformation, les modes de négociation – audiences, entretiens ou conférences de paix – et les langues utilisées sont autant de facteurs qui influent sur le cours des négociations.

Pour comprendre la faillite de sa mission, il s’avère également intéressant d’apprécier la marge de manœuvre dont disposait le légat par rapport à ses moyens techniques, humains et idéologiques. L’étude des courriers, des instructions romaines, des propositions des théologiens pontificaux ainsi que des liens existant entre Barberini et ses ministres indique que le neveu du pape disposait d’une relative liberté d’action.

Mais Francesco Barberini ne fut jamais en position de force pour négocier avec ses interlocuteurs français. Souffrant de l’absence des diplomates espagnols, il se heurta à  l’intransigeance des ministres du roi. Louis XIII délégua la conduite des pourparlers à ses ministres, Marie de Médicis ne s’impliqua pas en faveur du Saint-Siège et les représentants du roi – l’ambassadeur de France à Rome Philippe de Béthune, le secrétaire d’État Raymond Phelypeaux d’Herbault, le maréchal de France Henri de Schomberg et surtout le cardinal de Richelieu – restèrent les maîtres inflexibles de la négociation.

Cela dit, les deux camps ont maintenu, chacun à leur manière, l’illusion de la paix. Dans ces conditions, l’échec était moins infamant et Barberini put rentrer à Rome en ayant maintenu son rang et perpétué la tradition apostolique de médiation, même diminuée. En un temps où les apparences avaient parfois plus de poids que la réalité, n’était-ce pas là l’essentiel ?


Troisième partie
Le cardinal Francesco Barberini, délégué apostolique du Saint-Siège


Chapitre premier
Un pouvoir et son exercice : les facultés du légat Francesco Barberini

Comme sa titulature l’indique, le légat a latere est détaché de l’entourage du pape, littéralement « de son flanc ». Le fonctionnement de la légation en tant qu’annexe décentralisée de la Curie, recevant des suppliques et expédiant des bulles, méritait donc attention. Francesco Barberini reçut ses pouvoirs par une bulle de facultés, complétée par des brefs, pour le royaume de France et pour la durée de sa légation, mais il ne put les exercer qu’après autorisation royale, accordée sous la forme de lettres de placet, et vérification et enregistrement des bulles par le Parlement, ce qui laissa aux parlementaires une assez grande liberté d’action, voire de nuisance. Ces « facultés » s’étendaient sur des domaines fort divers tels que les matières bénéficiales, la justice ecclésiastique ou bien encore les affaires de conscience. Assisté d’une chancellerie dont la structure ressemble à celle de la chancellerie romaine, toute proportion gardée, composée d’un régent, qui assurait aussi les fonctions de dataire, de référendaires, d’un abréviateur, d’un enregistreur qui tenait les registres de suppliques et de bulles, le légat devenait alors une sorte de « vice-pape ».

Francesco Barberini fut fortement sollicité par des personnes de conditions et d’origines très diverses ainsi que pour des motifs extrêmement variés. Les chiffres sont assez éloquents : sa chancellerie a expédié en cinq mois plus de 770 actes et les demandes proviennent de 81 diocèses différents. Aussi, les « libertés de l’église gallicane » tant défendues par les parlementaires s’accommodèrent très bien de l’intervention régulatrice du Saint-Siège.

À travers l’étude des registres de suppliques et de bulles de la légation se dessine enfin un tableau relativement instructif de la pratique bénéficiale et de la vie religieuse dans le royaume de France en 1625. Celui-ci voit les décrets tridentins de plus en plus appliqués. Par comparaison avec les légations de la fin du xvie siècle, les situations scandaleuses sont en diminution très sensible. La collation des bénéfices et les dispenses matrimoniales en sont les illustrations marquantes. La légation Barberini est ainsi un révélateur intéressant du rétablissement moral et religieux à l’aube du « Siècle des Saints ».

Chapitre II
Juridiction pontificale et autorité épiscopale

Décrétée année jubilaire par Urbain VIII, l’année 1625 est aussi celle de la réunion de la grande assemblée décennale du clergé de France. Francesco Barberini arrive ainsi à un moment essentiel dans les affaires religieuses françaises. Délégué apostolique, il représente à lui seul la juridiction pontificale dans sa globalité. L’affaire du chanoine Louytre lui donna l’occasion de la défendre. Ce chanoine, subdélégué apostolique, avait jeté l’interdit sur la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon, à la suite d’une longue querelle qui trouvait ses origines dans la fondation des monastères de carmélites en France. Cet acte suscita l’émoi de l’assemblé du clergé qui, souhaitant soutenir la juridiction épiscopale, parla de le condamner. Deux conceptions de la réforme catholique se firent alors face. Le Saint-Siège entendait en prendre la tête alors que les évêques pensaient que cette réforme n’était pas possible sans un renforcement de leur autorité, avec ou sans l’approbation pontificale. Mais si la juridiction romaine fut quelque peu ébranlée, elle n’en sortit pas moins finalement vainqueur grâce à l’habileté du légat et du nonce Bernardino Spada.


Conclusion

Préoccupation centrale du Saint-Siège, la question de la Valteline révèle les aspirations et les limites de la politique du pape dans le concert des puissances catholiques. Médiateur recherché par les deux Couronnes, le souverain pontife s’est largement investi pour obtenir une paix catholique conclue sous son autorité. La légation du cardinal Francesco Barberini en France en 1625 est l’illustration de la volonté pacificatrice du Saint-Siège dans le cadre d’une neutralité active. Mais les propositions de paix que le légat formula en accord avec Rome s’appuyaient sur des motivations éminemment religieuses : la souveraineté de protestants sur des catholiques ne devait pas être reconnue. Cette rigidité explique en grande partie l’échec de Barberini. Celui-ci permit néanmoins d’entretenir l’espoir de la paix jusqu’à la conclusion du traité de Monçon qui reçut l’approbation du Saint-Siège pourtant exclu des négociations.

Paradoxalement, le succès de cette légation politique réside dans l’activité spirituelle, pastorale et juridictionnelle de Barberini. il serait toutefois inexact de parler de « spiritualisation » de la puissance pontificale. Le poids de la diplomatie romaine reste toujours de première importance en 1625. Cela dit, la légation du cardinal-neveu en France marque une étape décisive dans l’histoire de la représentation diplomatique du Saint-Siège. Engageant particulièrement l’autorité du souverain pontife, les légations détenaient en effet une forte charge symbolique et leur échec était de fait particulièrement retentissant et coûteux pour le pape ; elles perdirent naturellement leur intérêt politique dans le règlement des conflits. Après la faillite de la mission du légat Marzio Ginetti à Cologne de 1636 à 1640, ce fut un simple nonce extraordinaire, Fabio Chigi, que le pape envoya négocier en 1644 aux congrès de Westphalie. Si les légations à titre honorifique ne disparurent pas pour autant, désormais ce furent les nonces qui devinrent les agents par excellence de la diplomatie pontificale. Au lendemain des traités de Westphalie, le temps des légations de paix était révolu.


Pièces justificatives

Édition intégrale du mémoire d’instructions et de la correspondance du cardinal Francesco Barberini, légat en France, avec le cardinal Antonio Barberini senior, surintendant de l’État ecclésiastique (28 mars-27 novembre 1625) selon les normes de la collection des Acta nuntiaturae gallicae de l’école française de Rome. 104 dépêches et 95 pièces jointes.


Annexes

Itinéraire du cardinal Francesco Barberini. – Prosopographie des membres de la légation. – Avis prophétique. – Chant de triomphe sur l’entrée du légat dans Lyon. – Relations des entrées du légat dans Lyon et Paris. – Extraits des Mémoires du cardinal de Richelieu. – Bulle de légation. – Bulle de facultés générales. – Facultés complémentaires. – Lettre de placet de Louis XIII. – Relation de la vérification et de l’enregistrement des facultés du légat par le parlement de Paris. – Arrêt du parlement de Paris. – Exemple de supplique sola signatura signée par le légat. – Exemple de bulle expédiée par le légat. – Contestation d’une décision du légat. – Brefs d’Urbain VIII.